• Qu'est-ce que le Silence ?

     

              Ce matin, à la faveur d'un providentiel rafraîchissement, je suis sortie.

             Je ne peux pas méditer enfermée. Je me sens comme piégée, en boîte.

             Mon esprit ne se déploie que dans le mouvement, dans une voiture en marche, ou si je marche.

           Ainsi est fait le mental : il lui faut du mouvement. Vous vous asseyez sans bouger, vous bloquez tout, et qu'est-ce que ça apporte ? Juste que vous avez été raide comme un piquet pendant un moment, c'est tout. Vous avez pensé des choses, entendu et senti des choses, mais rien n'a changé, rien n'a pu vous instruire de quoi que ce soit vous concernant.

          Alors qu'en se promenant... l'esprit s'interroge et tout concourt à apporter sa réponse.

    *

            Notez que le titre que je donne à ces réflexions ne correspond qu'à la fin de cette causerie, qui promet d'être longue. Pour en connaître la réponse, si vous êtes pressés, rendez-vous donc immédiatement à la fin de cette promenade qui a déclenché la prise de conscience - c'est à dire à la prochaine astérisque.

        Car en partant je n'ai qu'une question en tête : Pourquoi ce sentiment d'enfermement perpétuel, pourquoi cette impression d'étouffer, pourquoi ce besoin d'aller toujours chercher ailleurs, toujours ailleurs ?? Pourquoi ne voir devant moi que des murs, des obstacles, des obligations ?

           Sortir, marcher c'est respirer enfin, d'où l'arrivée en forêt et mon départ à pied sur une allée avec juste un coupe-vent car une légère bruine se dépose parfois, et un précieux bâton que j'ai ramassé moi-même lors d'une précédente promenade ; plus le téléphone dont l'utilité sera au moins de me permettre de prendre des photos.

     

    Ruisseau asséché


         Pour le moment je me sens comme cette terre : asséchée, assoiffée, et tout me le renvoie sans cesse.

     

    Sécheresse


            La conjoncture astrologique actuelle pointe sur mon passé, sur les structures de la petite enfance.  Elle montre aussi une entreprise de démolition de ma nature profonde qui m'amuse car sur le dessin de l'horoscope on voit nettement les grosses planètes me mettre Échec et Mat !! J'aime ça, parce que j'en ai assez de me battre et qu'il est temps de rendre les armes.

           Aussi loin que je remonte dans ma petite enfance j'ai deux images qui reviennent, mais la plus intéressante est celle qui est en mouvement. La voici :

          Je marche derrière un géant qui s'appelle "mon grand-père". Il s'occupe de lui et pas de moi. Je préférerais qu'il me donne la main. En effet il entre dans quelque chose de remuant et de très inquiétant, et en se retournant me recommande de rester bien tranquille pendant qu'il va nager. Mais comme il continue d'avancer je veux le suivre, et voilà ! La chose me saute dessus et je suis renversée, noyée, giflée, étranglée, trempée. Je pense mourir et je hurle. Alors mon grand-père se retourne et s'écrie : "Bravo ! Tu as nagé !" Cela pouvait-il me consoler... ? J'aurais ensuite d'après ce que l'on prétend  répété à tout-va : "Manetine a nayé !"... Ce qui suppose que désormais : 1) je portais un nom ; 2) j'étais sensée être l'auteur d'actions ; 3) ceci s'appelait "nager".

          Mais que s'était-il passé en réalité ? Je n'avais rien "senti", j'avais seulement éprouvé une agression physique et eu très peur. Par contre je n'étais pas complètement idiote et avais immédiatement pensé que les adultes étaient des menteurs, car je savais bien que je n'avais rien "fait" du tout ! J'avais juste été passive et agressée.

          Voici comme notre vie se construit : par des concepts plus ou moins appropriés collés sur toutes nos expériences.

          Marchant ainsi avec mon bâton dans la forêt paisible et silencieuse, je réfléchissais à ces notions de "chercher dans la sensation". Oui, c'est la réponse des bouddhistes notamment : on s'assied (ou on marche...), on fait silence, et on ressent. La sensation serait le 1er "skandha" (= "facteur constitutif de l'ego", en sanskrit) juste après l'apparition de la conscience, donc peut-être la dernière étape avant de revenir à la "conscience pure".

