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        Je vous ai dit une fois que j'aimais le ski... En fait je n'ai jamais eu la chance d'aller à la montagne l'hiver ; jusqu'au jour où, en 1998, à 46 ans, j'ai décidé de me battre pour "ne pas mourir idiote", et de tout faire pour y aller au moins une fois, aux vacances de février, et d'y prendre deux leçons particulières de ski pour les deux jours que j'y passerais (sur un week-end). C'était "l'âge limite" paraît-il, surtout que je n'étais pas particulièrement souple !
         Voici ce que cela a donné : quelques petites descentes sympa, un peu angoissées, et beaucoup d'enthousiasme et de bonheur !


    Main secourable... (Photo tirée du net)

     
    Immuablement froide et ferme à l'horizon
    Elle te fortifie tel l’œuf originel
    Et voici ton chemin, ton paysage neuf :
    A travers ces talus, ces buissons, ces rochers
    Tu la vois qui t'aspire,
    Et c'est la voix des cimes,
    Et c'est ta voix nouvelle,
    Et c'est ta voie majeure,
    Sainte Marie Majeure,
    Sainte Epée de Folie !
    O Neige tout éclat,
    Tu brilles à l'infini ;
    Tu fumes d'or tissé
    Et je glisse...
    Et voilà, j'ai glissé, et le gouffre a parlé,
    Le gouffre m'a saisie, et je file, emportée
    Vers où, je ne sais pas,
    Vers le bord où je meurs,
    Vers le bord où je veux, vers le bord d'où je sors
    Des feux du désespoir,
    Où dans l'effort conscient je change
    Et modifie ma trajectoire,
    Où triomphalement je décide de vivre,
    Et encore, et encore,
    Où je dis : me voici,
    Et me voici encore !

    O Neige, resplendis :
    Ton ciel est bleu profond...
    La voix me dit : respire !
    Et bientôt tu m'accueilles,
    Et bientôt je suis lasse,
    Et bientôt je suis là,
    Blottie
    Dans toi,
    Au creux de ta froide blessure,
    Dans l'absence même de la Terre,
    Dans la molle pression d'une eau décente
    Et dans la joie sans fond de la descente,
    Dans le cri de terreur d'une chute insensée :
    Jaillis !!!
    Jaillie de toi depuis toujours,
    Je gis au creux de ton sourire écumant de velours :
    Je suis l'oiseau oublié de tes doigts
    Qui a volé, qui est tombé,
    Qui a trouvé
    Et son ciel, et sa lune,
    Et ses étoiles.
     
     
    6 mars 1998          
     
                                                     
     

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       C'est le 27 décembre de cette année 1984. Nous quittons enfin Timimoun. 

     
    En_attendant_le_taxi-2.jpg
    En attendant le taxi : enfants de Timimoun...

     

         Nous avons passé notre dernière nuit chez Farid. Ma lampe de poche est grillée, et je suis ravie de penser que je n’en aurai plus besoin.

        Nous marchons jusqu’en ville pour prendre notre petit déjeuner et attendre les taxis qui sont censés nous emmener vers El Goléa, puis Ghardaïa. Mais bien sûr ceux-ci ne sont pas au rendez-vous ! C’est encore Farid qui s’est fait fort de nous les obtenir, aussi restons-nous certains qu’à tout moment la situation peut se retourner et nous obliger à prendre le bus du soir… En effet, si nous avons choisi le taxi, c’est uniquement dans l’espoir d’arriver plus tôt à El Goléa et d’y passer une demi-journée.
        Deux 604 familiales s’approchent enfin, mais d’âpres pourparlers s’engagent : les chauffeurs ne paraissent plus d’accord avec le tarif prévu ! Immédiatement, nous répliquons que nous préférons attendre l’autobus. Arrive alors Ahmed, toujours très européen et rempli de sollicitude, qui se joint à Farid pour tenter de fléchir ces messieurs enturbannés, au nez pointu et au menton pointu. De son air préoccupé et mélancolique, il nous confie qu’il veut vraiment nous aider, et que s’il le faut il est prêt à payer de sa poche le supplément réclamé. Nous nous exclamons qu’un pareil arrangement est exclu ! Mais ce qui nous gêne le plus en fait, c’est de ne pas réussir à suivre les négociations qui s’effectuent en arabe.
        Ahmed nous explique enfin le fond du problème : nous sommes quatorze, compte tenu des deux « enfants » (11 et 13 ans) qui accompagnent leurs parents, et nous avons retenu deux taxis à six places… Les chauffeurs craignent de travailler en surcharge, et demandent pour cela une compensation financière ; par ailleurs l’un des deux taxis, originaire d’El Goléa, ne voit aucun inconvénient à nous conduire jusqu’à Ghardaïa, car il ne devrait pas avoir de difficulté à trouver des passagers pour son retour, tandis que l’autre, originaire de Timimoun, pense n’avoir personne pour revenir et demande donc une rétribution plus élevée.


