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      Préliminaires remplis de surprises...

        Aujourd'hui, je me lance dans des souvenirs de voyage qui datent de l'été 1975, et dont je n'ai aucune trace écrite : seulement quelques photos...
        J'avais alors 24 ans, j'étais mariée depuis trois ans avec Robert, et nous vivions à Paris, enseignant tous deux dans des banlieues opposées. Robert, toujours à l'affût de "bons plans" pour voyager - alors que notre bourse était bien plate - avait commencé par s'acheter d'occasion une caméra super 8 qui faisait sa joie et dont il ne se lassait pas d'étudier les fonctions. Un matin, il revint de son collège radieux : une de ses collègues, dont le mari était journaliste et travaillait actuellement en Côte d'Ivoire, venait d'accepter de nous y recevoir et guider en août prochain  !
          Nous préparâmes nos passeports, mîmes à jour nos papiers, vaccins, et fîmes une réserve de "Nivaquine" (le traitement préventif du paludisme), tout heureux à l'idée de cette grande aventure. 

         Mais cela ne nous empêcha pas, à la mi-juillet, d'enfourner dans notre petite 2 CV  notre matériel de camping sommaire : une canadienne bleue, deux  duvets et un camping-gaz... Tout sauf rester à Paris l'été !
        Partis "à l'aventure" dans le Périgord, nous nous arrêtâmes dans une ferme près de Sarlat et demandâmes l'autorisation de camper dans un pré. Cette étape vaudrait à elle seule tout un récit, mais vous verrez bientôt pourquoi je ne puis la passer sous silence.



    Le pré où nous campions et les bergeries
    où nous nous réfugiâmes une nuit d'orage

        Nos hôtes, M. et Mme Coustaty, étaient deux personnes âgées de la soixantaine environ qui avaient confié le soin de leur ferme ("Boyer") à leur fils Élie et à leur bru (il me semble qu'elle se nommait Éliette ? Dans le doute, disons Éliette). Cependant madame Coustaty mère s'occupait toujours de son troupeau de chèvres avec lequel elle cheminait sans se lasser, poussant des cris aigus qui nous ravissaient, et M. Coustaty, extrêmement cordial et bavard, aimait à nous parler - avec son délicieux accent rocailleux et chantant - de la grotte qu'il avait découverte sur ses terres et pensait un  jour proposer au public.
        Robert, enchanté, s'empressa de proposer ses services pour rentrer le foin... Et ainsi tout naturellement nous fûmes très souvent invités à partager les merveilleux repas faits de soupe où flottaient des légumes et du pain, confectionnés par Eliette pour une immense tablée.
        Mais nous apprîmes bientôt de leur bouche qu'un ranch était situé non loin de là, et nous nous y précipitâmes avec empressement. J'y appris à monter, à m'occuper des chevaux, et bientôt nous faisions de merveilleuses randonnées à cheval dans les environs (jusqu'à la Dordogne avec baignade en selle !).  Et c'est là que... des douleurs de ventre me prirent, après chaque séance d'équitation.
        Il fallait se rendre à l'évidence, il se passait quelque chose... que nous nous empressâmes de nous faire confirmer à Sarlat : j'étais enceinte !!!
        Ouh là ! Et le voyage en Côte d'Ivoire ?!!
      - "Ne vous inquiétez pas, dirent charitablement les infirmières, maintenant ça ne se passe plus comme autrefois. Mais prenez bien la Nivaquine, surtout : une crise de paludisme serait fatale au bébé..."
        Eliette se fit un devoir de me gorger de bon lait et de bons légumes remplis de vitamines... Ah ! Elle faisait bien, car nul ne savait ce qui nous attendait là-bas !
        Et savez-vous ce qu'il est advenu de la ferme de Boyer et de ses charmants hôtes ? Eh bien ils ont abandonné vaches et brebis pour fonder un élevage d'oies du Périgord, et ils sont devenus aujourd'hui (en souvenir de notre passage ?) une des fermes-auberges les plus réputées de la région des Eyzies.
        

    Mon Voyage en Afrique noire - 1

    Une vue actuelle de "Boyer";
    mais tout cet auvent situé au 1er plan est nouveau.
    A l'époque il n'y avait qu'une petite barrière de bois sur la gauche
    portant la boîte aux lettres,
    délimitant le chemin d'accès à la ferme.

