Je vous ai parléautrefois de mon ancien lycée : le Lycée François Couperin, à Fontainebleau. Je viens d'en retrouver une photo, qui date de l'été 1966 ; j'avais 15 ans et j'allais entrer en première, dans de nouveaux bâtiments qui venaient d'être construits en dehors de la ville. Ce porche est devenu celui de l'Ecole des Mines.
Cette même année, au mois de janvier précédent, j'avais écrit (en m'amusant) ce poème décrivant les affres de mes études de seconde, et mon aspiration à étudier le chant. Tandis que je râbachais dans ma chambre ma composition d'histoire, mon père, au rez-de-chaussée, diffusait à pleins tubes le Don Giovanni de Mozart. J'en ai fait deux sonnets, puis des paroles fantaisistes sur l'air entendu.
- I -
Composition d’histoire ! Et me voici lancée Au pied de plus de cent pages de révisions ; Dieu ! Que je n’aime pas cette composition ! Il faut s’y résigner : c’est ainsi au lycée.
D’abord, le Montagnards : Robespierre est athée ; Le Directoire vient après la Convention ; Puis c’est le Consulat ; enfin Napoléon. Ce n’est pas rien, et je n’en ai aucune idée…
Pourquoi nous obliger à savoir tout cela ? C’est triste d’étudier ce qui ne vous plaît pas. Bien sûr, je ne hais pas Bonaparte et l’Histoire,
Mais c’est si fastidieux d’apprendre tout par cœur Et de perdre son temps aux dates des victoires, Quand on a tel désir d’une autre étude ailleurs !
- II -
Mais voici qu’un accord magistral et tragique Vient troubler mon esprit dans sa méditation. Arrachée aussitôt, ma légère attention Tout entière s’enfuit, s’attache à la musique.
A présent, c’est fini, plus de faits historiques : J’ai déjà reconnu Don Juan et ses passions, Mon âme est à Mozart, à son exaltation, Je ne m’occupe plus des hommes politiques.
Mon cœur bat, retrouvant des passages si beaux, En découvrant plus loin encore des nouveaux : Sans cette histoire-là, je serais si heureuse !
Une voix féminine est en train de chanter ; Et je ne sais pourquoi, à force d’écouter, Je crois bien que j’en suis retombée amoureuse…
(Ce que disait la voix )
« L’Histoire m’énerve ! C’est trop difficile ! Abandonnons-la, Et chantons, et chantons Notre ivresse… Don Giovanni m’exalte ; A bas, Napoléon ! A moi, Don Juan ! »
(Grand air de Donna Anna "Or sai chi l'Onore", interprété par Edda Moser avec l'Orchestre du Théâtre National de l'Opéra de Paris sous la direction de Lorin Maazel)
Edda Moser dans le rôle de Donna Anna
(Martine Maillard, Composé à Fontainebleau, le 29/01/1966)