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Par Aloysia* le 27 Janvier 2010 à 12:00Depuis que je suis à la retraite, je n'ai jamais été si occupée ! Autrefois, travaillant toute la journée sur ordinateur, il m'était facile de garder une petite fenêtre en réserve pour vous visiter ou alimenter mon blog, mine de rien... Mais maintenant, j'y suis beaucoup moins, et cela explique mes absences prolongées - du moins en ce moment.
De plus, je viens de transcrire sur CD de vieux microsillons, desquels on m'avait fourni des enregistrements sur cassette audio absolument immondes, remplis de grésillements, de craquements, voire de sillons qui sautent. Des jours et des jours de travail pour essayer de nettoyer le son, et je ne jongle pas avec internet tandis que je suis désespérément concentrée sur Audacity...
Vous en aurez bientôt un aperçu !
En attendant ce plaisir, je vous offre une petite parenthèse Apollinarienne, qui aura elle aussi prochainement sa suite...
Il s'agit du "Bestiaire ou Cortège d'Orphée", où le poète, à la fois magnifié à travers son modèle, est aussi considéré avec un certain humour.
Guillaume, s'identifiant à Orphée, poète inspiré et même "initié" aux connaissances secrètes par les dieux, l'imagine entraînant après lui tous les animaux qui dit-on tombaient sous le charme des accents de sa lyre. Avant chaque famille d'animaux correspond de lui une description différente. Il s'agit à chaque fois, pour lui comme pour les animaux, d'un simple quatrain de vers courts, lourd de sens.
En voici le premier, "Orphée" :
Orphée dessiné par Jean Cocteau
Admirez le pouvoir insigne
Et la noblesse de la ligne :
Elle est la voix que la lumière fit entendre
Et dont parle Hermès Trismégiste en son Pimandre. 1
Puis le second, consacré comme de juste à "La Tortue", puisque comme chacun sait la lyre qui lui fut offerte par Apollon était construite à partir d'une grosse carapace de tortue servant de caisse de résonance. Le "Thrace" désigne Orphée lui-même par son pays d'origine.
Lyre, reproduction d'après l'antiqueDu Thrace magique, ô délire !
Cliché pris par les élèves de 4e et 3e du collège de Tremonteix (Puy de Dôme)- voir ici.
Mes doigts sûrs font sonner la lyre.
Les animaux passent aux sons
De ma tortue, de mes chansons.
Guillaume Apollinaire
1 - Le Pimandre est le livre sacré contenant tous les secrets de l'hermétisme, autrement dit de la doctrine d'Hermès "Trismégiste" (Trois fois Grand). Voir ici.
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Par Aloysia* le 17 Avril 2010 à 12:00
Aujourd'hui, je vous citerai Baudelaire, dans ce magnifique sonnet dont les merveilles sont remarquablement mises en valeur par Léo Ferré (ci-dessous, en deezer), et qui malgré certaines répugnances de leur auteur pressent cependant l'univers fantastique de Jean Cocteau (5e et 14e vers).Je suis belle, ô mortels ! comme un rêve de pierre,
Et mon sein, où chacun s'est meurtri tour à tour,
Est fait pour inspirer au poète un amour
Éternel et muet ainsi que la matière.Je trône dans l'azur comme un sphinx incompris ;
J'unis un cœur de neige à la blancheur des cygnes ;
Je hais le mouvement qui déplace les lignes,
Et jamais je ne pleure et jamais je ne ris.
Les poètes, devant mes grandes attitudes,
Que j'ai l'air d'emprunter aux plus fiers monuments,
Consumeront leurs jours en d'austères études ;Car j'ai, pour fasciner ces dociles amants,
De purs miroirs qui font toutes choses plus belles :
Mes yeux, mes larges yeux aux clartés éternelles !Charles Baudelaire, Les Fleurs du Mal, XVII.
Jean Cocteau, image extraite du "Testament d'Orphée": Cocteau ajoute à ses personnages des yeux immenses, pour rappeler justement ceux des statues.
Or nous n'en resterons pas à cette constatation ! J'ai remarqué de plus que ce poème est le XVIIe des Fleurs du Mal, ce qui lui associe un chiffre de haute vibration, celui de la lame du Tarot "L'Etoile" , qui évoque justement l'Idéal, mais aussi la Protection venue du ciel et même la chance (la "bonne" Etoile).
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Par Aloysia* le 7 Août 2010 à 12:00
En attendant d'écrire à nouveau, je vous livre ici un magnifique poème méconnu d'Emile Verhaeren, tiré de son recueil "La multiple splendeur".
Comme vous et moi, c'était un mystique ...
L'arbre
Tout seul,
Que le berce l'été, que l'agite l'hiver,
Que son tronc soit givré ou son branchage vert,
Toujours, au long des jours de tendresse ou de haine,
Il impose sa vie énorme et souveraine
Aux plaines.Il voit les mêmes champs depuis cent et cent ans
Et les mêmes labours et les mêmes semailles ;
Les yeux aujourd'hui morts, les yeux
Des aïeules et des aïeux
Ont regardé, maille après maille,
Se nouer son écorce et ses rudes rameaux.
