•       Cet après-midi j'ai encore rencontré un train de grues très motivées et motivantes. Mais n'ayant pu les enregistrer, je me propose de vous faire découvrir simultanément Raphaël, que vous ne connaissez sans doute pas (sinon, dites-le moi tout de suite !), un musicien américain né en 1948 et dont les disques parus sous l'excellent label "Hearts of space" sont d'une grande profondeur mystique - quelque peu passionnée et frémissante  il est vrai comme l'y invite sa formation de pianiste.  

              Voici justement que l'on commence à le trouver sur youtube.

          Tout à l'heure je marchais dans la campagne quand soudain je les vis...

          Elles arrivaient courageusement de ma gauche en un V immense qui se perdait dans l'espace. Et peu à peu je les entendis, mais je n'avais rien pour photographier ni filmer. Elles ne criaient pas toutes, non, mais seulement chaque chef de file.

          La première, tout devant, clamait plus fort et fendait l'air tel le Cavalier de Feu du tarot Zen.

     

    Zen- L'intensité

      

         Derrière des traînées s'effilochaient, tantôt semblables à de longs rubans ondulant sur les bords, tantôt regroupées en un second bec superposé au premier par l'intérieur, dans des variations aussi imperceptibles qu'étonnantes.

         Et courageuses, je les entendais s'exhorter :

          «   Allez ! Allez ! Allez ! »

       Oui, elles avaient le cran, elles, de quitter l'endroit où elles s'étaient nichées et de partir, à l'opposé, contre vents et marées, quelle que soit leur fatigue, dans un immense voyage incertain.

        Et elles allaient vite ! J'avais à peine suivi leur passage juste au-dessus de ma tête que déjà elles se confondaient au soleil, leur guide à n'en pas douter. Et je ne voyais plus qu'un lacet noir dansant dans la lumière...

    Raphaël et les grues   



          Alors voilà, ce soir donc elles m'ont donné envie de vous faire entendre ce passage du premier disque de Raphaël (à ne pas confondre avec un chanteur connu) : Music to disappear in (que vous pouvez écouter intégralement ici), intitulé Résurrection.

       L'extrait semble inachevé parce qu'en fait le disque est conçu pour que chaque morceau s'enchaîne au suivant. Il n'y a de véritable césure qu'au milieu, car la première partie du disque est composée de musique de type occidental, avec en particulier deux citations du Requiem de Gabriel Fauré (c'est mal indiqué sur le disque mais Raphaël, qui aime à intégrer des musiques existantes à ses propres disques, inclut là ces citations pour évoquer la mort et introduire sa composition "résurrection") ; tandis que la seconde partie est dans le style indien, avec une référence à Shiva.

     


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  •        L'homme est perdu en ce monde, voué à la souffrance, à la perte et à la mort.
        Et pourtant, qui n'a jamais rencontré ce regard, cette main tendue, lui apportant la preuve qu'il n'est pas seul et qu'un secours lui est offert ?

        À ceux qui l'ont appelé de leurs vœux et qui savent ouvrir les yeux, ce secours ne manque jamais.

           Il vient, et c'est le sujet de cette action de grâces : 

    " Béni soit celui qui vient au nom du Seigneur !"

            La Force de Vie incommensurable qui est au-delà de nous ne nous oublie pas, ne nous laisse pas orphelin.

     

     

         

         Cette vidéo ne comporte pas d'image particulière. C'est donc une action de grâces dont la destination est au-delà même de toute représentation. À chacun d'imaginer ce qu'il veut...

     

     


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  •      Le Martyre de Saint-Sébastien est une oeuvre un peu délaissée de Claude Debussy, mal aimée à cause du caractère provocateur de son livret signé du poète italien Gabriele d'Annunzio.

       Musique de scène composée en 1910 à la demande d'Ida Rubinstein, elle est pourtant d'une grande beauté et l'on y perçoit des accents insoupçonnés dans le génie du musicien, mystique dans l'âme à travers une sorte de panthéisme nourri d'influences wagnériennes, mais aucunement catholique.

         Ce "Mystère" scénique inspiré des anciennes représentations effectuées sur les parvis des églises se divise en "mansions", ce qui signifie des "étapes", ou un peu des "stations" comme dans un chemin de croix.

         Pour ma part, l'ayant découverte il y a longtemps dans un vinyle qui n'en donnait que les passages musicaux et chantés, j'ai aussitôt été fascinée par une sorte de message surnaturel présent dans cette musique et absent des autres oeuvres du compositeur.

         Aujourd'hui que j'en écoute également les parties écrites pour récitant, j'y trouve des significations nouvelles.

     

    Johfra - Le Sagitttaire

            

       C'est d'autant plus d'actualité que nous sommes dans le mois du Sagittaire, et que Sébastien, officier de la garde prétorienne sous Dioclétien, mourut percé des flèches de ses propres archers à cause de sa conversion au christianisme.

         Le symbolisme du Sagittaire, qui est d'élever son idéal au plus haut vers le ciel et de se projeter en lui, est donc immédiatement illustré dans le texte par Sébastien lui-même.

