•           Sri Ramakant Maharaj est un disciple de Nisargadatta Maharaj. Il enseigne depuis une dizaine d'années en Inde et est surtout connu par l'ouvrage intitulé "The Selfless Self" (adapté initialement en français sous le titre "Le Soi Sans Rien" puis sous celui de "Soi sans Soi" 1) qui, comme ce fut le cas pour les ouvrages connus de son maître ainsi que pour ceux de la plupart des maîtres de l'advaïta vedanta, est une compilation de ses enseignements enregistrés en direct. 

          On y retrouve ce mode d'expression rapide et incisif qui caractérisait son illustre prédécesseur ; en quelques phrases lapidaires et précises il nous "martèle" (comme il le dit lui-même) les quelques vérités simples que nous avons besoin de redécouvrir mais avons totalement occultées à cause de notre enfouissement dans un corps. 

     

     

    Ramakant Maharaj

     

          Voici un extrait de ce livre. De même que les phrases y sont courtes et percutantes, de même les chapitres sont très brefs avec des titres imagés, comme dans celui-ci : "Visitez votre propre site Web" ! De plus des paragraphes entiers sont retranscrits en caractères gras et en capitales, afin de frapper l'esprit du lecteur et sans doute pour restituer graphiquement le martèlement effectué par Ramakant Maharaj avec sa voix lorsqu'il insistait fortement sur certains points.

     

           Sans la Présence, qui peut étudier la philosophie ou la spiritualité, les centaines de milliers de mots, le Brahman, l'Atman, Dieu, le Maître, le disciple ? Personne ! Quand avez-vous rencontré tous ces mots ? À quoi servent tous ces mots ? Questionnez le Soi ! Découvrez ! Ne continuez pas à juste lire, lire, lire.

          « Comment étiez-vous avant d'être ? Que vous arrivera-t-il après la dissolution de l'être ? Qui veut la paix et une vie sans peur ? » Ces questions doivent être éclaircies et c'est pourquoi vous suivez des études philosophiques, sur la connaissance et la connaissance spirituelle. Mais vous devez aller plus profondément.

        VOUS DEVEZ ALLER PLUS PROFONDÉMENT À LA RACINE DES CAUSES, PLUTÔT QUE PENSER AUX CONSÉQUENCES. ALLEZ À LA RACINE DES CAUSES ET DÉCOUVREZ POURQUOI VOUS LISEZ TOUS CES LIVRES SUR LA SPIRITUALITÉ. (...)

          Le but de la connaissance est basé sur le corps. (...) La connaissance basée sur le corps est seulement pour le corps. (...) Quelle est votre Identité ?

           VOTRE IDENTITÉ EXISTANTE EST L'IDENTITÉ NON IDENTIFIÉE (...), L'IDENTITÉ INVISIBLE, ANONYME.

         (...) VOUS ne vous trouverez pas dans les livres. VOUS n'êtes pas à l'intérieur des mots. Tout ce que vous devez faire est d'accepter et de savoir que « Vous êtes l'Ultime Réalité ». Tout est à l'intérieur de vous, donc :

        CONNAIS-TOI TOI-MÊME ET SOIS À L’INTÉRIEUR DU SOI SANS RIEN. 2

          (...) REGARDEZ À L’INTÉRIEUR DE VOUS-MÊME. LISEZ VOTRE LIVRE. VISITEZ VOTRE TEMPLE. CHERCHEZ VOTRE SITE WEB.

           La connaissance spirituelle vous donne une indication de votre Ultime Vérité. Ce n'est pas l'Ultime Vérité.

             VOUS ÊTES L'ULTIME VÉRITÉ.

            Vous devez avoir cette Conviction. Vous êtes avant tout. La connaissance est venue après. Avant toute connaissance, il y avait votre Présence. Avant même de parler de cette connaissance, votre Présence est requise. Votre Présence est Invisible, Anonyme.


