•  

           - Qu'est-ce qui fait vivre le monde ?

           - Dieu, qu'on L'appelle comme on voudra.

          - Et comment le fait-Il ? Est-Il caché dans les nuages en envoyant des ordres vers la terre ?

         - Certainement pas, puisque les nuages, le ciel, l'espace, le cosmos même font également partie du monde qu'Il anime.

          - Alors où Le chercher ? N'est-ce pas plutôt à l'intérieur du monde ?...

     

          Et nous, ne faisons-nous pas partie de ce monde ? Ne sommes-nous pas des créatures vivantes et donc, comme tout ce qui apparaît ici-bas, animées par un Dieu qui nous serait intérieur ?

          En conséquence, ne pourrait-on pas se Le représenter comme une main dont tous les phénomènes apparents, nous compris, seraient le gant ?...

     

         Je pense alors à cet amusant dessin de Saint-Ex, dans Le Petit Prince, représentant un éléphant englouti par un boa :


    L'éléphant qui est à la maison


           Vu de la sorte, il peut ressembler à un chapeau. De même, nous désignons chaque chose sous divers noms et nous-mêmes de la même façon, sans voir qu'il s'agit d'une simple enveloppe recouvrant le principe même de la Vie : cet "éléphant" qui peut être appelé "Dieu", ou le Soi !

    L'éléphant qui est à la maison

           Faisons au passage un clin d'oeil à Hergé qui a repris cette idée dans Tintin au Congo, en imaginant Milou avalé par un boa. Son dessin montre à merveille combien le contenu (Milou) anime la simple enveloppe apparente (le boa), et ce malgré la naïve croyance de ce dernier d'être à l'origine des mouvements produits, quand en réalité il n'y est pour rien :


    L'éléphant qui est à la maison

     

         Et puisque nous voici revenus à la vision orientale du Dieu éléphant, citons un extrait du beau poème du lama Guendune Rinpoché (emprunté à ce site):

     

    Ne croyez pas un instant que soient réelles
    les expériences positives ou négatives.
    Leur nature est aussi éphémère
    que celle du temps qu'il fait aujourd'hui
    ou que celle des arcs-en-ciel au dessus de nos têtes.

    À vouloir saisir l'insaisissable
    vous vous épuisez en vain.
    Dès que vous ouvrez et relaxez le poing serré
    de l'avidité,
    l'espace infini est là – ouvert, accueillant
    et réconfortant.

    Faites usage de cet espace, cette liberté
    et aise naturelle.
    Ne cherchez pas plus en avant,
    ne pénétrez pas l'inextricable jungle
    en quête de l'éléphant suprême,
    qui est déjà tranquillement à la maison
    devant votre propre foyer rougeoyant.

    Lama Guendune Rinpoché

     

        Qu'est-ce que ce "à la maison" (home - chez vous) si ce n'est en vous, comme en toutes choses ?

     

    Ganesh jouant à son jeu virtuel
    L'éléphant Ganesh tirant les manettes de son monde virtuel
    (Création de Namaste Om)


               

     

           


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  •        Ce matin l'audition d'une belle œuvre musicale, trop oubliée, m'a lancée dans d'étranges réflexions.

           Il s'agit de "Rédemption" de César Franck, composition bienvenue à l'approche de Pâques et dont le retentissant appel de trombone ne peut qu'évoquer vivement la carte du tarot de Marseille intitulée "le Jugement", où l'on voit les morts se lever de leur tombeau au signal de l'Ange jouant de la trompette.

     

    Appel

     

          Je me suis dit soudain :

        Comment cette abondance de notes issues d'une quantité d'instruments différents peut-elle dans un fouillis simultané produire ce merveilleux effet à l'oreille ?

        Et qui plus est, comment ce merveilleux effet qui évolue comme un discours peut-il me "parler" de cette façon ?!

        ... Enfin, comment comprendre qu'il s'agit à l'origine d'idées passées par la tête d'un individu qui aurait couché des signes noirs sur un papier, que ces gens-là auraient ensuite déchiffrés ensemble à l'aide de différents objets ?!!

        Alors tout s'est enchaîné et m'a sauté à l'esprit, provoquant une bouffée d'hilarité.

          Comment cette profusion de cellules, de viscères et de produits durs, liquides ou mous qu'on appelle "mon corps" peut-elle tenir ensemble ?! Qui a empaqueté tout ça, ficelé, mis en mouvement cet imbroglio ?!!

