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        Je vous parlais hier du « Poème de l'Amour et de la Mer », composé par Ernest Chausson sur un texte de Maurice Bouchor. C'est un texte pathétique, mis en musique avec toute l'âpreté post-romantique qui caractérise notre jeune élève de César Franck, mort prématurément à l'âge de 44 ans alors qu'il circulait à vélo.

        Il évoque la traversée en bateau d'un jeune homme au coeur sensible, vers une île sans doute de Bretagne... que j'ai toujours associée à l'île de Bréhat, au large de Paimpol, célèbre pour son climat doux et son paysage fleuri. Frémissant, le poète sent qu'il va y rencontrer l'amour. Hélas, la bien-aimée, toute charmante qu'elle se soit montrée le premier jour, ne demeurera pas dans ces sentiments, et lors de la visite ultérieure du poète, au printemps suivant, lui opposera une hostilité telle qu'il croit voir des spectres hanter les paysages autrefois embaumés par les roses et les lilas. Apparemment le temps, radieux à son premier voyage, aurait aussi viré au gris menaçant, et la mer, calme et étincelante au premier jour, serait devenue sinistrement houleuse...

        J'ai toujours adoré la ferveur naïve qui anime le début de la première partie (celle qui s'achève précisément au vers que je vous ai mentionné : « Et des cieux entrouverts pleuvaient sur nous des roses »), mais étrangement c'est la fin que l'on entend toujours, fin tragique et douloureuse intitulée « La Mort de l'Amour ». Je suppose que c'est parce qu'elle forme un tout dans une tonalité mélancolique et peut-être interprétée comme une mélodie à part entière, accompagnée éventuellement au piano, alors que le reste de l'oeuvre conserve un ton
    plutôt narratif et requiert davantage la présence de l'orchestre pour lequel elle a été initialement écrite.

        Je n'avais pas pensé à fouiner dans Youtube pour en trouver des enregistrements, et finalement je viens d'en trouver deux ; mais seulement de cette dernière partie, dont je déplore la tristesse en ce superbe week-end ensoleillé. Je vous la livre tout de même, pour deux raisons :
        - pour vous permettre de mieux entendre cette oeuvre (au cas où vous ne la connaîtriez pas déjà).
        -  à cause de la qualité de l'orchestre et notamment du violoncelliste solo, pour la vidéo transcrite ici. En ce qui concerne la cantatrice, je suis un peu réservée ; si elle possède d'indéniables qualités vocales, sa voix est un peu rauque, du moins au début, et surtout son manque de connaissance du français est assez gênant et déforme le texte. Il s'agit de Ilca Lopez, et l'enregistrement vient du Centre des Beaux-Arts de Santurce, à Porto-Rico.

    (enregistrement disparu ; ici une belle interprétation avec piano :)


        Mais pourquoi aussi les français ne chantent-ils pas leur propre musique ? Pourquoi faut-il toujours que ce soient des étrangers qui mettent en valeur notre répertoire ? Dans le disque dont je vous ai donné un extrait, c'était Janet Baker qui chantait, et dans le commerce, vous trouverez  l'interprétation de Jessye Norman ; quant au microsillon que j'ai possédé par le passé et qui emporte encore ma totale préférence, il était tchèque (c'était un disque "Supraphon").
        Une autre question aussi : pourquoi ce "poème" est-il toujours interprété par des femmes alors que le personnage central en est un homme ? Pourtant il ne semble pas que cela soit un voeu du compositeur, puisqu'il en fournit la première interprétation en 1893 avec le ténor Désiré Demest.

    Voici les paroles, pour mieux comprendre :

            Le temps des lilas et le temps des roses
            Ne reviendra plus à ce printemps-ci ;
            Le temps des lilas et le temps des roses
            Est passé, le temps des œillets aussi.

     

            Le vent a changé, les cieux sont moroses,
            Et nous n'irons plus courir, et cueillir
            Les lilas en fleur et les belles roses ;
            Le printemps est triste et ne peut fleurir.

