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        Pour la Saint Valentin, je vous offre ce merveilleux poème d'amour écrit par Aragon pour Elsa Triolet, et que Léo Ferré a immortalisé dans une émouvante chanson.
     

    Elsa

     

    Suffit-il donc que tu paraisses
    De l'air que te fait rattachant
    Tes cheveux ce geste touchant
    Que je renaisse et reconnaisse
    Un monde habité par le chant
    Elsa mon amour ma jeunesse

    Ô forte et douce comme un vin
    Pareille au soleil des fenêtres
    Tu me rends la caresse d'être
    Tu me rends la soif et la faim
    De vivre encore et de connaître
    Notre histoire jusqu'à la fin

    C'est miracle que d'être ensemble
    Que la lumière sur ta joue
    Qu'autour de toi le vent se joue
    Toujours si je te vois, je tremble
    Comme à son premier rendez-vous
    Un jeune homme qui me ressemble

    Pour la première fois ta bouche

    Pour la première fois ta voix
    D'une aile à la cime des bois
    L'arbre frémit jusqu'à la souche
    C'est toujours la première fois
    Quand ta robe en passant me touche

    Ma vie en vérité commence
    Le jour où je t'ai rencontrée
    Toi dont les bras ont su barrer
    Sa route atroce à ma démence
    Et qui m'a montré la contrée
    Que la bonté seule ensemence

    Tu vins au coeur du désarroi

    Pour chasser les mauvaises fièvres
    Et j'ai flambé comme un genièvre
    A la Noël entre tes doigts
    Je suis né vraiment de ta lèvre
    Ma vie est à partir de toi



    Louis Aragon, Le Roman Inachevé.

    Aragon

    Vous pouvez découvrir la chanson ici  : Elsa)

     

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        Puisque je suis dans l'élan du "Ferré chante Aragon", pourquoi ne pas citer cet autre poème d'amour - tiré cette fois du recueil "Elsa" ?
        Ceci me ramène à nos querelles d'enfants, lorsqu'
    au lycée, je me heurtais à une camarade pleine d'arrogance et de certitude qui clamait la supériorité indiscutable de Paul Eluard et de Pablo Picasso. Ne pouvais-je avoir l'autorisation de préférer une forme plus "classique", un dessin moins agressif? J'étais aussitôt reléguée au rang de "petite fille à Maman", incapable de comprendre l'aspect révolutionnaire du génie. Oui, mademoiselle se disait "communiste", mais après tout Aragon l'était bien aussi, communiste, et cependant ne négligeait ni le rythme ni la rime !
        Il a marqué mes seize ans et est resté l'un de mes poètes préférés. Je n'ai jamais pu concevoir la poésie sans un "souffle" traduit dans le rythme et plus ou moins dans la rime, à l'image de la scansion grecque, latine ou germanique que j'avais longtemps pratiquées. C'est pourquoi à ses côtés je conserve en tête Paul Valéry et Guillaume Apollinaire, et pourquoi j'aime autant Edmond Rostand et Paul Claudel, que Victor Hugo et Racine...
        Il y a trois poèmes d'amour dans "Ferré chante Aragon". En voici un second.
     


    Palmiers
    Ombre
    , mer et palmes.

     

    JE T'AIME TANT


    Mon sombre amour d'orange amère
    Ma chanson d'écluse et de vent
    Mon quartier d'ombre où vient rêvant
    Mourir la mer

    Mon doux mois d'août dont le ciel pleut
    Des étoiles sur les monts calmes
    Ma songerie aux murs de palme
    Où l'air est bleu

    Mes bras d'or mes faibles merveilles
    Renaissent ma soif et ma faim
    Collier collier des soirs sans fin
    Où le cœur veille

    Est-ce que qu'on sait ce que se passe
    C'est peut-être bien ce tantôt
    Que l'on jettera le manteau
    Dessus ma face

    Coupez ma gorge et les pivoines
    Vite apportez mon vin mon sang
    Pour lui plaire comme en passant
    Font les avoines

    Il me reste si peu de temps
    Pour aller au bout de moi-même
    Et pour crier-dieu que je t'aime
    Tant

    Louis Aragon, extrait de "Elsa" (1959)


        Si ce n'est pas un beau poème d'amour, ça ! Lorsqu'on aime, il semble que le monde entier s'incarne en l'être aimé, pour nous donner l'impression d'épouser la beauté même des choses...
        J'avoue de plus que les textes choisis par Léo Ferré, comme l'interprétation qu'il en donne, me séduisent davantage que ceux chantés pas Jean Ferrat. Il y a chez ce dernier une douceur de troubadour qui, non seulement ne m'attire guère, mais en plus, ne me paraît pas "coller" tout à fait avec le caractère passionné de notre grand poète...
        Pour écouter un extrait de la chanson... Allez, cliquez ci-dessous !


