•       J'aime à associer des enseignements de diverses voies pour trouver en quoi elles convergent. Sur la Vérité elles se retrouvent toutes.

          Voici deux déclarations concernant le lâcher-prise véritable (l'abandon de toute volonté de contrôle), l'une émanant de Ramana Maharshi (advaïta vedanta), l'autre de Chögyam Trungpa (bouddhisme tibétain, branche de la "folle sagesse").

     

     

    Ramana Maharshi

     

       « Celui qui s’abandonne au Soi, qui est Dieu, est un excellent dévot. S’abandonner à Dieu signifie se souvenir constamment du Soi. Tout fardeau que nous remettons à Dieu, Il le portera.

         Puisque le pouvoir suprême de Dieu anime tout, pourquoi ne pas nous y soumettre, plutôt que de nous tracasser de ce qui doit ou ne doit pas être accompli, et comment ? Sachant que le train transporte tous les bagages, pourquoi nous éreinter à porter nos petits bagages sur la tête, au lieu de les déposer dans le train et d’être à l’aise ? »

    RAMANA MAHARSHI (Qui Suis-Je )


     

    Chögyam Trungpa

     

    «  Nous devrions arrêter d’essayer de nous protéger et de nous améliorer. Il est possible que nous ayons entrevu la futilité de notre combat et que nous souhaitions lâcher prise, abandonner complètement nos efforts pour nous défendre.

         Le lâcher prise signifie s’ouvrir complètement, essayer d’aller au-delà de la fascination et de l’attente. Lâcher prise, cela veut aussi dire que l’on reconnaît les qualités rudes, grossières, maladroites et choquantes de son propre ego, et que cette reconnaissance est un abandon.

        Se tenir en estime ou se blâmer, ce sont là fondamentalement des tendances névrotiques qui proviennent de ce que nous n’avons pas suffisamment confiance en nous-mêmes, « confiance » dans le sens de voir ce que nous sommes, savoir ce que nous sommes, et savoir que nous pouvons nous permettre de nous ouvrir. La déception est le meilleur véhicule que l’on puisse utiliser sur le sentier du dharma. Elle infirme l’existence de notre ego et de ses rêves.

        Le point fondamental est qu’il est inutile de lutter si vous voulez vous ouvrir. Une fois que vous avez engagé vos pas dans le sentier, si vous abandonnez la lutte, cela règle tout le problème.  »

    CHÖGYAM TRUNGPA (Le matérialisme spirituel)

     

     


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  •        Je suis en recherche et ne prétends pas avoir quoi que ce soit à enseigner à quiconque. Sur ce blog je note mes ressentis ou découvertes, et partage avec vous des textes qui me parlent, afin de recueillir vos avis en écho - à moins d'aller les rechercher directement sur vos blogs.

         C'est ainsi qu'en ces temps troublés j'ai souvent été confrontée à l'incompréhension de certains qui, suivant l'avis général (ce qu'on appelle "la pensée de masse"), se disent terrifiés ou bouleversés par ce qu'ils entendent raconter à la télévision ; ou à la suspicion, venue d'autres plus "éclairés", de me réfugier dans le déni.

         Ces remises en question sont salutaires car rien n'est plus dangereux, insidieux que le déni. Suivre une pente de facilité et de douceur pour éviter d'affronter la douleur et la violence qui gisent au profond de soi, c'est s'exposer à un "retour du refoulé", comme l'on dit, qui peut être dévastateur.


    Destruction

     

           Cependant quand il se produit un séisme et que tout est ravagé, comment s'étonner de l'état de sidération qui en découle ? Je sais bien que je n'en parlerais pas si je n'étais touchée. Et que mes difficultés à exprimer quelque chose de cohérent viennent de mon embarras à trouver la juste position à laquelle j'aspire. Or cette position est au-delà des contraires, c'est-à-dire au-delà des clans, au-delà des idéaux, au-delà des jugements.

           Aujourd'hui chacun se positionne dans un camp - comme au foot : il y a les gagnants, et les perdants ; il y a celui qui a raison, et celui qui a tort ; il y a les gentils, et les méchants ; il y a les camps nationalistes, les camps politiques, les camps religieux et même ceux de spiritualité de pacotille, où l'on s'imagine par exemple pouvoir générer de son seul esprit concentré une grasse couche d'un "amour" idyllique sur tout ce qui fait mal, accentuant par cette pseudo compassion l'esprit de colère contre tout ce qui peut déranger une "paix" trop idéalisée.