    Le Soi Sans Rien, Entretiens avec
    Sri Ramakant Maharaj,
    édité par Ann Shaw, traduit par J.C. Dhainaut
    (chap. 22 p. 60-61)

     

         Les clés de ce texte sont au début et à la fin avec cette expression : "votre Présence".

         Il n'est rien de plus simple ; et en même temps rien de plus agaçant pour un mental habitué à couper les cheveux en quatre et à s'arnacher à toute occasion comme pour partir à l'assaut du Mont Blanc. Rien ne peut expliquer cette certitude d'exister qui est un ressenti inné ; et c'est cela le Soi, le "Soi sans Rien" car il n'a aucune identité propre et n'est en relation avec rien de manifesté.

         D'abord est apparue la conviction d'être, exprimée par l'affirmation "Je Suis" dont Nisargadatta a fait la base de son enseignement ; et tout le reste : corps, histoire personnelle, caractère, émotions, recherches etc. est venu ensuite.

          Mais cette Présence qui au profond de nous est invisible, anonyme, n'est qu'une projection spontanée, une apparition soudaine et gratuite, comme le disent également Nisargadatta et Ramakant ; elle s'apparente à la projection d'un film sur un écran, ou encore à un rêve. C'est pourquoi, pour répondre à certains commentaires, dans le poème qui précède cet article j'évoquais une rivière dont le flot demeure "intouché, inchangé", et qui serait apparue "on ne sait d'où ni comment"...

         En-deçà de la Présence il n'y a que le "Rien" du Soi sans Soi, l'Immensité.

     

        En illustration sonore à ce texte, voici un merveilleux chant indien mis en musique par Craig Pruess.


       Les  paroles :

    Shivoham Shivoham Shivaswarupoham
    Nityoham shuddhoham buddhoham muktoham
    Nityoham shuddhoham buddhoham muktoham
    Shivoham Shivoham Shivaswarupoham

    Advaitaananda rupam-arupam
    Brahmoham Brahmoham Brahmaswarupoham
    Chidoham Chidoham Satchidaanandoham
    Shivoham Shivoham Shivaswarupoham

    Leur sens :

    Je suis Shiva 3, je suis Shiva, je suis Shiva en vérité !
    Je suis éternel, toute pureté, toute intelligence et toute liberté !
    Je suis éternel, toute pureté, toute intelligence et toute liberté !
    Je suis Shiva, je suis Shiva, je suis Shiva en vérité !

    Unique, toute félicité, avec forme et sans forme,
    Je suis Brahma 4, je suis Brahma, je suis Brahma en vérité !
    Je suis Conscience, je suis Conscience, je suis Vérité-Conscience-Félicité !
    Je suis Shiva, je suis Shiva, je suis Shiva en vérité.

     


     1  Deux éditions existent en français avec le même contenu mais sous les deux intitulés différents à cause de la désapprobation des lecteurs lors de la sortie de l'ouvrage avec le premier titre considéré comme erroné. Cependant la traduction devrait en être aisée, Ramakant Maharaj s'exprimant en anglais et non en marati comme c'était le cas pour Nisargadatta. D'autre part, si l'on approfondit le propos du Maître, l'adaptation par "Soi sans Rien" est parfaitement pertinente puisqu'il s'agit d'aboutir à la Vacuité.
    2 ou "du Soi sans Soi".

    3 "Shiva" = le Souffle de Vie, l'Esprit, le Soi.
    4  "Brahma" = le créateur du monde manifesté.

     


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  •         L'autre jour Binh An se demandait pourquoi je citais Mooji. 

            C'est simple : j'aime tant ce qu'il écrit que je le recopie pour continuer de ressentir le bonheur qu'il me procure ! 

           J'ai peut-être tort. En effet les choses ne sont pas faites pour être gardées ; pas même le bonheur.

