•  
        Et voici la fin, en apothéose, de mon poème "Psyché", adapté d'Apulée à la lumière de la musique de César Franck. Je vous rappelle que je l'ai composé à l'âge de seize ans, alors que je baignais totalement dans les études "classiques", bercée de Virgile, Euripide, Racine, Corneille, Musset, Lamartine, Hugo, de Mme de La Fayette, Balzac, Flaubert, ou encore de Jean Anouilh, des soeurs Brontë... Dans cette dernière partie, je m'éloigne de la légende pour évoquer l'amour au sens large : d'abord sentimental, puis sensuel, et toujours de plus en plus mystique ; très imprégné en tous cas de mes lectures et rendu plus complexe par l'idée que ce n'est pas un être humain que je dépeins, mais un vaste principe, un ensemble de fonctions et de sensations... C'est, dirait Platon, l'« Idée » même de l'Amour.
        L'intense mysticisme qui s'y ajoute est aussi à rapprocher de celui qui habite le "Tristan et Isolde" de Richard Wagner, dont je faisais mon ordinaire à cette époque (avec l'opposition "Jour"-"Nuit").
     


    Psyché et Eros, vus par le sculpteur Canova


    Voici de nouveau le passage de César Franck qui correspond (ici à la plage 4 : 17'36).