     

            Oh ! joyeux et doux printemps de l'année,
            Qui vins, l'an passé, nous ensoleiller,
            Notre fleur d'amour est si bien fanée,
            Las ! que ton baiser ne peut l'éveiller !

     

            Et toi, que fais-tu ? pas de fleurs écloses,
            Point de gai soleil ni d'ombrages frais;
            Le temps des lilas et le temps des roses
            Avec notre amour est mort à jamais.


    (Texte recueilli sur Wikipedia ici
    )

        En suivant les liens qui entourent l'enregistrement de Youtube, on trouve aussi ce récital donné par un jeune anglais, où «
    Le temps des lilas » est chanté après deux autres mélodies, avec accompagnement de piano. Et si l'orchestre manque, si le jeune homme parle lui aussi très mal le français, le résultat est cependant très honorable car la pianiste (
    Elizabeth Wallace) réussit à rendre correctement l'ambiance orchestrale, tandis que le ténor (Chris Rosborough) a une voix chaude et agréable. Je vous encourage donc à l'écouter (ici démarrage à 4'35 environ).

       
     

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    Comme on voit sur la branche, au mois de mai, chanter
    Une fauvette brune à la calotte noire,
    Discourant, devisant en gazouillis notoire,
    De même on voit la rose éveiller sa beauté...


        Allez ! Il y aurait encore tant à dire, sur l'utilisation de la rose dans la poésie, depuis Ronsard (voir ici) ou même avant... jusqu'à Saint-Exupéry, et même après - autant sans doute que sur les oiseaux !
        C'est pourquoi je me contente de vous offrir ces quelques vues de mes premières roses, avec le souvenir musical qu'elles m'inspirent.
     
     




       
        On croit en sentir le parfum... Aussi est-ce Théophile Gautier qui me revient en mémoire, avec ces vers :

       « Tu me pris encore emperlée
    Des pleurs d'argent de l'arrosoir »

        Qui bien sûr ont reçu leur consécration dans la mélodie de Berlioz que j'ai, je crois, déjà citée il y a quelques années sur ce blog... et qui est ici merveilleusement interprétée par dame Janet Baker (« Le Spectre de la Rose », in « Les Nuits d'été »)


     

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        À l'instar de Russalka, qui fait si joliment l'inventaire des bonheurs qui lui ensoleillent la vie,  je pense qu'il serait peut-être sympathique de créer un "TAG" qui nous incite à énumérer nos "joies quotidiennes". Cela fait toujours chaud au coeur d'en dresser la liste.
        Mais en attendant, pour laisser libre cours au flux de souvenirs musicaux qu'elle m'a évoqués, je vous laisse goûter ici les paroles de l'air si gai chanté par Julie Andrews dans "la Mélodie du Bonheur", le film de Robert Wise adapté de la comédie musicale du même nom, d'abord en anglais, puis dans la traduction française (prises sur
    ce site, j'ignore de qui est le texte français):
     


    MY FAVORITE THINGS
    (Rodgers / Hammerstein)

     

    Raindrops on roses and
    Whiskers on kittens
    Bright copper kettles and
    Warm woolen mittens
    Brown paper packages
    Tied up with strings
    These are a few of
    My favourite things

     

    Cream colored ponies and
    Crisp apple strudels
    Door bells and sleigh bells
    And schnitzel with noodles
    Wild geese that fly with
    The moon on their wings
    These are a few of
    My favourite things

     

    Girls in white dresses
    With blue satin sashes
    Snowflakes that stay on
    My nose and eyelashes
    Silver white winters
    That melt into Springs
    These are a few of
    My favourite things

     

    When the dog bites
    When the bee stings
    When I'm feeling sad
    I simply remember
    My favourite things
    And then I don't feel so bad.