          Mais où mène la sensation ? Bien sûr, elle est la preuve que nous sommes vivants. Dans mon enfance plus tardive, lorsque je me sentais rejetée, incomprise, il n'y a que dans la sensation que je parvenais à reconnaître qui j'étais. Projetée dans un univers hypermental qui me distordait de façon extrême, je retrouvais mon identité dans la sensation : peut-être comme celle de marcher là dans ce bois immensément ouvert.

           Je songeai alors à ma quête de réponses. Car se sentir "vivant", est-ce suffisant si cela s'accompagne de cette douleur perpétuelle d'être affamé, assoiffé... ? Le silence pouvait-il m'apporter des réponses ?

          Je me mis à rire : mais qui parle, sinon l'ego ?! On écoute, on entend une belle phrase venue de son cœur... Oui ! Oui ! Le cœur nous parle, "le silence nous parle", tous les maîtres spirituels vous disent ça, mais QUI parle en réalité ? L'ego !!! Même si ce qu'il dit est très intelligent, très gentil et tout...

         Je riais de plus en plus et me disais que j'étais quelqu'un n'ayant pas du tout le sens de l'humour, mais pas du tout ; et que c'était juste et normal puisque l'ego a besoin de considération, donc ne PEUT pas avoir le sens de l'humour... Mais que c'était justement cela qui était drôle !!

     

    Petit chemin

     
         C'est alors que j'aperçus un joli petit chemin sur ma droite.  Sachant que je devrais tourner, mais beaucoup plus loin, pour trouver ensuite une autre allée à droite afin de faire une boucle, je me dis que prendre ce petit chemin aurait plusieurs avantages : 1) peut-être de me raccourcir la promenade sachant qu'on m'attendait à la maison ; 2) de me permettre une vue plus jolie car plus rétrécie sous les frondaisons ; 3) de me changer car je n'étais jamais passée par là ; 4) et même de m'abriter de la petite bruine qui ne traversait pas encore les feuillages. Alors, pourquoi hésiter puisque la saison sèche me certifiait que je ne risquais pas, comme souvent dans ces sous-bois, de me retrouver dans un cloaque de gadoue ?

          Je m'y engageai donc en me désolant à la vue des jeunes pousses mourant de soif au ras du sol.

     

    Mourir de soif

     

         J'avais ainsi reproduit le schéma classique de celui qui cherche quelque chose.

        Il marche d'abord dans des chemins largement fréquentés ; puis il se lasse du connu, il lui faut "du nouveau". Alors il s'engage sans savoir où... et voilà, il se retrouve dans un cul de sac ! Mon chemin s'avéra bientôt être juste un passage de bêtes jusqu'à un point d'eau. Le point d'eau était évidemment à sec aujourd'hui, laissant place à un talus derrière lequel l'animal avait sans doute poursuivi sa course.

     

    A sec


          Je pouvais donc continuer ; ce que je fis, sachant qu'en allant toujours "droit devant moi" j'étais forcément dans la bonne direction.

           Malheureusement, dans cette forêt à demi exploitée, les terrains et les paysages changent sans cesse. Je traversai des espaces de fougères toutes grillées.

     

    Fougères grillées

     

    Fougères grillées


           Je m'y frayai un passage en les écartant de mes bras, de même que les branchages bas qui se cassaient parfois, prenant plaisir à songer à l'animal qui avait pu y passer et l'imaginant biche ou chevreuil, bien qu'il me paraisse plus évident que cela soit une troupe de sangliers, pour réussir à dessiner un chemin si net.

     

    Chemin tracé par des bêtes

          
          Mais bientôt je dus me rendre à l'évidence : il semblerait qu'il n'y eût par là que des lièvres ... ?

    Crottes de lièvre

             Encore que... d'après certains sites, il doive bien s'agir de "crottes de chevreuil".