     
     
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    Abidjan

    Mon voyage en Afrique noire - 2

        J'ai beau chercher, je n'ai pas de photos d'Abidjan... J'envisageais de rapporter peu de photos dans l'ensemble, pour la bonne raison que Robert filmait beaucoup, et qu'au plan des pellicules, j'avais décidé d'être plus sobre.
        Nous sommes donc partis d'Orly, si je ne me trompe, vers le 1er août, avec un billet de retour pour trois semaines plus tard (vers le 21). Pourquoi avoir choisi août ? Eh bien principalement parce qu'en Côte d'Ivoire c'était paraît-il la "petite saison des pluies", autrement dit un mois moins chaud que les précédents - mais cependant pas si arrosé qu'une véritable saison des pluies, nous avait assuré Margaret, la collègue de Robert.
        Le voyage par avion en lui-même me ravit : c'était mon 2e long voyage depuis le Canada, mais cette fois nous ne changions pas de fuseau horaire, ce qui était très amusant ! Du hublot je cherchai à repérer le Sahara, qui nous apparut comme une fournaise rouge secrétant des vapeurs sableuses qui noyaient totalement toute visibilité.
        A l'arrivée la chaleur lourde nous saisit, ainsi que l'apparence pauvre de l'aéroport par rapport à celui d'Orly. Mais ce qui me frappa le plus, ce fut une odeur de bois brûlé, une odeur insistante qui semblait régner sur toute la nature environnante.
        Nos hôtes nous attendaient bienveillamment : le mari de Margaret, Francis, nous expliqua qu'il était chargé de mission par l'ORSTOM (l'Office de Recherche Scientifique pour les Territoires d'Outre-Mer) pour enquêter sur les migrations de Malinkés (peuplades du Mali chassés de leur pays d'origine par la sécheresse) en territoire Baoulé (autochtones de Côte d'Ivoire).
        Nous restâmes quelques jours chez eux, dans un appartement éloigné du centre ville. Je fus stupéfaite de découvrir que leur cabine de douche  en ciment brut semblait ne jamais sécher, et que qui plus est, moi-même, après avoir pris une douche, non seulement je ne pouvais me sécher, mais en plus j'avais toujours aussi chaud qu'avant ! Lors de la promenade du soir, je me sentis les jambes si lourdes que je ne réussis pas à marcher longtemps ; pourtant le ciel était tout gris...  Par contre, dans la chambre bien fermée qu'ils mirent à notre disposition, la climatisation nous parut insupportable (ils nous avaient bien prévenus !) tant ce souffle d'air froid qui nous tombait dessus était de nature à perturber le sommeil (c'était comme un ventilateur de froid qui soufflait du mur vers le lit, et "on pouvait", disaient-ils," attraper une angine").

        Le lendemain nous visitâmes Treichville, le quartier populaire, qui ravit Robert.
        Les photos que j'insère ici sont issues du net.
     

    Mon voyage en Afrique noire - 2

        Puis nous traversâmes le Plateau, quartier des affaires :
     
     Mon voyage en Afrique noire - 2

        Enfin, nous nous rendîmes à Cocody, pour visiter l'Hôtel Ivoire (ouvert à tous puisque rempli de boutiques de grande classe). Je fus très surprise de devoir enfiler une petite laine à l'intérieur, alors que la température était censée y être de 25°. La différence avec l'extérieur était énorme.
     

    Mon voyage en Afrique noire - 2

     
        Le troisième jour, nous nous promenâmes dans les environs, et notamment à Grand Bassam, ancienne station balnéaire chic du début du siècle, qui était maintenant abandonnée à une population pauvre, et dont les magnifiques villas de style colonial tombaient en ruines, envahies par la végétation... C'était à la fois magnifique et stupéfiant à voir.
     

    Mon voyage en Afrique noire - 2

     
        Je trouvai la plage superbe, en regard de la triste lagune aperçue à Abidjan (où l'on ne voyait que des femmes frictionnant leurs enfants au savon !) : sables et palmiers s'étendaient à perte de vue... Hélas, on me détrompa bientôt : se baigner ici, c'était courir à sa perte. Une "barre" menaçante apparaissait à quelques brassées au large, indiquant que, du fait d'une brusque chute du terrain, de fortes vagues ceinturaient en permanence le site. "Et au-delà ?" demandai-je. "Au-delà, il y a des requins !" me fut-il répondu. Charmant pays !...
     