    MES JOIES QUOTIDIENNES

     

    Pétales de roses et moustaches de chatons
    Bonnes mitaines et bon feu qui brille
    Beau cahier quadrillé cheveux mouillés
    C'est là un peu de mes joies quotidiennes

     

    Gros mille feuilles tarte aux pommes fraîches
    Grand bol de crème dont on se pourlèche
    Belle oie sauvage qui s'envole dans la plaine
    C'est là un peu de mes joies quotidiennes

     

    Gaie robe claire coiffures en nattes
    Doux flocons blancs sur mon nez écarlate
    Les fleurs d'avril en bouquets qui reviennent
    C'est là un peu de mes joies quotidiennes

     

    Quand le chien mord quand l'abeille pique
    Quand ça marche mal
    C'est simple je pense à mes joies quotidiennes
    Et tout alors va très bien

     

        Vous en trouverez bien des interprétations sur Youtube, mais je vous propose ici cette version jazz, interprétée à Baden-Baden  en 1961 par John Coltrane au saxo soprano, avec Eric Dolphy à la flûte et au saxophone alto, McCoy Tyner au piano, Reggie Workman à la contrebasse et Elvin Jones aux percussions.

     

      


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    Terre ô déchirée
    Que les fleuves ont reprisée

    Apollinaire

        Ecoutez... C'est de Steve Roach, un musicien américain de style New Age ; et si vous aimez, ne manquez pas d'écouter d'autres extraits de cet auteur inspiré sur Youtube. Il y en a de superbes.
        Steve Roach utilise les synthétiseurs, mais aussi toutes sortes de percussions empruntées aux peuples primitifs, et la voix. Il a le génie du rythme et de l'harmonie, mais aussi celui des timbres et des sonorités. Dans l'extrait ci-dessous il utilise le "bâton de pluie", pour évoquer les petits cailloux qui roulent sur la terre.


     

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    Le lac de Serre-Ponçon, dans les Hautes Alpes
    (Photo prise par moi en août 2006)


        Voici une de mes oeuvres pianistiques préférées : tirée des "Harmonies poétiques et religieuses", de
    Franz Liszt, la troisième de la série, elle en est aussi une des plus équilibrées et des plus achevées, si ce n'est la plus belle.
        Pour une âme mystique autant que romantique, Liszt évoque ici toute la splendeur d'un paysage qu'on imagine suisse, un immense panorama de montagnes baigné par le soleil, en une partition de 15 pages qui dure une quinzaine de minutes, et que je m'obstine depuis plusieurs années à toujours retravailler et toujours réapprendre par coeur, ce qui est une gageure surtout par rapport à la longueur du morceau, qui exige une certaine endurance et donc l'habitude de jouer plusieurs heures par jour.
        Pour vous la faire connaître, je l'ai trouvée sur Youtube, mais en deux parties, vu sa longueur. Vous en comprendrez cependant je pense la construction, de forme "lied" dirais-je, c'est-à-dire avec une première partie exposant le thème principal, en deux fois me corrigerez-vous séparées par un léger intermède, et se terminant sur une montée grandiose aboutissant à une jolie coda toute enguirlandée sur la gamme pentatonique, préfigurant déjà Debussy ou Maurice Ravel.
        Un nouvel intermède, très différent de style et comme destiné à "ramener sur terre" (observation des fleurs ? Des petits animaux ?) clôt la première moitié de l'enregistrement et la première vidéo, suivi d'un passage plus chanté (qui débute le second enregistrement), destiné à reconduire vers l'extase du premier thème... Et c'est la reprise, plus vibrante que jamais, consuisant à une coda si enguirlandée cette fois que c'est la partie sur laquelle je bute le plus. Une conclusion méditative clôt la pièce, comme on ferme un livre, les yeux, ou comme on joint les mains.

        J'ai admiré l'interprétation sublime d'
    Alfred Brendel (qui m'a permis de découvrir cet oeuvre), celle un peu rapide de Philip Thomson
    aux éditions Naxos, mais il y en a bien d'autres plus récentes, et sur Youtube j'apprécie celle de Claudio Arrau, car finalement il ne force pas dans la virtuosité, il ne presse pas, et c'est sans doute tout à fait juste puisqu'il s'agit d'une oeuvre essentiellement contemplative.

        Je vous laisse l'écouter et l'apprécier à votre tour.
     

     
     

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