    En_attendant_le_taxi.jpg
        Après encore une demi-heure de discussion, Daniel réussit à arrêter un prix, et nous chargeons nos sacs dans les voitures.
        Avec quel soulagement vois-je s’éloigner définitivement les murs de parpaings de la maison inachevée de Farid ! Avec quelle satisfaction puis-je constater que le taxi est d’un confort total sur la belle route goudronnée qui mène à El Goléa, et que son chauffeur le manipule avec une douceur parfaite !
        Celui-ci enfonce bientôt une cassette crasseuse dans un vieux lecteur poussiéreux qui pend, à moitié branché, de son tableau de bord. Le son vacille un peu, mais ça marche. Depuis le temps que l’on n’avait pas entendu de musique, cela paraît un délice…
        Surgi des rebords du désert, à l’horizon, le soleil monte comme une grosse boule de feu au-dessus des pierrailles grises, et j’admire enfin à loisir mon « lever de soleil sur le désert »… ! Saisie par la chaleur subite, ma voisine s’est assoupie ; derrière moi, le jeune Sébastien papote à n’en plus finir, débitant toute sa panoplie de bonnes blagues. Pour ma part, je préfère m’extasier sur le paysage désertique au soleil levant, car avec les ombres, on se jurerait en bateau dans la baie de Saint-Brieuc (j’y ai pêché le homard un jour dans un petit chalutier) : devant nous, les pointes des falaises se succèdent parfaitement identiques aux côtes rocheuses de Bretagne, et je souffre vraiment beaucoup de n’avoir plus de pellicule pour photographier ce phénomène ! Hélas le père de Sébastien, quoique remarquablement outillé, refuse obstinément de m’offrir le cliché souhaité, affirmant que ce ne sont que redites de paysages « déjà vus ».
        Après un petit arrêt vers 10h pour admirer des chameaux près d’un point d’eau, puis un autre vers 11h sous un arbre isolé et en plein vent glacial, nous stoppons vers midi devant une sorte de « restoroute » planté en plein désert à l’intersection de la route El Goléa-In Salah. A notre droite, vers In Salah, le Grand Sud, la direction de Tamanrasset ; à notre gauche, à une heure vers le nord, El Goléa.
        Le « restoroute » est plutôt bidon : quatre murs blancs à l’extérieur et bleus à l’intérieur (plus un plafond), une assiette de bouillon rouge où nagent quelques grains de semoule et un bout de gras dur, et pas d’eau mais seulement quelques bouteilles de Fanta... Nous n’aurons jamais si mal mangé ; cependant nos chauffeurs, quant à eux, jeûnent. Nous observons avec envie une bande de belges qui filent vers le sud.
        Enfin nous atteignons El Goléa en début d’après-midi. Mais nous ne sommes pas au bout du voyage ! Il nous faut trouver un gîte pour la nuit, et après quelques tâtonnements nous fixons notre résidence dans un camping situé près du centre ville. Daniel donne quartier libre à nos taxis, congédiant définitivement celui de Timimoun, et priant son compagnon de se trouver un collègue pour le lendemain matin. Le temps d’installer nos petites canadiennes, et déjà la journée est bien avancée.


