• Voir Dieu

     
          Je connais des gens qui s'amusent à entrer et sortir de leur corps, comme ça, pour se prouver qu'ils en sont capables, et aussi qu'ils ne mourront pas si celui-ci vient à disparaître... D'ailleurs, ne s'en vantent-ils pas hautement, particulièrement sur les réseaux sociaux ? Officiellement ils font cette démarche par compassion envers leurs semblables, pour les délivrer de toute peur de la mort...

     

        Mais pour commencer, rien ne prouve qu'acculés au moment crucial ils ne seront pas brusquement, comme la première Prieure des Dialogues des Carmélites, plongés dans l'enfer du Doute ! Et ensuite : quel avantage que de se balader dans l'astral ? Un autre univers, d'autres illusions, tout un programme pour passionner un ego friand d'aventures - notamment quand il y trouve ses pouvoirs décuplés ! Il voit à 360°, se projette instantanément où il veut, réalise tous ses désirs... du moins lorsqu'il a un bon "karma", c'est-à-dire une bonne confiance en lui. C'est presque la même chose que sur la terre : mieux parce qu'instantané, moins bien parce qu'il y a les sensations concrètes en moins ; et cela, cela va vite l'embêter. Si bien qu'il va... eh bien : se réincarner. Et hop ! C'est reparti pour un tour !

          Les vrais mystiques ne cherchent pas les "pouvoirs spéciaux", encore moins la publicité sur eux-mêmes. Leur amour pour Dieu est si violent qu'il ne peuvent respirer sans aspirer à Lui. Et chaque mouvement de leur être les en rapproche, tant que... leur aveuglement s'accroît : la Lumière brûle les yeux, tout le monde le sait ! Et y voyant de moins en moins, ils savent de moins en moins qui ils sont, où ils sont... C'est la fameuse "obscurité" qu'évoquait le Tao.

        Ne dit-on pas dans la Bible qu'il faut se voiler la face lorsque Dieu paraît, sous peine d'être anéanti ?

         [11] (...) L'Éternel passa. Et devant l’Éternel, il y eut un vent fort et violent qui déchirait les montagnes et brisait les rochers : l’Éternel n’était pas dans le vent. Et après le vent, ce fut un tremblement de terre : l’Éternel n’était pas dans le tremblement de terre. [12] Et après le tremblement de terre, un feu : l’Éternel n’était pas dans le feu. Et après le feu, un murmure doux et léger. [13] Quand Élie l’entendit, il s’enveloppa le visage de son manteau, il sortit et se tint à l’entrée de la caverne.

    Ancien Testament, Rois 19 11-13
    (trad. Société biblique de Genève)


        Élie se cache le visage pour ne pas voir Dieu. Il connaît cependant les affres de Son approche : vent violent (peur terrible), tremblement de terre (panique physique et émotionnelle), feu (angoisse mortelle, équivalente à la sueur de sang de Jésus la veille de sa Passion). Mais il ne peut en affronter davantage : il protège son ego (qui d'ailleurs va pleurnicher contre les rigueurs de l'adversité qui l'accable...) et se cache sous son manteau.

        Mais Dieu est bon et compatissant : non seulement Il s'approche dans la douceur, mais en plus Il lui répond maternellement. Élie se présente  devant Lui comme un enfant et Dieu n'exige pas de lui plus qu'il ne peut supporter.

         Rappelons-nous maintenant le Cantique des Oiseaux de Farîd od-dîn Attâr.  

          Dans un passage que Leili Anvar intitule "les Papillons" (distiques 4014 à 4027) il évoque l'amour fou éprouvé par des lucioles pour une chandelle, et affirme que seul celui qui s'est jeté dans la flamme pour s'y consumer tout entier a vraiment rencontré l'objet de son amour. L'anéantissement est la seule conséquence possible d'une telle passion.

         Il en explique plus loin le fait :

    Un jour, tous les oiseaux stupéfaits d'observer
    Le papillon de nuit, posèrent cette question :

    « Dis-nous, ô papillon délicat et fragile,
    Jusqu'à quand joueras-tu ta vie, ce bien suprême ?

