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    L'envol des corbeaux

     

     

    C'est l'envol des corbeaux hors du fossé natal,
    Fatigués de porter les misères humaines.
    Sur la route déserte où nul ne se promène
    Ils fuient l'auto qui passe en ouragan brutal.

    Sur l'asphalte échauffé ils ont pris leurs quartiers
    En meute vagabonde, en troupe jacassante ;
    Nul ne vient déranger la foule croassante
    Qui part en vague sombre au-devant des routiers.

    Picorant dans les champs les fragiles semences
    Ou dormant sous leur aile au fil de leurs errances,
    Les voici de retour, ces corbeaux de l'hiver.

    Quand se tait l'appel clair de la douce mésange,
    Quand la grisaille tombe et que le froid dérange,
    Ils sont les astres noirs de notre ciel couvert.
     
     
    ***
     
    (Sonnet extrait de "Instants Secrets", déjà publié sur ce blog en 2006 mais corrigé depuis).
     
     

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       Couverture-La-nuit-des-poetes

     

     

          Après avoir lu "La nuit des poètes" (éditions Stellamaris), j'ai eu la nostalgie de ces poèmes à forme fixe que j'écrivais plus jeune. 

         Aussi vais-je ouvrir une rubrique pour vous en présenter quelques-uns.

          Voici une sorte de sonnet composé en octosyllabes : 

     

    Aspiration 

    J'aime étudier les belles lettres :
    Les Du Bellay et les Ronsard
    M'apprennent un peu de leur art,
    Et il n'est pas de meilleurs maîtres.
     

    On me répète que peut-être
    Je pourrais devenir plus tard
    Petit professeur quelque part...
    Je ne sais si je dois l'admettre. 

    Je veux étudier, mais après ?
    La vie a perdu son attrait !
    Je voudrais mieux que le lycée.
     

    Un bonheur qui dure toujours
    Et qui fait mourir tous les jours :
    Chanter, chanter ! Joie insensée ! 

     

         En effet, à l'époque je ne rêvais que de devenir cantatrice et en avais une vision plus que romantique : le chant du cygne, correspondant à des rôles où les trois quarts des héroïnes finissaient par mourir sur la scène... (mourir d'amour, comme il se doit) ; ce qui pour moi était le paroxysme même de la vie - celle qui explose comme une étoile.

     

    tristan-et-isolde.jpgMort d'Isolde sur le corps de Tristan, par Rogelio de Egusquiza

     

     

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  •      Autre sonnet de jeunesse : c'était une commande de mon père, qui m'avait mise au défi d' "écrire un poème sur un sujet très ordinaire, comme une peau de banane..." Il n'avait pas tort, car j'avais trop tendance à épancher mes états d'âme sous forme rimée. Je n'eus alors de cesse que de lui prouver ma capacité à me plier à l'exercice ; et il fut je crois agréablement surpris du résultat ! Comme vous le verrez dans les commentaires, j'ai déjà publié ce sonnet sur ce blog en 2005.
     
     
     


    Au travers de l'assiette une peau s'étalait,
    Jaune comme un serpent aux larges taches noires,
    Ouvrant nonchalamment sa robe dérisoire
    Pour ne plus découvrir qu'un vieil os de poulet.

    Comment dans les déchets ce détritus si laid
    Avait-il pu garder souvenir de sa gloire ?
    Tandis qu'au vil trognon sont réduites les poires,
    La banane restait de soi-même un reflet.

    Entre les pans défaits, on devinait la manne,
    Qu'avait couverte, épais, l'habit de courtisane.
    Tranquille, elle semblait rêver au ciel lointain

    Qui l'avait vue éclore au sein de ses pareilles,
    Au pays du soleil, des fleurs et des merveilles,
    Lorsque l'or de leur robe éclipsait le matin.
     
     
     
     

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      Je remets à l'ordre du jour un sonnet déjà publié sur ce blog en 2006, mais que j'ai écrit jeune, et croyant bien connaître les règles de la versification. En fait je n'en avais qu'un aperçu à travers les livres scolaires et ce que m'en avait dit mon père, et il est évident que lire les classiques ne suffit pas pour découvrir ce qu'il ne faut PAS faire... C'est pourquoi, comme vous le verrez en commentaire, Darius Hypérion m'apporta quelques critiques qui méritent peut-être un effort de correction.
        Cependant ce sonnet est déjà édité sous sa première facture (avec "azurés" rimant avec "forêts", etc.) ; et si Molière critiqua les adverbes mis à la rime par Trissotin, j'ai écrit moi ce sonnet alors que j'étais élève au lycée Molière, à Paris !! 