    Mon voyage en Afrique noire - 2

     
       Francis travaillait toujours à l'ORSTOM. Mais il devait partir pour la brousse dans les jours suivants, et comptait nous y emmener. Son guide-interprète, Coulibaly, vint nous serrer la main avec un large sourire, et Francis nous expliqua qu'il avait obtenu autant de lits de camp que nécessaire pour que nous soyons tous hébergés par l'habitant au titre de la mission scientifique. A la bonne heure ! C'était du matériel de l'armée, auquel s'adjoignait une provision de pastilles à épurer l'eau.
        Robert était enchanté ! Moi je me disais que ce n'était pas vraiment ce que les infirmières de Sarlat avaient prévu pour moi...


     
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    Départ pour la brousse


        Deux jours à peine après notre arrivée, nous partions pour la "brousse".
        - "La brousse ? Mais qu'est-ce que c'est ?"
        - "Eh bien, c'est dans la forêt vierge ! me répondait Robert tout excité. Nous allons vivre dans des villages avec des paysans tout à fait simples ; grâce à Francis, nous allons faire le voyage que personne ne fait : nous allons découvrir l'Afrique profonde !"

        Et voici mes premières photos "perso" : une petite pellicule en noir et blanc...  D'abord, Robert dans la voiture avec Coulibaly, le chauffeur-interprète.
     

    Mon voyage en Afrique noire - 3

    Puis, moi dans la Saharienne...

    Mon voyage en Afrique noire - 3

    (Ah ! nous étions jeunes alors !...)

        Nous partîmes donc vers le nord-ouest, en direction de Soubré, sur les rives du Sassandra. Jusqu'à Soubré, nous avions la route ; mais ensuite, ce fut la piste, une piste rouge (ça ne se voit pas sur la photo), et plus ou moins mauvaise, pleine de trous et de soubresauts (aïe !).

    cote-divoire.jpg

        Voici un aperçu  de notre  périple : d'abord, d'Abidjan à Grand Bassam, vers l'est. Puis vers Soubré, à l'ouest, et ensuite jusqu'aux environs de la croix, vers la frontière du Libéria, par une piste qui s'achevait en cul-de-sac à la grande forêt "vierge" (c'est-à-dire non encore débroussaillée ! d'où le mot "brousse"), après environ quatre villages de planteurs et à une quarantaine de kilomètres à l'ouest de Soubré. 

        Sans doute pour ne pas arriver le soir au village que nous visions, habité par des Malinkés d'origine malienne et musulmans de tradition, qui ignoraient notre langue, nous nous arrêtâmes pour dormir au village juste précédent : Niamagui, habité par des Baoulés parlant français et de tradition chrétienne "animiste".  
        C'était, sur la droite de la piste, un ensemble de cases rectangulaires de torchis (rouges à cause de la couleur de l'argile locale), recouvertes d'une paille gris jaunâtre. A notre arrivée, ce fut une ruée d'enfants qui entourèrent les voitures avec un enthousiasme endiablé. Ils étaient vêtus à l'européenne, très pauvrement, de chemises et de shorts pour les garçons, de petites robes pour les filles. Tandis que Francis, toujours discret, parlementait de son côté en compagnie de son guide avec des gens qui semblaient déjà le connaître, Robert fut immédiatement la cible de toutes les fureurs des petits villageois, à cause de sa caméra dont il s'obstinait à vouloir se servir. Tout le monde voulait être sur la photo ! Très vite, sans se démonter, il commença à leur expliquer qu'il cherchait à filmer des insectes, et leur demanda avec insistance de lui en trouver.
        Dès ce moment, il fut l'objet d'une attention permanente de la jeunesse locale : tout le monde avait une araignée, un scarabée à lui montrer... Et il commença à se promener environné d'une nuée empressée, étiqueté comme un chercheur scientifique en matière d'entomologie africaine. Il est vrai que Robert s'était beaucoup intéressé aux insectes, et qu'il en avait même une certaine connaissance : il avait toujours adoré les collectionner depuis son jeune âge, sous forme naturalisée. Sa passion de "fouilleur-dénicheur" reprenait le dessus, et comme c'était une passion de gamin, il n'était pas étonnant qu'il entraîne avec lui les gamins...!
        On nous montra la case où nous allions dormir : elle était divisée en deux pièces, parmi lesquelles se trouvait une chambre munie d'une porte et d'une fenêtre ; et dans la chambre nous trouvâmes avec bonheur un lit fait de joncs tressés, enveloppé d'une grande moustiquaire. Quel confort ! Je serais bien restée là un moment !... Sauf que le temps y était très, très orageux, et le ciel constamment couvert malgré une chaleur omniprésente.
        Les allées du village, boueuses, étaient en terre battue, et il y courait des chiens efflanqués, des poulets déplumés, et même des chèvres, qui parfois s'affrontaient au grand plaisir des assistants.
        Les visages étaient ronds, bonasses, mais on sentait chez les hommes une habitude de l'alcool et un certain laisser-aller. Les femmes étaient davantage vêtues à la mode africaine, avec une sorte de turban enroulé sur la tête d'où sortait un noeud vers le haut. Je ne savais pas encore que c'était le support nécessaire pour porter des charges sur la tête, ce que ces femmes faisaient constamment : de la bassine d'eau tirée du puits aux branchages pour ranimer le feu, ou même aux épis de maïs ramassés dans champs, tout était porté sur la tête, ce qui leur permettait d'avoir cette magnifique démarche toujours droite et fière.
        Et ces champs ? Et cette forêt ? J'ai bien peu d'images, mais je vais vous en donner une idée avec cette photo :