    Crottes


            Cependant, comme les chevreuils c'est tout fin et que les lièvres c'est tout petit, arriva ce qui devait arriver : telle Alice, j'étais trop grosse pour suivre leur piste et mon aventure se mua peu à peu en un enfer !

         En effet, plus j'avançais, et plus surgissaient devant moi des zones de haute broussaille où il m'était impossible de passer ! J'avais beau m'imaginer dans la jungle ou penser à l'humanoïde progressant dans la forêt primitive, il était évident que je n'étais pas du tout dans la même situation car ces zones étaient le fait du défrichage sauvage de la forêt par les bûcherons locaux, qui en déciment des espaces énormes pour ensuite la faire repousser de zéro : ce qui donne des massifs en miniature où ne peuvent progresser que des lilliputiens... Force me fut par moments de me mettre à quatre pattes et de jouer des coudes pour me faufiler vers un espace plus vaste ; ou même de changer de direction, ce qui m'angoissait car il m'importait tout de même de garder mon cap pour parvenir au but souhaité.

     

    Broussaille


          Alors, je me pris à penser à ceux qui font le Chemin de Saint-Jacques, que j'enviais depuis quelque temps... Quel est l'intérêt d'un tel pèlerinage ? Aujourd'hui il est tout balisé, c'est devenu un business pour hôteliers, restaurateurs, vendeurs d'accessoires de marche... Certains le font même en voiture, d'autres en essaient juste une petite portion pour jouir du paysage ! Au mieux, on le réalise comme un exploit sportif. Alors que le but initial était de se perdre dans l'immensité du chemin, de s'abandonner aux difficultés du terrain, de connaître la fatigue physique, de demeurer au cœur vibrant de la nature sans attache aucune avec pour seul objectif : le divin...

        Or, n'était-ce pas ce qui m'arrivait là ? Je commençais à perdre espoir et songeais à Siddharta qui se serait tout simplement assis au pied d'un arbre et aurait "attendu que ça se passe..." Car contre quoi me battais-je après tout ? J'étais dans un terrain hostile et complètement obturé : où que je me tourne, à gauche, à droite, devant (et même derrière, au vu des efforts déjà fournis) je ne trouvais que des obstacles infranchissables.

     

    Brousse

     
           ... Ah ? C'était intéressant après tout ! N'était-ce pas ce que j'avais dit au tout début : que je me sentais "en prison" dans un univers clos où tout était bouché ? Et voilà justement que la "sortie" aurait dû être, si je récitais bien ma leçon, de m'arrêter et de fermer les yeux ?

            Sottise ! 

            D'abord on m'attendait à la maison.

           "On m'attendait à la maison" ? Quelle maison ? Et qui m'attendait ?... Mais bien sûr, pas de problème : le retour est INÉLUCTABLE. Il n'y a aucune possibilité d'y échapper. Même s'il faut en passer par... Ah ! non tout de même, pas de pensées dramatiques ici. C'est prévu, mais pas pour tout de suite.

     

    Brousse


           Quand il y avait des bruyères, je pensais que le terrain serait plus praticable. Hélas, celles-ci étaient souvent entremêlées de ronces, et je commençai à y accrocher sérieusement mes jambes demi-nues. Mon bâton, utile pour attraper et écarter ce qui barrait ma route, n'y suffisait plus maintenant. Au moins, j'étais dans la sensation ! C'était du réel, du concret ! Car de plus le sol était terriblement inégal et à chaque pas je glissais dans un trou !

             C'est là que mon téléphone commença à manifester quelques petits tintements. On avait tenté de m'appeler car le temps avait passé. J'essayai de l'utiliser mais en vain : pas de réseau. Je savais bien que dans ce bois il n'y en avait pas, mais après tout si cela réagissait un peu, c'est qu'il y en avait par moments en très petite quantité. Je me risquai donc à taper un texto pour indiquer que j'étais "perdue dans la forêt" ; non pas pour demander du secours, ce qui ne servirait à rien, mais pour faire comprendre de ne pas s'étonner si je rentrais tard ...

