•        À vouloir conserver un seul blog sur tous les sujets, j'ai du mal à faire des rubriques précises ! Toukârâm, qui mériterait sa propre rubrique car j'évoquerai plusieurs de ses poèmes, restera dans "citations" ; mais on le trouvera aisément par "recherche".

           Pour faire suite à l'article précédent où je l'ai un peu présenté, j'ajouterai ici que certains de ses textes sont difficiles à comprendre sans l'aide des commentaires ajoutés à la fin de l'ouvrage : soit qu'il se plaigne de son entourage familial qui le freine dans ses élans mystiques (étant né commerçant, la religion ne faisait pas partie des attributions de sa caste, et sa femme le rappelait souvent à son échoppe), soit qu'il critique les brahmanes qui, se prétendant autorisés à exhiber leur spiritualité, font des simagrées proches de la tartufferie. Passée la surprise née d'une formulation souvent lapidaire, on peut s'amuser de constater à quel point les mêmes situations se retrouvent, entre le XVIIe siècle oriental et le XVIIe siècle occidental, ou entre l'Inde et l'époque de Jésus.


    Osho Rajneesh-Tarot de la Transformation-56-La Dévotion

     

           J'y reviendrai certainement plus tard ; mais aujourd'hui je voudrais vous offrir ce poème qui me confond par sa tendresse.

     

    Une Goujarie s'en va quérir de l'eau : 
    toute sa pensée autour de sa cruche.
    Elle marche, son sari se dénoue,
    mais son cœur est là-bas.


    Un cerf-volant bondit dans l'espace :
    le voilà au plus profond du lointain.
    L'enfant retient le fil dans sa main,
    mais son cœur est là-bas.


    Un voleur commet un vol :
    il cache son butin dans la forêt.
    Il va et vient dans le village,
    mais son cœur est là-bas.


    Une femme est adultère :
    elle fait le ménage chez elle.
    Mais elle vit pour son amant seul,
    et son cœur est là-bas.


    Nous sommes plongés, dit Toukâ,
    en d'indifférentes occupations :
    que notre cœur jamais ne soit
    hors du Seigneur.


    Psaumes du Pèlerin, XLIX
    de l'édition Gallimard

     

            Comment ne pas songer à la chanson de Jean-Jacques Goldman :

    Quoi que je fasse,
    Où que je sois,
    Rien ne t'efface,
    Je pense à toi.

     

          Toukârâm montre patiemment des êtres très différents qui tous, même plongés dans d'autres occupations, restent focalisés sur leur pensée la plus chère. Et en ce sens, il opère une gradation, depuis la simple préoccupation de ne pas perdre l'eau si précieuse, jusqu'à l'amour secret enfoui dans le cœur d'une femme.

          Je note en particulier l'adjectif utilisé dans la dernière strophe : le traducteur, qui sans doute y a mis le plus grand soin, ne parle pas d'occupations diverses, mais "indifférentes" ; ce qui souligne il me semble le peu d'importance accordé à ces mouvements, usuels et plus ou moins machinaux - tandis que le cœur (ce qui en eux est orienté, l'attention et non seulement la pensée) reste ailleurs.

            Ces personnages sont l'exacte représentation de ce que le "fou de Dieu" vit en permanence : quoi qu'il fasse, où qu'il soit et même en accomplissant ses devoirs sans rien laisser paraître, il ne pense qu'à Son Seigneur, il demeure à Ses côtés, il demeure en Lui.

     

     


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    Noël

     

    «  Et le Verbe s’est fait chair,
    Il a habité parmi nous, 
    et nous avons vu Sa Gloire,
    Gloire qu’Il tient de son Père comme Fils Unique,
    plein de Grâce et de Vérité. »


    Prologue de l’Évangile de Jean, verset 14 

     


           
    Jean-Yves Leloup, lorsqu'il déclame ce Prologue en terminant juste sur le début de ce verset, préfère utiliser le terme grec de Logos. En effet, tandis que le mot latin Verbum représente un simple "mot prononcé" (que les bibles catholiques traduisent souvent par Parole), le Logos grec a une signification plus vaste d'exposé logique (ce mot français en dérive d'ailleurs, comme tous les termes désignant une science qui s'achèvent par "-logie") ; de discours ou de raisonnement.

          Pourquoi cette idée est-elle utile ? Parce que, comme Jean l'indique par la suite, "tout a été fait par lui", ce qui implique un développement spontané de la création avec l'apparition d'un monde organisé et celle de la loi de cause à effet. Ainsi le Logos, ou "Verbe" dans cette acception particulière, n'est pas assimilable à un Être de type humain, comme nous l'entendons malgré nous à travers les dénominations de "Père" et de "Fils" et surtout par l'assimilation à Jésus, mais serait plutôt un développement naturel de ce qui est appelé initialement "le Principe" ou "l'Origine". 

