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    Suite des articles publiés ici et ici.

     

          J'évoquais le "manque ", qui crée une béance dans le coeur et lui permet d'attendre autre chose... Où il se transforme en "absence ", comme dans le magnifique essai de Simone Weil "Attente de Dieu" ("Celui qu'il faut aimer est absent")...

     

    sweil.jpgSimone Weil

        Bien sûr il ne peut y avoir de bénéfice à cela qu'après un travail d'ouverture du coeur excluant la rancune et le désespoir... Et ce "manque" peut aussi être appelé "imperfection " et se rapprocher du concept bouddhiste de "l'impermanence " (ce qui nous ramène à Faust qui voulait retenir l'instant : "Verweile doch ! Du bist so schön !" "Ne t'enfuis pas ! Tu es si beau !")

         C'est pourquoi les instructeurs du Nouvel Âge ou, disons, du nord de l'Amérique à notre époque, après avoir réalisé une sorte d'amalgame entre le christianisme et le bouddhisme, insistent sur la notion de "Pardon".

        Pourquoi le christianisme et le bouddhisme ? Parce qu'ils présentent certainement les voies les plus proches de notre façon de sentir, à nous humains des XXe et XXIe siècle. Je trouvais l'autre jour par hasard sur le net cette réaction d'un musulman à l'égard des chrétiens : il prétend que lorsque Jésus nous annonçait "un autre protecteur" - le Paraclet -, il voulait parler de Mahomet. Cette remarque me stupéfie, car je ne vois aucune relation entre ce qu'a apporté Jésus et ce qu'a apporté Mahomet. Comme je le disais dans un précédent article, je considère chaque religion et chaque voie spirituelle comme excellente dans la mesure où elle fait mouche vis-à-vis des personnes auxquelles elle s'adresse : or l'Islam présente, avec ses cinq piliers, des principes excellents, et j'ai une estime particulière pour certains mystiques soufis qui ont certainement été très loin dans la voie de la réalisation. Cependant pour moi cette religion est plutôt en "recul" par rapport au message de Jésus - du moins tel qu'il nous a été rapporté par Rome - et me semble revenir (au risque de faire hurler certains !) au style du judaïsme... Ce sont  pour moi des religions adaptées à l'ère du Bélier, qui a précédé l'ère des Poissons (marquée par Jésus que l'on n'a pas surnommé "Poisson "1 pour rien) ; des religions adaptées à une vie nomade et "à l'antique", et non à notre société contemporaine... Il est impossible que l'Islam présente une avancée par rapport au Christianisme, puisque Jésus n'apporte plus un enseignement, mais un comportement, une façon d'être, une identité presque. Il ne nous apprend pas à faire (des prières...), mais à être (le Fils de Dieu)...

     

    poisson-ichtus-4

     

        Bien sûr, je ne fais plus de la philosophie ici, j'exprime des opinions et j'espère que vous ne m'en voudrez pas. Au contraire, la tribune est ouverte pour vos réponses et réactions.

        Mais je reviens au livre qui est à l'origine de mes réflexions : "Et l'Univers disparaîtra" de Gary Renard.

         Ce livre, à côté de la Parabole du Fils Prodigue dont je vous parlais au départ, évoque l'allégorie de la Caverne qu'écrivit Platon dans sa République. Aujourd'hui il me semble qu'à la place de cette caverne, pour "moderniser" un peu, l'on pourrait évoquer une maison dans laquelle nous serions enfermés (= l'univers) et des rayons qui passeraient de façon inattendue et épisodique par les carreaux d'une fenêtre. Ces rayons sont des intuitions, ou des signaux, et chacun peut en avoir de différents suivant sa constitution, son caractère. Et c'est à force de rencontrer ces lueurs subites que peu à peu nous nous tournons vers la lumière, découvrant que la vraie vie est ailleurs.

     

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    Carte du Tarot Zen d'Osho Rajneesh intitulée "l'ajournement"

     

         Alors je sors de ma philosophie du manque, pour tomber dans une métaphysique de la présence... Mon grand-père, qui était issu d'une famille déchirée par les guerres de religion (protestants contre catholiques) et ne voulait plus entendre parler d'aucune d'entre elles, croyait dans le Dieu de Jean-Sébastien Bach : sa musique l'élevait à une forme de béatitude... d'autant plus grande si l'on comprend les propos du Christ inclus dans les Passions composées par le Kantor.

