Ivan Wyschnegradsky et son piano à 1/4 de tons,
créé sur ses plans en Allemagne par Foerster en 1927
Aujourd'hui, je vais vous parler d'un musicien d'origine russe, que j'ai découvert au hasard d'une émission de France Musique, en 1979, peu après sa disparition : Ivan Wyschnegradsky. Né à Saint-Pétersbourg en 1893 et petit-fils d'un mathématicien célèbre, Ivan Wyschnegradsky, parallèlement à ses études de mathématiques, a suivi des cours de composition musicale au Conservatoire de Saint-Pétersbourg, de 1911 à 1915, auprès de Nicolas Sokolov, un élève de Scriabine. C'est en 1916, à l'âge de 23 ans, qu'il composa "la journée de Brahma", une oeuvre majestueuse influencée par l'hindouisme et la philosophie nietzschéenne alors très à la mode. Mais à vrai dire, c'était le reflet d'une expérience profonde qu'il avait vécue et qui l'avait profondément marqué :
" Le 25 octobre 1916, écrit-il, je commençai à tout percevoir par symboles. Chaque détail de mon entourage, lers rais d'ombre et de lumière sur la chaise, la forme de la lampe, tout s'est mis à vivre tout à coup de la vie des symboles.(...) Et est survenu le moment où tout se tut et où s'instaura le silence, et l'immobilité dura deux mois. Et les couleurs disparurent, et il y avait seulement la lumière, absolument pure, une lumière infinie. Et il n'y avait pas de temps, et ce fut ainsi deux mois. "
(Entretien avec Robert Pfeiffer réalisé en 1977 pour le Monde Musical, cité par Pascale Citron en présentation du disque "La journée de l'Existence", éd. Schiiin, 2009)
Emigré à Paris en 1919 après des études de droit et une profession de foi communiste, il se passionna pour la recherche musicale, focalisé sur une nouvelle conception de pianos accordés par 1/4 de tons. Il rencontra les grands musiciens français Olivier Messiaen et Henri Dutilleux, et obtint bientôt de faire exécuter en concert, puis enregistrer sa Symphonie pour Quatre Pianos à quarts de tons "Ainsi parlait Zarathoustra".
En 1939, il reprit sa grande oeuvre de jeunesse "la journée de Brahma", et la renomma "la journée de l'Existence". C'est elle que je vous propose de découvrir, car en plus d'un grand orchestre avec chœur mixte "ad libitum" (ici le choeur n'est pas intégré), elle inclut un texte écrit par le compositeur et lu par un récitant, dont je vous donnerai ici des extraits en plusieurs fois (trois ou quatre articles).
Ivan Wyschnegradsky à la fin de sa vie
En 1942, Wyschnegradsky fut arrêté par les allemands, ainsi que son épouse, Lucille Markoff-Gayden, de nationalité américaine. Il contracta la tuberculose, mais fut libéré, soigné, et se fit connaître davantage après la guerre, aussi bien en France qu'en Belgique ou au Canada.
C'est le 21 janvier 1978, que le chef d'orchestre Alexandre Myrat donna en création à Radio-France sa "Journée de l'Existence", avec Mario Haniotis comme récitant et l'Orchestre Philharmonique de Radio-France. Wyschnegradsky était présent, mais bien malade. Il mourra peu après, en septembre 1979, à Paris.
C'est cette grande création, diffusée sur France Musique peu après, que j'ai enregistrée. C'est sans doute la plus belle oeuvre de Wyschnegradsky, sinon la plus originale (les oeuvres pour pianos à 1/4 de tons sonnent assez bizarrement à l'oreille !)