Il présidait tranquille et fort à leurs travaux ;
Son pied velu leur ménageait un lit de mousse ;
Il abritait leur sieste à l'heure de midi
Et son ombre fut douce
À ceux de leurs enfants qui s'aimèrent jadis.Dès le matin, dans les villages,
D'après qu'il chante ou pleure, on augure du temps ;
Il est dans le secret des violents nuages
Et du soleil qui boude aux horizons latents ;
Il est tout le passé debout sur les champs tristes,
Mais quels que soient les souvenirs
Qui, dans son bois, persistent,
Dès que janvier vient de finir
Et que la sève, en son vieux tronc, s'épanche,
Avec tous ses bourgeons, avec toutes ses branches,
- Lèvres folles et bras tordus -
Il jette un cri immensément tendu
Vers l'avenir.Alors, avec des rais de pluie et de lumière,
Il frôle les bourgeons de ses feuilles premières,
Il contracte ses nœuds, il lisse ses rameaux ;
Il assaille le ciel, d'un front toujours plus haut ;
Il projette si loin ses poreuses racines
Qu'il épuise la mare et les terres voisines
Et que parfois il s'arrête, comme étonné
De son travail muet, profond et acharné.Mais pour s'épanouir et régner dans sa force,
Ô les luttes qu'il lui fallut subir, l'hiver !
Glaives du vent à travers son écorce.
Cris d'ouragan, rages de l'air,
Givres pareils à quelque âpre limaille,
Toute la haine et toute la bataille,
Et les grêles de l'Est et les neiges du Nord,
Et le gel morne et blanc dont la dent mord,
Jusqu'à l'aubier, l'ample écheveau des fibres,
Tout lui fut mal qui tord, douleur qui vibre,
Sans que jamais pourtant
Un seul instant
Se ralentît son énergie
À fermement vouloir que sa vie élargie
Fût plus belle, à chaque printemps.En octobre, quand l'or triomphe en son feuillage,
Mes pas larges encore, quoique lourds et lassés,
Souvent ont dirigé leur long pèlerinage
Vers cet arbre d'automne et de vent traversé.
Comme un géant brasier de feuilles et de flammes,
Il se dressait, superbement, sous le ciel bleu,
Il semblait habité par un million d'âmes
Qui doucement chantaient en son branchage creux.
J'allais vers lui les yeux emplis par la lumière,
Je le touchais, avec mes doigts, avec mes mains,
Je le sentais bouger jusqu'au fond de la terre
D'après un mouvement énorme et surhumain ;
Et j'appuyais sur lui ma poitrine brutale,
Avec un tel amour, une telle ferveur,
Que son rythme profond et sa force totale
Passaient en moi et pénétraient jusqu'à mon cœur.Alors, j'étais mêlé à sa belle vie ample ;
Je me sentais puissant comme un de ses rameaux ;
Il se plantait, dans la splendeur, comme un exemple ;
J'aimais plus ardemment le sol, les bois, les eaux,
La plaine immense et nue où les nuages passent ;
J'étais armé de fermeté contre le sort,
Mes bras auraient voulu tenir en eux l'espace ;Mes muscles et mes nerfs rendaient léger mon corps
Et je criais : " La force est sainte.
Il faut que l'homme imprime son empreinte
Tranquillement, sur ses desseins hardis :
Elle est celle qui tient les clefs des paradis
Et dont le large poing en fait tourner les portes ".
Et je baisais le tronc noueux, éperdument,
Et quand le soir se détachait du firmament,
je me perdais, dans la campagne morte,
Marchant droit devant moi, vers n'importe où,
Avec des cris jaillis du fond de mon cœur fou.Emile Verhaeren
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Par Aloysia* le 18 Septembre 2010 à 12:00
À l'instar de Marlou et comme je l'ai déjà fait, je vous cite un petit poème de quelqu'un d'autre...Ils sont généralement beaucoup plus géniaux que les miens.
Et celui-ci est de Paul-Jean Toulet, extrait de son recueil "Contrerimes".
(image empruntée ici)
J’ai vu le Diable, l’autre nuit ;
Et, dessous sa pelure,
Il n’est pas aisé de conclure
S’il faut dire : Elle, ou : Lui.
Sa gorge, — avait l’air sous la faille,
De trembler de désir :
Tel, aux mains près de le saisir,
Un bel oiseau défaille.
Telle, à la soif, dans Blidah bleu,
S’offre la pomme douce ;
Ou bien l’orange, sous la mousse,
Lorsque tout bas il pleut.
— « Ah ! » dit Satan, et le silence
Frémissait à sa voix,
« Ils ne tombent pas tous, tu vois,
Les fruits de la Science ».
J'adore l'ambiguïté voulue de ses propos, leur douceur vénéneuse...
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Par Aloysia* le 21 Septembre 2010 à 12:00
Pour vous faire mieux connaître ce grand poète béarnais, en voici un second poème, parmi ses plus connus puisqu'il a inspiré le titre d'un roman à Raphaëlle Billetdoux (voir ici) ainsi que celui bien évidemment de la biographie du poète lui-même (ici).Celui-ci est tiré du recueil "Chansons", la première de ce qu'il nomme "Romances sans musique".
En Arles
Dans Arle, où sont les Aliscamps,
Quand l’ombre est rouge, sous les roses,
Et clair le temps,
Prends garde à la douceur des choses.
Lorsque tu sens battre sans cause
Ton cœur trop lourd ;
Et que se taisent les colombes :
Parle tout bas, si c’est d’amour,
Au bord des tombes.
0n y retrouve ce goût pour la confidence qui fait de ce dandy un tendre sous son ironie mordante à la Sacha Guitry.
En complément je vous invite à lire ce qu'en dit ici Frédéric Martinez, son biographe.
Il émane un charme envoûtant de son écriture sobre, qui me rappelle un peu les gymnopédies d'Eric Satie, dans leur mystérieuse simplicité.
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