        Il y a tant de mysticisme dans certaines musiques du passé, que l'on comprend que même nous paraissant aujourd'hui insipide, la religion de nos pères a su elle aussi toucher son but. Et si aujourd'hui nous avons besoin d'autres méthodes, d'autres musiques, d'autres instructeurs, ce n'est pas parce que les anciens étaient mauvais ; c'est seulement parce que tout doit être renouvelé !

     

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    Jésus devant Pilate - Duccio di Buoninsegna - Sienne

         J'ai pourtant l'intention de vous faire entendre un extrait des "Béatitudes " de César Franck, une oeuvre extrêmement émouvante et qui me touche énormément. Une oeuvre "kitsch" certes, et qui a longtemps donné à sourire à cause surtout du livret de Mme Colomb (dont le prénom n'est jamais mentionné, mais qui répondait à celui de Joséphine2) considéré comme "de la mauvaise poésie" : cet oratorio inspiré de l'évangile et composé entre 1869 et 1879 comporte en effet des passages parfois risibles, comme celui où le choeur scande "Poursuivons la richesse avec ardeur ! ", puis "Jouir sans cesse, c'est la sagesse et le bonheur "; et d'ailleurs le musicien n'y semble pas mieux inspiré que la librettiste... Cependant, comme l'argument s'articule à chaque fois en deux parties, avec dans la première l'étalage agité du défaut à combattre (ici le désir de s'enrichir) et dans la seconde la parole apaisante de Jésus ("Heureux les pauvres"), la discorde apparente qui anime chaque début donne plus de relief à la sérénité majestueuse de la conclusion, ce qui au final est bénéfique à l'effet recherché.

        Ces "Béatitudes" sont ramenées à huit, les deux dernières étant fondues en une seule ("Heureux les persécutés pour la justice"). 

        Je vous ai réservé un extrait de la 5e, qui date de 1876, et qui justement a trait au Pardon. Comme par hasard, c'est à partir de ce moment que le ton s'élève, tandis que dans le livret lui-même s'ajoutent des partenaires de plus en plus éminents. Ce sera  d'abord "l'Ange du Pardon" qui, juste après l'énoncé de la Béatitude par le Christ, exhortera le choeur à évoluer positivement ; puis dans les dernières Béatitudes, nous verrons  l'Esprit du Mal, "le Prince de ce monde" (qui à la lueur du livre de Gary Renard ressemblerait finalement beaucoup à l'ego !) se heurter à la magnanimité de Marie, Mère de Jésus, et être finalement anéanti sous la puissance d'amour qui se dégage de cette femme extraordinaire. Aussi ridicule que cela paraisse il s'en dégage une émotion, qui vaut ce qu'elle vaut...

    Beatitudes.jpg

     

       Mais voyons notre 5e béatitude. Je vous en donne le texte ci-dessous, en espérant que vous ne vous contenterez pas de le lire ! En effet, il doit être réinterprété : Dieu n'est pas un juge, c'est nous-même qui nous jugeons. Mais au bout du compte le résultat est le même, puisque lorsque nous parvenons à nous pardonner à nous-même autant qu'à autrui la Paix revient en nous...

     

     Enregistrement de 1990, Orchestre Radio-symphonique de Stuttgard
    et la Gächinger Kantorei de Stuttgart sous la direction d'Helmuth Rilling,
    avec Diana Montague et Ingeborg Danz, mezzo-sopranos (l'une des deux ici):
    voir à cette page. Je ne dis pas que cet enregistrement soit le meilleur,
    mais c'est celui que j'ai sous la main...
     

    L'Ange du Pardon

    Abjurez (bis) la haine
    Et l'inimitié !
    Que votre âme apprenne
    La sainte pitié !

    Et quand le Tout-Puissant
    Viendra,
    juge sévère,
    Punir les crimes de la Terre,
    Humbles mais confiants
    Vous lui direz : "Seigneur,
    Grâce pour le pécheur !
    (bis)
    Par ma vie entière
    Je suis condamné ;
    Mais pourtant j'espère
    Car j'ai pardonné."

    Et Dieu, désarmant sa colère
    Exaucera votre prière.
    (bis)

    Le Choeur

    Heureux à jamais
    Les miséricordieux... (etc.)

     


    1 Les premiers chrétiens représentaient Jésus comme un "poisson" à cause de la signification cachée de ce mot en grec ("ictus", j'omets le "h" que l'on associe généralement au "c" pour simplifier les choses) : en effet chaque lettre est l'initiale d'un autre mot grec, le tout formant la formule "Jésus Christ Fils (de) Dieu Sauveur".