         D'où provient que j'ai trouvé un goût à ce que j'ai mis dans ma bouche l'autre soir au restaurant ? C'était comme une symphonie... De jolies choses à regarder qui soudain paraissaient délicieuses et insolites en traversant ma bouche...

         D'où provient que le ciel m'apparaît bleu cet après-midi alors qu'il semblait gris ce matin ? Qu'au soleil il me semble ressentir de la chaleur alors qu'hier je ressentais du froid ? Que je vois devant moi une table, mais que si je fermais les yeux en touchant ce contact ferme et lisse, ce ne serait rien qu'un obstacle indéfinissable, un support tout au plus ?

     

          Tout est miracle. Tout est incompréhensible. Avec notre intelligence nous créons des liens entre les choses pour les rendre intelligibles mais elles ne le sont pas.

         En effet, observez bien "votre corps" ; ou "cette table"; ou "ce ciel bleu" ...  Plus vous vous approcherez en grossissant l'objet, et plus il va disparaître : le corps, la table, vont se fragmenter en cellules, atomes, électrons... et on peut continuer longtemps car le mental a besoin de définir, donc il rajoute des sous-parties, des éléments qu'il continue de nommer et de nommer à l'infini alors qu'en fait les physiciens désemparés ne voient plus que du vide, où plus rien ne peut être cerné (là votre corps ne peut plus être trouvé, il se confond au reste, comme la table...) et où de surcroît tout tournoie de façon imprévisible. Dans la physique des particules on finit même par reconnaître que plus rien n'est objectif, les mouvements sont aberrants et prodigieux... Autant dire que si on lui en demande trop, le mental décortiqueur finit par être dépassé !

          Quant au "ciel bleu", si l'on cherche à s'en rapprocher il va reculer et reculer jusqu'à ne plus être bleu du tout, car petit à petit vous serez dans l'espace intersidéral sans avoir compris ce qui se passait ! Bien sûr, on vous en empêche avec la "gravité"... Mais qu'est-ce que la gravité ? N'est-ce pas ce qui retient tout ensemble ? Ce qui donc permet de nommer, définir, attribuer des formes... Formes qui toutes tendent à s'élever après être apparues, puis à décroître et à rejoindre la terre en disparaissant... Pfff ! Bien peu de chose tout ça.

     

    Les âges de l'homme

     

        Et vous vous dites :  "C'est beau !" ou "Ce n'est pas beau !" ; "J'aime !" ou "Je n'aime pas !". Et vous ressentez profondément quelque chose qui perce en vous, qui vous pousse en avant et que vous appelez, selon les cas, "Amour" ou "Absence d'Amour"... Ce qui est la même chose, sauf que parfois on se réjouit de le ressentir et parfois on le cherche désespérément.

           Qui soutient tout cela ?

            Qui porte tout cela ?

         Choses illusoires, pures hallucinations, qui n'existent qu'à travers le ressenti que nous en avons et prennent formes et noms uniquement pour perpétuer leur influence dans notre esprit... "Ah oui, oui, il y a bien quelque chose ici, puisque que je le touche, puisque je le vois, puisque je l'entends". Mais n'avons-nous pas tout projeté, tout imaginé, comme dans un rêve ?

          Voilà pourquoi certains en déduisent : "Je suis Dieu. J'ai fabriqué mon monde."

         Que "notre monde" soit notre propre divagation, c'est certain. Mais est-ce une raison pour prétendre être Dieu ? D'où provient le souffle qui nous anime ? Qu'est-ce que cette force d'amour qui nous  porte ? En sommes-nous l'auteur ? Et qui est ce "Je" qui s'imagine être à l'origine de tout ?

          Nous nous heurtons à des interprétations diverses du mot Dieu. Il est possible que ceux qui se prennent pour lui en aient une image rétrécie. Si l'on fouille les étymologies, le "Zeus" grec (prononcer "Djo-üs") peut avoir engendré le "Jus-pater" ("Jupiter" ou Dieu Père) qui ensuite, en enlevant le qualificatif, peut donner naissance au pronom français "je"...

          Mais dans ce cas on demeure dans le défini : ce Dieu-là reste une personne précise, issue d'un mental fabricant d'images. Cela n'est pas le principe par lequel nous apparaissons et par lequel avec nous, tout apparaît.

          Le principe originel est au-delà de tout concept, pensée. Je l'appelle "Dieu" parce que pour moi il n'y a pas de mot plus grand ni plus puissant.

