-
Par Aloysia* le 14 Février 2007 à 12:00Pour la Saint Valentin, je vous offre ce merveilleux poème d'amour écrit par Aragon pour Elsa Triolet, et que Léo Ferré a immortalisé dans une émouvante chanson.
Suffit-il donc que tu paraisses
De l'air que te fait rattachant
Tes cheveux ce geste touchant
Que je renaisse et reconnaisse
Un monde habité par le chant
Elsa mon amour ma jeunesse
Ô forte et douce comme un vin
Pareille au soleil des fenêtres
Tu me rends la caresse d'être
Tu me rends la soif et la faim
De vivre encore et de connaître
Notre histoire jusqu'à la fin
C'est miracle que d'être ensemble
Que la lumière sur ta joue
Qu'autour de toi le vent se joue
Toujours si je te vois, je tremble
Comme à son premier rendez-vous
Un jeune homme qui me ressemble
Pour la première fois ta bouche
Pour la première fois ta voix
D'une aile à la cime des bois
L'arbre frémit jusqu'à la souche
C'est toujours la première fois
Quand ta robe en passant me touche
Ma vie en vérité commence
Le jour où je t'ai rencontrée
Toi dont les bras ont su barrer
Sa route atroce à ma démence
Et qui m'a montré la contrée
Que la bonté seule ensemence
Tu vins au coeur du désarroi
Pour chasser les mauvaises fièvres
Et j'ai flambé comme un genièvre
A la Noël entre tes doigts
Je suis né vraiment de ta lèvre
Ma vie est à partir de toi
Louis Aragon, Le Roman Inachevé.Vous pouvez découvrir la chanson ici : Elsa)
1 commentaire -
Par Aloysia* le 17 Février 2007 à 12:00Puisque je suis dans l'élan du "Ferré chante Aragon", pourquoi ne pas citer cet autre poème d'amour - tiré cette fois du recueil "Elsa" ?
Ceci me ramène à nos querelles d'enfants, lorsqu'au lycée, je me heurtais à une camarade pleine d'arrogance et de certitude qui clamait la supériorité indiscutable de Paul Eluard et de Pablo Picasso. Ne pouvais-je avoir l'autorisation de préférer une forme plus "classique", un dessin moins agressif? J'étais aussitôt reléguée au rang de "petite fille à Maman", incapable de comprendre l'aspect révolutionnaire du génie. Oui, mademoiselle se disait "communiste", mais après tout Aragon l'était bien aussi, communiste, et cependant ne négligeait ni le rythme ni la rime !
Il a marqué mes seize ans et est resté l'un de mes poètes préférés. Je n'ai jamais pu concevoir la poésie sans un "souffle" traduit dans le rythme et plus ou moins dans la rime, à l'image de la scansion grecque, latine ou germanique que j'avais longtemps pratiquées. C'est pourquoi à ses côtés je conserve en tête Paul Valéry et Guillaume Apollinaire, et pourquoi j'aime autant Edmond Rostand et Paul Claudel, que Victor Hugo et Racine...
Il y a trois poèmes d'amour dans "Ferré chante Aragon". En voici un second.
JE T'AIME TANT
Mon sombre amour d'orange amère
Ma chanson d'écluse et de vent
Mon quartier d'ombre où vient rêvant
Mourir la mer
Mon doux mois d'août dont le ciel pleut
Des étoiles sur les monts calmes
Ma songerie aux murs de palme
Où l'air est bleu
Mes bras d'or mes faibles merveilles
Renaissent ma soif et ma faim
Collier collier des soirs sans fin
Où le cœur veille
Est-ce que qu'on sait ce que se passe
C'est peut-être bien ce tantôt
Que l'on jettera le manteau
Dessus ma face
Coupez ma gorge et les pivoines
Vite apportez mon vin mon sang
Pour lui plaire comme en passant
Font les avoines
Il me reste si peu de temps
Pour aller au bout de moi-même
Et pour crier-dieu que je t'aime
Tant
Louis Aragon, extrait de "Elsa" (1959)
Si ce n'est pas un beau poème d'amour, ça ! Lorsqu'on aime, il semble que le monde entier s'incarne en l'être aimé, pour nous donner l'impression d'épouser la beauté même des choses...