             Notre vie se déroule en expériences à travers lesquelles nous éprouvons joie ou tristesse, bien-être ou mal-être, agacement ou paix, excitation ou désillusion, admiration ou déception, enthousiasme ou fatigue... et tout cela passe et disparaît, nous laissant juste des souvenirs, des regrets ou des amertumes. Les merveilles perçues il y a quelque temps sont évanouies comme un rêve, et si je cherche ce qui en moi ne disparaît pas je ne trouve que cette machine super performante à percevoir et à ressentir, qui est, en définitive... un corps-mental. 

           Il absorbe tout, il étiquette, retient, efface, trie ; il se laisse marquer de mille traits, blessures ou caresses ; il est persuadé d'être confronté à un monde extérieur qui lui envoie toutes ces expériences et s'efforce de choisir celles qu'il préfère ! Notamment il cherche d'autres individus pour échanger avec eux, si possible de manière gratifiante.

           Malheureusement cela ne se passe pas toujours comme il le souhaite. Et plus il s'attache à conserver les impressions qui lui sont agréables, plus il s'aperçoit que cela ne dépend pas de lui, et que les choses se produisent de façon aléatoire. Il veut construire un monde où "tout le monde s'aime", et cela ne fonctionne pas... Il veut trouver un univers non menaçant, et les menaces ne cessent de fondre sur lui !

           Mais cette belle machine humaine, qui dit "je" et semble être ce que je suis, n'est-elle pas elle aussi appelée à disparaître ? Partout surgit l'image de la mort ; et en cherchant la sécurité, je ne fais que chercher un refuge contre la mort. 

           Et pourtant, ne suis-je pas encore le témoin de cette situation ? Ne suis-je aussi celui qui contemple cela, qui voit la totalité de ces choses, et ce depuis que je suis éveillé ?

           ... On parle de "naissance" ; mais personne ne se souvient d'être né. La seule chose dont on soit conscient, c'est que, aussi loin que l'on remonte dans ses souvenirs, on a toujours été le même. Si par exemple vous vous rappelez un très lointain souvenir où vos parents vous affirment que vous aviez 1 an, pour vous l'expérience était la même que celle que vous connaissez aujourd'hui : vous étiez conscient de vous-même de la même manière, vous perceviez les choses de la même manière. 

               Ainsi, vous avez plutôt conscience de vous être "éveillé" dans un corps - que de surcroît, si vous vous rappelez bien, vous ne ressentiez pas vraiment à l'époque ! Le ressenti du corps est venu progressivement, par la suite. D'ailleurs les pensées, les émotions, sont aussi venues progressivement, par la suite.

         Donc, ce corps-mental, n'est-il pas un simple vêtement endossé momentanément ? Endossé juste pour faire cette merveilleuse expérience de connaître ? De se connaître ?

     

             Justement voici qu'aujourd'hui, en début d'après-midi, deux personnes sont venues sonner à ma porte. Allons donc ! Il y avait longtemps que je ne les avais vus : un homme et une femme - des Témoins de Jéhovah ! 

           Comme je m'approchais du portillon de mon jardin derrière lequel ils étaient postés, le monsieur commença à m'interroger sur la souffrance... Bienheureuse souffrance qui est la pierre d'achoppement de toute recherche sur notre identité ! En effet, ne sachant pas qui nous sommes il est naturel que nous souffrions. 

             - Savez-vous Madame, que l'on peut connaître un monde meilleur ? 

       Cela, me dis-je, tout le monde en rêve mais quant à changer ce qui reflète le Tout, comment faire ?

            Et lui de me citer aussitôt cette phrase qu'Olivier Messiaen a si divinement mise en musique dans "Éclairs sur l'Au-delà" (ici, à partir de 41'58) : 

    « Et Dieu essuiera toute larme de leurs yeux... »

          J'opinai avec un sourire ravi, songeant en moi-même : « Oui, mais qui est Dieu, et comment le trouver ? »

            Mais lui d'enchaîner :

             - Connaissez-vous le nom de Dieu ? Dans la Bible, Dieu est nommé UNE SEULE FOIS, par son vrai nom.