    IV – Psyché et l’Amour

    Cependant dans le bois un léger craquement
    L’arrache tout à coup à son abattement :
    En tressaillant d’effroi, elle tourne la tête,
    Sûre de rencontrer le monstre qui la guette…
    Mais ses yeux ne voient rien ; affolée et sans voix,
    Elle écoute et n’entend que le vent dans les bois.
    Pourtant son cœur bondit d’une étrange manière,
    Et ses yeux éblouis se couvrent de lumière.
    Quelque chose de grand, de brûlant, de puissant
    Vient de rentrer en elle et coule dans son sang.
    En elle des élans inassouvis se brisent ;
    Un feu léger, nouveau, en l’étouffant, la grise ;
    On dirait que soudain le soleil a paru
    Dans le ciel calme et frais de son cœur éperdu.
    Un flot ardent bouillonne en ses veines battantes ;
    L’astre en elle répand sa lumière éclatante,
    Et comme un grand brasier, l’inonde de rayons ;
    Elle se sent couler dans une mer sans fond
    Et comprend qu’une flamme immense, éblouissante,
    A comblé le néant de son âme innocente.
    C’était donc bien cela, le dragon redouté !
    Il n’était pas affreux, ce monstre, en vérité…
    Déjà elle est captive entièrement soumise
    A ce mystérieux vainqueur qui l’a conquise ;
    Elle est transfigurée et ses yeux ont changé :
    Ils brillent à présent de l’éclat étranger
    Des étoiles du soir dans la nuit parsemées…
    Ce n’est plus cette enfant qui sanglotait, pâmée,
    Attendant, trop docile, une terrible mort ;
    Elle était douce et pure, et si rude le sort.
    A présent cet oracle est loin de sa pensée ;
    Elle a oublié son existence passée
    Et ne vit plus que dans sa contemplation ;
    En silence, figée, avec émotion,
    Elle embrasse des yeux le délicieux mystère
    Qui désormais l’a prise et la tient tout entière.
    Corps et âme, elle habite un univers nouveau,
    Inconnu, infini, mais si simple et si beau !
    Il est frais et charmant, gracieux, plein de tendresse,
    Plein de force et d’ardeur, d’entrain et de jeunesse ;
    Il est moqueur, léger, il est grave, orgueilleux,
    De tout son être émane un charme merveilleux.
    Lorsqu’il rit, on dirait qu’un voile se déchire,
    Et qu’avec lui le monde entier se met à rire ;
    Ses yeux sont un abîme où l’on voit miroiter
    Sur de changeantes eaux d’ineffables clartés,
    Et parmi ses cheveux passent des étincelles
    Qui semblent annoncer une gloire éternelle.
    On dirait à le voir qu’il est fait de soleil
    Et qu’alentour de lui tout gît dans le sommeil…
    L’oracle avait dit vrai : on l’avait arrachée
    A la terre et au monde, et si bien attachée
    A cet être étranger, que sans l’avoir voulu
    Elle est fondue à lui et ne se connaît plus.
    Respirant par son souffle et à lui suspendue,
    Elle a tout oublié d’elle-même, éperdue,
    Et ne sait plus penser qu’à percer le secret
    Du dessin enchanteur et tendre de ses traits,
    De l’étrange douceur calme de son sourire,
    De la noble fierté de son front qu’elle admire,
    De l’onduleuse nuit qui plane dans ses yeux,
    Ses yeux étincelants d’astres comme des cieux…
    Monde mystérieux qui l’attire et l’entraîne
    En un tourbillon fou où elle perd haleine !
    Prisonnière, enchaînée à son charmant vainqueur,
    Elle ignore jusqu’au désordre de son cœur :
    Par une forte vague arrachée à la rive,
    Elle se laisse aller, flotter à la dérive,
    Sans force, submergée entre les flots courants,
    Comme les gros cailloux roulés par le torrent.
    Plongeant dans ce regard ses yeux brillant, avides,
    Elle cherche à chasser cet air qui l’intimide,
    A découvrir ce cœur obstinément voilé,
    Pour lire dans son âme et savoir quel il est…
    Mais soudain tout se brouille et tourne devant elle :
    Le regard la dévore, elle étouffe, chancelle,
    Et un frisson de feu la parcourt, enivrant ;
    Elle tombe, évanouie à ce choc étouffant ;
    L’univers chaviré n’est plus que deux étoiles
    Dans un vertige noir tout frémissant de voiles…
    Craintive et curieuse, en se laissant bercer
    Dans cet enchantement, elle se sent verser
    De plus en plus avant dans un étrange rêve :
    Suivant depuis longtemps un sentier qui s’achève
    En pleine obscurité, elle écarte un rideau
    Qui cache à ses regards un univers nouveau ;
    Mais ses yeux ténébreux, aveuglés de lumière,
    Ne peuvent percevoir cette aurore première ;
    Etourdie, effrayée, elle recule un peu,
    Eblouie et brûlée à la vue d’un grand feu.
    Délicieuse douleur ! Elle déjà envie
    De connaître vraiment cette nouvelle vie
    Et de mourir encor pour renaître là-bas.
    Pleine d’une émotion qu’elle ne connaît pas,
    Elle croit voir en elle un précipice immense
    De ténèbres, de froid, de vide et d’inconscience ;
    Derrière le rideau, c’est son mystère à lui,
    Tel un soleil levant, qui sur son cœur a lui.
    Enfin, elle a trouvé, elle connaît cette âme,
    Son cœur fondu au sien en possède la flamme !
    Cependant un désir inouï l’envahit :
    Pour étouffer le froid et le néant haïs,
    Il faudrait déverser ce torrent de lumière,
    Pour qu’il couvre d’un flot de feu son âme entière,
    Et que morte à la nuit sous ce choc trop violent,
    Elle puisse renaître à ce soleil brûlant !
    Quelle idée insensée ! Et pourtant, frémissante,
    Elle se livre toute à la vague puissante
    Quelle attend sur la plage, ivre et sans mouvement,
    Dans la chaleur du jour qui l’étreint doucement.
    … C’en est fait, la voici, cette vague d’aurore,
    Qui s’élance sur elle et la couvre, la prend,
    Et l’entraîne, sauvage, au milieu du courant !
    Tourbillon, frénésie ardente et douloureuse !
    Chute immense et sans fin de la nuit ténébreuse !
    Elle sombre et s’abat dans un abîme obscur,
    Entraînant le néant limité et impur ;
    Et dans le gouffre affreux le précipice sombre,
    Et se confond à lui, et s’évanouit dans l’ombre…
    Mais alors que la mort semblait la terrasser
    Et l’engloutir aussi dans son tombeau glacé,
    Soudain elle renaît, nouvelle et étonnée ;
    Elle est tout étourdie et tout abandonnée
    Au bonheur merveilleux qu’elle ressent enfin :
    Le voile est arraché, et l’astre du matin
    Baigne de ses rayons son âme qui s’éveille ;
    Et de cet univers ébloui de merveilles,
    Comme chante la terre au temps du renouveau
    Quand l’éclat du soleil lui semble encor plus beau,
    S’élève un chant de joie et de reconnaissance,
    Un grand frisson d’amour, un élan d’espérance :
    L’aube répand à flots ses dons éblouissants,
    Et la nature avide entrouvre en frémissant
    Ses flancs à la lumière, à la chaleur, sans trêve,
    Afin que coule en elle une féconde sève,
    Et que des fleurs sans nombre et des fruits savoureux
    Puissent surgir un jour de son sein plantureux.
    O splendeur du printemps ! Miracle de l’aurore
    Qui voit à tous moments tant de beautés éclore !…
    … L’univers s’élargit… Avec étonnement,
    Psyché est arrachée à son enchantement…
    Elle sort de son rêve et découvre autour d’elle
    Le jardin délicieux plein de bruissements d’ailes.
    Mais le charmant domaine a perdu son secret :
    Elle sait à présent pour qui sont ces attraits
    Et comprend tout aussi de sa folle aventure :
    Souriant parmi cette abondante verdure
    Qui la protège un peu des ardeurs du soleil,
    Couchée entre les fleurs, sortant d’un grand sommeil,
    Elle admire sans fin la vision merveilleuse
    Qui, planant dans les airs, s’enfuit, mystérieuse,
    Comme un immense oiseau de feu couleur du jour
    Qui semble disparaître et resplendit toujours ;
    Après l’avoir bercée un moment dans ses ailes,
    Il fuit vers la lumière et la vie éternelle…
    Mais non, il ne fuit pas, il revient de nouveau !
    Et Psyché, transformée avec lui en oiseau,
    S’élance vers les cieux aveuglants d’étincelles,
    Vers les séjours divins, la jeunesse immortelle !
    Le cœur gonflé de joie, ivre de son bonheur,
    Elle fixe l’azur et monte avec ardeur,
    Lançant son chant d’amour éclatant d’allégresse
    Dans les airs parfumés ruisselant de tendresse.