           Beaucoup accusent "Dieu" de n'être pas vraiment bon. Mais comment le serait-il, si être "bon" pour les uns revient à faire souffrir les autres ? Le livre de Job dans la Bible montre parfaitement combien le Malin est de connivence avec ce Dieu-là. Et pourtant c'est lui qu'invoquent la plupart des gens (qui le prient pour eux-mêmes !), tout comme les djihadistes (qui l'imaginent de leur côté !) : un Dieu partisan, l'équivalent de ces "Esprits de Race" dont parle Max Heindel dans son enseignement Rose-Croix (voir ici).

     

    Symbole de la Rose-Croix de Max Heindel

     

         Ce n'est pas ce Dieu-là qui est la Force Suprême dont les grands saints, les grands Éveillés se sont réclamés. Il y a une similarité parfaite entre tous ceux qui ont atteint la véritable Réalisation, même si pour nous béotiens les apparences paraissent les opposer. Et si Jésus évoquait un "Père", en essayant d'entrer dans le langage habituel des Juifs avec lesquels il conversait, il s'agit de la même Puissance immensément "Vide" que rencontra Siddhartha, le Bouddha.

           Bouddha songeait certainement à cette notion de non-positionnement, de non-choix, quand il évoquait une corde qui ne devait être ni trop, ni trop peu tendue : la "voie du Milieu" est celle qui n'est d'aucun camp, d'aucune position définie, qui ne répond à aucune émotion particulière, à aucun principe, aucun idéal, aucune philosophie précise. Une voie d'absence de soi, d'où la pensée se retire, en laissant place à l'Espace infiniment ouvert. On peut dire par là que son message s'applique directement aux univers mentaux.

            Jésus, lui, a fait passer son message par le corps. Par l'acceptation parfaite de la "Volonté du Père", c'est-à-dire d'une programmation qui le dépasse, qui le ravale au rang d'instrument, il rejoint le Royaume de Celui-ci, qui n'a rien à voir avec ce monde. "Le Père" est une belle formule pour évoquer la Source dont nous sommes issus, et c'est donc en revenant à cette Source, sans nous laisser perturber par quoi que ce soit d'apparent, que nous échappons à la souffrance irrémédiablement associée à "ce monde". Cette souffrance est la dualité : le fait que toute chose appelle son contraire, le fait que tout concept, tout ressenti est en opposition ou en lutte avec un autre. Mourir sur la Croix, c'est accepter inconditionnellement tout ce qui vient sans le caractériser, sans le dénoncer comme bien ou comme mal, sans l'interpréter comme douleur ou bonheur - mais en le ressentant, pas en le fuyant évidemment.

     

    Bouddha

     

          Le ressenti à l'état brut se mue en Plénitude. Il est Vide de toute caractéristique et Plein de l'Être lui-même.

         Pour demeurer au-delà de tout jugement, on doit obligatoirement se taire : le Silence est donc le début de l'absence de soi. Entraînant le désintérêt pour toute pensée il dissout peu à peu cette machine à concepts qu'est l'Ego : on parle alors de "mort" - du flétrissement de cette voix criarde qui imposait son filtre interprétatif à toute Présence Réelle, la transformant en objet étiqueté.

     

          Ainsi on revient à ce que je notais dans l'article précédent : on "se laisse porter", pour rejoindre le propos de Ramana Maharshi, on "abandonne toute lutte" selon celui de Chögyam Trungpa ; et on observe ce qui se passe en soi (non à l'extérieur) ce qui, Trungpa le précise, ne sera pas "un jardin de roses" car la véritable quête est réellement "terrible, crucifiante"... (voir ici le texte complet et notamment sa conclusion).

     

     


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    Pors Moguer - Plouha

     

     

           Je m'absente à nouveau pour quelque temps.

           Il est temps je crois de refermer ce livre dans lequel je m'épuise à souffler sur des cendres mortes.

           L'Histoire sans Fin se feuillette page après page et l'on s'y voit tant que reste un désir de la poursuivre. Mais toutes les pages se ressemblent et les couleurs sont criardes... Mon cheval est fourbu, il aspire au repos.

          Je sais que vos livres à vous continueront de fleurir et d'embaumer durant mon absence, et je les retrouverai ensuite avec joie.

          En attendant cet instant recevez toute ma tendresse, et ma reconnaissance pour ce que vous êtes.

     

         


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            Juste quelques mots à mon retour, puisque je suis déjà allée vous visiter et lire vos écrits (presque tous, mais sans toujours laisser de message : j'achèverai cette promenade demain...).