          Et s'Il inonde tout, alors il est vrai que nous participons de Sa nature. Mais personne ne peut être Dieu.

            Dieu est.

            Personne n'est. Tout le monde apparaît, simplement.

     


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  •           J'ai essayé de remonter dans ma mémoire au plus lointain souvenir possible. Bien sûr, pour cela on s'aide de ce que l'on sait de l'environnement dans lequel on se trouvait enfant...

           Et j'ai retrouvé cette vision d'une fenêtre éclairée par le jour malgré les rideaux tirés, et moi assise dans un lit et appelant pour ne pas y rester. Ensuite mon père venant me chercher et me disant de ne pas faire de bruit pour laisser maman dormir, et m'emmenant avec une couverture et mon oreiller pour me recoucher sur le canapé du séjour, d'où je le regardais avec curiosité travailler, travailler de tout son coeur sur la table de salle à manger, travailler que c'en était impressionnant.

     

              Rien n'a changé en moi depuis ce temps-là. Je suis exactement la même. Je revis cet instant comme s'il était présent. Il a la même "densité" de présence que l'instant actuel.

              Pourtant, le corps que j'habite n'est plus le même ; l'environnement de l'époque n'existe plus ; mon père a disparu également.

             Jusqu'à l'âge de sept ans, il me semble avoir été dans un nuage, un nuage de bonheur hors temps. Ensuite les choses se sont durcies, au point qu'il m'a semblé impossible d'atteindre les 20 ans, l'âge rêvé d'une "libération" des liens dans lesquels je me sentais enfermée.

              En fait l'ego, formé de multiples conditionnements, venait de se constituer et refermait sa chape de plomb autour de ma vision. Non seulement celle-ci était obscurcie, mais tous les efforts pour m'en libérer allaient rajouter encore à cette obscurité.

               Contrairement à mes inquiétudes, j'ai eu 20 ans et, me libérant d'une forme de conditionnement, me suis jetée dans une autre forme de conditionnement : d'autres souffrances, d'autres blocages, et une recherche insatiable de libération... passant par des thérapies, des études livresques ou des voies spirituelles ne menant jamais nulle part, qu'à de vagues satisfactions temporaires.

              Mais je me disais : "L'an 2000, c'est tellement loin ! Je ne vivrai pas au-delà, c'est certain."

              L'an 2000 a été comme un virage à 90°, un coude dans ma destinée mais je l'ai tout de même traversé. Et sans changer d'un chouïa : j'étais toujours la même. Mais à force de chercher, chercher, j'avais trouvé dans les astres la certitude que je ne pouvais dépasser impunément mars 2017. Oh ! j'étais une bien piètre astrologue, mais tout de même, au regard de mon thème natal, la rencontre de Neptune en Poissons, Pluton en Capricorne, Uranus en Bélier, Saturne fin Sagittaire et Jupiter mi-Balance formait une coïncidence inouïe à laquelle il me semblait ne pas pouvoir survivre !

              Mais c'est passé. Et comme disent tous les bons astrologues, personne ne peut prédire l'heure de la mort. De plus, lorsque mes proches ont disparu, jamais je n'ai pu en lire la raison dans les astres...

              Ceci signe la défaite du mental. Il a tricoté une grosse pelote de complications à partir de mes sept ans qu'il s'est amusé à emmêler et emmêler de toutes ses forces jusqu'à ce jour, formant ce qu'on appelle un ego, un ego qui se regarde, cherche à se comprendre et à se libérer... mais de quoi ? Peut-on se libérer de soi-même ?

             La mort vous enlève à vos problèmes, à votre idée de vous-même. La mort vous retire l'envie de chercher, l'envie de vous battre pour atteindre un but quel qu'il soit... et vous rend à ce que vous êtes simplement : ce regard ouvert, intensément ouvert.

         Du moins la mort de l'ego, c'est-à-dire cette découverte que tout est du pipeau, que tout a toujours été du pipeau, et que rien n'a vraiment changé de l'essentiel : que ce regard ouvert sur la fenêtre lumineuse est toujours le même, exactement le même, et que cela seul est vrai...

     

           Pour illustrer mon propos, voici une vidéo prise il y a quelques jours. Elle représente l'Esprit qui retourne à sa source de lumière, inévitablement aspiré par elle.

     

     

     (Suite...)