    2 Selon Joël-Marie Fauquet, auteur d'un "César Franck" paru chez Fayard en 1999, elle se nommait Joséphine-Blanche Bouchet et serait l'épouse de Casimir Colomb, enseignant au lycée de Versailles et ami du compositeur. Née en 1833 elle aurait donc composé ce livret à la demande de Franck à l'âge de 35 ans environ. On y sent très vivement la sensibilité féminine, qui ne s'embarrasse pas de subtilités sophistiques  et se cantonne dans l'émotion immédiate et l'imagerie enfantine - ce que décriait vivement Debussy, affirmant que Franck avait gâché toute sa partition en acceptant d'un tel texte.

     

     

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            Il est facile que dire que celui qui frappe a tort ; mais s'il a été lui-même blessé ? Parfois l'on ne se rend même pas compte que l'on fait mal... Et la racine du mal ce sont nos émotions, nos émotions qu'un grand travail sur soi seul peut maîtriser, et qui sont les responsables de la douleur comme de la joie.

          Pardonner... Voilà le maître-mot, puisque, comme le disait Jésus selon la tradition, celui qui frappe "ne sait pas ce qu'il fait". Se dire que la blessure n'est finalement que le résultat de l'incarnation, incarnation qui nous jette dans l'émotionnel autant que dans le physique, et donc qui nous soumet à l'alternative du mal.

     

    Entree-en-Incarnation.jpgL'incarnation : quitter un monde de lumière pour entrer dans une planète d'eau - planète de l'émotionnel

        Mais si la douleur est physique ? Même avec un travail sur soi on ne peut supprimer la douleur physique ; seuls des traitements chimiques peuvent éventuellement y parvenir... Et il faut une belle dose de patience pour accepter toutes les souffrances qui peuvent survenir sur cette terre, même si l'on sait qu'elle n'est pas notre vraie patrie. S'étonnera-t-on alors que l'on nous montre toujours le Christ en croix ? Nous sommes tous, comme lui, cloués à l'incarnation, avec une branche pour le bien, une branche pour le mal, ou une branche pour l'espace, une branche pour le temps, ou une branche pour le bonheur, une branche pour la douleur, une branche pour l'horizontal, une branche pour le vertical... et tant que nous n'aurons pas réussi à placer notre conscience en dehors de ce croisement des opposés nous en serons écartelés.

    Incarnation-MaillardAutre image de l'incarnation : la croix des opposés


        Comment sortir de la croix ? Uniquement par le centre, là où pour notre morphologie humaine se situe le cœur. Non pas notre cœur physique, mais le centre d'énergie du cœur, situé juste au milieu de notre poitrine et où s'enracine le fil qui nous relie à notre être spirituel, à notre part immortelle et toujours en paix. C'est par elle seule que nous pouvons "ressusciter"... C'est pour cela que l'on médite, que l'on entre dans la voie monastique, ou que l'on se fait ermite : pour "sortir" de la roue, sortir de la souffrance.
     

       Hélas, tant que le monde est monde, et tant qu'il y a des humains sur cette terre, l'écartèlement continue et la souffrance existe. Vouloir s'en affranchir tout seul est un leurre. Nous sommes tous interdépendants et tant qu'il restera un seul être sur cette terre la croix du Bien et du Mal continuera d'exister. Nous arrêterons-nous tous un jour de vivre notre quête interminable du bien-être pour nous mettre tous en méditation jusqu'à ce que notre coeur s'arrête de battre ? Et que ferons-nous alors des joies du monde, des beautés du monde ?... Du rire des jeunes enfants ?... 

        En réponse à cette alternative je vous propose un Récit Zen, proposé par Osho Rajneesh dans son fameux tarot1 qui est une mine d'enseignements et de soutiens pour tous les moments de la vie. 

    L-acceptation.jpg


    L'Acceptation

    (lame n°31)


        Dans le village où vivait le maître zen Hakuin, une jeune fille se trouva enceinte. Sommée de révéler le nom de son amant, elle accusa Hakuin. Lorsque l'enfant fut né, le père de la jeune fille le porta chez Hakuin qu'il insulta copieusement. Puis il dit :

     - Tu t'occuperas du nourrisson puisque c'est le tien.

        Hakuin répondit :

    - Ah oui ?