          De plus, Leloup remet (comme Chouraqui à cette page) tout ce prologue ou presque au présent, tandis qu'il est au passé dans le texte grec et qu'on le  traduit généralement au passé. Pourquoi ? Pour mettre en évidence son côté initiatique bien sûr : ce qui est relaté dans ces versets n'est pas un quelconque événement inscrit dans notre histoire, si fondateur soit-il ; c'est le fonctionnement même de la Vie, la structure même de notre expérience de chaque instant, en dehors du temps, dans la dimension de l'Absolu.

            De la Source jaillit la Lumière, et cette Lumière fait être tout ce qui est, en s'y insufflant sous forme de Vie. Elle "se fait Chair", c'est-à-dire qu'elle prend l'apparence d'une forme, d'une matière afin de nous atteindre et que nous puissions la percevoir - elle qui est bien au-delà.

             Mais dès que l'on parle de Lumière on sous-entend obligatoirement son contraire, la Ténèbre - de même que dès que l'on parle de la Vie on sous-entend aussitôt la Mort. Tout cela est la logique émanation du Souffle Premier, et plus peut-être à la manière dont on émet une parole qu'à la manière dont on engendrerait un enfant ; mais il est également éclairant de parler d'un fils par rapport à son père, car le fils porte par définition l'hérédité et la ressemblance du père, il est par définition de même nature que son père.

          Tous ces termes sont donc des images ayant pour seul but d'éveiller en nous une compréhension supérieure, et non des phrases à prendre "à la lettre".

           Noël est une fête sacrée, qui célèbre ce moment où de la nuit profonde jaillit en nous la Compréhension, le moment où, à travers ces ténèbres dont nous sommes constitués (ténèbres au sens d'absence d'existence propre, absence de réalité intrinsèque), nous découvrons soudain cette merveille du Verbe Créateur éclos en nous, de la Vie qui nous traverse et nous donne réalité, la seule Réalité de Dieu !

         Or de même que la Réalité ne peut être effacée, de même la Lumière ne peut être éclipsée par les Ténèbres : en effet, comme l'expliquait un jour Mooji, lorsque vous êtes dans une pièce noire et que vous ouvrez les volets sur le jour, la lumière envahit votre pièce ; mais lorsque vous êtes dans une pièce éclairée et que vous ouvrez les volets sur la nuit, la nuit n'envahit pas votre pièce, au contraire c'est votre pièce qui éclaire au-dehors. Il en va de même de la Vie. La Vie se répand d'un corps à l'autre et quel que soit le corps animé ou inanimé, elle est toujours présente dans les mêmes proportions, jamais limitée par quoi que ce soit.

           Ainsi non seulement le Verbe s'épanouit "en nous" (car le texte latin comme le texte grec utilisent cette préposition "en"), mais aussi "parmi nous" car étant la Vie, Il est en toutes choses répandu.

             Le contempler vraiment dans toute Sa Gloire, Sa Grâce et Sa Vérité, que ce soit sous la forme d'un tout petit enfant ou sous n'importe quelle autre forme, voilà ce à quoi nous aspirons tous secrètement. Voilà ce que l'on nomme Bonheur, Joie, Béatitude. Voilà le but de toute existence humaine, et le lot offert à tous ceux qui, croyant en "Son Nom" (c'est-à-dire acceptant d'en être les héritiers) découvriront qu'ils ne sont pas nés de la chair (donc qu'ils ne sont pas néant), mais sont bien les enfants du Principe originel exprimé en tant que Verbe-Lumière, et destinés à s'absorber définitivement en Lui... !

      

    Verbe vivant

     

     


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  •            Pour ceux qui aiment Michel Pépé... (un artiste au cœur débordant...)

           Voici son très beau "Gloria" tiré de "Diamant Solaire" - accompagné ici de l' "Ouverture"qui le précède et qui débute le disque (le Gloria proprement dit commence à 3'48).

             La vidéo est très belle et inspirante, il est conseillé de la regarder plein écran. Il est dommage que le son crache un peu.

     

     

     

     

     


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          Il fait particulièrement beau et doux aujourd'hui - du moins chez moi ... Le soleil rit aux éclats en clignant des yeux derrière quelques petits nuages fins et le vent fait entendre son ample vrombissement en agitant les hauts sapins - ou cèdres - dont je vois les branches danser dans la  lumière.

