•        De retour sur le net, plutôt épuisée et je dirais même "anéantie" par l'aimable tourbillon que j'ai eu l'honneur d'emprunter, je vois que, comme le monde extérieur et comme la télé, il est rempli de bonnes intentions ("je vous offre des fleurs, des poèmes, de la douceur"...) et rempli d'horreurs (notamment sur facebook : "Changeons le monde !" "Partout la violence !" "Je n'aime pas ça !" "Je veux autre chose !")   

          "Je" semble se débattre dans la louable intention de faire du beau où il y a du laid.

         Je commencerai de nouveau cette réflexion par un poème de Phène, moins violent il est vrai que ma propre vision actuelle.

     

    Moi-jeu

    forge des chimères

    martèle des vérités refuges

    édifie de colossaux néants

    fomente la trahison

    couronne la crapule

     

     

    Moi-je

    grand maître des couchants

    condamne le Lumineux

    à l'exil

    de

    Soi

     

    Phène- Feuillets Apocryphes
    Éditions Caractères

     

          Aujourd'hui je vois l'ego comme un véritable "Gremlin", ce petit monstre qui se multiplie soi-même de façon exponentielle pour la jouissance et la destruction. 

    Delacroix - Mort de Sardanapale

     

         Avide d'expérimentation, il se crée un cinéma qui le maintient sans cesse en alerte et justifie sa survie.

         Alors que la Vie...



       .... C'est juste un passage dans un champ où la nourriture surabonde... Puis la disparition.

     


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  •         Voici plusieurs jours que je pense à écrire quelque chose, et puis au moment d'écrire, pfftt ! plus rien. 

           Je sors ; des tas d'idées me passent par la tête mais je n'ai rien pour les noter ; et de retour à la maison... plus rien.

            De même, je peux avoir mon appareil photos et prendre un cliché des merveilles que j'ai rencontrées ; mais lorsque je regarde le cliché, ressemble-t-il à ce que j'ai vu ? Non ! Cela n'a plus rien à voir ! D'ailleurs ce cliché, n'appartient-il pas alors au passé ? Parfois n'ayant pas l'appareil sur moi je retourne ensuite sur les lieux et... tout est différent. Plus rien ne ressemble à ce que j'avais vu.

          Un oiseau chantait : il ne chante plus.

          Un rayon éclairait la campagne : le soleil s'est caché ; ou il s'est déplacé, la lumière est différente.

         Comment rapporter quelque chose ? Comment dire quelque chose ? Au moment où vous allez le faire, c'est déjà du passé. Et ce qui est passé est figé, coincé, rigidifié dans la mémoire. Autant dire : mort. Tout ce que vous avez saisi, vous l'avez tué. Si vous arrêtez le mouvement, vous arrêtez la vie. Et qu'est-ce qu'on aime dans ce que l'on voit ? L'image, ou la VIE ?

     

    Impermanence

     

           Revenons au fleuve qui coule en nous souvenant du poème d'Apollinaire, célèbre ô combien pour sa profondeur :

    Sous le Pont Mirabeau coule la Seine
    et nos amours
    Faut-il qu'il m'en souvienne
    La joie venait toujours après la peine

    Vienne la nuit sonne l'heure
    Les jours s'en vont Je demeure

    (voir ici)

           Bien sûr, pour l'avoir chanté, Léo Ferré n'a pas manqué d'en faire une reprise dans sa non moins célèbre chanson :

    Avec le temps,
    Avec le temps, va, tout s'en va...

    (voir ici)

          Mais Ronsard ne disait-il pas déjà à la suite du poète latin Horace :

    Le temps s'en va, le temps s'en va, ma Dame...
    Las ! Le temps, non ; mais nous, nous en allons !

    (voir ici)

         Eh oui, c'est ma mémoire encore qui me fournit ce bouquet de pensées défleuries, sur un sujet trop bête : car ce n'est pas le temps qui s'en va, bien sûr... Comme le soulignait si justement Apollinaire avec ce "Je demeure", ce sont les choses du monde qui fuient, et c'est leur fuite qui crée le temps pour notre esprit attaché à leur image. Si nous n'étions pas accrochés à la vague elle ne paraîtrait pas s'enfuir. Si nous ne cherchions pas à retenir le vent nous ne saurions pas qu'il s'éloigne et cela ne créerait pas l'espace. 