    Tombe-de-charles-de-Foucauld.jpg
     Le tombeau de Charles de Foucauld (photo du diocèse de Laghouat)
       
        Nous partons en exploration vers 16h, mais il est déjà trop tard pour se rendre jusqu’au tombeau de Charles de Foucauld, situé près d’une église à cinq kilomètres. J’en suis fort affectée : à défaut du Hoggar, j’aurais pu au moins m’approcher des restes de son plus illustre habitant!
        El Goléa n’est plus une ville d’argile, comme Timimoun, mais ce n’est pas non plus un joli « jeu de construction » comme Ghardaïa avec ses petits cubes jaunes et bleus. C’est une jolie cité de plaisance, aux villas fraîchement agrémentées de jardinets plantés de grands arbres et entourés de grilles. Les rues sont équipées de trottoirs, et on y trouve une gendarmerie, des bâtiments publics, un parc aux eucalyptus immenses, des night clubs, une population abondante de militaires en permission, qui lui confèrent une allure très européenne.
        Nous nous écartons les uns des autres pour former des petits groupes vaquant au gré de nos envies… Je goûte un verre de lait caillé que je trouve imbuvable, puis recherche la palmeraie, où se dresse un vieux ksar qu’on nous a dit de ne pas manquer. Hélas, plus un centimètre de pellicule... Les passants, charmants, nous indiquent gracieusement notre route, et la palmeraie nous apparaît avec ses jardins remarquablement gardés cette fois par de solides murs aux portes d’acier fermées à clef. Cependant à peine nous en approchons-nous que des bandes de gamins nous assaillent pour nous réclamer des piécettes ou des stylos.
           Le ksar ressemble à un village fortifié, en ruines sur un piton rouge. Mais impossible de rester tranquilles une seconde : nos jeunes guides refusent de nous lâcher, imposant leurs anecdotes et leurs conseils. Leurs affirmations parfois nous intriguent, comme le fait que le ksar contiendrait un puits très profond, ou recèlerait des chambres encaissées dans le roc ; mais nous ne pourrons jamais comme nous le souhaitions grimper à son sommet, retenus par les cris véhéments de nos petits compagnons : « Ti cherches la mort ! Ti cherches la mort ! »… Nous aurons bien du mal à nous en dépêtrer.
        Enfin nous retrouvons avec soulagement la taverne où nous avait arrêtés le bus du premier soir. Ce sera notre meilleur repas depuis longtemps !

     
    À suivre ici
     
     

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  •    Je m'enchante chaque jour de la lecture de "Leçons particulières" d'Hélène Grimaud, qui est à la fois un livre merveilleusement écrit et une mine d'enseignements sur la vie, de leçons de Bonheur.

         Voici un petit récit qu'elle rapporte, au sujet du trésor que l'on porte en soi...


    Hélène Grimaud


        "
    Dans la ville de Niamey, au Niger, vivait un paysan très pauvre. Il n'avait pour tout bien qu'une humble maison basse couleur de terre ensoleillée. Devant cette maison était un champ de cailloux, au bout de ce champ, une source et un figuier. C'était là tout son bien. Un jour, endormi, il se vit cheminant dans une cité vaste et magnifique. Il parvint bientôt, dans la lumière de ce rêve, au bord d'un fleuve que traversait un pont de pierre. Là était, au pied de la première borne, un coffre ouvert débordant de pièces d'or et de pierres précieuses. Il entendit alors une voix qui lui disait : " Tu es ici dans la grande cité du Caire, en Egypte. Ces biens te sont promis." A cet instant précis il s'éveilla au pied de son figuier où le sommeil de la sieste l'avait surpris. Frappé par son songe, notre pauvre paysan ferma aussitôt sa maison, fit son sac et décida de partir pour l'Egypte et le Caire, entr'aperçus en rêve.
        "Son voyage fut long et périlleux. Mille fois, il faillit mourir ; il fut battu, volé, malade, mais jamais il ne renonça :  ce qu'il avait pressenti,  ce que le rêve avait enseigné devait être et serait. Il parvint enfin, au bout d'un long mois, au Caire. Son coeur battait la chamade, son contentement était au-delà de tout ce qu'il avait enduré pour arriver : la ville lui apparaissait exactement comme dans son rêve. Comme dans le songe, il en longea les avenues, admira les boutiques et les minarets, huma les parfums et aima les épices ; enfin, il trouva le pont de pierre. Seulement, au pied de la première borne, en guise coffre et de trésor, il rencontra un vieux mendiant édenté.
        " Peux-tu te pousser un peu ? demanda le paysan au mendiant, non sans lui offrir sa dernière pièce. Il caressait encore l'espoir de trouver, sous les fesses fripées du miséreux, le coffre magnifique chargé de pierreries et d'or. Le mendiant prit la pièce, remercia Allah et se poussa. A sa place n'étaient que cailloux et poussière.
        " Ah ! Je veux mourir, se lamenta le paysan en s'arrachant les joues. Adieu, mendiant, je vais me jeter de ce pont. J'ai tout perdu, je ne veux pas survivre à cette désillusion.
        " Et de raconter au mendiant le rêve, le coffre, l'or et les pierreries. Le mendiant éclata de rire.
        " Pour être fou, tu es bien fou ! Vouloir mourir et croire aux songes ! Regarde-moi : j'ai moi-même rêvé, il y a trois lunes, qu'un trésor était enfoui au pied d'un figuier, dans la cour d'une humble maison basse couleur de terre ensoleillée, au bord de la ville de Niamey. Ai-je tout abandonné pour trouver la maison ?
        " A ces mots, le paysan ouvrit la bouche, stupéfait ; il se frappa sur le front et éclata de rire.
        " Tu es vraiment fou, ou simple d'esprit ! rétorqua le mendiant, déconcerté par le grand rire, en se traînant pour reprendre sa place, exactement sous la première borne du pont de pierre.
        " Le paysan rit encore et rebroussa chemin en bondissant de joie. Comment avouer au mendiant que la maison qu'il avait vue en rêve était, précisément, la sienne ? Et que, alors, c'était chez lui, au pied du figuier, que le trésor l'attendait ?"