J'avoue de plus que les textes choisis par Léo Ferré, comme l'interprétation qu'il en donne, me séduisent davantage que ceux chantés pas Jean Ferrat. Il y a chez ce dernier une douceur de troubadour qui, non seulement ne m'attire guère, mais en plus, ne me paraît pas "coller" tout à fait avec le caractère passionné de notre grand poète...
Pour écouter un extrait de la chanson... Allez, cliquez ci-dessous !
1 commentaire -
Par Aloysia* le 2 Avril 2007 à 12:00
Après les froidures de mars,
Le soir rapporte sa douceur...
Avril est là, paisible, au bord de nos maisons,
Verdissant tendrement les ramures des arbres.
Tandis qu'à contre-jour,
Silhouettes dressées comme marins au vent,
Les pigeons se pavanent parmi les cheminées.
« Ce toit tranquille où marchent des colombes,
Entre les pins palpite, entre les tombes ;
Midi le juste y compose de feux
La mer, la mer, toujours recommencée !
O récompense après une pensée
Qu'un long regard sur le calme des dieux !
Quel pur travail de fins éclairs consume
Maint diamant d'imperceptible écume,
Et quelle paix semble se concevoir !
Quand sur l'abîme un soleil se repose,
Ouvrages purs d'une éternelle cause,
Le Temps scintille et le Songe est Savoir. »
Paul Valéry (1871-1945)
« Le Cimetière Marin », début.Ah ! Paul Valéry, quel maître extraordinaire en poésie... Jamais je ne me lasserai de le relire.
1 commentaire -
Par Aloysia* le 21 Avril 2007 à 12:00
Comme le disait Charles d'Orléans (1394-1465) :
Le temps a laissé son manteau
De vent, de froidure et de pluie,
Et s'est vêtu de broderie,
De soleil riant, clair et beau.
Il n'y a bête ni oiseau
Qu'en son jargon ne chante ou crie :
« Le temps a laissé son manteau
De vent, de froidure et de pluie ! »
Rivière, fontaine et ruisseau
Portent, en livrée jolie,
Gouttes d'argent, d'orfèvrerie;
Chacun s'habille de nouveau.
Le temps a laissé son manteau
De vent, de froidure et de pluie,
Et s'est vêtu de broderie,
De soleil luisant, clair et beau.
A la réflexion, je me demande si ce canard n'essayait pas tout simplement d'effrayer mon chien pour protéger une portée (mais mon chien est plus berger que chasseur, et ne fait de mal qu'aux mouches...)
En attendant, voici une petite vidéo prise avec lui (donc pas super, je m'en excuse), qui illustre le rondeau ci-dessus.
Et pour terminer, l'illustration musicale attendue : la mélodie de Claude Debussy, interprétée par Bernard Kruysen avec Noël Lee au Piano.
1 commentaire -
Par Aloysia* le 20 Mai 2007 à 12:00Suis-je en train de creuser ma tombe ?
Eh, presque car lorsque l'on se penche vers la terre...
Mais que vois-je ?
Un magnifique rosier a pris place dans la fosse prévue !
Ah, le jardinage, mon rêve...
*
Pour clore en Poésie, je vous offre
les Roses de Saadi
de Marceline Desbordes-Valmore
J'ai voulu ce matin te rapporter des roses ;
Mais j'en avais tant pris dans mes ceintures closes
Que les nœuds trop serrés n'ont pu les contenir.
Les nœuds ont éclaté. Les roses envolées
Dans le vent, à la mer s'en sont toutes allées,
Elles ont suivi l'eau pour ne plus revenir ;
La vague en a paru rouge et comme enflammée.
Ce soir, ma robe encore en est tout embaumée...
Respires-en sur moi l'odorant souvenir.
(1860)
1 commentaire