     

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    Après les froidures de mars,
    Le soir rapporte sa douceur...
    Avril est là, paisible, au bord de nos maisons,
    Verdissant tendrement les ramures des arbres.

    Douceur du soir


    Tandis qu'à contre-jour,
    Silhouettes dressées comme marins au vent,
    Les pigeons se pavanent parmi les cheminées.

    Douceur du soir



    « Ce toit tranquille où marchent des colombes,
        Entre les pins palpite, entre les tombes ;
        Midi le juste y compose de feux
        La mer, la mer, toujours recommencée !
        O récompense après une pensée
        Qu'un long regard sur le calme des dieux !

        Quel pur travail de fins éclairs consume
        Maint diamant d'imperceptible écume,
        Et quelle paix semble se concevoir !
        Quand sur l'abîme un soleil se repose,
        Ouvrages purs d'une éternelle cause,
        Le Temps scintille et le Songe est Savoir. »
       
    Paul Valéry (1871-1945)
    « Le Cimetière Marin », début.
     
     
         Ah !  Paul Valéry, quel maître extraordinaire en poésie... Jamais je ne me lasserai de le relire. 
     
     

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    Le costume du temps



    Comme le disait Charles d'Orléans (1394-1465) :

    Le temps a laissé son manteau
    De vent, de froidure et de pluie,
    Et s'est vêtu de broderie,
    De soleil riant, clair et beau.

    Il n'y a bête ni oiseau
    Qu'en son jargon ne chante ou crie :
    « Le temps a laissé son manteau
    De vent, de froidure et de pluie ! »

    Rivière, fontaine et ruisseau
    Portent, en livrée jolie,
    Gouttes d'argent, d'orfèvrerie;
    Chacun s'habille de nouveau.

    Le temps a laissé son manteau
    De vent, de froidure et de pluie,
    Et s'est vêtu de broderie,
    De soleil luisant, clair et beau.


        La preuve, j'ai vu aujourd'hui un canard nager la brasse papillon... Je n'avais jamais vu ça, franchement j'étais médusée, cela faisait comme un hors-bord sur la rivière, il allait aussi vite que mon chien courant sur la rive à côté. Malheureusement je n'avais pas mon appareil photo ! (C'est toujours comme ça... Le nombre de scoop que j'ai loupés ! Tiens, ce matin, sur le parking du supermarché, il y avait en face de moi un briard au volant d'une grosse Renault aussi foncée que lui,  c'était assez rigolo aussi) .
        A la réflexion, je me demande si ce canard n'essayait pas tout simplement d'effrayer mon chien pour protéger une portée (mais mon chien est plus berger que chasseur, et ne fait de mal qu'aux mouches...)

        En attendant, voici une petite vidéo prise avec lui  (donc pas super, je m'en excuse), qui illustre le rondeau ci-dessus.



     
        Et pour terminer, l'illustration musicale attendue : la mélodie de Claude Debussy, interprétée par Bernard Kruysen avec Noël Lee au Piano.
     

     
     

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    Suis-je en train de creuser ma tombe ?

    Roses

    Eh, presque car lorsque l'on se penche vers la terre...

    Mais que vois-je ?

    Roses


    Un magnifique rosier a pris place dans la fosse prévue !

    Ah, le jardinage, mon rêve...
     

    *

    Pour clore en Poésie, je vous offre

    les Roses de Saadi
     
    de Marceline Desbordes-Valmore

    J'ai voulu ce matin te rapporter des roses ;
    Mais j'en avais tant pris dans mes ceintures closes
    Que les nœuds trop serrés n'ont pu les contenir.

    Les nœuds ont éclaté. Les roses envolées
    Dans le vent, à la mer s'en sont toutes allées,
    Elles ont suivi l'eau pour ne plus revenir ;

    La vague en a paru rouge et comme enflammée.
    Ce soir, ma robe encore en est tout embaumée...
    Respires-en sur moi l'odorant souvenir.
    (1860) 
     
     

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