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        Je reviens à ce prodigieux compositeur méconnu qu'est Ivan Wyschnegradsky, après avoir découvert que - comme c'est souvent le cas - une association s'est créée après sa mort qui a réussi à faire enregistrer certaines de ses oeuvres, tandis que plusieurs d'entre elles ont été mises en ligne sur youtube.

    wyschnegradsky.jpgWyschnegradsky en 1925 (à l'âge de 32 ans)


        « J’aurais pu être poète, philosophe ou musicien. J’ai choisi la musique : je suis donc compositeur. » a-t-il paraît-il déclaré.

       Lorsque l'on écoute cette oeuvre fabuleuse qu'est "La Journée de l'Existence", profonde méditation sur la Vie qui est à la fois une profession de foi philosophique, un très long et vibrant poème, et un monument musical de cinquante-deux minutes, on s'aperçoit qu'il sut en fait être les trois - à l'instar de Richard Wagner, dont il fut très admiratif mais qu'il ne suivit nullement dans son style, se voulant résolument contemporain dans la lignée russe d'après Scriabine.

        Né en 1893 à Saint-Pétersbourg dans une grande famille très cultivée (son grand-père était un mathématicien renommé, son père quoique financier de profession était compositeur à ses heures, et sa mère, poète), Wyschnegradsky étudie la musique et la composition très jeune ; quoique séduit par les idées de la révolution, il quittera la Russie en 1920 et s'installera à Paris, où il poursuivra son oeuvre jusqu'à sa mort en 1979.

        En 1915, marqué par la disparition du grand compositeur Scriabine, il vit une expérience spirituelle et mystique intense (il était passionné depuis un moment par les philosophies orientales) qui le conduit à écrire ce qu'il pense être l'oeuvre de sa vie, la Journée de l'Existence, pour Récitant et grand orchestre symphonique - une page extraordinaire dont j'ai parlé plusieurs fois sur ce blog

         Cependant il était encore jeune, et bien sûr beaucoup d'autres œuvres suivront, souvent hardies car dans la mouvance contemporaine - le compositeur s'intéressant entre autres particulièrement à l'utilisation des quarts de tons (il utilisa même à cet effet un piano spécialement conçu pour rendre les quarts et même les huitièmes de ton).

         Très respecté de la plupart de ses contemporains, il laisse derrière lui un important catalogue (voyez aussi ici), mais ce n'est qu'à la fin de sa vie, vers 1976, que l'on commença à l'enregistrer et à l'interviewer.

    wyschnegradsky_1.jpgWyschnegradsky en 1978 (à l'âge de 85 ans)

     
      Je vous laisse découvrir aujourd'hui cette "Méditation sur deux thèmes de la Journée de l'Existence" op.7, composée par lui pour violoncelle et piano et enregistrée à l'occasion d'un concert qui lui fut consacré par Radio France en janvier 1977.

        Le violoncelliste - qui vous l'entendrez esquisse parfois des quarts de tons, voire des 6e de tons - est Jacques Wiederker, mais le pianiste (utilisant un piano en demi-tons) est Martine Joste. L'oeuvre date de 1918 et fut révisée en 1976.

     

     
     Une oeuvre sublime, bouleversante d'un jeune homme de 25 ans, évoquant les douleurs, les luttes de l'homme d'aujourd'hui...  Comme vous le percevrez peut-être elle n'existe qu'en vinyle et reste donc introuvable. Merci donc à celui qui nous l'offre sur youtube, avec bien d'autres pages de l'artiste !

     
     
     

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  •   Je dois avouer que depuis qu'Antiochus m'a branchée sur le 3e concerto pour Piano de Prokofiev joué par Martha Argerich je ne peux plus m'en lasser... d'autant que la vidéo sur youtube est excellente.

       Je ne saurais que vous conseiller de suivre ce concerto en entier (ici le 1er mouvement, le second), mais je vous en offre ici le finale (repris dans ma musique d'accompagnement du blog, colonne de droite), dont j'aime particulièrement les étranges cris d'oiseaux entendus vers la fin.

       Vous retrouvez là le Prokofiev que l'on connaît bien, rythmique, carré et peu émotif en apparence, à l'image de ce que l'on demandait aux Russes en ce début du XXe siècle (l'oeuvre date de 1921). Mais bien vite, dès le second thème, reparaît ce merveilleux lyrisme "des grands espaces" qui caractérise les compositeurs du Nord et de l'Est, en de grandes phrases généreuses qui transportent et font rêver. C'est alors qu'à l'évocation, dit-on, d'une nuit dans la campagne de son pays, il note musicalement de petits cris d'animaux qui, à mes oreilles sonnent comme des gloussements de basse-cour... mais qu'en est-il au juste ? Il s'agit peut-être d'oiseaux de nuit ? 