             Surprise, je hasardai qu'Il était nommé plusieurs fois, que ce nom était "JE SUIS", mais que de toutes façons il ne s'agit jamais que d'approches imparfaites car le VRAI Nom de Dieu ne peut être connu du mental humain.

          Cependant ce monsieur se jeta sur son téléphone portable pour me chercher ce qu'il appela le psaume 83 au verset 18 (alors que dans nos Bibles cela pourrait être le psaume 82, où ce nom de Yahvé est cité deux fois, au verset 17 et au verset 19 - mais jamais au 18) :

    « Qu'ils sachent que Toi seul as nom Yahvé, Très-Haut sur toute la terre »

        Seulement pardon, je recopie là ma Bible de Jérusalem, et lui il n'a pas lu "Yahvé", mais "Jéhovah" bien sûr !

           Ces deux mots ne sont que des variantes du célèbre tétragramme hébreu YHWH formé de quatre consonnes, et qui selon ces gens signifierait plutôt : "je fais devenir".

           Cette idée m'a plu : en effet, le Principe qu'est ce Dieu, appelé par Jésus "le Père" et dans le Vedanta "Parabrahman" (ou dans l'Islam "Allah"), se projette dans le monde sous forme humaine et cette projection, évoluant dans un espace-temps, se fait "devenir" ... Une création en perpétuelle formation, en perpétuelle modification, en perpétuelle amélioration, se cherchant soi-même, se concevant soi-même... Quelle beauté ! 

           Bref, le monsieur n'a pu qu'approuver ma connaissance de la Bible, à quoi il a ajouté que je devrais essayer de l'approfondir ; mais j'ai décliné poliment. 

     

             Ceci m'a conduite à chercher, sur internet, le fameux psaume 83... et voici ce que j'ai trouvé :

    « De quel amour sont aimées tes demeures, Seigneur, Dieu de l'univers ! »

    (voir ici)

         Encore un psaume sublimement mis en musique par Olivier Messiaen dans La Transfiguration de Notre-Seigneur Jésus-Christ (1er septénaire, partie V, "Quam dilecta tabernacula tua") ! Et là, rien que pour ce psaume, je remercie le monsieur d'être passé.

            Vous voudriez que je parle de moi-même ? Mais que dirais-je, sinon cela !

    Mon âme s'épuise à désirer les parvis du Seigneur ;  mon cœur et ma chair sont un cri vers le Dieu vivant !

     L'oiseau lui-même s'est trouvé une maison, et l'hirondelle, un nid pour abriter sa couvée : tes autels, Seigneur de l'univers, mon Roi et mon Dieu !

     (...)

     Heureux les hommes dont tu es la force : des chemins s'ouvrent dans leur cœur !

     Quand ils traversent la vallée de la soif, ils la changent en source ; de quelles bénédictions la revêtent les pluies de printemps !

    (...)

     Oui, un jour dans tes parvis en vaut plus que mille. J'ai choisi de me tenir sur le seuil, dans la maison de mon Dieu, plutôt que d'habiter parmi les infidèles.

    (trad. AELF)

     

        C'est là qu'il importe de revenir sur un point essentiel : le mot "infidèle" a de quoi choquer, pour ceux qui s'imagineraient que l'on compare entre eux des individus pour leur comportement. Mais comme dans tous les textes spirituels, il faut considérer qu'il s'agit là d'état intérieurs et d'instances situées en nous-même.

           Dieu est ce "Je Suis", cet espace d'être dépouillé de toute tendance mondaine qui est situé au faîte de notre conscience ou au tréfonds de notre cœur, comme l'on voudra. Se tenir sur le seuil, c'est être capable de ramener sans cesse sa conscience à la pensée "Je suis". Habiter parmi les infidèles par contre, c'est se laisser détourner de Ce qui  Est vers les choses de la terre, se laisser attirer par les désirs et joies matérielles en oubliant qu'elles ne sont que le pâle reflet du Réel.