     

    Gloire, ô Christ Roi !
    Et maintenant je me désarme !
    Je suis l'Archer certain du but.
    Voici l'arc double, le carquois fourni
    de dix-sept sagettes ailées
    et le brassard où est gravée
    la figure zodiacale
    du Sagittaire criblé d'astres.

    Gabriele D'Annunzio - Le Martyre de Saint-Sébastien. Première Mansion, la Cour des Lys.

      

     Je m'attarderai cependant volontiers sur le Prélude qui précède, où l'on voit paraître deux jumeaux, qui pour l'argument de la pièce sont deux chrétiens condamnés à marcher sur des braises ardentes et pour lesquels Sébastien va intercéder.

          Écoutez ces quelques phrases musicales qui trahissent déjà un Debussy parfaitement inhabituel il me semble :

     

     

     

         Ces "Jumeaux" m'interpellent car leur caractère opposé l'un à l'autre et leur identification dans le texte au monde me rappelle la dualité qui marque l'univers manifesté. À bien lire, il semble que l'un soit clair, l'autre sombre ; que l'un soit doux, l'autre violent ; et que si l'amour qui les relie est retiré et rendu au Christ, la signification en est le détachement au monde qui de ce fait devient plus léger que tout.
           De plus, le signe des Gémeaux étant en astrologie opposé (ce qui selon cette science signifie plutôt en face de c'est à dire s'équilibrant avec, plutôt que contraire) à celui du Sagittaire, il semble que la présence initiale de ces deux jeunes gens, stables dans leur bipolarité, assure la solidité de l'Archer qui va tirer vers le ciel.  
         Voici donc le texte, chanté à deux voix, à la suite du fragment proposé ci-dessus  :

    Frère, que sera-t-il le monde,
    Allégé de tout notre amour ?
    Dans mon âme ton cœur est lourd,
    Comme la pierre dans la fronde...
    Je le pèse au-delà de l'ombre,
    Je le jette vers le grand jour !

    J'étais plus doux que la colombe ;
    Tu es plus fauve que l'autour !
    Toujours, jamais, jamais, toujours
    Fer ne t'effraie, feu ne me dompte.
    Beau Christ, que serait-il le monde,
    Allégé de tout votre amour ?

    Gabriele D'Annunzio - Le Martyre de Saint Sébastien - Première Mansion, la Cour des Lys.

     

          Je passe  les nombreux épisodes tous plus poétiques et chargés de sens les uns que les autres, qui opposent la religion païenne au Christ tout en laissant transparaître des analogies criantes entre elles (raison du déchaînement des foudres de l'archevêque de Paris, avec le fait que la récitante était une femme, juive de surcroît...) pour m'attacher à la troisième Mansion, le Concile des faux Dieux, où Jésus est clairement mis en parallèle avec Apollon et Adonis.

         Quoi qu'en disent les autorités ecclésiastiques, il faut bien se souvenir qu'Apollon, à Delphes, était honoré d'un culte à mystères, ce qui est à proprement parler le principe même de l'initiation, et donc d'une mystique. Et qu'il en était de même d'Adonis, vénéré au moyen-orient où le mysticisme était encore plus chevillé au cœur des fidèles. Ainsi, tandis que le chrétien ne voit dans ces figures que de pâles reflets de celle du Sauveur qu'il connaît, en fait on peut penser qu'elles en sont en réalité la parfaite sublimation. 

          

    Apollon - AdonisApollon - Adonis

    Apollon - Adonis

       

        Cependant l'on voit bien que les moeurs relâchées des grecs et des orientaux avaient transformé ces figures en modèles de lascivité.

         C'est pourquoi, Sébastien, mis en accusation par Dioclétien, s'exclame :

     

    César, sache que j'ai choisi mon dieu.
    Seul le Christ rayonne,
    l'Unique !

    Il régit dans sa main la force
    du ciel creux, comme le marin
    serre l'écoute de la voile.

    Entre vous et le jour,
    Il est.

    Entre vous et le soleil mort,
    Il est,
    Unique.

    Gabriele D'Annunzio - Le Martyre de Saint Sébastien -
    Troisième Mansion, Le Concile des Faux Dieux.

     

         Voici maintenant que, face à ces visages de divinités faussées et vidées de leur substance par l'ignorance des hommes, Sébastien se remémore Jésus, celui qu'il aime, à la veille de sa Passion au Mont des Oliviers.

     

     

     

           La scène, dans laquelle le récitant à l'instar de la commanditaire Ida Rubinstein, est une femme (ici Leslie Caron dans l'enregistrement Sony classical dirigé par Michael Tilson Thomas), est presque insoutenable où on l'entend murmurer : "Non comme je veux, mais comme TU veux..." et c'est ce qui déchaînera les foudres de César et le poussera à jeter Sébastien aux flèches des archers.

     

    Le Martyre de Saint-Sébastien - relectures

     

                 Voici alors une page magnifique dont je vous propose surtout l'écoute. L'écriture de Debussy, totalement inédite par rapport à ses autres oeuvres à mon avis, est manifestement ce qui a inspiré Olivier Messiaen pour la scène de son Opéra "Saint François d'Assise" où le saint reçoit les stigmates ... On y perçoit les mêmes frémissements, les mêmes souffles de vent. Bien sûr, le solo de cor anglais initial est plutôt emprunté à Wagner, mais en tellement plus chromatique ! Quant au texte, il est sublime (juste une petite erreur sans gravité : c'est "décochez ", et non "décrochez vos flèches"). 