     
     

    Psyché (4)
    Psyché (l’Âme) ravie par Éros (l'Amour)
    par William Bouguereau


        Cette fin, qui est l'envol de l'Âme vers son Créateur, rappelle bien sûr une tout autre musique : celle de Claude Debussy dans le "Martyre de Saint-Sébastien", lorsque ce dernier, à la fin, arrive au Paradis.


    "Je viens, je monte !
    J'ai des ailes, tout est blanc.
    Mon sang est la manne
    Qui blanchit le désert de Sin.
    Je suis la goutte, l'étincelle et le fétu...
    Je suis une âme, Seigneur,
    Une âme dans ton sein...!"
    (Texte traduit de Gabriele d'Anunzio,
    interprétation de Michael Tilson Thomas
    avec Sylvia Mac Nair, Soprano,
    et le London Symphony Orchestra)
     

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        Entraînée vers la poésie latine à l'occasion d'un départ en retraite, j'ai retrouvé une traduction en vers d'une ode d'Horace que j'avais composée alors que j'étais en classe de seconde.
        Mon texte, inspiré surtout des notes prises pendant le cours, s'éloigne parfois de l'intention initiale du poète latin, mais je ne résiste pas au plaisir de vous la faire partager, tout en vous indiquant en regard l'excellente traduction versifiée du Comte Ulysse de Séguier (qui date de 1883), et la traduction parfaitement fidèle (mais non versifiée) de Leconte de Lisle.

        Comme le fit sa contemporaine Renée Vivien dans son adaptation des vers de Sappho (et justement Horace applique ici les règles de versification créées par la célèbre poétesse grecque et son ami le poète Alcée), Ulysse de Séguier s'efforce de rendre les rythmes d'origine, en utilisant deux vers de 11 syllabes, puis un de 9, et un de 10, pour obtenir ce qu'on a appelé "la strophe alcaïque", devenue avec la "strophe saphique" la préférée des poètes lyriques latins (voir ici, et la catégorie que j'ai consacrée à Renée Vivien plus en particulier).
        Notez aussi que l'ami du poète, "Postumus", se prénomme ainsi parce qu'il est  "le dernier" de sa  famille, comme  c'était l'habitude chez les romains, le premier se nommant "Primus", le second "Secundus", et plus couramment le  cinquième "Quintus" et le huitième "Octavus" : il n'a donc aucun rapport avec l'adjectif français "posthume", et ne prend pas de "h" comme on le voit parfois par erreur.



    Portrait d'Horace, levant son verre à l'occasion d'un banquet
    (voir le site ici)
     


    Il s'agit de l'Ode n°14 du livre 2,
    surnommée couramment "Mélancolie"
    _______________


    Las ! Postumus, les ans glissent, s'échappent,
    Et la piété ne retardera pas
    Notre vieillesse en pleurs qui nous rattrape
    Avec la ride et l'odieux trépas.