         Le petite bruine créait une humidité qui me rendait non seulement la marche désagréable au milieu des bruyères, mais en plus le téléphone difficilement praticable car l'écran mouillé ne répondait plus... Je dus donc batailler pour obtenir un résultat.

     

    Lit d'animaux


         Je débouchai alors dans un vaste espace de fougères écrasées. Des bêtes avaient dormi là !

     

    Lit d'animaux


       J'aurais aimé que cela soit des faons, c'est certain. Mais c'était si étendu que je pensai plus juste revenir à mon idée première d'une horde de sangliers. Les chasseurs du coin m'avaient bien dit que c'en était plein par ici.

        Malheureusement, pas une bête en vue. J'en étais bien surprise d'ailleurs, car à me promener dans des secteurs si éloignés de tout chemin fréquenté j'aurais pensé en rencontrer. Il est probable que la chaleur les avait poussées plus avant dans la forêt vers des zones où il reste de l'eau (comme l'étang des Trois Biches), ou bien qu'elles restaient terrées par la fatigue.

     

    Brousse


          Soudain j'entendis un bruit derrière moi, à couvert.

          Quelque chose remuait lourdement. Un animal réveillé ?

           Cependant, j'étais si empêtrée dans les broussailles qu'il m'était difficile d'aller voir de quoi il s'agissait. Et de fait, je ne vis rien paraître.

           Haussant les épaules, je me souvins qu'il n'y avait dans nos régions ni ours, ni lion, et repris mes efforts pour progresser dans le magma informe qui m'environnait. J'aurais tant aimé qu'un être vivant me montrât ma direction en cet instant ! Mais les cervidés sautent les obstacles, les lapins se faufilent, les sangliers n'ont que faire de ce qui leur barre la route, tandis que moi je n'aurais guère pu suivre...

          Un texto me parvint de la maison : "Voilà où ça mène, l'aventure !" Avec tout de même une pointe d'inquiétude : "Qu'est-ce qu'on va faire ?" Je me hâtai de répondre : "Pas d'inquiétude, je vais m'en sortir"... Sachant que, tandis que le téléphone m'objectait aussitôt qu'il n'y avait "pas de réseau", mon message finirait tôt ou tard par s'échapper subrepticement pour atteindre son but.

         Une chose était certaine, je ne tournais pas en rond : je savais que j'allais toujours, peu ou prou, dans la même - bonne - direction, je savais aussi que la grande allée que je souhaitais rejoindre était assez éloignée pour justifier la durée de ma traversée, et je constatais que le paysage changeait sans cesse ; la seule chose que je déplorais et qui me surprenait désagréablement était de ne jamais rencontrer le moindre chemin piétonnier intermédiaire alors que j'étais certaine qu'il y en avait... Force m'était d'en conclure alors que les bêtes traçaient certainement leurs passages en dehors de ces chemins.

     

    Brousse


         Pourquoi ces quelques clairières ne débouchaient-elles jamais que sur de nouveaux obstacles ? Depuis combien de temps errais-je ainsi péniblement ? Apparemment depuis près d'une heure déjà.

     

    Fougères mortes


         Et je me trouvai de nouveau face à des massifs entiers de fougères mortes, que je m'excusai d'avoir à attraper par paquets pour me faufiler entre elles, car elles me montaient presque aux épaules.

     

    Fougères


        À chaque fois qu'un espace semblait s'ouvrir il ne menait nulle part.

     

    Fougères


          Il fallait être courageux. Se dire que cela aurait une fin. On prétend que c'est lorsque l'on est totalement désespéré que soudain la solution émerge : je n'étais sans doute pas assez désespérée ; il y avait pire encore. Je n'avais pas épuisé toutes les ressources de ma confiance en moi ; je n'étais pas au bout de ma patience ; "le chemin n'était pas terminé", comme l'écrit Wyschnegradsky dans La Journée de l'Existence.