        Il prit le petit dans ses bras, l'enveloppa dans un pan de sa vieille tunique et l'emmena partout avec lui. Sous la pluie battante et sous le soleil torride, le jour et la nuit, il mendia du lait pour le bébé. Beaucoup de ses disciples le quittèrent, l'estimant déchu. Hakuin les vit partir sans formuler le moindre reproche. Un jour, souffrant trop d'être séparée de son enfant, la jeune mère désigna le vrai géniteur. Le père se rendit immédiatement chez Hakuin. Il lui demanda pardon et lui raconta la vérité.

    - Ah oui ? fit Hakuin.

        Et il rendit l'enfant.

     

    L'acceptation de ce qui arrive s'appelle tathata. Une telle attitude signifie que vous acquiescez à tout ce que la vie apporte, à l'exemple du miroir qui reflète tout. Ce dernier dit oui sans condition, pour lui rien n'est bien, rien n'est mal. Acceptez la vie comme elle est. Tous vos problèmes disparaîtront : les désirs, les tensions, le mécontentement... L'acceptation totale vous rendra joyeux et satisfait sans raison. Le bonheur qui a une cause ne dure pas bien longtemps. La joie gratuite est sans fin.

     

        Oui, voici un bonne manière de sortir du dilemme : cesser d'accorder aux choses une épithète de qualité... Mais difficile n'est-ce pas ?

         Demain j'ajouterai un second conte qui complète celui-ci.

     

    1 Je constate avec stupéfaction que les gens qui ont la chance de posséder ce tarot se permettent de le vendre une fortune comme s'il s'agissait d'une pièce de musée. Vend-on la sagesse alors qu'elle est due à tous ?! Mais je ne comprends pas non plus pourquoi il n'est pas réédité. Il faudrait au moins qu'il reparaisse sous forme de livre, afin que son enseignement puisse continuer de profiter à tous : il en reste peut-être quelques exemplaires ici.  

     

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    Il n'y a pas de culpabilité, la Chute fut un accident !

     

    les_beatitudes-Philippe_de_Champaigne.jpg

    "Les Béatitudes" - Toile de Philippe de Champaigne (1602-1674)


          L’Évangile est une "Bonne nouvelle" : c'est du moins le sens du mot en grec.

         Or à lire les évangiles qui nous sont proposés et à entendre les chrétiens traditionnels, la nouvelle n'est pas toujours si joyeuse qu'on le voudrait, et nous sommes plutôt confinés dans la culpabilité de voir notre Messie, Jésus-Christ, souffrir pour nous et à cause de nous. Qui plus est, on le déclare immaculé - exempt de tout péché - ainsi que sa mère, alors que le "péché" est "originel" ce qui impose déjà bien des ajustements propres à en faire douter plus d'un ; et voici que nous l'immolons, comme un "agneau sans tache" ! Ce qui finalement rappelle tant d'anciennes pratiques religieuses, que toutes cultures comparées nous finissons par douter de l'aspect "nouveau" de cette prétendue "Bonne nouvelle" !

         C'est là que d'autres sagesses nous viennent en aide... Et si la "Chute" n'était pas ce que l'on croit ? Si elle était juste un accident - chute par surprise d'esprits purs dans la matière - et non pas une dégradation, voire une punition comme on a voulu le croire - et donc une source de dépression et de culpabilité ?

         Si en purs enfants de Dieu jouant dans son Amour nous nous étions soudain laissés piéger par une sorte de "cristallisation" de l'énergie, qui se serait refermée sur nous sous forme de matière, et que terrifiés nous nous étions soudain imaginé avoir fait une "grosse" bêtise et avoir perdu Dieu à jamais ? Comme Caïn enfermé sous terre qui pense que Dieu ne le retrouvera jamais dans sa cachette ! Et qui s'il L'aperçoit par hasard sous forme d'un rayon de Soleil par un interstice, s'imagine que c'est pour le châtier que celui-ci le regarde ! Alors qu'il n'en est rien !

     

    Adam-Eve-chasses.gifAdam et Ève chassés du Paradis Terrestre selon un recueil janséniste

     

        Alors il nous faudrait déboutonner notre col, respirer un grand coup, et laisser venir à nous la Lumière - comme le voyageur de La Fontaine dans "Phébus et Borée" (Le Soleil et le Vent).