     

    Chapelle Saint Samson -Plouha

     

          Il se trouve que je reviens pour le jour de la Saint Samson, ce qui n'est pas anodin car je résidais à proximité d'une chapelle qui lui est dédiée, en Côtes d'Armor ; et puisque le géant biblique porteur de ce nom est aussi une figure solaire chère à mon cœur, représentant l'alternance en l'être humain de la projection extérieure de sa force (sous l'aspect symbolique d'une chevelure rayonnante) et du retour de celle-ci en la profondeur de son cœur où alors, apparemment vulnérable et doux comme un agneau, il devient pur Silence ( = Sans Son - voir ici l'explication du dessin issu de cette méditation).

    Samson - dessin personnel

     

         Lors de mon départ, je vous ai mis une photographie prise à Pors Moguer, l'un des plus beaux sites de Plouha ; mais sur laquelle vous ne voyiez que la mer - ou presque ! J'y suis allée "plonger" effectivement, puisque comme son nom l'indique, cet ancien port possède encore une digue d'où il est facile de piquer une tête à marée haute. On tombe alors dans un délicieux petit bassin circulaire où l'on peut si l'on est bon nageur s'ébattre à loisir, aucun bateau ne s'y trouvant plus actuellement, dans une eau fraîche et limpide.

     

     

           Mais que voit-on en toile de fond ? Le "clou" du paysage, figure emblématique de la région ! La belle, la merveilleuse presqu'île nommée "Gwin Segal"... Celle qui, par un charmant port à l'ancienne fait de piquets plantés dans le sable, a hérité des petits chalutiers, et qui veille eux comme une bergère sur des petits canards.

     

    Gwin Segal à marée haute

     

           Lorsqu'à marée basse je suis allée me baigner à ses pieds, hier au soir, j'ai découvert qu'elle avait l'exact profil de la montagne bénie par Ramana Maharshi : Arunâchala.

     

    Arunâchala

     

           Ainsi donc, sans parcourir les milliers de kilomètres imaginés, j'avais devant moi le lieu pour lequel nombre de pèlerins ont sacrifié des années de leur existence ; mais en plus, comme pour corroborer cette découverte, à mon sortir du bain, il n'y avait plus de montre dans mon sac de plage ! Mystérieusement disparue, celle-ci semblait m'indiquer que désormais, le temps pour moi n'existait pas plus que l'espace...

     

    Gwin Segal à marée basse

     

    Gwin Segal depuis la plage de Pors Moguer

           


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           J'ai déjà évoqué ma découverte de Chögyam Trungpa (ici et ).

           Juste avant de partir en vacances j'ai reçu son livre le plus célèbre : Shambhala, la voie sacrée du guerrier... Et j'ai sauté de joie.

          Je n'ai pas eu le temps de tout lire, mais à chaque chapitre j'aurais voulu tout noter, ou presque. Nous avons tant besoin de cette force ! De cette lucidité ! De cette limpidité ! Il me rappelle un poème écrit autrefois, qui évoquait un "enfant de verre" qui par transparence devenait un "enfant-soleil" (ici).

     

          Ce livre reprend, si j'ai bien compris, des conférences données par l'auteur dans le cadre d'un enseignement spécifique ; et les regroupant en trois grandes parties il offre en exergue à chaque partie un poème magnifique dont l'original écrit en tibétain fait face à sa traduction française.

          Rien ne précisant dans le livre si ces poèmes sont d'anciens textes fondateurs ou s'ils ont été composés par Chögyam  Trungpa lui-même, j'ai fait des recherches sur internet qui m'ont menée à cette page où l'on voit du moins qu'il s'agit d'un unique poème divisé en trois parties distinctes. L'on y apprend par ailleurs que l'auteur s'inspire de l'ancienne tradition tibétaine pré-bouddhique, ce qui contribue à conférer à son enseignement son exceptionnelle fraîcheur.

         Mais je me tais pour laisser place à la citation que je vous destinais : la partie centrale du texte, en exergue à la seconde partie du livre.

     

    Cet esprit craintif,
    Bercez-le dans le berceau de la bienveillance
    En l’allaitant au lait profond et clair
    Du non-doute éternel.
    À l’ombre fraîche de la vaillance,
    Éventez-le avec l’éventail du plaisir et de la joie.
    Quand il sera plus grand,
    Conduisez-le au terrain de jeu qui de lui-même existe
    Parmi les divers spectacles de phénomènes.
    Lorsqu’il aura grandi davantage,
    Pour épanouir la confiance primordiale,
    Conduisez-le au champ de tir à l’arc des guerriers.
    Lorsqu’il aura grandi encore plus,
    Pour éveiller la nature-de-soi primordiale,
    Faites-lui voir la société des hommes,
    Dotée de beauté et de dignité.
    Alors cet esprit craintif
    Pourra devenir l’esprit du guerrier
    Et cette confiance éternellement jeune
    Pourra s’étendre dans l’espace sans commencement ni fin :
    Là, il verra le Soleil du Grand Est.