    Afrique-06.jpg

     

        C'est une villageoise de Niamagui qui ramasse des joncs dans son champ (riz ? Maïs ? Autre ? Je ne sais pas trop) : les champs ne sont jamais que des clairières gagnées par brûlis sur la "forêt" environnante ; mais cette "forêt" elle-même n'est qu'un ensemble de buissons plus ou moins hauts d'où s'élèvent çà et là quelques arbres élancés - palmiers ou autres...
        Cela m'a stupéfiée, moi qui entendais par "forêt vierge" un paysage du type de ceux que l'on voit dans "Tarzan" : la jungle, avec ses lianes... Rien de tout cela ici ! La végétation paraissait plutôt "sèche", et quand je disais naïvement à Robert : "ça ne me dépayse pas des paysages français" il montait sur ses grands chevaux :
        - "Quoi ??? Mais les arbres sont dix fois plus grands ! Regarde !!"
        Et de me montrer de gros "fromagers", dont les énormes racines plongeaient dans la terre en formant un triangle à la base du tronc.
        Cependant je n'étais pas convaincue : "A Fontainebleau, il y a des pins qui sont aussi hauts", affirmais-je. Ça le faisait bien rire...

     

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    De Niamagui à Amaradougou

        Je ne me souviens plus avec précision comment se passa ce premier soir à Niamagui (car il y en eut au moins un autre, beaucoup plus illustre plus tard), mais je sais que l'on nous offrit de l'alcool de palmes, de fabrication locale, qui nous confirma bien que ces Baoulés n'étaient pas sobres. J'eus pour ma part du mal à l'avaler, et il ne me parut pas d'un goût exceptionnel.
        Puis nous dînâmes en extérieur sur des planches de bois posées sur des tréteaux, à la lumière de lampes à gaz disposées sur les toits dès la tombée du jour (assez précoce, si je me souviens bien... vers 18h30 je présume). Les femmes du village, très souriantes, nous servirent et me firent découvrir le "foutou d'igname", une purée de cette pomme de terre allongée et blanche qu'ils cultivent là-bas.

    Mon voyage en Afrique noire - 4

    igname coupée

        Autre souvenir : quand le soleil se couchait, j'avais toujours besoin d'un petit gilet car l'humidité me faisait frissonner.

        Après une bonne nuit sur un lit et sous une moustiquaire, nous avalâmes un café de notre fabrication et reprîmes la piste vers Amaradougou, sous les adieux frénétiques des gamins qui couraient derrière nos véhicules. C'était juste le village suivant, deux kilomètres plus loin ; mais quelle différence !
        Nous restâmes sur la piste tandis que Francis, accompagné de son guide, partait parlementer. Il s'agissait de Malinkès, musulmans et non francophones, très pauvres ; plus pauvres sans doute que les habitants de Niamagui. Le village était plus grand, plus organisé aussi autour de places de réunion où se rejoignaient de vastes quadrillages de petits chemins pour desservir les cases, plus ou moins régulièrement disposées. On y distinguait ainsi des quartiers, le quartier central et avancé vers la piste étant celui du "Chef" (on pense un peu aux camps romains, ou au village d'Astérix...). Le chef s'appelait "Amara", et quoique dans la force de l'âge (il semblait avoir une quarantaine d'années), c'était lui qui avait donné son nom au village ("dougou" signifie "village" dans cette langue).
        La photo ci-dessous, quoique prise au nord de la Côte d'Ivoire, peut donner un aperçu de l'aspect de ce village :