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  •  

           Il me semble nécessaire de faire suite à l'article précédent ; d'ailleurs justement les impressions correspondantes m'étaient parvenues simultanément.

           Le temps et l'espace ayant toujours été indissolublement liés, déclarer le second aussi inexistant que le premier paraît une évidence pour l'esprit ; mais l'expérimenter est une autre affaire.

     

           L'espace, comme le temps, sont des composantes du monde matériel que nous expérimentons à travers notre corps physique, monde dont la principale caractéristique est de se manifester à travers des objets définis et distincts. Dans cet univers tout est mesurable : ainsi naissent les notions de temps pour mesurer la durée, et d'espace pour mesurer le mouvement.

         Mais dès que nous nous plaçons dans l'univers de la pensée, l'univers mental, ces éléments disparaissent : comme je le disais précédemment, par le jeu de la mémoire je rends présent un événement d'un lointain passé ; de même, par l'imagination ou le visionnement particulièrement télévisé je peux me projeter dans un lointain pays. Et la chose devient encore plus évidente lorsque nous utilisons un "téléphone" car c'est courant aujourd'hui : l'individu contacté est avec nous, quoique loin dans le principe. Or l'effet de la voix perçue est assez saisissant car il touche en profondeur, véhiculant plus d'émotion que la vision, comme en témoigne par exemple ce passage de "La Voix humaine" de Jean Cocteau :

    « Autrefois, quand nous étions couchés, et que ma tête reposait à sa petite place au creux de ton épaule... j'entendais ta voix exactement la même que ce soir dans l'appareil ! »

            Notre nature profonde n'est donc pas située dans le corps, puisque par le monde de la pensée elle l'englobe. Mais elle n'est pas non plus située dans le monde de la pensée puisque nous pouvons voir celle-ci se dérouler, puisque nous pouvons constater des émotions qui la traversent puis s'éloignent, des sensations qui vont et viennent, des événements qui passent, des actions qui se sont déroulées, un effort qui s'est produit puis un repos.  

             Et c'est là que j'en viens à ce que j'ai constaté. Parfois il arrive que quelqu'un dise quelque chose qui nous touche profondément. Il ne s'agit pas de sa voix, ni de ses mots, mais de l'idée véhiculée ; et cela peut se produire autant en présence de la personne qu'à distance, et parfois même par le biais d'un message écrit, ou même d'une lecture publique. Il se produit alors un contact "d'âme à âme" qui crée en nous une sorte d'embrasement momentané... Je dis "embrasement" car il nous semble "prendre feu" et brûler en dedans comme une torche, et pourtant on pourrait tout autant dire "embrassement", car c'est alors d'une communion qu'il s'agit entre ce que l'autre a "émis" et ce qui est en nous.

              Jésus a dit :

    «   Lorsque deux ou trois d'entre vous sont réunis en mon Nom, Je Suis au milieu d'eux. » (Matthieu 18, 20)


             Or le Nom de Dieu est "Je Suis" (YHWH). Et si seulement deux personnes réussissent à créer entre elles une communion à ce niveau, alors l'embrasement du "Je Suis" se produit, notre nature réelle devient sensible et évidente ; bien sûr, en dehors de chaque "personne" visible, dépassant largement toute chose... dans un ressenti que l'on qualifie parfois d'amour, mais qui est bien au-delà : une béatitude sans nom.

              Ce ressenti peut d'ailleurs être éprouvé au spectacle de la nature dans certains moments exceptionnels, ou par rapport à une situation extrême ; il est le contact avec ce que nous sommes vraiment, et c'est ce bonheur véritable que nous recherchons activement toute notre vie.

            Cependant si des événements semblent le déclencher, en fait ils ne permettent que de dévoiler momentanément une vérité permanente que nous avons enfouie sous nos conditionnements et croyances. 

             Certains maîtres à penser prétendent que pour la retrouver il suffit de se situer dans "l'Ici et maintenant"... Le présent et la localisation seraient la clé...  On sent maintenant l'absurdité de cette pensée qui nous ramène au corps physique que nous ne sommes aucunement !!

            Disons que ces enseignants cherchent avant tout à nous aider à sortir du monde des pensées qui nous  entraînent vers le passé, le futur et l'imaginaire ; leur but est de nous permettre de créer un alignement entre l'Être que nous sommes vraiment et le mental qui nous tient en otage. Mais en présence de l'Être, il devient alors essentiel d'abandonner l'ici (espace) et le maintenant (temps) par l'absorption en dedans - en soi-même - comme en témoignent Phène, ici  et Mooji, (de 30'15 à 36'40). 