     

     Messiaen, Transfiguration, I, 5.
    Avec en plus : 

    "Candor est lucis aeternae"
    "C'est la splendeur de la lumière éternelle". 
    (Sagesse 7,26)

     

     


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  •       
          Vous connaissez tous l'histoire de cet homme qui était parti à travers le monde à la recherche d'un trésor et qui à la fin de sa vie, après avoir parcouru en vain tous les continents, le découvrit dans sa maison, caché juste sous son lit !

           C'est ainsi que cela se passe pour chacun d'entre nous lorsqu'il se met véritablement en quête de lui-même. Après avoir cherché partout, et avoir vu que partout il n'y a rien, il s'aperçoit qu'il n'avait jamais correctement vu ce qu'il avait depuis toujours sous les yeux : le Joyau de son existence, enfoui sous des tonnes de crasse et d'indifférence.

     

             Je viens d'ouvrir un tout petit livre ; un petit fascicule tout fin (et rouge !) que l'on m'avait fait acheter lorsque j'étais toute jeune, à Paris, et que j'ai commencé le yoga : 

      « Bhagavad Guîtâ, "le Chant du Seigneur", traduit du sanscrit par Swami Ritajananda de l'ordre de Râmakrichna », édité par le Centre Védantique Ramakrichna en 1976 à Gretz en Seine et Marne.

    Bhagavad-Guîtâ

     
          J'étais à l'époque pleine de bonne volonté, mais tout de même l'hindouisme m'était un monde totalement étranger ; de plus la mauvaise impression que nous causaient les adeptes de Krichna qui défilaient dans les rues en robes orangées en dansant au son de clochettes me rendait cette lecture un peu suspecte.

           Après quelques efforts, je conclus vite que ce n'était qu'un texte épique du même genre que l'Iliade ou l'Odyssée et j'arrêtai cette lecture où je ne comprenais strictement rien.

              Cependant j'ai conservé le fascicule, en souvenir de mes quelques stages au centre Sivananda de yoga védanta, trop vite abandonnés puisque je partais élever une famille à 200 km de là. Je l'ai conservé parce que ces stages m'avaient marquée (surtout par l'expérience de la méditation) mais avec une forme d'aversion cependant, le mot "Krichna" m'évoquant toujours les tumultes d'une secte infantilisant les gens, et le texte me paraissant rébarbatif et sans intérêt (une sorte de catéchisme pour une culture lointaine et d'un autre âge...).

           
                C'est presque 40 ans après que le ressors... Et c'est comme un diamant qui serait tombé sous des ronces !! Après m'être bien égratignée et déchirée dans ces ronces, parce qu'un appel profond m'y renvoyait, que vois-je apparaître ? Il m'attendait là, bien patiemment, bien tranquillement, ce lumineux Joyau... Mais bien sûr il ne pouvait s'adresser qu'à des lecteurs avertis : que de préparation il m'a fallu pour en être digne ! Autrefois, je ne pouvais accepter qu'un "Krichna" puisse s'exprimer comme Jésus - et même aller plus loin. Aujourd'hui je sais que "Krichna", "Jésus", ne sont que des noms, des prétextes pour nous instruire, mais que ce qu'ils pointent est strictement identique.

           De plus, j'aime beaucoup le fait que cette édition ait été écrite spécialement pour des français, avec une translation du sanscrit dans la prononciation française, alors qu'aujourd'hui nous baignons systématiquement dans une anglicisation de tout ce qui est d'origine indienne et que l'étude du védanta passe presque obligatoirement par la nécessité de parler anglais.

           En voici un extrait particulièrement éloquent :

    « Bien que je sois non-né, de nature impérissable et le Seigneur de tous les êtres, enchaînant Ma propre nature Je Me manifeste par Ma puissance divine, Mâyâ.