     

     

     

         Mais je vous le laisse écouter, pour ne pas alourdir cet article, et me contenterai de vous noter pour terminer les belles exclamations jubilatoires exprimées par l'âme de Sébastien libérée à la fin de son supplice.

    Je viens ! Je monte !
    J'ai des ailes !
    Tout est blanc !
    Mon sang est la manne
    Qui blanchit le désert de Sin.
    Je suis la goutte, l'étincelle, et le fétu...
    Je suis une âme, Seigneur,
    Une âme dans ton sein !

    Gabriele D'Annunzio - Le Martyre de Saint Sébastien - Fin de l'oeuvre

     

     

    Le Martyre de Saint-Sébastien - relectures

     

         L'oeuvre se termine sur un psaume de louanges.
        J'espère vous avoir donné envie de la découvrir, si ce n'est déjà fait !

     

      


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  •     En ce 6 décembre, je ne résisterai pas au plaisir de vous représenter cet article datant des débuts (ou presque) de ce blog : décembre 2006...  Et bien sûr c'est tout un problème de le "récupérer" avec le changement de plate-forme ! Mais on finit par y arriver, en s'appliquant. 


        J'y ajoute simplement mes réflexions du jour : 

     Le chiffre 3, associé aux petits enfants, est évidemment symbolique. On pense logiquement à une "image" destinée à représenter l'enfance dans sa totalité, depuis l'aîné qui est déjà sérieux et relativement mûr, puis le cadet qui le suit docilement, jusqu'au tout-petit qui disparaît sous les épis... Mais dans une optique plus profonde, j'aurais tendance à y voir les trois corps (physique, émotionnel et mental) de l'être humain perçu dans son innocence première.   Descendant en incarnation, l'être humain pense glaner et batifoler innocemment dans le monde ; mais le monde le piège, car il cherche "un abri pour la nuit", il a besoin de sécurité. Il frappe donc à une porte qui est fatalement celle de l'oubli.     Le boucher est la puissance qui va figer sa chair en matière morte, c'est-à-dire totalement inconsciente de sa véritable Nature.
        Saint Nicolas sera alors l'intervention divine qui un jour viendra le tirer de sa torpeur et lui rappeler (et il faut être tout petit, pour se rappeler ! Sens de la réplique du 3e enfant) qui il est véritablement.  

    *   *   *    
     

         C'est la Saint Nicolas, aujourd'hui. Tous ceux qui vivent ou ont vécu dans l'Est de la France font la fête ou ont des souvenirs de fête.

     

    Saint-Nicolas en Tchéquie
    (voir le site de Radio Prague ici )


        Joseph-Guy Ropartz (1864-1955), que j'ai déjà eu l'occasion d'évoquer à l'occasion de précédents articles (ici et ici), a été longtemps directeur du Conservatoire de Nancy ; et c'est à cette occasion que, pour motiver ses jeunes élèves de chant choral, il a composé une "Légende musicale" intitulée "Le Miracle de Saint-Nicolas", sur un livret de René d'Avril, un poète lorrain (1875-1966).
        Je vous livre ici un extrait de la fin, dans l'enregistrement qu'en a offert Michel Piquemal, sur un disque Naxos (Patrimoine) que je vous recommande vivement. 

      

     

    15e tableau

    (Alors le Saint, en souriant,
    Interrogea les beaux enfants.)

    Le premier dit : « J’ai bien dormi. »
    Le second dit : « Et moi aussi. »
    Et le troisième répondit :
    « Je croyais être en Paradis. »


    Le Miracle de Saint Nicolas (1905)
    Légende en deux parties et 16 tableaux
    pour chœur mixte, soli, voix d’enfants,

     piano, orgue, harpe et orchestre à cordes
    sur un poème de René d’Avril (durée totale 24’39)



    "Saint Nicolas et le Père Fouettard", photographie
    tirée du site des matatchines
     


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  •      Un peu de musique... Des bribes, un rêve...

          Ce nocturne est un opus posthume ; ce qui me donne à penser (quoique ce soit une erreur, car il daterait de 1830, tandis que Chopin fréquenta George Sand de 1836 à 1847 et mourut en 1849) qu'il porte en lui quelque chose de la mort, ou de la fin de vie : il semble s'essouffler, ne faire entendre que des échos, échos étouffés de cette existence tumultueuse dans les salons, dont bientôt il ne reste plus que la complainte profonde d'un cœur qui s'éteint... ou s'ouvre à l'infini ?

         Le petit jeune d'origine polonaise qui l'interprète ici a le visage du Petit Prince, un vrai petit soleil, et je n'ai trouvé personne parmi les vieux croûtons qui l'entourent pour le valoir... Il faut simplement faire abstraction de l'enthousiasme de la foule, avant, et après l'exécution de l'oeuvre.

     

     


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