       Enfin, si vous observez bien la pianiste dans cet enregistrement récent, réalisé en mars 2008 à l'auditorium Arturo Toscanini de Turin, avec le concours de l'Orchestre Symphonique National de la Radio Italienne (RAI) sous la direction de Tugan Sokhiev, vous verrez qu'elle est tout simplement prodigieuse. Ce concerto est enlevé avec une verve, une puissance que j'ai du mal à retrouver dans d'autres enregistrements proposés sur deezer.

        J'ai intitulé ce mouvement, dans la colonne de droite, "musique de septembre" à cause du dynamisme communicatif qu'il nous apporte pour affronter cette rentrée ! 

     

     
     

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        Vous avez sans doute eu connaissance d'une vidéo qui circule en ce moment dans les boîtes mail, au sujet du merveilleux travail réalisé par la NASA pour acheminer un robot jusqu'à la planète Mars. Nous avons d'ailleurs suivi son atterrissage dans les journaux télévisés, mais le film en question est un excellent reportage sur la totalité de l'expérience (voir ici). 

       Alertée par la revue l'Education Musicale, j'aimerais vous faire profiter d'un autre genre de voyage, tellement plus ancien qu'on le dirait originaire de l'époque de Voltaire : c'est le "Voyage dans la Lune", de Georges Méliès, un film datant de 1902 (!), et qui a été assorti en 2011 d'une musique originale d'Augustin Belliot, pour octuor de saxophones et 8 voix mixtes.

       Le choeur est composé de membres de l'Ensemble La Chapelle-Musique, et les saxophones issus de l'octuor Oct'opus ; ils sont dirigés par Etienne Ferchaud.

     

     
     

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       Prendre les chemins forestiers, n'est-ce pas le moment, alors que paraît-il on y rencontre actuellement les plus délicieux champignons : des pieds de mouton ?

     

    pieds-de-mouton.jpg


        Hier soir avait lieu à Issoudun la première des quatre conférences proposées cette année par Robert Bichet sur la musique du XXe siècle, que j'ai annoncée ici sur le site qui lui est consacré ; et en amateur averti de ces espèces savoureuses il ne manqua pas d'y faire allusion, se promenant devant nous sur le plateau pour comparer sa découverte d’œuvres méconnues à celles d'un promeneur revenant sur ses pas et dénichant avec étonnement de magnifiques spécimens comestibles qu'il n'avait pas aperçus à son premier passage.

     

    RBichet-conference-Francaix.jpg
    Robert Bichet


        Il pensait nous parler de Jean Françaix et de Jean-Michel Damase, musiciens "souriants", afin de nous apporter un peu de soleil lors de cette entrée dans l'automne. Mais malgré les similitudes entrevues entre ces compositeurs - tous deux éloignés des courants artistiques de l'époque, tous deux précoces dans l'art musical et particulièrement doués, tous deux enfin représentatifs d'une "musique à la française", plutôt gaie et raisonnée - il se demandait comment articuler son propos, surtout que pour Jean-Michel Damase les enregistrements et - pire - les anecdotes et témoignages de sa vie manquaient cruellement. En effet Jean Françaix, né en 1912, est non seulement disparu (en 1997) mais en plus fait l'objet cette année de publications multiples pour le centenaire de sa naissance ; tandis que Jean-Michel Damase, né en 1928, n'a pas encore atteint cette situation fatidique et avantageuse ! 

     

     FRANCAIX-Jean.jpg
    Jean Françaix

        Ce fut donc Jean Françaix qu'il cita, à travers cette phrase qui nous a ravis :

    « Aux autoroutes de la pensée, je préfère les chemins forestiers »

       C'est ainsi que Françaix semble-t-il justifiait son profond désintérêt pour les modes en matière de composition musicale. Plutôt gaie et primesautière, son abondante production nous était apparue cependant moins tendre et attachante que celle de son contemporain Damase, jusqu'au moment où, tel un champignon rare tardivement déniché, Robert nous fit entendre son "Apocalypse selon Saint-Jean", puis son concerto pour deux pianos ; œuvres qui ne furent enregistrées que récemment et que lui-même n'avait découvertes qu'à l'occasion de cette conférence. En suivant les liens ci-dessus vous trouverez de nombreux extraits à écouter de l'Apocalypse selon Saint-Jean, qui est dit-on l'oeuvre majeure du compositeur, mais moi sur deezer je vous ai seulement trouvé cette variation extraite de la Fantaisie pour Violoncelle et orchestre, enregistrée avec le violoncelliste Henri Demarquette en 1994.