    Chögyam Trungpa,
    Shambhala, la voie sacrée du guerrier,
    éd. du Seuil, Points Sagesse p.91

     

         Je me reconnais bien là dans "cet esprit craintif".

          Pourquoi suis-je craintive ? Parce que je doute.

         Pourquoi doutè-je ? Parce que j'ai été baignée depuis ma naissance dans des règles, des directives, des jugements. Parce qu'on a bâti autour de moi des murs de principes et d'obligations. Parce que je suis comme une plante d'intérieur environnée de tuteurs, corrigée en permanence, téléguidée. À tel point que ma prétendue actuelle liberté (je suis adulte et de plus retraitée : comment être plus libre ?), n'est qu'un ensemble de principes introjectés, devenus comme une seconde "nature", qui cache et étouffe la première, la "nature-de-soi primordiale".

           Qu'est-ce que le "non-doute éternel" ? C'est la reconnaissance de ma nature profonde et véritable ; le respect de ce que "je suis" en vérité.

          Qu'est-ce que la vaillance ? La certitude de sa propre "valeur", le fait de s'appuyer sur cette certitude en effaçant toute peur. Quoi qu'il arrive, je suis ce que je suis. Fouettée, bannie, la Vérité demeure : c'est le message délivré par Jésus sur la croix, comme par Al-Hallâj Mansour, torturé pour avoir osé dire (comme Jésus) : "Je suis la Vérité !"

           Qu'est-ce que "le terrain de jeu qui de lui-même existe" ? C'est la vie sur cette terre. L'existence parmi les phénomènes où il est bien difficile de démêler le vrai du faux, l'illusion de la réalité. Là, "parmi les divers spectacles de phénomènes", il s'agit de percer l'apparence et de voir ce qui, au-delà, demeure.

           Qu'est-ce que "le tir à l'arc des guerriers" ? C'est l'art de discerner le vrai du faux, par l'observation attentive, et de décocher sur le faux la flèche de la compréhension : "ceci est illusion !"  Ce travail est essentiel afin de prendre confiance en ce qui est réel et qui demeure. Ainsi s'affermit la foi en soi-même qui vous rend aussi solide qu'un guerrier car dénué de toute crainte.

          Et qu'est-ce que le Soleil du Grand Est ?... Il y a là une remarquable relation symbolique avec l'Orient de notre civilisation, qui est née à l'est et avance peu à peu vers l'ouest, de même qu'à nos yeux le soleil se lève à l'est et va mourir vers l'ouest ; également une remarquable allusion à la position lointaine et élevée du Tibet, toit du monde situé à l'Est de notre planisphère. Mais en réalité la formule est symbolique ; par la notion de "Levant" nous avons le rappel d'une perpétuelle naissance, d'un perpétuel commencement, d'une jeunesse constamment renouvelée ; et par celle de "Soleil", nous ressentons la Source même de notre Vie, notre Source, notre Être essentiel, notre puissance profonde et notre accomplissement parfait. Il s'agit d'aller rechercher notre Vérité à sa Source, de nous tourner vers le point d'où nous jaillissons, et d'y demeurer.

          Il passe dans les écrits de Chögyam Trungpa un souffle vivifiant, un dynamisme rayonnant qui semble entraîner l'éveil aussi sûrement que la robe d'un magicien parsèmerait sur son passage la terre d'étoiles.

        Mais ce qui est délicieux aussi, c'est que selon lui la vaillance et la fermeté s'obtiendraient uniquement par la bienveillance, par la fréquentation du jeu, du plaisir et de la joie. En effet, notre nature ne s'épanouit-elle pas dans le bonheur ? Et à l'inverse, le bonheur n'est-il pas le signe parfait de l'épanouissement intérieur ? Mais attention, il ne s'agit pas du bonheur à trois sous que l'on vend sur internet ou à la télévision : il s'agit plutôt de ce bonheur frais des aurores, de celui, royal, qui ne souffre pas d'un reste de nuit, d'un petit froid piquant !

            Le bonheur de l'aventure (a-venture : ce qui advient - s'émerveiller, accueillir tout ce qui advient)...

     

    Tarot Zen - L'aventure

     


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