    Quand chaque jour, ami, de tes étables,
    Tu offrirais trois cents beaux taurillons
    Au grand Pluton, ce dieu impitoyable
    Qui tient Tytios et le triple Géryon

     

    Emprisonnés dans l'eau noire et amère,
    Il ne faudra pas moins tous la passer,
    Quelque travail que nous fassions sur terre,
    Du roi puissant au plus humble berger.

     

    En vain, de Mars évitons-nous les guerres
    Et de la mer les grands flots déchaînés,
    En vain, l'automne, essayons-nous de faire
    Obstacle au vent nuisible à la santé.

     

    Il faudra voir le Cocyte aux eaux lentes,
    Ce fleuve noir, et du roi Danaüs
    La race infâme et la peine accablante
    Dont est puni l'orgueilleux Sisyphus ;

     

    Quitter sa terre et une épouse chère ;
    Et du verger que tu as cultivé,
    Seul te suivra, toi son maître éphémère,
    Le noir cyprès, funeste et détesté !

     

    Un héritier répandra, moins timide,
    Ton Cécubus conservé sous cent clés
    Et baignera ton blanc dallage humide
    D'un vin plus pur qu'aux plus beaux des banquets.

      

      Adaptation en vers de Martine Maillard
    Tous droits réservés

     

     


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  •     Voici un charmant poème d'Anacréon (Poète Grec du VIe siècle av. JC), que j'ai traduit étant élève, à 16 ans en classe de première. Il s'agit d'une adaptation en vers réguliers et rimés, reproduisant le plus fidèlement possible le style du modèle. Ronsard a fait également une adaptation de ce poème dans ses Odes (II, 19), et vous en trouverez une belle traduction de Leconte de Lisle ici (Ode n°III)

             

      

     


        Vers l’heure de minuit, un jour,

        Alors que l’Ourse fait son tour

        Par la main du Bouvier guidée,

        Et que la race fatiguée

        Des mortels dort profondément,

        Tout à coup Eros, m’éveillant,

        Frappa le heurtoir de ma porte.

        « Qui, dis-je, frappe de la sorte,

        Chassant mes rêves sans douceur ? »

        Mais il me dit : « Ne prends pas peur ;

        Je suis un enfant, ouvre vite,

        Qu’en ta demeure je m’abrite !

        Dans la nuit noire j’ai erré,

        Je suis trempé. » Je m’éclairai,

        Émue au son de sa prière,

        Et lui ouvris : à la lumière

        M’apparut un petit enfant

        Tout blond et délicat, portant

        Un arc, des ailes et des flèches.

        Je le guidai pour qu’il se sèche

        Devant mon feu, et de mes mains

        Lui épongeai ses cheveux fins,

        Le frictionnai ; lorsque la pluie

        Fut toute de son corps enfuie

        Et qu’il fut réchauffé, soudain,

        Il dit d’un petit air malin :

        « Je veux essayer cet arc, donne :

        La corde en est-elle encor bonne

        Malgré l’averse de ce soir ?

        Je vais le tendre un peu pour voir. »

        L’arc se tendit, la flèche fine

        Vola tout droit en ma poitrine

        Et m’y causa un mal cuisant.

        Mais lui bondissait en riant :

        « Ah ! Le bon tour ! Je t’ai bien eue,

        Ma flèche en ton cœur est venue !

        Ma corde a l’air en bon état,

        Mais c’est toi qui en souffriras ! »

    Traduction de Martine Maillard
    Tous droits réservés

     

     

     

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    Puisque vous avez aimé l'Amour Mouillé, voici un autre poème d'Anacréon, une "chanson à boire", thème très prisé à l'époque (mais je pense aussi qu'Anacréon était un "chaud lapin" tout de même...)

    Je l'ai traduit à la même époque, mais j'ai eu beaucoup plus de mal. Vous vous en rendrez compte...
    J'y ai ajouté un petit topo sur l'auteur.
       
     

    Vase grec représentant des convives lors d'un banquet, avec une joueuse de flûte double.

     
        Anacréon, poète grec du VIe siècle avant Jésus-Christ, serait né à Téos, en Asie Mineure, d'un père lui-même déjà poète. En cette grande époque du lyrisme, qui voit s'épanouir au Moyen-Orient une civilisation riche et raffinée, il se fait le chantre des banquets, du vin et de l'amour facile. N'oublions pas que le dieu du vin est Dionysos, et que l'"ivresse" qu'il communique s'apparente à l'inspiration poétique aux yeux des anciens. Le terme de "poésie lyrique" lui-même provient du nom de la "lyre", l'instrument avec lequel s'accompagnaient les artistes, qui chantaient toujours leurs oeuvres, gaiement rythmées et soutenues par les petites flûtes et les tambourins. Le rythme affectionné par Anacréon était le rythme iambique, un rythme à trois temps particulièrement entraînant avec l'accent sur le 2e temps.