     

     

         Devrons-nous de même patienter jusqu'en 2028 pour redécouvrir les œuvres méconnues de Jean-Michel Damase : à savoir toute sa musique symphonique, ses opéras et ses ballets, alors que pour le moment on ne trouve de lui pratiquement que de la musique de chambre ? Un site mentionne ici sa prodigieuse virtuosité d'écriture, montrant comme il a su, à la fin d'un opéra, insérer de facétieux pastiches de ses prédécesseurs romantiques. Mais voici que deezer nous propose tout de même son double concerto pour basson, harpe et orchestre ! Ayant eu une mère harpiste, Damase affectionne particulièrement cet instrument qu'il utilise à merveille. Écoutez...
     
     

        Ne sommes-nous pas là dans les plus ravissants chemins, colorés et souriants à souhait, et remplis de la plus grande tendresse ? 
     
     
    damase.jpgJean-Michel Damase


     

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  •    Domi évoquait aujourd'hui sur son blog une très belle mélodie d'un certain Carl Bohm de moi inconnu (compositeur et pianiste allemand, 1844-1920) qu'elle avait eu l'occasion d'interpréter avec bonheur dans sa jeunesse : "Still wie die Nacht" (que l'on peut entendre aussi ici avec le texte plus détaillé dessous). Le poète y évoque l'amour que doit éprouver sa bien-aimée envers lui : "Paisible comme la nuit, Profond comme la mer, Doit être ton amour"...

     

    mere-veilleuse.jpg
    Toile d'Annie Lauro

       Magnifiée par l'ajout d'un orchestre et même de chœurs, cette mélodie évoquant la paix nocturne m'en a aussitôt rappelé une autre datant de la même époque et que j'avais eu la chance d'entendre interprétée par une immense cantatrice sous une forme également orchestrée, mais en français cette fois : le Nocturne de César Franck (1822-1890).

     

    christa-ludwigChrista Ludwig


      Composée sur un poème de Louis de Fourcaud (1851-1914), elle était chantée par Christa Ludwig, soprano dramatique que j'ai découverte en Allemagne au Festival de Bayreuth, puis que j'ai retrouvée à Paris à l'occasion d'un merveilleux récital ; et l'accompagnement écrit initialement par César Franck pour le piano était confié à l'Orchestre de Paris sous la baguette de Daniel Barenboïm, grâce à l'orchestration qu'en avait conçue l'élève de César Franck Guy Ropartz - musicien breton dont j'ai souvent parlé sur ce blog.

        En voici le texte :

     

    Ô fraîche Nuit,
    Nuit transparente,
    Mystère sans obscurité ;
    La vie est noire et dévorante,
    Ô fraîche Nuit,
    Nuit transparente,
    Donne-moi ta placidité.

     

    Ó belle Nuit,
    Nuit étoilée,
    Vers moi tes regards sont baissés ;
    Éclaire mon âme troublée,
    Ô belle Nuit,
    Nuit étoilée,
    Mets ton sourire en nos pensers.

     

    Ô sainte Nuit,
    Nuit taciturne,
    Pleine de paix et de douceur ;
    Mon coeur bouillonne comme une urne,
    Ô sainte Nuit,
    Nut taciturne,
    Fais le silence dans mon coeur.

     

    Ô grande Nuit,
    Nuit solennelle,
    En qui tout est délicieux ;
    Prends mon être entier sous ton aile,
    Ô grande Nuit,
    Nuit solennelle,
    Verse le sommeil en mes yeux...

     

    Louis de Fourcaud

     

       Ne trouvant pas cet enregistrement sur le net, j'ai essayé de transférer en mp3 la vieille copie cassette que j'en possède. Le résultat est moyen, mais je vous le propose tout de même.

     

          (Nocturne de César Franck)
    Deux enregistrements en sont encore disponibles, si mes recherches sont exactes, l'un sur un album consacré à César Franck (chez amazon, il s'agit du disque original repiqué sur CD), et l'autre dans une compilation d'oeuvres variées interprétées par Christa Ludwig (à la Fnac) 


    douce-nuit-etoilee

     
     
     

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