    Jamais tu ne pourras t'unir à la chandelle !
    Pourquoi alors donner ta vie en pure perte ? »

    Ces paroles enivrèrent le papillon de nuit,
    Qui fit cette réponse à ces simples d'esprit :

    « Ravi par cet amour, il me suffit d'étreindre,
    Si je ne peux l'atteindre, en elle, mon néant ! »

    Cantique des Oiseaux, distiques 4219 à 4223

     

          Voir Dieu, c'est être totalement consumé par Sa Présence.
          C'est alors seulement que l'ego disparaît, retourné à son propre néant. Il ne reste personne pour témoigner de la moindre rencontre, d'une éventuelle union.

          Seul demeure le Divin. 

     

     

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  • Commentaires

    1
    Dimanche 6 Décembre 2015 à 19:30

    quel beau texte ! j'aime beaucoup ce passage de la bible !!! ton texte est très parlant et c'est difficile de se voir anéantie .. comme une goutte dans l'océan, oui .. 

    bises 

      • Dimanche 6 Décembre 2015 à 21:44

        Encore merci ! Oui, se voir est impossible !! Bonne nuit chère Durgalola.

    2
    Lundi 7 Décembre 2015 à 07:31

    le voyage astral. Cela m'a intriguée et... j'ai tenté l'expérience et presque réussi. A l'instant T, une méga trouille ( car je me suis rendue compte que ça marchait) je suis retombée brutalement. Il en a résulté une migraine atroce jusqu'au soir. L'impression d'être très mal dans ma peau. je n'ai jamais récidivé parce que c'est dangereux et complètement crétin de s'y risquer sans quelqu'un d'expert près de soi. J'étais une vraie risque tout à l'époque.

    "   Voir Dieu, c'est être totalement consumé par Sa Présence.
          C'est alors seulement que l'ego disparaît, retourné à son propre néant. Il ne reste personne pour témoigner de la moindre rencontre, d'une éventuelle union.

          Seul demeure le Divin. "

    Se confondre avec la lumière, se fondre en son amour absolu...

    Merci pour ce beau partage Aloysia. Douce journée à toi

    smile

     

      • Lundi 7 Décembre 2015 à 10:06

        happy  Bonjour Martine ! Oui, le voyage astral est très tentant, et on nous l'a bien fait miroiter dans les années 90 comme une sorte de "preuve" d'être un élu, capable d'accéder à des "vérités supérieures". Il a marqué une avancée dans la connaissance de nous-mêmes il est vrai, mais "forcer" ainsi sa nature était véritablement dangereux au plan physique, autant qu'au plan mental puisque poussant les individus y réussissant à s'imaginer plus évolués que les autres ! Il nous a montré la supériorité de l'esprit sur la chair, la survivance de l'âme au corps et c'est déjà énorme. Disons qu'il n'est qu'un "premier pas"... Merci de ta visite, bonne journée !

    3
    Lundi 7 Décembre 2015 à 09:43

    Bonjour

    Mon petit frère a eut une expérience de mort imminente qu'il n"a jamais pu oublié...

    Bisous

      • Lundi 7 Décembre 2015 à 11:06

        Il est vrai que ces expériences sont inoubliables. Mais c'est justement parce qu'elles ouvrent à une Réalité qui nous dépasse et qui est encore au-delà d'elles.  Bisous !

    4
    Lundi 7 Décembre 2015 à 10:21

    Depuis que je sais lire je lis la bible et depuis bientôt 25 ans je le fait d'un bout à l'aute dans l'année... c'est une richesse extraordinaire... c'est une parole de vie...

      • Lundi 7 Décembre 2015 à 11:07

        La Bible est un Livre Sacré ; et à ce titre, une Porte ouverte ; la lire est un enrichissement pour le Cœur et une promesse pour l'Âme.

    5
    Lundi 7 Décembre 2015 à 12:08

    Tu as commencé une recherche très riche et sûrement enrichissante.

    Même si je ne peux pas tout suivre, je trouve que ce que j'ai pu lire est intéressant et ouvre des portes vers une réflexion plus approfondie.

    Merci.

    Passe une douce journée.

      • Lundi 7 Décembre 2015 à 19:44

        Merci, de ta visite, Quichottine !

    6
    Lundi 7 Décembre 2015 à 17:43

    Bonsoir Aloysia

    Quel plaisir de relire ce passage du Cantique des oiseaux !!!

    Partir dans ces expériences extra-ordinaires, c'est précisément fuir l'ordinaire que l'on regarde sans en voir la richesse et la beauté. Apprenons à l'instar de la Nature, à nous incarner ici-bas, simplement comme le fait l'arbre en plongeant profondément ses racines dans la terre, pour puiser la force de s'élever vers le Ciel.