    Chaque fois qu'il y a déclin du dharma et que le vice grandit, alors Je Me Manifeste, Moi.

    Pour la protection des bons et la destruction des méchants, pour l'établissement du dharma, Je viens dans le monde de siècle en siècle.

    Celui qui connaît Ma naissance divine et Mon action divine dans leur vraie lumière, celui-là, quand il quitte son corps, ne renaît plus. Il vient à Moi, ô Ardjouna !

    Libérés de toute passion, de la peur et de la colère, en entière dépendance de Moi, purifiés par l'austérité de la sagesse, nombreux sont ceux qui sont parvenus à Moi.

    O Partha, quelle que soit la forme sous laquelle on M'adore, Je l'accepte. C'est Ma voie que les hommes suivent de partout. »

    Bhagavad Guîtâ, 4e chapitre, 6 à 11

           Bien sûr pour comprendre il faut tout lire ; voir que "Partha" est comme bien d'autres qualificatifs un des multiples noms donnés à Ardjouna, le guerrier qui demande à être initié ; et voir de même que le "Seigneur Suprême" qui lui répond porte de multiples noms dont "Krichna" n'est qu'un exemple parmi d'autres, et se désigne également de multiples manières, ici par "Moi", plus loin par "Lui", tout comme Jésus parle parfois de "son Père", avec qui cependant Il est "Un".

    « Ayant leur pensée fixée en Lui, leur Moi établi en Lui, dédiés uniquement à Lui, ayant Lui seul comme but, ceux-là ont leurs péchés détruits par la Sagesse. Ils vont à la Demeure éternelle et ne reviennent plus. »

    Bhagavad Guîtâ, 5e chapitre, 17 

          Il faut comprendre aussi que ce que l'on appelle "péché", comme d'ailleurs on devrait le reconnaître aussi dans le christianisme, c'est uniquement l'intérêt ou l'attachement porté aux choses du monde - et non je ne sais quelle mauvaise action. En lisant de près on verra qu'aucun jugement de valeur ne se porte sur les actions des hommes, de sorte que l'expression "les bons" et "les méchants", relevée plus haut, désigne uniquement (comme dans l'Ancien Testament) ceux qui sont tournés vers Dieu ou "le Suprême" (les hommes "de bonne volonté"), et ceux qui s'en détournent.

          De même ce que l'on appelle "dharma" est simplement le fait mettre le culte du Divin au premier plan dans sa vie ; et comme vous le voyez dans le dernier paragraphe cité du chapitre 4, toutes les religions sont considérées comme de même valeur, car toutes provenant de la même Source !

          Enfin, la "Mâyâ" est le support de la manifestation ; on traduit ce mot par "Illusion", mais il faut comprendre ici que c'est ce qui donne une apparence aux formes, qui permet l'apparition d'un monde alors qu'en fait il n'y a que le Divin. C'est la divine imagerie...

          Je m'étonnais aussi autrefois qu'il y ait autant de "yogas" que de chapitres, soit 18, ce qui me semblait d'une suprême complexité ! Mais je vois aujourd'hui que sous le terme de "Yoga" il faut comprendre "aspiration et don de soi au Divin" et que chaque chapitre ne fait que préciser les précédents, en reprenant les mêmes notions et en les approfondissant.

           Aussi, à quelque endroit que nous puisions, nous pouvons toujours avoir une vue générale du message délivré par ce petit Joyau.

     

    Arjuna et son cocher Krishna

     

    « Me dédiant toutes tes actions, le mental fixé sur le Soi, libre de l'attente, de l'égoïsme et de toute fièvre mentale, combats ! »

    Bhagavad Guîtâ, chap. 3, 30
    (dans la traduction trouvée ici, tirée de ce site)


        N'est-ce pas la plus belle manière de montrer comment plonger dans l'océan de l'existence et en relever les défis sans en être touché ?