     Nicolas-Poussin-Echo-et-Narcisse.jpgÉcho et Narcisse, par Poussin

     


    Comme je regardais dans le miroir des ondes,

    Je vis se dérouler des pays azurés,
    Des îlots lumineux de verdure parés,
    Flottant nonchalamment parmi les mers profondes.

    De blancs voiliers ancrés auprès des rives blondes
    Semblaient dans leur sommeil aux grands oiseaux sacrés
    Des cultes d’Orient, et les cieux adorés
    Miraient à l’infini les splendeurs de ces mondes.

    Et moi, je désirais la candeur des oiseaux,
    La sereine harmonie ample et grave des eaux,
    Le radieux éclat de l'Ile Délicieuse,

    Et j’aspirais à fuir là-bas si ardemment
    Que, glissant vers mon rêve en un bref mouvement,
    Je rejoignis dans l’eau l’image fallacieuse.

     

    Poème initial extrait de "Pour Survivre",
    publié dans "Le Rossignol d'Argent"
     
     
       Je ne  sais pas ce que vous en pensez, mais j'aimais mieux la première formule (surtout "les îles déclicieuses" au pluriel)... C'est évidemment parce qu'elle est depuis longtemps écrite et ancrée ainsi en mon esprit.
       La poésie de forme classique "parfaite" est vraiment un challenge, et il vaut mieux être averti avant d'écrire, les corrections ultérieures n'étant jamais une méthode satisfaisante !

     

     

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  •      Suite de mes corrections sur le sonnet publié ici, puis  (mais déjà édité sous sa version initiale dans "Le Rossignol d'Argent").

        Après que j'aie, pour suivre le conseil de Darius Hypérion, supprimé les rimes entre "azurés" et "forêts" (pas la même sonorité), entre "ardemment" et "imperceptiblement" (on ne fait pas rimer deux adverbes), et entre "les Iles Délicieuses" et "l'onde fallacieuse" (on ne fait pas rimer un singulier avec un pluriel !), voici que Stellamaris me signale encore un hiatus à corriger : "si ardemment" selon lui ne convient pas, pour deux voyelles qui se suivent. Il me proposait donc "tant ardemment", que je n'aime pas du tout et auquel j'ai dit préférer "si vivement"...

        Mais rien de tout cela ne sonnant vraiment juste à l'oreille, j'ai repris entièrement le 3e tercet, car je n'aimais pas non plus le "bref mouvement", et dans la foulée j'ai également repris le premier quatrain, le rejet de l'adjectif en fin de vers me paraissant assez maladroit.

        J'ajoute que j'ai eu conscience en écrivant ce poème de faire un écart en faisant rimer "azurés" avec "forêts", mais que je pensais pouvoir me le permettre car pour moi le sens prime sur la forme : je m'en suis autorisé bien d'autres par ailleurs, mais que j'ai parfois corrigés, reconnaissant que c'était paresse de ma part (voir "les corbeaux", entièrement refondu cette année, cependant vous ne trouverez pas le premier jet, que j'ai supprimé). Or j'ai également le sentiment de m'être permis une belle licence poétique en écrivant "Semblaient dans leur sommeil aux grands oiseaux sacrés..." au lieu de "Ressemblaient... aux", ce que bizarrement (et heureusement !) personne n'a relevé.

        Note après relecture par Stellamaris : je remplace "aux grands"  par "de grands"... Parfait !

     

     

    Comme je regardais dans le miroir des ondes,
    Je vis se dérouler des pays azurés,
    Des îlots lumineux verdoyants et dorés,
    Flottant nonchalamment parmi les mers profondes.

    De blancs voiliers ancrés auprès des rives blondes
    Semblaient dans leur sommeil de grands oiseaux sacrés
    Des cultes d’Orient, et les cieux adorés
    Miraient à l’infini les splendeurs de ces mondes.

    Et moi, je désirais la candeur des oiseaux,
    La sereine harmonie ample et grave des eaux,
    Le radieux éclat de l'Ile Délicieuse,

    Et j’éprouvais à cette idée un tel tourment
    Que, glissant vers mon rêve imperceptiblement,
    Je rejoignis dans l’eau l’image fallacieuse.

     

    Iles-Gambier.jpg

     

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