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    Tombée
    Sous les voiles de l'herbe ;
    Tombée
    Comme la pluie,
    Comme la feuille fanée.

    Soupir de l'hiver
    Et de ses fleurs muettes...
    Le jour balbutie son adieu pitoyable.

    Sans le froid de ton sourire coupant,
    Je serais morte plus tôt ;
    Mais je respire encore,
    Là, sous la terre,
    Entre deux pleurs de lune...

     
     

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  • Un peu de sable me suffit,
    D’un geste déplié,
    Pour inonder le ciel
    De blancs soleils mobiles.

    Mais des tribus païennes
    De femmes aux yeux bouclés
    Dansent sur mes navires
    Leurs rondes déifuges.

    Oh ! Tes regards m’épinglent
    A ce marbre solide,
    Aux pourpres orangées
    De ton apocalypse !

    … Et soudain,
    Tous mes enfants divaguent,
    Figés dans leur sommeil de fleurs…
    (Mes oiseaux d’aube et d’églantier,
    Mes délicieux fraisiers sauvages,
    Dissimulés
    Dans les forêts de mes cheveux)…
     
     
    Le Rossignol d'Argent
     
     
     

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    Lune,
    Bulle claire
    Entre deux pompons noirs,
    Tu ris sur le ciel bleu naïf
    Qui t’auréole à peine…
    Petite lune charmeuse
    Qui cours entre deux branches,
    Que fais-tu sur ce toit,
    Coquine ?
    Envolée savonneuse,
    Ballon éberlué,
    Tu regardes là-bas l’horizon citronné
    Où l’azur s’assombrit,
    Et tu laisses le ciel
    T’environner de nuit
    Pour créer le silence,
    Et faire de ton rire
    Son œil unique et muet dans la ténèbre obscure…
     
     
     


     
     

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  •      En 1970, j'étais pensionnaire dans un lycée austère où la philosophie ne me semblait plus avoir aucun sens. M'inspirant d'un poème d'Agrippa d'Aubigné (1552-1630) étudié en classe de lettres (heureusement plus intéressante), je commis alors ce vilain pamphlet :

      

    Sainte Contradiction, levier de la Raison,
    Guéris en me blessant mon angoisse profonde ;
    Et grâce à la Praxis, d'où je pars et me fonde,
    Trouve des connexions, de subtiles liaisons.

    La Théorie est vide et nous la haïssons :
    Plus de spéculations arides sur le monde !
    L'étude structurale est beaucoup plus féconde :
    Tuons le dogmatisme, amis, et "scientisons" !

    Les systèmes figés de la métaphysique
    Sont à l'entendement comme un soporifique...
    Moi, je veux progresser par les contradictions.


    Etudions désormais la gnoséologie,
    Ne nous adonnons qu'à la méthodologie,
    Puisque nous respectons enfin l'Evolution ! 
     


    Dessin humoristique extrait d'un site dédié à un organisme suisse d'amélioration de la vie sociale et culturelle (le GWA) ; il s'agit là d'un colloque qui eut lieu en mars 2003. En haut il est écrit : "méthodes de participation", et à gauche le personnage qui tire de l'eau remarque : "il ne vient rien !"
     

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  •     Pour faire suite à l'article précédent, je ne résiste pas au plaisir de vous citer le poème qui fut à l'origine de ce pastiche. Le pauvre Agrippa s'y efforçait à l'infidélité pour oublier un amour malheureux ; c'est pourquoi il se "blessait" pour se "guérir", formule précieuse s'il en fut... En effet la mode à l'époque, mode de la "préciosité", consistait à exprimer des sensations extrêmes et souvent opposées pour créer le saisissement chez le lecteur, pour l'impressionner  en quelque sorte.

       
        Notes : Agrippa écrit en alexandrins, vers de douze syllabes ; et dans le titre qui est aussi le premier vers, il faut prononcer en deux syllabes le verbe "aie", en donnant une valeur séparée à l'e muet de l'impératif (prononciation de la Renaissance).
        Au 4e vers : "au premier" signifie ici "tout d'abord".


    Ô divine Inconstance, aie pitié de moi

     
     
    Ô divine Inconstance, aie pitié de moi,
    Guéris en me blessant ma plaie et mon émoi,
    Pardonne le dépit de mon âme pressée,
    Pardonne-lui les maux qu'au premier offensée,
    Elle a vomi sur toi frénétique en courroux.
    Change sa volonté, ton nom lui sera doux,
    Et comme j'ai tourné le médire en louange,
    Fais qu'un cœur amoureux à n'aimer plus se change.
    Je te ferai rouler un autel d'un ballon,
    J'immolerai dessus des feuilles qu'Aquilon
    Ton père nous fait choir au pluvieux automne,
    Je t'offrirai de l'air d'une cloche qui sonne,
    Et le coq qui virait sur le haut du clocher,
    Dansant de cent façons ; je courrai te chercher
    De l'eau et du savon, et ferai à merveilles
    D'une paille fendue envoler des bouteilles ;
    J'offrirai du duvet, plumes, fleurs et chardons,
    Et de l'eau de la mer et des petits glaçons,
    Un caméléon vif, et au lieu de paroles,
    Je dirai sans propos cent mille fariboles !
    Et sacrant tout cela à ton nom immortel
    Je brûlerai encor, et le temple, et l'autel. 
     
     
     Agrippa d'Aubigné
     
     
     

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