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    Extrait de la fresque de Michel-Ange : la Création d'Adam 


     
    Je savais
    Que nos mains aveugles se toucheraient
    Dans le vide du temps

    Je savais
    Que l’étincelle ferait surgir des mondes
    De nos deux abîmes

    Je savais
    Ma pâleur et ma chute
    Et ton envol de feu

    Je savais qu’en tes doigts je deviendrais poussière
    Je savais
    Ton mystère d’été

    Et le temps qui me change en feuille de risée
    Et l’odeur de ta vie qui colore mon sang
    Et l’épaisseur du jour qui te crée ou t’efface

    Mais le dieu s’est glacé
    Et je sais ton sourire
    Il m’a tuée

    Je sais aussi
    Que sous mes pas
    Naissent les fleurs que tu désires

    L’ombre de ton regard
    C’est moi-même immobile à ta source
    Et tes gestes dorés
    Sont mon reflet dans le miroir

    Un vol suffit
    Je le savais

    Mais les étoiles nous entraînent…
     

     Le Rossignol d'Argent
    © Les éditions Saint-Germain-des-Prés, 1974

     
     

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    Fille au yeux brillants
    Au cœur d’oiseau
    Aux cheveux brûlés de soleil
    Qui fuis comme l’éclair chaud à travers les feuillages
    Prends garde à mes bonds souples de chat sauvage
    Car je te piège interminablement

    Quand je te tiens captive au filet du regard
    Craintive tu te détournes
    Et te métamorphoses en forteresse d’épines
    Grand Sphinx aux yeux aveugles et remuant ses ailes
    Mais je t’attends
    Tapie au pied d’une arbre
    J’épie l’écroulement de tes mirages sans corps

    Aussi patiente que la racine de l’arbre
    J’attends que tu m’oublies
    Et que tu redeviennes
    Ce flexible roseau mollement agité par la brise
    Dont je tirerai la plus belle musique
    Qu’ait pu rêver mon âme
     

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        Note : ce poème, écrit sous l'effet puissant de la représentation du "Parsifal" de Richard Wagner à Bayreuth en 1970, tire son titre d'un rapprochement entre la nationalité anglaise de l'interprète féminine de Kundry - Gwyneth Jones - et de son rôle qui est celui d'une "folle"- folle parce qu'elle est ensorcelée et lutte contre la force qui la domine dans des hurlements qui prennent au tripes -, mais aussi assez proche du thème "ophélien", car à la fin, déliée de sa faute par le courage de Parsifal, elle sombre dans une mort bienheureuse qui évoque, avec le fond laiteux du décor, une sorte de dérive berçante.
     

     

    Gwyneth Jones en Kundry à Bayreuth en 1970
    (Photo dédicacée)
     
     

    Le Jour finit
    Ma Nuit s’enfuit
    Ah fuir là-bas
    Oh fuir
    Loin des monstres sordides

    Que l’aveugle clarté se déchaîne
    Et que je croule
    En vagué éclaboussée
    De pierres silencieuses

    O ma noire divinité glacée
    Où es-tu mon Sourire

    Je t’aime
    Blanche colombe
    Des soupirs effacés
    Toi que mon ange ténébreux
    A baptisée sans bruit
    Entre mes cieux changeants

    Rivière immaculée
    Gerbe enflammée

    Tu es ma griserie
    Vertigineuse
    Mon averse
    D’ambre
    Et d’or
     
     
     

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    Dans Toulouse-la-Rose
    L'Amour se niche au creux des fosses
    Dans les sous-sols des bars de nuit
    Sur les bords du canal et tout au long des rues
    L'Amour chemine et s'effiloche
    L'Amour s'empoigne et s'égratigne
    L'Amour se crie et se délie
    L'Amour s'enivre et s'empoisonne


    Dans Toulouse-Rêveuse
    Sur les balcons ornés de vigne vierge
    Par les hauteurs de Jolimont
    Deux hirondelles ont niché cette nuit
    Bien loin bien loin des voix malsaines
    Là-haut près des étoiles


    Dans l'envolée du ciel rose et bleuté
    Elles ont vu la cité endormie
    Et le bourdon continu des voitures
    Les a bercées ainsi qu'un cœur
    Battant sous un corsage

     

    Elles ont rêvé du soleil de midi
    Des matins enchanteurs
    Leurs ailes doucement repliées sous leurs têtes
    Puis elles sont reparties
    Dans un pépiement de joie
    Comme une seule flèche

     


     

     

     

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              Tes yeux sont grands ouverts
              Tu lèves tes bras sur le monde

              Tes bras sont grands ouverts
              Tes cheveux volent sur le monde

               Le ciel est grand ouvert
               Les arbres roulent sur ton front

               Oh léger léger comme la brise
               Tu passes et te confonds à l'air

               Le miroir t'absorbe et tu baignes en moi
               Le miroir te rejette et mes larmes se glacent

               La mer monte et m'engloutit
               La mer baisse
               Et la petite fille m'emporte coquillage

               Je me fonds au soleil

              Je ne suis plus que ton empreinte dans le sable

     


    Extrait du recueil "Le Rossignol d'Argent"
    publié à Paris en 1974   

     

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