        Sa poésie devint si célèbre que les poètes latins, puis de la renaissance française s'en inspirèrent (par exemple, Ronsard).

     

     

    Je veux chanter ici le doux et gent Amour
    Aux diadèmes fleuris ; car des dieux il est maître
    Et des mortels nés ou à naître.

    Esclave, apporte l’eau, le vin et les fleurs, cours,
    Pour que je rivalise avec le bel Amour !

    Va, esclave, je veux boire à en perdre haleine !
    Prends dix mesures d’eau, cinq de vin et, bien pleine,
    Donne la coupe d’or : célébrons Dionysos.

    Va, et buvons sans cris, sans tapage et ivresse,
    Avec modération ; chantons notre allégresse
    Avec nos hymnes les plus beaux !

    Je n’aime pas celui qui, en buvant, rappelle
    La guerre triste et les morts tant pleurés ;
    Chantons les Muses, nous, Aphrodite si belle,
    La vie heureuse et le plaisir d’aimer !

    Traduction de Martine Maillard
     

    Tous droits réservés.

     

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    (Apollon rivalisant avec un merle)

     

    Vous savez sans doute que la poésie en Grèce était toujours chantée, accompagnée de la lyre ou de la cithare. Nous avons pu retrouver les textes, dont la versification atteste d'un rythme très étudié, nous avons également le témoignage des auteurs et celui des vases peints ou des fresques et bas-reliefs ; mais de la musique elle-même, aucune trace !... Jusqu'à cette "épitaphe" (c'est-à-dire une inscription sur un tombeau) datant du 1er siècle après JC, qui elle enfin, indique des notes. Et elle se chante ! En effet, pour les Grecs initiés aux Mystères Orphiques, la mort n'était pas triste, ce n'était qu'une renaissance.

         C'est pourquoi d'ailleurs sur la tombe où repose Seikilos il est aussi écrit : 
    "Seikilos, fils d'Euterpos, vit...

     

     Ci-dessus, la colonne funéraire.

    Ci-dessous, l'inscription décryptée : au-dessus des lettres, en capitales, on voit d'autres petits signes : ils représentent les notes de musique. (Images tirées du site).

     

    Voici une traduction en vers de mon cru* :

      Tant que tu vis, sois rayonnant,
    Ne pleure pas outre mesure ;

    À pas comptés marche le temps,
    De tes jours réclamant l’usure.

     

    Une autre* :

    Que toute ta vie soit lumière !
    Ne t'afflige jamais longtemps.

    La vie est chose passagère :
         Son terme est fixé par le temps...

     

     Adaptations de Martine Maillard*

         Quant à la musique... eh bien, peut-être peut-on la découvrir ? Ci-dessous la notation moderne telle qu'elle fut décryptée par l'éminent musicologue Théodore Reinach, avec sa traduction littérale.

     

    Extrait du livre de Paule Druilhe : "Histoire de la Musique"
    (Hachette, 1966), p. 22.

           
          Vous trouverez également ici  un bel article (avec le texte en grec) dans Wikipedia.

        Note du 27 juillet 2009 : Je découvre qu'un enseignant (Nikkojazz) a utilisé mes traductions sans me citer en tant que leur auteur. Pour un enseignant, c'est un peu fort... De plus, il attribue à un certain "Emile Martin" la traduction de Théodore Reinach ! Emile Martin, que j'ai recherché sur le net (le site est-il fiable ?), est juste un adaptateur pour des firmes de disques ; ce n'est ni un helléniste, ni un musicologue. Là je vois clairement que quand quelqu'un veut écrire sur internet, il puise ses sources dans d'autres articles sans grand discernement ! Mais au moins pourrait-il les signaler, ses sources.

     

            Et pour terminer en beauté, voici une interprétation trouvée sur Dailymotion.

     

     
     

     * Note de décembre 2014 : aujourd'hui je ne suis plus très fière de ces traductions ; en effet le verbe "phaïnou" habituellement traduit par "brille" et que j'ai abondamment accentué avec "sois rayonnant" ou "sois lumière", signifie en réalité "apparais", tout simplement. Il serait donc judicieux de re-méditer une traduction plus appropriée. À suivre... 

     

     

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