    Belle semaine ! :-))

     

      • Mardi 8 Décembre 2015 à 21:22

        Bonjour Yanis. Tu as tout à fait raison... L'ordinaire est le plus beau cadeau qui nous soit donné, car c'est le seul.

    7
    Mardi 8 Décembre 2015 à 10:57
    Daniel

    A une époque, lorsque je travaillais pour un magazine spirituel, j'ai réalisé plusieurs reportage avec des personnes ayant vécu une NDE. J'en avais recueilli des témoignages étonnants.

    Quant à Dieu, je ne suis pas sur qu'il existe. Je ne l'ai jamis rencontré !

      • Mardi 8 Décembre 2015 à 11:16

        Oui, les NDE sont utiles à connaître mais juste une étape ; ensuite ce que j'appelle "Dieu" peut s'appeler n'importe comment mais tu Le rencontreras certainement un jour !!

    8
    Cécile
    Mardi 8 Décembre 2015 à 20:58

    "Voir Dieu" :
    -- A une sœur qui lui disait qu'une novice avait des visions,Thérèse d' Avila répondit : "Eh bien, dites-lui d'arrêter de jeûner, donnez-lui du bon poulet, et si ces visions persistent, vous me l'amènerez!" --
    Extrait du "Long chemin de la sérénité" d'André Daigneault

    -- Lorsqu'une des sœurs de Thérèse de Lisieux regrette devant elle qu'elle n'ait pas écrit davantage, elle lui réplique  : "Il y en aura bien assez, il y en aura pour tout le monde, excepté pour les voies extraordinaires." --
    Extrait de "Thérèse de Lisieux : histoire d'une mission" par
    Hans Urs von Balthasar

    yes
    Tout-à-fait d'accord avec Yanis.

    Il y aurait à creuser les ressemblances et les différences entre 'les
    distiques des papillons' et le commentaire de la bûche enflammée  de Jean de la Croix (je n'ai pas trouvé de site laïc, j'aurais préféré, j espère que cela ne dérange pas trop).... Avez-vous lu La flamme chantante de Clark Ashton Smith? Ce très beau texte vous intéresserait peut-être.

    Bien à vous.

      • Mardi 8 Décembre 2015 à 21:19

        smile    Merci Cécile, de toutes ces interventions. Je suis ravie de vos références qui correspondent tout à fait aux miennes, du moins dans un certain passé maintenant ; la réaction de Thérèse d'Avila est parfaitement sensée et prouve sa réelle élévation... s'il en était besoin. Pour Jean de la Croix je ne me souvenais pas de ce passage de la bûche enflammée, qui est d'une grande justesse mais qui pointe vers un état bien préalable à celui qu'évoque Attâr. L'histoire du papillon de nuit est situé tout à la fin du Cantique, au moment où l'âme s'anéantit en Dieu, ce dont Jean de la Croix fait lui aussi mention mais pour plus tard :

        " (...) nous devons raisonner de la même manière avec ce feu divin de l’amour de contemplation qui avant de s’unir l’âme et de la transformer en soi, la purifie tout d’abord (...)"

        Le texte de Jean de la Croix concerne la purification ; Attâr aborde ce qu'il appelle "la transformer en soi".

        Je n'ai pas lu "La flamme chantante" ... Je vois que c'est un roman dans le style Fantasy, et cela m'évoque ceux que j'ai lus dans un autre registre : en effet, ayant travaillé en  bibliothèque jeunesse, je me suis axée sur les romans pour adolescents et en ai lu beaucoup dans le genre Fantasy qui véhiculaient un certain message spirituel loin de me déplaire !

        Belle soirée ! Amicalement.

    9
    Mercredi 9 Décembre 2015 à 08:37

    Nul ne peut voir Dieu !  On ne sort indemne d'aucune expérience charnelle....

     

      • Mercredi 9 Décembre 2015 à 08:50

        Merci Fontaine ! Bonne journée.