     

    Création de Namaste Om
    Création de Namasté Om

     

     

     


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  •         Mercredi 10 mai à 21h44 la Lune, depuis la constellation du Scorpion, s'opposera au Soleil situé dans celle du Taureau.

             Les heures qui précèdent, durant lesquelles la tension énergétique sera à son comble, pourraient donc être consacrées à travailler sur le détachement - signification essentielle de cet axe astrologique traditionnellement associé à la possession (Taureau) et à la dépossession (Scorpion).

     

    Image du net

     

            Pierre Lassalle dans son livre "Astro-thérapie" préconise de se concentrer, au niveau du ventre (second chakra), sur une idée, une croyance ou encore un bien matériel, une personne à laquelle nous nous sentirions "trop attaché", et de la faire remonter (si c'est une idée ou une croyance sous forme d'un symbole, si c'est une personne ou un bien sous forme d'une image) jusque dans notre cœur (4e chakra), afin de ressentir la futilité de cette dépendance ; car la plénitude éprouvée dans le cœur prouve alors que nous n'en avions aucunement besoin.

             L'évocation d'une "idée" ou d'une "croyance" m'a frappée.

           En effet, n'associons-nous pas toujours l'idée de "détachement" aux choses matérielles - biens ou personnes ? Ne vivons-nous pas essentiellement dans un univers d'images objectivées, ne nous intéressant qu'à celles qui nous semblent graviter autour de notre personne ? Les blogs en particulier présentent continuellement des sujets d'intérêt "extérieur" : observation de la nature ; lecture ; petits travaux ; études ou connaissances... Tout ceci peut être flanqué de l'adjectif possessif : "mon" jardin, "mes" photos, "mes" livres, "mes" travaux, "mes" découvertes, "mes" voyages... Quand on n'y ajoute pas un copyright.

           Mais, toujours tournés vers ce qui nous entoure, savons-nous seulement qui nous sommes ? Nous sommes-nous demandé qui est le possesseur, et s'il est bien une "personne" ? Qui est ce "je" cherchant à se détacher de ce qui, parfois, le blesse ?

           Puisqu'il dit "mon corps", il n'est pas le corps.

           Puisqu'il dit "ma vie", il n'est pas les évènements ayant jalonné cette histoire qu'il mémorise et sur laquelle il s'attarde avec nostalgie ou amertume.

           Puisqu'il dit "mes œuvres", "ma famille", il n'est aucune de ces choses, et disant aussi "mes pensées", "mes émotions", "mes expériences", "mes actions", il sait que celles-ci le quittent et, même s'il les rencontre souvent, qu'elles peuvent s'évanouir et donc ne le définissent pas.

            S'il fait parfois effort pour se détacher de telle ou telle chose c'est uniquement parce qu'il croit en souffrir ; or la psychologie des profondeurs a montré que les scénarios de vie se répétaient, et qu'à peine débarrassé d'un attachement douloureux, l'on retombe dans un autre.

            Pourquoi ? Parce que l'on n'attaque pas le mal à la racine.

            Ce n'est pas de telle ou telle chose qu'il faut se débarrasser, mais de l'idée même que l'on se fait de soi ; puisque nous ne sommes ni le corps, ni les pensées, idées ou perceptions qui s'y associent, c'est de notre conception même du monde ambiant que nous devons nous détacher.

             Les orientaux racontent à ce sujet une histoire très évocatrice.

    Serpent

     

      Imaginez que vous marchez sur une route déserte à la sortie d'un village, en Inde, dans une région chaude, à la tombée du jour. Il ne fait plus très clair et vous êtes à peine chaussé, pieds nus ou en petites sandales. Soudain, sur le chemin poudreux, une ligne sinueuse vous apparaît sur le sol. Aussitôt, vous bondissez en arrière : un serpent ! Terrifié vous êtes prêt à faire demi-tour tant vous savez ceux-ci dangereux dans cette région. Mais voici qu'un passant approche et vous rassure : "Mais non ! ce n'est qu'une vieille corde qui traîne là depuis quelques jours..." Et l'attrapant il vous la met sous le nez. Vous réalisez alors votre méprise et riez de bon cœur.