    Mon voyage en Afrique noire - 4

    On voit ici à gauche justement une des ces cases qui ne sert pas d'habitation,
    mais peut-être de remise, et pourrait être une halle pour les réunions du soir


        Après de longues négociations, nous fûmes invités à nous rendre sous la vaste halle présidant à l'entrée du village, sorte de haute maison sans murs, mais avec seulement des balustrades de bois, si je me souviens bien, un plancher de bois aussi, et meublée de bancs et d'une jolie "chaise longue" en joncs réservée au chef, mais que par la suite j'essayai, à la suite des enfants, et trouvai fort agréable. En voici un exemple  :

    Mon voyage en Afrique noire - 4

    (ici hélas on n'en voit que le dossier : ces fauteuils ont été photographiés au Mali)

        Là nous attendait une assemblée importante (peut-être tous les hommes du village, qui sait ?), ainsi que quelques gamins curieux (mais surtout ceux de la famille du chef, bien nourris et flattés de la main par celui-ci) ; au centre trônait Amara, dans son grand boubou bleu passé, avec son bonnet de toile conique sur la tête, et tenant dans la main droite, en guise de sceptre, une baguette terminée par une sorte de plumeau (cela pouvait être un chasse-mouches ?). On se sentait en présence d'une ethnie bien différente de celle rencontrée précédemment : le visage d'Amara était anguleux et comme "taillé à coup de serpe", on lui apercevait peu de cheveux et il était relativement maigre ; quant aux hommes du village, ils avaient parfois la tête rasée, et personne ne présentait le moindre embonpoint. Les anciens portaient de vieilles robes usées ; les jeunes, plus actifs, avaient des sortes de pantalons coupés façon bermuda. Une petite fille d'environ 6 ans, sans doute la dernière-née du chef, était constamment contre ses genoux avec une petite robe bleue qui laissait voir ses épaules et ses jambes.
        Je n'ai aucun souvenir de son discours, et je pense qu'il s'adressa plutôt en Malinkè à ses compatriotes, pour nous présenter à eux, et leur expliquer que nous étions ses hôtes et aurions durant deux semaines le droit de nous promener partout dans le village, et même de photographier... Il était important de prévenir la population, car dans leur tradition, être photographié est un danger pour la personne ; cependant, avec la caution d'Amara, qui en plus d'être le chef administratif du village en était aussi le chef religieux, nous pouvions nous y adonner sans crainte.

        (Question photo, je n'en pris pas là-bas ; c'est Robert qui se chargea de filmer de façon répétée, pour pouvoir fignoler ensuite un joli petit reportage sur notre séjour).

        Ensuite on nous conduisit vers deux cases séparées mais face à face, toutes deux vides et appartenant au chef : Francis et Margaret d'un côté, Robert et moi de l'autre. J'eus la surprise d'entrer dans une pièce de torchis entièrement vide, et ne présentant qu'une ouverture vers l'arrière : une porte (sans porte !) donnant sur une sorte de courette ménagée par un mur de joncs accolé de part et d'autre au flanc arrière de la case, dans lequel trônait un seau. Etait-il destiné à la toilette, ou à nos besoins naturels, ou aux deux ? Nous ne savions pas, mais ne nous imaginant pas en train de passer à travers la cour d'honneur du chef avec notre seau peu engageant à vider, nous décidâmes de ne nous en servir que pour la toilette. Pour le reste, nous nous organisâmes pour quitter le village à chaque fois qu'il était nécessaire (ce qui ne fut pas toujours du plus confortable c'est certain!). D'ailleurs les environs d'Amaradougou étaient assez nauséabonds ; cela puait le marigot en décomposition, et je ne me gênais pas pour penser que, même si notre civilisation était censée "polluer", elle paraissait cependant plus propre que "l'état naturel" !

        C'était en prévision de cette absence totale de mobilier que Francis avait emporté nos lits de camp et nos couvertures de l'armée. Bientôt ceux-ci furent installés dans les cases, et pour remplacer la moustiquaire, je commençai à me badigeonner matin, midi et soir de "moustifluid". Sage précaution ! Car les moustiques locaux, contrairement aux nôtres et aux idées que j'aurais pu me faire, étaient minuscules et passaient pratiquement inaperçus, donnant des piqûres d'autant plus agaçantes qu'elles étaient microscopiques : les gratter, ce n'était pas provoquer des "cloques" comme chez nous, mais plutôt entraîner rapidement des lésions de la peau, des écorchures. Et de plus ils étaient fort dangereux... J'allais bientôt en avoir la preuve.