     

    Brousse

           D'ailleurs justement, n'est-ce pas exactement cette demande-là que j'avais eue en moi au début de cette promenade ? N'avais-je demandé à connaître les obstacles qui me donnaient cette sensation d'enfermement ? J'avais eu alors des réponses qui m'étaient venues, toutes automatiques, mentales : "C'est parce que tu cherches ; l'ego aime réussir dans ses entreprises, il est programmé pour ça, c'est son rôle..." Elles étaient imbéciles puisque sans cette sensation il n'y aurait jamais eu de recherche.

            Tandis que là c'était du réel au moins, du concret ! Je cherchais ma route, opiniâtrement, désespérément, en m'écorchant les jambes, au prix d'efforts et de souffrances ! Et j'avais au moins UNE réponse : je savais que j'arriverais, que c'était inéluctable.

          

    Brousse


        Et soudain j'aperçus des sapins.

        Mon cœur tressauta de joie : derrière ces sapins, il y avait ma route ! C'était certain, je m'en souvenais ! Mais de là à les atteindre, c'était encore un problème.

         Ce fut le passage le plus pénible. L'humidité ambiante avait rendu la végétation plus lourde et les ronces plus agressives. Elles m'arrachèrent des cris de douleur. Et lorsque toute surprise je me vis presque au pied d'un sapin le téléphone sonna, sonna vraiment. Ce n'était pas la maison ; c'était Robert ! Je m'efforçai de lui répondre. Mais l'écran couvert d'humidité (ou plutôt le protège-écran) n'accepta jamais de me donner la ligne. Même en le frottant avec mon tee-shirt je vis sonner l'appareil avec l'image souriante de mon ami sans jamais réussir à obtenir la communication... Et ensuite, impossible de le rappeler : "destinataire inconnu" fut la réponse du téléphone.

         J'étais accrochée par plusieurs ronces au-dessus d'un fossé vide qui séparait ma jungle de la sapinière, et entre les troncs j'aperçus... l'allée ! Robert appelait, la solution avait surgi. C'était tout !

           Encore quelques cris pour m'arracher aux griffes végétales et j'arrivai en terrain découvert.

     

    L'allée

           
               Mais où étais-je ? Je cherchai un moment à bien m’orienter.

           Oui, oui, c'était bien l'allée que j'avais ambitionné de rejoindre en coupant à travers bois ! Je n'avais pas dévié de mon objectif. Et pour me faire enrager j'apercevais, devant et derrière, des chemins qui s'ouvraient : comment n'en avais-je jamais rencontré un ?? Ce n'étaient peut-être que des leurres, comme celui dans lequel je m'étais engagée à l'origine...

          

    Chemin

         Je découvris alors quelque chose de merveilleux : des fleurs. Des petits crocus poussaient sur le bord de l'allée !

     

    Crocus


        Une si faible humidité avait-elle suffi à les faire surgir ?

     

    Crocus


           J'ai pris celui-ci de près pour que l'on voie les gouttelettes déposées sur ses pétales, mais malheureusement la belle couleur mauve est moins perceptible.

     
    *

               C'est alors que l'on arrive à la conclusion de cette "méditation"...

               Soudain, tout s'est arrêté.

             Tout est calme. Je suis sur un chemin "normal". Le chemin précisément que j'ai emprunté souvent et que je connais bien. Comme si rien ne s'était passé.

             Où sont les douleurs ? Où sont les peurs ? Tout est passé, comme dans le mantra suprême de la Prajna Paramita  :

    "Allé, allé, traversé, complètement traversé, et voilà : arrivé !!"

         Où s'est envolé tout ce temps occupé à se battre, à douter et à espérer ? Où ont disparu les innombrables gargouillis du téléphone incapable de me relier à qui que ce soit ?

           Qu'ai-je fait ? Qu'ai-je ressenti ? Qu'ai-je entendu ?

           N'est-ce pas juste un mouvement imperceptible dans le grand espace de la Vie, quelque chose comme une vague qui s'est gonflée et a roulé... ? Et des vagues il y en a sans cesse dans la grande Respiration de l'Océan.

             Et voici que quelque chose en moi se fait jour...  Le Silence...

            On m'a dit autrefois : "le Silence c'est l'absence de bruit", et cette définition m'avait paru fort décevante car à moins d'être sourd on entend toujours quelque chose. Ainsi lorsque j'écoute dans les profondeurs de la nuit je perçois toujours au moins le crissement du sang qui circule dans mes oreilles.