     

        Il y a tant de choses qui nous rappellent que notre vraie patrie est le Beau, le Vrai, le Grand... ! Un superbe paysage ensoleillé, une musique sublime, en particulier, dessinent une sorte de pont de lumière entre le fond de notre cœur, là où réside la Vérité de notre Etre, et cette Source inimaginable d'Amour que j'appelle volontiers "Dieu" mais qui n'a rien du Père Noël et que vous pouvez appeler comme vous voulez... Un beau tableau, une rencontre exceptionnelle, un beau texte éveillent en nous le sentiment d'être unis les uns aux autres, établissant entre nos Êtres profonds nichés au fond de nos cœurs des liens si extraordinaires de lumière, qu'ils abolissent presque nos différences et les frontières de nos corps.

      campagne-310508-02.jpg


         La Lumière circule verticalement entre nous et la Source, et horizontalement entre TOUS les êtres vivants : non seulement à travers les humains, mais aussi à travers les animaux, et elle enveloppe aussi les végétaux qui n'ont pas de conscience mais participent à la Vie. Si nous nous identifions à Elle nous oublions nos corps, et en cela les animaux sont nos maîtres : parce qu'eux, le corps, ils s'en moquent ; ils ne pensent ni au lendemain, ni à la mort... Par le regard nous échangeons avec tous ceux qui nous entourent la Lumière qui nous anime. Si l'autre n'était pas là, nous ne saurions même pas que nous existons : l'autre est là pour nous l'apprendre, et donc il nous donne la vie par son regard et nous la lui rendons par notre regard... et alors où est la différence entre nous tous ?

     

     

        L'autre jour j'étais en voiture et écoutais une musique superbe sur une chaîne de radio. Le paysage qui m'enveloppait m'exaltait car le ciel était immense et lumineux. Soudain, pénétrant avec mon véhicule dans un passage plus encaissé, j'ai perdu le son de ma musique et mon autoradio s'est mis à cracher. Quel déchirement !... C'est alors que m'est venue à l'esprit cette comparaison : enfermés dans nos corps comme je l'étais dans ma voiture, nous recevons les messages d'Amour de notre Source comme on reçoit une musique dans un appareil spécialisé, c'est-à-dire de façon fragmentaire et en fonction de notre état physique, psychique et mental ; et il suffit de la moindre petite perturbation pour que nous n'entendions plus cette voix qui est pourtant pour nous la Voix même du Bonheur.

        Alors tout nous semble noir, difficile, désespérant ; il nous semble en avoir des preuves. Mais tout n'est en fait que le fruit des Ténèbres ; or les Ténèbres N'EXISTENT PAS !! Elle ne sont que la résultante de l'ABSENCE de Lumière ! Seule existe LA LUMIÈRE !!

     

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    Tableau d'Alfred Soord pour "La brebis égarée"


          Il faut donc reprendre confiance. Comme la Brebis égarée nous sommes peut-être tombés dans un ravin, mais de même que le berger n'abandonne pas sa bête, de même que la musique continue toujours d'être émise lorsque je ne la perçois plus, de même ce Père infiniment bon que nous pensons avoir perdu continue inlassablement de venir nous rechercher, et seule notre angoisse nous empêche de le percevoir.

     

        C'est du moins le message véritable de Jésus, au-delà des dogmes que l'on a développés autour de lui. Et en tous temps, à toutes les époques il y a eu des personnes pour l'enseigner... Le Bouddha ; Platon ; le philosophe Pascal... de vrais mystiques qui n'érigent pas de dogmes religieux mais tentent d'expliquer leur ressenti. Dire qu'aujourd'hui nous sommes "plus avancés" qu'autrefois est une bêtise : au-delà des apparences l'être humain est toujours le même, et si l'on considère que le temps et l'espace sont les deux dimensions de la cage dans laquelle nous sommes piégés, il est facile de voir que si on enlève le temps, à quoi peut-il bien servir de parler "d'évolution" ?!

     

        D'où la conclusion du livre de Gary Renard : "Et l'univers disparaîtra", malheureusement déjà épuisé, mais relayé par celui qui lui fait suite pour le compléter et le préciser, "Notre réalité immortelle". Si on nous enlevait brusquement l'univers, c'est-à-dire ce voile qui brouille nos yeux et qui nous enveloppe complètement, nous serions perdus et tremblants comme des enfants qu'on a sortis brusquement de l'eau. C'est pourquoi cela se fait tout doucement, sans brusquerie, par des appels de plus en plus pressants...