         Sous mon dernier article, Carole me demandait si j'avais lu Novalis. Et je lui répondais que Novalis était l'auteur que j'avais eu à traduire lors du passage d'un certain concours il y a fort longtemps. Et que je m'étais lamentablement étalée car j'ignorais tout, à l'époque, de l'impermanence... Le texte proposé s'articulait tout entier autour du terme de "Vergänglichkeit", qui m'était totalement inconnu (et nous n'avions pas droit au dictionnaire !) ; connaissant celui de "Vergangenheit", j'avais allègrement assimilé les deux sous le sens de ce dernier : le passé ("vergangen" est un participe signifiant "passé" et la terminaison "heit" le transforme en substantif). J'avais seize ans, je ne connaissais pas encore assez la langue allemande pour deviner que cette inflexion du tréma auquel on ajoute "lich" (vergangen- vergänglich) traduit une possibilité évolutive ; une aptitude... "Vergänglich" = "susceptible de passer", donc "passager" ou encore : "éphémère" ! Avec le "keit" qui lui aussi transforme l'adjectif en substantif, j'avais donc exactement à commenter une réflexion sur l'impermanence des choses...

          J'ai oublié énormément de mon passé. Les seuls "souvenirs" qui restent sont en réalité des pensées actuelles : elles reviennent à cause de la résonance qu'elles ont avec le présent... Mais à peine formulée, toute pensée a péri. Elle éclate comme une bulle à la surface de l'eau, et il n'en reste qu'un rond qui va s'écartant indéfiniment.

         C'est ainsi que toute parole devient un vain bruit, celui d'une bouche qui remue. Car pour la vie, pour la vie, qu'est-ce qui compte ? Ce qui est parti, ce qui s'écoule ; ou ce qui vient, ce qui éclot ?!

          Qu'est-ce donc que vivre, sinon être intensément attentif, ouvert à ce qui va surgir ? Découvrir que tout est constamment neuf, vierge, inconnu, incroyablement nouveau, inattendu ? Comprendre que rien, absolument rien ne se reproduit jamais, et que rien de ce qui vient ne peut être imaginé ou prévu, qu'il n'y a que du jamais vu !

         Mais alors, pourquoi nous sentons-nous à l'aise dans cet univers totalement inconnaissable ? N'est-ce pas parce que nous y sommes chez nous ? N'est-ce pas parce que tout entre en parfaite résonance avec ce que nous sommes profondément, avec ce que nous ressentons en nous ?

          Et dans ce cas pourquoi nous inquiéter de ce qui nous semble nous heurter, puisqu'en définitive cela fait forcément partie de nous, de notre monde tel qu'il se manifeste naturellement et spontanément à nos regards et à notre ressenti ... ?

           

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    (Le monde tel qu'il apparaît...)

     


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  •  

    Rebondir

     

     

        L’esprit saute à trampoline pour atteindre le ciel.

       Se faisant rebondir il va toujours plus haut. Il croise des oiseaux, il longe des nuages et il exulte !

       Mais toujours il retombe, jouet de la gravité. Il s’efforce de rebondir car il cherche le ciel ; mais il retombe encore, s’épuise et se meurtrit, et pleure…

     

       Alors il s’interroge : comment le Fils de l’Homme est-Il monté au Ciel ?

     

       Je vais vous confier un secret : le Fils de l’Homme n’est pas monté du tout.

       C’est juste l’esprit qui a cessé de bouger, cessé de bondir, cessé de chercher ; et le monde qui a soudain disparu, s’est dissipé tel un brouillard...

       Comme la marée en refluant laisse apparaître les merveilles qu'elle avait voilées, ainsi l'esprit se retirant a laissé le Fils de l’Homme soudain resplendir dans sa nudité Vraie, résorbant toute trace de ce qui n’était pas Lui.


     

    Ascension

     

     


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  •         Un paragraphe de l'Avadhuta Gîta - qui est l'un des textes fondateurs de l'Advaïta Vedanta, rédigé pour certains au IXe s. de notre ère (voir ici la présentation qu'en fait Wikipedia) mais remontant pour d'autres à près de 5000 ans avant celle-ci (lire ici le texte complet sur le site Innerquest) - m'a particulièrement frappée.