           Mais soudain tout prenait une valeur différente : et qu'est-ce que le bruit ?

         Là, de nouveau, le téléphone sonnait, et je parlais... mais cela ne faisait pas de bruit. C'était drôle, c'était comme rien.

            Au départ je m'étais dit : quand on écoute le Silence qui soi-disant "nous parle", il n'y a que l'ego qui peut parler, pas le Silence...

             Et là, j'avais dans un éclair subit la réponse à ce que j'étais venue chercher : toutes les actions, tous les efforts, toutes les pensées, tout le temps passé et l'espace parcouru, tous les bruits entendus, toutes les paroles prononcées, toutes les sensations (même si "concrètes", si "réelles" !), tout cela n'était qu'une petite croûte sans épaisseur flottant sur le Silence Royal.

     

           Qu'était-ce donc que le Silence ?

            C'était l'Absence de tout...

          Le fait que tout cela était futile, sans objet, disparu comme fumée... Comme une lumière intense apparaissant derrière tout ce "bruit pour rien"; comme le blanc qui surgit sur notre rétine après un fort éblouissement ou dans nos tympans après une forte explosion.

            Comme un immense espace vierge, au-delà de ce qui est perçu ; comme un miroir sans face qui sourit à ce qui se passe sans rien refléter ; comme ce qui préexiste à toute manifestation...

            N'était-ce pas une vision - même momentanée - de la Liberté véritable ?

         Mais cela, je le reconnais maintenant en y réfléchissant. Sur le moment, je n’ai eu qu’un éclair intuitif, comme lorsque s’entrouvre, s’entre-aperçoit le Jour sous des paupières fermées.

            Et cette merveille ne valait-elle pas quelques écorchures ?!

            Un éclat de rire de bonheur ? ...

           

     

     

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  • Commentaires

    1
    Jeudi 15 Septembre 2016 à 14:49
    durgalola

    je t'offre un verre d'eau fraîche ! pure et bienfaisante. Bises

      • Jeudi 15 Septembre 2016 à 15:10

        Merci Durgalola ! Je bois à la source......... smile

    2
    Jeudi 15 Septembre 2016 à 16:36

    Je vais revenir car là je dois prendre la route!

     

      • Jeudi 15 Septembre 2016 à 16:57

        Tu mets à la voile ? ... Alors bonne navigation... glasses

    3
    Jeudi 15 Septembre 2016 à 16:38

    Je mets un peu de baume sur tes griffures et je puis te dire que j'ai lu tout entier ton récit, une véritable aventure dont ton ego devrait se flatter d'avoir surmonté toutes ces difficultés, mais la conclusion est autre, avoir trouvé le silence et sa définition . J'ai beaucoup admiré tes jolies photos et plus jeune j'aurais aimé me faufiler dans toutes ces sentes d'animaux, en espérant tout de même ne pas me trouver nez à nez avec un sanglier, sans échappatoire possible.C'est alors que lecoeur bat, comme dans l'eau quand on sent la présence d'un requin, un peu d'adrénaline, j'adore !

    Bisous et merci j'ai adoré.

      • Jeudi 15 Septembre 2016 à 17:00

        Merci Danaé, tu ne pouvais pas me faire plus plaisir, car cette aventure je sais combien tu l'aurais aimée toi aussi ! Mais je ne crains pas les sangliers, ce n'est pas si gros après tout. Dans deux cas seulement ils sont dangereux : 1) dans le cas d'une horde lancée à pleine vitesse - c'est comme un autobus, ils ne peuvent t'éviter si tu restes sur leur passage ! 2) dans le cas d'une laie qui défend ses petits. Mais sinon... wink2

        Je voulais te raconter cette promenade, voilà donc qui est fait ! Mille bisous et repose-toi surtout.