     

          Cette histoire montre la force de la pensée, de l'imagination ; notre esprit étiquette tout ce qu'il perçoit, le pare de qualités, et c'est par notre jugement et nos croyances uniquement que le monde devient cette machine à souffrir, puis à mourir.

          Du moins, c'est ce qu'affirment les sages qui disent que l'univers est pure illusion. Si nous sommes ce corps affublé d'un nom et d'une histoire, alors oui nous sommes fragiles et condamnés à mourir tôt ou tard. Mais si nous ne le sommes pas ? Qui sommes-nous donc ? La conscience de soi - le "je" - n'est-elle que le produit de la vie qui anime ce corps ? Mais alors, d'où vient la vie ? La question mérite d'être posée et pour cela, pourquoi ne pas apprendre à se détacher également de tout ce qui peut être accompagné de l'adjectif "mien" (corps, pensées, perceptions, émotions, actes, etc...) ?

           C'est en tout cas ce que préconise dans la tradition bouddhiste mahāyāna le Sutra du Coeur, affirmant que tout est vide de réalité propre, qu'il s'agisse des perceptions, des sensations ou des pensées comme de toute activité de la conscience ; et que donc comprenant que tout est illusoire, autant le cycle de l'existence que toute quête de connaissance, les bodhisattvas sont libérés de toute peur et atteignent l'éveil parfait à leur nature véritable.

           Une autre histoire nous permet d'illustrer cette idée.

     

    Mirage


          C'est celle d'un individu qui se promène, cette fois encore dans une région tropicale mais plutôt en Afrique, du côté du Sahara. Il décide contre l'avis des habitants de la région de traverser seul à pied un large territoire désertique, inconscient des dangers encourus dans ces régions brûlées par le soleil.

         Il se met en route au petit matin et marche une bonne partie de la journée, épuisant rapidement sa gourde et bien vite terrassé par la chaleur et la sécheresse. Dans l'après-midi, il est près de succomber à la déshydratation quand enfin il aperçoit au loin l'oasis dont il rêvait : des cases ! des palmiers ! de l'eau ! Vite il se précipite mais ne peut l'atteindre et tombe évanoui... C'est un touareg de passage qui heureusement le ramasse et le transporte  jusqu'à son campement, pour le ranimer et le réconforter enfin.

          Un mirage ! En effet il n'y avait rien du tout, et sans cet homme providentiel notre ami mourait sur place.

        

        Voilà ce qui arrive lorsque l'on court vers l'illusion ! Et pourtant, c'était bien ce qu'il avait perçu. Il l'avait VU ! Mais comment ne pas comprendre que nos sens nous trompent ? Lorsque nous rêvons, il nous arrive aussi d'être certains de vivre quelque chose et de percevoir des sons, des sensations tactiles très vives. Pourtant à notre réveil nous avons la preuve du contraire.

         De plus, ce "je" qui se réveille était présent dans le rêve ! Il pensait avoir un corps, mais ce n'était pas le même que celui que nous retrouvons au réveil et qui dormait ! Ainsi, certaines personnes racontent faire des voyages dans d'autres dimensions lorsqu'elles dorment, ou sous anesthésie ou encore lors de morts passagères (NDE) : le "je" se promène, affublé de différents corps plus ou moins immatériels et vit des aventures un peu partout. Mais sont-elles réelles ?? Comment tenir pour réel ce qui change sans cesse ?

            Seul le "je" ne change pas.

           Donc, de quoi devrions-nous chercher à nous détacher pour vraiment saisir le mal à la racine ? À l'évidence, de tout ce qui n'est pas ce "je" totalement pur et primordial et dont il nous faut au préalable réaliser l'inventaire.

              Évidemment, "détacher" ne veut pas dire "faire disparaître".

            Dans la première histoire, la ligne sinueuse n'a pas disparu : elle a seulement cessé de faire peur, ne s'appelant plus "serpent" mais "corde" ; ici, il s'agit de se détacher d'une identification abusive, d'une croyance erronée.

          Dans la seconde histoire, l'effet est simplement inverse. Le mirage non plus terrorisant mais salvateur pourra sans doute apparaître à nouveau mais cette fois l'homme averti saura qu'il est trompé et qu'il ne s'agit que d'une illusion : il ne courra pas vers lui pour trouver l'eau dont il a besoin.

           De même, cessons de prêter foi au choses du monde, alors que le bonheur et l'amour ne sont que les attributs de notre Être Véritable et n'ont leur source qu'en nous.

     

     

     

         


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