          C'est le 15e du second chapitre de ce Chant attribué à Dattatreya. Après avoir évoqué ce qu'est le "Soi", le sage essaie dans cette partie d'indiquer comment percevoir la Réalité derrière les apparences trompeuses.

    «   Cachée dans le champ de l'éternelle conscience, se trouve la cause du monde. Au sein de cette cause est la Réalité. La coque de la noix de coco figure le monde, la pulpe sa cause, l'eau sucrée et rafraîchissante contenue dans la pulpe est la Réalité.  »

    (Avadhuta Gîtâ II-15, trad. Innerquest)


           Ce message m'a d'autant plus frappée que je réécoutais le Psaume 47 mis en musique par Florent Schmitt (ici sur youtube) dont la seconde partie m'a semblé comme faire écho à cette évocation.

     

    Il a choisi dans son héritage la beauté de Jacob,
    qu'il a aimé avec tendresse.

      Ps 47-5

           Telle est la traduction retenue dans l'oeuvre musicale, non identique il est vrai à celle de la Bible de Jérusalem où l'on lit "pour notre héritage", et "l'orgueil de Jacob, qu'il aime" mais moins éloignée de ces autres traductions trouvées sur le net.

          En effet, ce passage me ramène à l'épisode de la Genèse (chap.27) où Isaac devenu vieux souhaite bénir son fils aîné afin de lui transmettre l'héritage reçu de Dieu. Or Esaü est velu, attaché aux biens matériels et Jacob, beaucoup plus fin, est plus proche du Seigneur. Il a déjà racheté son droit d'aînesse à son frère qui le lui a volontiers laissé ; et cette fois, avec l'aide de sa mère, il va se faire passer pour Esaü afin d'obtenir la bénédiction d'Isaac. Pour cela, il lui faudra avoir l'air velu comme son frère, en se couvrant de peaux de bêtes... Ceci ne vous rappelle-t-il pas la chute d'Adam et d'Eve ? L'Enfant immaculé de Dieu - Adam et Eve à la fois masculin et féminin - est tombé dans le monde matériel à cause du désir et est devenu velu, semblable à une bête.

     

    Luca Giordano - Isaac bénissant Jacob


          Cette peau grossière et épaisse au toucher permet à Isaac, "aveugle" (au monde spirituel ?) de reconnaître son fils. Et elle me fait  bien sûr songer à l'écorce de la noix de coco, qui est elle aussi velue ! Celle-ci cache au profane la "beauté" véritable, la "gloire" de l'Enfant que Dieu a engendré et chérira toujours, la seule Réalité Vivante, cette "substantifique moelle" présente au cœur du fruit ou cette Lumière que Jésus recommande de ne pas cacher sous le boisseau (Matthieu, 5-15) - c'est-à-dire de ne pas laisser recouvrir par l'écorce des apparences trompeuses.

     

     


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  •          L'actualité est terrible en ce moment.

             Aussi je vous propose cette réflexion.

      

    Amour

      

            Pour offrir une flamme qui éclaire et réchauffe, la mèche doit brûler et la bougie s'anéantir progressivement.

             De même la Conscience qui nous anime tous, pour devenir pur Amour, a besoin de notre douleur et de notre anéantissement.

     

          L'univers manifesté fonctionne sous la loi de la dualité cause-effet : les contraires s'engendrent mutuellement en une roue perpétuelle.

        Ainsi depuis toujours la violence sous toutes ses formes est-elle présente pour permettre l'éclosion de l'altruisme, de la générosité et du dépassement de soi.

     

            Le monde aujourd'hui a tissé par les médias une toile immense qui relie entre eux les êtres, et face à l'adversité qui frappe durement de toutes parts on découvre une force de cohésion et d'amour si puissante qu'elle semble avoir réellement dessiné le visage lumineux de l'Humanité, transcendant définitivement ces contraires.


           Peut-être cette musique peut-elle servir d'hommage à tous ceux qui souffrent, car elle a été composée par un homme profondément mystique en une période de grande souffrance : "Land of the angel", de Paul Sauvanet ; l'auteur avait perdu l'usage de ses jambes et l'ange qu'il évoque parle une langue qui n'existe pas... mais cependant le soutenait dans l'épreuve.


     


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