    4
    gazou
    Jeudi 15 Septembre 2016 à 17:55

    Quelle  aventure ! je n'aurais pas osé, ayant très peu le sens de l'orientation, j'ai toujours la hantise de me perdre et je me promène que sur les sentiers que je connais...et comme je le regrette, c'est si  bon d'aller à l'aventure

      • Jeudi 15 Septembre 2016 à 20:40

        Tu vois... Mais là je savais que droit devant moi, ou éventuellement sur ma gauche il y avait forcément une allée toute droite, que donc je devais rencontrer tôt ou tard. Par contre j'aurais dû penser à ces changements de terrain qui rendent la progression presque impossible.

    5
    Jeudi 15 Septembre 2016 à 18:31

    inutile d'aller au bout du monde, tu viens de nous démontrer Aloysia que l'aventure est là au bout du chemin qu'on connaît bien.

      • Jeudi 15 Septembre 2016 à 20:41

        Ah ! ça oui ; et dans le genre, je suis un peu "spécialiste"... clown

    6
    Jeudi 15 Septembre 2016 à 19:49

    Comme notre amie Danae, j'ai lu tout ton récit... Je t'ai suivie pas à pas dans cette promenade captivante hors des sentiers battus, dans les broussailles et les ronces, au milieu des fougères cramées par le manque de pluie,  en méditation silencieuse... Je me demandais si tu n'allais pas te perdre pour de bon...

    Bises Aloysia

    Béa kimcat

     

     

      • Jeudi 15 Septembre 2016 à 20:43

        Non, je suis un genre "tout fou" à ne jamais me perdre (comme le bébé d'autrefois, pas tout à fait "idiote"... !). Mais enfin il m'est arrivé d'avoir la frousse c'est vrai.

    7
    blandine
    Jeudi 15 Septembre 2016 à 20:19

    Contente d'avoir pris le temps de lire ton histoire jusqu'au bout. Comme le tien, mon esprit vagabonde aussi dans tous les sens.  mais je suis gênée de le raconter. Toi tu en as fait un chemin de Compostelle. Tu y a mis un début, un parcours et une belle fin. Peu importe ce que tu y a trouvé.... la peur ne t'as fait rebrousser chemin. Quel courage. la prochaine fois nous irons ensemble. Que c'est beau de recevoir de tels messages par nos blogs. bises xxx

      • Jeudi 15 Septembre 2016 à 20:44

        Bises, Blandine. Je suis touchée de ta lecture et de ton accompagnement si compréhensif.

    8
    Vendredi 16 Septembre 2016 à 16:32
    Daniel

    çà, c'est l'aventure ! Sur les chemins , il y a toujours des surprises. Si on pouvait tout prévoir.......

      • Vendredi 16 Septembre 2016 à 17:05

        Sûrement pas !! Pourquoi prévoir ? Il ne manquerait plus que cela !!

    9
    manadou
    Vendredi 16 Septembre 2016 à 16:56

    Tu as l'art, Alyosia, de faire ressentir ce qu'a dû être cet "instant secret" d'éternité... qui est sans doute maintenant gravé dans ton coeur-corps à jamais... 

      • Vendredi 16 Septembre 2016 à 17:07

        "Gravé", Manadou, oui, c'est bien ce qu'on espère, encore qu'il n'est pas indiqué d'essayer de "se rappeler" quoi que ce soit, ni encore moins de "reproduire" quoi que ce soit. Par contre maintenant, si j'évoque "le Silence" cela représente pour moi quelque chose... Il y a une promesse cachée sous ce mot. Merci de ta visite, amitié.

    10
    Vendredi 16 Septembre 2016 à 17:15

    Oui, cette merveille valait bien toutes ces écorchures ....!!!

    Les balises, sur le chemin de St Jacques, c'est notre coeur qui les place, uniquement notre coeur ....Et ce sont celles-là que nous suivons, le reste, le futile, l'inauthentique, nous ne le voyons même pas !

    Nous cheminons, comme tu l'as si fantastiquement fait ici, dans une jungle de sentiments et d'émotions jusqu'au point d'oh qui nous désaltère, jusqu'à la douce tanière de l'animal que nous sommes où tous les astres du ciel viennent, tour à tour, confier tous leurs plus beaux mots d'en-faon ....................