     
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    Amaradougou : les bons moments

     
        Allait commencer pour nous un long séjour à l'écart de toute civilisation - où je me sentis quelque peu "en trop" -, durant tout le temps où Francis, accompagné de son guide, quadrilla la région avec la jeep, pour faire un relevé précis de l'immigration malienne en territoire ivoirien.
         Heureusement pour moi j'avais entrepris d'étudier l'anglais, que je n'avais pas appris à l'école et commençais à considérer comme indispensable. Assise dans ma case bien à l'abri du soleil que je trouvai rapidement trop agressif (dès qu'il sortait des nuages, il me paraissait insoutenable !), j'avançai dans la méthode Assimil de façon foudroyante, à raison de quelques heures par jour à chaque début d'après-midi.
        Ayant découvert ma grossesse vers le 15 juillet, celle-ci datait apparemment des environs du 15 juin, et je fus rapidement à l'orée du 3e mois, si bien que je ressentais très précisément le poids dans mon ventre durci. Cela me rendait donc d'autant plus prudente.
         Robert, de son côté, avait mis aussitôt les enfants à contribution, leur montrant dans ses cahiers des images de coléoptères (il cherchait particulièrement à trouver un goliath, énorme insecte dont on lui avait offert, petit, un spécimen naturalisé).

     

    Mon Voyage en Afrique noire - 5

    (Goliaths : photo extraite du site cité en lien)

        Mais apparemment on n'en trouvait pas dans ces régions. Cependant les enfants, très excités (la fille du chef à leur tête), lui expliquèrent qu'il s'agissait de "Gobos" (insectes), et l'entraînèrent en brousse dans l'espoir de lui en trouver et de passer à la postérité ("photota !" hurlaient-ils pour être filmés).
        C'est ainsi qu'on lui présenta une grosse araignée au corps jaune tacheté de noir de la taille environ d'une pièce de 5 francs, qu'il eut terriblement peur d'attraper... Piquait-elle ? Les enfants semblaient affirmer que non... Après bien des hésitations et des questions muettes (personne ne parlait français ici ! Il fallait se comprendre par gestes !), il finit par la prendre et se la poser sur le bras, me demandant de le filmer avec le monstre gravissant son épaule... Il passa ainsi rapidement pour un héros !


    (Elle ressemblait bien à celle-ci : l'argiope fasciée ; cependant je suis surprise
    de trouver sur internet que cette araignée vit surtout en Europe ! Quand je disais que je ne me sentais pas si dépaysée que cela... Pourtant je n'en ai pas trouvé de plus ressemblante !)


        Le matin nous nous promenions tous deux, soit dans les environs qui étaient plutôt "broussailleux", c'est le cas de le dire, soit sur la piste. Nous débarrassant laborieusement des gamins, nous traversions des "champs de caféiers" qui n'étaient que des clairières sommaires où poussaient des arbustes à larges feuilles.

    Mon Voyage en Afrique noire - 5

    Caféier

          Parfois nous croisions des bananiers, dont hélas les bananes n'étaient pas mûres ; puis le petit sentier nous menait dans le bois où nous espérions rencontrer des animaux, et où nous ne trouvions que des colonies de fourmis géantes qui m'épouvantaient : je frissonnais en songeant aux enfants du village marchant toujours pieds nus, alors que moi je bénissais mes sandales.

    Mon Voyage en Afrique noire - 5

    C'était ce genre de gamins (moins les sandales)...

        Au soir, les hommes rapportaient de ces champs des brassées de branchages, voire des troncs sur leur tête, tandis que les femmes ramenaient la récolte dans de grandes bassines, portées de même. 

    Mon Voyage en Afrique noire - 5


         Quand nous empruntions la piste, nous pouvions entendre et apercevoir de loin quelques singes, perchés dans les hautes branches de palmiers qui pointaient au-dessus de la végétation comme chez nous un pin sylvestre. Ils étaient si éloignés que nous ne pûmes jamais en photographier, et je pensais à nos écureuils, qui finalement sont moins sauvages.

    Mon Voyage en Afrique noire - 5


     
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