    10
    Cécile
    Mercredi 9 Décembre 2015 à 20:16

    Oui, Aloysia, Jean de la Croix évoque les choses différemment :
    "Après quoi, il l'échauffe et l'enflamme au-dehors. Enfin il le transforme en soi et lui communique sa propre beauté".
    Le feu n'est pas là pour détruire la bûche en la méprisant, mais le feu se communique à la bûche justement pour lui communiquer la propre beauté du feu. Il ne peut communiquer cette beauté intrinsèque liée au feu que s'il allume la bûche et que celle-ci veut bien mourir pour le feu (Ch. Leblanc).
    "Quand les choses en sont là, le bois perd tout ce qui est de sa nature, si l'on excepte sa quantité et sa pesanteur qui surpasse celle du feu, il a en soi les propriétés et les opérations du feu, car il est sec et il sèche, il est chaud et il échauffe, il est brillant et il éclaire. Le bois a les propriétés et les opérations du feu".
    La flamme associe un processus transitif et temporel (la combustion) à un état permanent et actuel (l'incandescence).../...
    L'image de la bûche enflammée n'est pas celle d'une transmutation du réel, mais d'une simplification totale qui repousse à l'horizon philosophique les problèmes de séparation entre les êtres pour poser l'acte pur des relations entre l'âme et Dieu, relations aussi subsistantes que celles de la flamme et du feu.../...
    Dans l'univers et l'anthropologie mystiques, il n'y a aucune différence entre Dieu et son partenaire spirituel -l'être est le milieu d'échange, le combustible de la combustion-, mais il y a une différence totale de personnes, sans laquelle il n'y aurait pas combustion mais fusion et confusion" (M. Huot de Longchamp).

    Ce que j'apprécie chez Jean, c'est qu'il est un être 'de grand désir',  un humain très humain, et que reconnaissant qu'on ne puisse pas parler de Qui nous dépasse, il assume à la fois son désir et ses incapacités par la poésie, créant un langage dansant, en "virtualité de transformation d'amour" (cf. auteur cité supra).

    En tout cas, j'attends que cette magnifique traduction de "La conférence des oiseaux" soit éditée en poche. Vous m' en avez donné l'attrait. Ou aurai-je été assez sage pour que le Père Noël me l'apporte sarcastic?

    Quant au roman de Clark Ashton Smith, je l'ai ressenti plus poétique et onirique que 'fantasyque', et c'est un des joyaux de ma "bibliothèque intime". On pense, en lisant ses 112 pages, à leur enregistrement désirable, tout en se demandant qui y risquerait sa voix... Tout en ayant quelques idées... qu'on chasse, par respect, ou amour du silence.

    "Pour faire court"... hum... money, belles heures!

      • Mercredi 9 Décembre 2015 à 21:50

        smile  Bonsoir Cécile, et merci de converser ainsi avec moi. Tout ce que vous notez est magnifique et m'apporte beaucoup. L'image de la bûche est en effet très belle et traduit bien la transformation du corps de chair en corps de lumière par rapport au monde manifesté. Et en effet Jean a su, comme les mystiques soufis, utiliser le vecteur de la poésie pour traduire l'intraduisible. A ce sujet, connaissez-vous le blog de Phène ? C'est elle qui m'a conduite à ces réflexions, et je suis loin de posséder ses connaissances, pas plus que les vôtres. Cependant il faut dire que j'oublie ce que je lis au fur et à mesure, le but étant de nourrir l'âme et non l'esprit. Elle aussi prône en définitive l'expression poétique comme la meilleure qui soit et la plus adaptée à traduire l'inexprimable : elle a elle-même édité plusieurs plaquettes (ici).

        Il faudra à l'occasion que je m'intéresse à Clark Ashton Smith : c'est sur internet que j'ai lu qu'il s'agissait de "fantasy".

    11
    Jeudi 10 Décembre 2015 à 17:53

    tu me donnes envie de lire le cantique des oiseaux ! Merci !

      • Jeudi 10 Décembre 2015 à 21:04

        C'est une merveille !! Je t'y encourage... Bonne soirée Gazou.

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    12
    Dimanche 13 Décembre 2015 à 10:19

    Coucou Aloysia, le voyage astra, j'ai bien trop peur pour le tenter, et si j'ai bien essayé quelquefois, je suis retombée dans une chute vertigineuse . C'est très dangereux car une mauvaise entité peut prendre place dans votre corps pendant qu'on se promène ailleurs !!! Bises et bon dimanche

      • Dimanche 13 Décembre 2015 à 11:21

        Tout à fait. Et de toutes façons ça ne sert à rien qu'à donner à l'ego un peu plus le sentiment de son importance. 



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