    J'ai reconnu mon chemin de l'instant dans le tien , c'est fou !

    Ce besoin de "voyage primitif" que tu as eu, je l'ai depuis que j'ai parcouru le "chemin primitif" (il porte bien son nom) cet été ...........

    Je l'ai, oui, car je repartirais à l'instant, telle que je suis, sans rien, ou presque rien ....................Depuis ce chemin, je n'ai plus peur de ce qui pourrait m'attendre, je suis devenue cette fusion entre le rationnel et l'infini, entre le visible et l'invisible !

    Tout part d'un enfermement, oui, toujours ...........Et moins nous voulons nous laisser emprisonner, plus ce type de voyage primitif, de sensation pure à l'extrême, ont d'effet sur nous !

    Il n'y a pas plus éloquent qu'un silence, dans la force pathétique de ses mots tus ..............

    Peut-être l'auras-tu lu dans mon livre "Prendre les sentiers battus, c'est aller chercher la vie dans sa plus saisissante nudité..."

    Je t'envoie un ......................gigantesque battement d'aile : sabine

      • Vendredi 16 Septembre 2016 à 17:40

        Il faut que je lise ton livre, Sabine !! Oui, tu vois, ce Voyage j'aurais aimé le faire, mais je vois que ce sont les premiers, comme toi, ou comme "Martine la Pèlerine" (avec son site "Campostellae", tu l'as connue ?) qui l'ont vraiment effectué...   Cependant il ne faut pas que par jalousie ou frustration je dénigre ce qu'aujourd'hui font certains de mes amis ! Beaucoup sont très sincères et seule la sincérité compte. 

        Puisque ce qui m'est donné est différent, je puis aussi en apprécier la teneur, comme tu as la gentillesse de me le concéder... Merci, Sabine ; oui, le Chemin, il est partout, partout où nous le cherchons... Bisous arrosés de bonne petite pluie délicieusement fraîche.

    11
    Samedi 17 Septembre 2016 à 07:12

    J'aurais aime vivre cette aventure, C'est loin de tout qu'on peut comprendre comme tu l'as fait...

    Merci du partage de ces reflexions si enrichissantes. 

      • Samedi 17 Septembre 2016 à 09:24

        Oui, loin de tout mais seulement dans sa tête ; cependant on a besoin de moments de retraite pour y parvenir...  Et je suis sûre que tu en connais aussi, des moments de ce genre, chère Marlou.

    12
    Tivoune
    Samedi 17 Septembre 2016 à 19:53

    Comme je t'admire d'oser ainsi quitter les sentiers battus pour chercher -comme tu dis "une plus jolie vue" : plutôt : d'autres points de vue ! Car c'est bien ça que tu as fait, te frayer un chemin dans l'effort , en cherchant -aveuglément mais confiante- une issue nouvelle (et hypothétique ) pour arriver autrement  au point de départ . Bravo, c'est une belle leçon et nous devrions tous  ouvrir mieux les yeux, et apprendre à laisser notre esprit à l'affût de ces enseignements tout simples.

    Gros bisous oops

      • Samedi 17 Septembre 2016 à 21:59

        Oh, oh, Tivoune, je sens que tu te dénigres là. Il n'y a rien à admirer, c'est juste que ça s'est passé comme ça et que cela m'a fait plaisir. Je suis sûre que tu as vécu toi aussi plein d'aventures au moins aussi passionnantes !  money  Bisous affectueux.

    13
    Thierry
    Dimanche 18 Septembre 2016 à 11:48

    voilà qui est puissant et bien dit mais nécessite du temps pour bien se savourer afin que nul obstacle externe ne vienne s'opposer aux mots qui font sens

      • Dimanche 18 Septembre 2016 à 19:18

        En même temps, puisque tu viens ici Thierry en étant un familier du blog d'Ariaga, j'ajouterai que le travail sur soi commence à devenir effectif lorsque le rêve est vécu dans la réalité, donc quand l'inconscient devient conscient et que l'on n'a plus besoin de l'exutoire nocturne pour l'objectiver.

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