       Je n'ai pas d'appareil photos, je n'ai que mon cœur qui me dit de vous préparer une jolie carte pour ce soir. Mais pourtant en ce moment il n'y a ni nuit, ni champagne, ni fête, ni changement de jour, ni de mois, ni même d'année.

         Et cette nuit, qu'y aura-t-il ? Je ne le sais pas encore ; mais certainement ni changement de jour, ni changement de mois, ni changement d'année - ni même d'heure ! Car ça c'est juste pour nos cadrans d'horloges, dans nos têtes et dans nos télés.

          J'ai préparé de jolies images de neige... mais ce sera juste un rêve, une idée en rapport avec la fête célébrée ! Et puis des vœux ; on se présente des vœux... Bien sûr, pourquoi ne pas se dire "bonne année" en début d'année puisque chaque matin on se dit bien "bonjour" - et que c'est une habitude excellente permettant d'entrer en contact les uns avec les autres d'une façon agréable ! Surtout qu'on se le dit de tout son cœur, en souhaitant sincèrement à l'autre bonheur et paix ! Mais sur une année, il est plus difficile de s'engager... Et combien de fois avons-nous pu souhaiter une bonne année à un pauvre ami qui deux mois plus tard allait déclarer un cancer, à une voisine qui allait perdre son mari de façon inopinée, ou à un copain qui allait se retrouver au chômage...  !

           On cherche alors à nuancer son propos ; on dit : "surtout la santé !" Ou alors : "que l'année vous soit douce et positive, qu'elle vous éclaire intérieurement, vous soit riche en joies profondes..."

            Force nous est de constater notre impuissance face aux événements que nous aimerions contrôler par nos souhaits, par notre prière. Nous voudrions plus de paix, plus de prospérité, plus de satisfactions pour tous, et bien sûr pour nos amis puisque nous le voulons pour nous-mêmes ; car ce que nous souhaitons à autrui, c'est en vérité ce que nous nous souhaitons à nous-mêmes ! L'autre est notre parfait miroir, notre frère, notre semblable.

             Alors si contrôler les événements ne nous est pas donné, puisque nous ne sommes pas dupes de notre fragilité humaine dans la grande machine du monde, continuons à montrer combien nous nous aimons les uns les autres et nous voulons du bien, en nous présentant nos vœux.

     

    Ganesha

     

            En effet, et nous le savons bien tous, c'est juste de l'amour que nous échangeons ainsi, et chaque petite intention envoyée est comme un doux baiser sur la joue du destinataire. Après tout, enfants de la Lumière, nous ne savons échanger que de la Lumière. Le reste est donné par surcroît et nous en demeurons totalement ignorants.

     

           Aussi suivrai-je cette année encore la voix de mon cœur, chers amis, pour vous envoyer en cette occasion particulière ces images de lumière et de neige, de fête et de joie de vivre ! Qu'elles sèment en vos cœurs assez de joie et de lumière pour l'embraser et lui permettre de faire face à toute éventualité, comme notre soleil qu'aucun nuage, si énorme soit-il, ne pourra jamais éteindre. 

     

     

        

     

         

     

     


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           J'aimerais, en ce début d'année 2018, revenir à ces poèmes de Toukârâm dont les derniers sont les plus émouvants. En effet, dans l'édition citée des "Psaumes du Pèlerin", les textes semblent disposés suivant une gradation qui va du plus narratif au plus mystique.

            Voici donc le n° XCVIII.

           

     

     

    Partout je vois tes empreintes,
    le tout de tout est plein de toi.
    Forme, qualité, nom, Tout porte ta ressemblance.
    O couleur-de-nuage, toi ôté rien ne reste.


    La terre où je me roule, ton piédestal.
    Chaque jour, chaque instant sont bénis,
    ton amour comble mon cœur, toujours.


    De partout, mon Dieu, tu me pénètres ;
    espoirs, occupations, plus rien de terrestre.
    Où irais-je ? Que ferais-je ?
    Sur mes lèvres, sur mon cœur ton Nom, toujours.


    Mon unique conversation, parler de toi,
    tes noms, tes gestes, ta gloire.
    Le riz, les fruits, le bétel que je mange,
    des offrandes rituelles pour toi.
    Ma marche, une procession autour de toi,
    mon sommeil, une prostration devant toi.
    Tout ce que je vois, tout ce que j'entends,
    ton visage, ta voix.


    Étang, rivière, fontaine, tout est sacré :

    toute eau, le Gange.
    Palais, châteaux, maisons, chaumières,
    huttes, tout est ton temple.
    Toute parole me dit ton nom.


    Nous, serviteurs du Seigneur, dit Toukâ,
    le bonheur d'amour nous comble, toujours.


    Toukârâm, Psaumes du Pèlerin, Gallimard

      

     

     

     

     


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