           La merveilleuse image ci-dessus montre la pureté de l'aspirant qui, lancé dans le monde, est doté d'un véhicule solide tiré par de magnifiques coursiers blancs (son corps) ; et la présence permanente à ses côtés de son Guide et Protecteur divin.

         Cette pureté est aussi la nôtre. Le Guide et Protecteur, nous l'avons tous en nous.

     

            


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  •            Les temps sont durs, dit-on autour de moi.

           À l'image des tempêtes ou intempéries qui sévissent, se succèdent également les disparitions, décès, accidents et drames de toutes sortes.

          Or pour moi qui lis maintenant le Mahâbhârata, tout y semble déjà inscrit.

         Plus que l'Iliade et que l'Odyssée, plus que nos romans de chevalerie ou que la Tétralogie de Richard Wagner et mère de toutes nos mythologies européennes, cette extraordinaire épopée nous touche au cœur en étalant toutes les turpitudes de l'âme humaine en même temps que son immense grandeur, son origine divine et la merveilleuse guidance dont elle est l'objet malgré ses malheurs apparents. On ne peut comprendre la philosophie indienne sans l'avoir lue.

          J'ai choisi pour la découvrir le petit livre paru chez Albin Michel qui la retranscrit de façon abrégée mais très vivante, comme un récit oral parsemé d'épisodes versifiés. Et  je suis surprise de constater combien ce récit reste passionnant pour nous lecteurs du vingt-et-unième siècle, à la fois parce qu'il résonne en nous dans l'évocation de la vie humaine avec ses difficultés et ses joies, et parce qu'il regorge de pages grandioses dont la beauté stupéfie. 

    Mahâbhârata

          

       Or j'en arrive justement au passage intitulé "le désespoir d'Arjuna", que j'avais lu précédemment plus en détail dans mon petit fascicule rouge de la "Bhagavad Guîtâ". En effet ce "chant" est par son aspect d'enseignement l'extrait le plus célèbre de l'épopée, au point que c'est lui justement qui fournit l'illustration de couverture reproduite ci-dessus.

          Dans cet ouvrage condensé est retenu seulement l'essentiel, mais la traduction en en est beaucoup plus actuelle que dans le petit livre du "Centre Râmakrishna". Je vous en propose donc ce passage du début, qui aujourd'hui me semble répondre à notre propre désarroi.

           Tandis qu'Arjuna refuse de devoir combattre des êtres en qui il voit des frères, Krishna, son ami et protecteur, lui explique que les corps ne sont qu'apparence et que ce qui fait notre grandeur, ce qui nous anime et nous fait nous aimer les uns les autres, c'est le Soi Suprême, dont nous sommes tous des expressions et qui lui ne meurt jamais

     

    « Tu te sers du langage de la sagesse
    Mais t'affliges pour ces corps qui ne le méritent pas.
    Le vrai sage ne s'apitoie point
    Ni sur les morts ni sur les vivants.

    Jamais je n'ai cessé d'exister, ni toi, ni ces rois.
    Et nous tous, à l'avenir, continuerons d'exister.
    Le Soi passe d'un corps à l'autre :
    Après la mort du corps, il s'incarne dans un autre.

    Tout comme l'homme rejette des vêtements usagés
    Pour en revêtir des neufs,
    Le Soi, inchangé, abandonne un corps
    Pour entrer dans un corps nouveau.

    Tous les corps sont ainsi pénétrés
    Par le Soi impérissable,
    Le Soi éternel, le Soi indestructible,
    L'inépuisable, le Soi sans fin.

    Seuls les corps sont périssables,
    Tandis que lui, le Soi qui y demeure,
    Est éternel, indestructible, infini.
    (...)

    Le Soi ne naît pas, le Soi ne meurt pas ;
    Non né, permanent, éternel, primordial,
    Le Soi ne périt pas lorsque le corps périt. »

     

             


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