    Hélène Grimaud, Leçons particulières (Robert Laffont), p. 26-28
     
     
       Ce conte m'évoque une jolie carte du Tarot de Rajneesh (éd. "Le Voyage Intérieur") qui s'intitule "au-delà de l'avidité". On y voit un pauvre qui danse au pied d'un arbre à l'idée de n'avoir pas plus de vies à vivre encore que le nombre de feuilles que porte l'arbre ; et pour son désintéressement, l'ange le libère aussitôt.
     

    Rajneesh - Au-delà de l'Avidité

     


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         Le soir, le camping est réintégré à la tombée de la nuit. Nous ne savons toujours pas comment nous rallierons Ghardaïa, mais il est décidé de se lever à six heures du matin, pour guetter nos éventuels taxis prévus pour sept heures. Cette nuit-là n’est pas trop froide, mais mon sommeil est compromis par un rhume commençant qui m’empêche de respirer. Les heures s’écoulent interminablement jusqu’à l’heure du lever, où l’obscurité plus noire que jamais nous rend presque incapables de replier la canadienne.
        Puis reprend l’attente indécise, sur un trottoir caressé par une bise glaciale, devant l’entrée du terrain… Est-ce bien une voiture qui s’approche ? Oui, mais une seule ! Où donc est passée l’autre ? Le premier chauffeur s’élance à sa recherche, et quelques minutes plus tard il revient enfin accompagné de la seconde.

     

        … C’est ainsi que nous retournerons à Ghardaïa, où nous passerons encore une journée à visiter la vieille ville et à acheter des souvenirs, avant de remonter dans l’avion qui nous ramènera sur Paris.
        Quel choc, que de retrouver le ciel noir et la pluie battante d’Orly Sud ! S’il n’y a pas de décalage horaire, il y a un sérieux décalage climatique, et l’humidité nous saisit avec la douceur de l’air, en opposition avec la rigueur de la sécheresse et le froid piquant rencontrés dans le désert. Les adieux sont rapides. Nos sacs bourrés de pierres ou de cruches de terre et nos vêtements couverts de sable nous insupportent : il est grand temps de prendre un bain chaud et parfumé, et de réintégrer une chambre à coucher confortable !
        Mais nous garderons des souvenirs inoubliables…
     

    La fin d'un beau voyage



        Ici se termine "Noël au Sahara". Si ce récit vous a plu, vous pouvez le relire intégralement ici, ou .

     
     

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           Ce récit étant publié ici "à l'envers", c'est-à-dire avec le premier article (qui date du 6 décembre 2005) à la fin, vous pouvez bien sûr vous aider des numéros de pages situés en bas de cet écran, mais pour faire plus simple, voici un lien vers son début :

    DÉBUT DE MON RÉCIT

    et pour la suite vous aurez un lien à la fin de chaque épisode.

     

    BONNE LECTURE !

     

     


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