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    Égypte - Le Mont Sinaï   

       

     

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         Depuis quelque temps, je me suis intéressée à "Un Cours en miracles", qui est une nouvelle tentative, après celles des théosophes, d'associer le bouddhisme et le christianisme dans le but de trouver la voie la  plus sûre et la  plus rapide vers le salut. Tandis que le bouddhisme apporte l'idée que l'univers est illusion et que la vérité ne peut être trouvée qu'au-dedans de nous, le christianisme (ou plutôt le message de Jésus, que l'on tente ici de dépouiller de tous les ajouts ultérieurs), apporte les notions essentielles de prochain - c'est-à-dire que l'autre est un autre nous-même - et de pardon - qui permet d'effacer les  projections négatives dont nous sommes responsables à l'égard d'autrui.

        Cependant  le livre, assez épais, est en soi-même difficile à comprendre et à assimiler, aussi les commentaires de nombreux spécialistes sont-ils utiles, tels Gary Renard dont je vous ai déjà parlé (voir ici), et Kenneth Wapnick, dont je souhaite vous livrer ici l'extrait d'une conférence, que je trouve magnifique. Ce texte est tiré du livre intitulé "En finir avec notre résistance à l'amour", p. 14 à 18. 

    Kenneth Wapnick

     

        « À un certain point, dans l'état de parfaite Unité, dans notre Identité en tant que seul Fils de Dieu, émergea la pensée - que le Cours qualifie plus tard de "minuscule et folle idée" - [mais que moi je qualifierais simplement de "Pensée", au sens du Cogito cartésien dont part tout le processus d'individuation (note personnelle)]  - que nous pourrions être séparés de Dieu. Une fois cette pensée prise au sérieux et tenue pour réelle, nous avons commencé à nous considérer comme une entité séparée, une personnalité distincte capable de se connaître elle-même en relation avec Dieu. C'était le début du rêve de séparation, jusque là inouï. De fait il a toujours été inouï parce qu'elle ne s'est jamais vraiment produite - l'impossible ne pouvant tout simplement pas arriver.

        À l'intérieur de notre rêve, dont ce monde est l'ultime expression, il a semblé que l'impossible s'était réellement produit : nous avons embrassé l'idée que nous avions un soi individuel, particulier et unique. Ce fut le début du problème, et son défaire sera la fin. Tout ce qui se trouve entre les deux constitue nos expériences en ce monde.

        Ces expériences sont fondées sur notre convoitise d'une existence particulière et individuelle. Nous aimons avoir une personnalité. Même si pour la plupart nous n'avons pas toujours été heureux et faisons l'expérience de la douleur et de la souffrance - physiquement et psychologiquement - tout au long de notre vie, nous nous accrochons tout de même à ce soi parce que c'est tout ce que nous avons. L'autre Soi n'existe pas ici. Il n'a pas d'identitié séparée ni de personnalité. Il n'a rien. Il n'est qu'une partie de l'Entièreté et de l'Amour de Dieu.

        Alors que très peu d'entre nous - si tant est qu'il y en a - prennent jamais conscience de cette pensée originelle d'être séparé de Dieu, nous pouvons certes prendre conscience de la pensée d'un soi personnel. Si vous êtes honnête, vous reconnaîtrez qu'une partie de vous se complaît dans vos problèmes - les blessures du passé, les abus, la victimisation, l'abandon et la trahison. Aussi douloureuses soient-elles, ces expériences nous définissent et nous procurent une identité. Elles font de nous ce que nous sommes en tant qu'adultes. Nous avons survécu à la petite enfance, à l'enfance et en particulier à l'adolescence, en développant un soi qui a appris à s'adapter à un monde qui ne satisfait pas toujours nos besoins et ne nous donne pas toujours ce que nous voulons. Nous avons appris très jeunes à développer un soi particulier et une identité qui pourront faire face et survivre à cette impression de menace constante. C'est ce soi que maintenant nous chérissons et auquel nous tentons de nous cramponner, quel que soit le coût.

        Cet attachement au concept de soi est la prémisse implicite à cette section titrée "La peur de la rédemption", et c'est la raison pour laquelle nous avons tous tant de difficulté avec ce Cours, si nous le comprenons correctement. Quand les gens n'ont pas de difficulté avec le Cours, c'est très souvent parce qu'ils l'ont réécrit sans s'en rendre compte. Ils croient, par exemple, qu'Un Cours en Miracles ne veut pas dire littéralement que le monde est une illusion et que nous le quitterons un jour. Ils croient que seule notre douleur est illusoire, et que si nous pratiquons réellement le cours, Jésus nous aidera à vivre heureux dans ce monde. Voilà, après tout, ce que nous souhaitons secrètement. Nous voulons avoir le beurre de l'ego, l'argent du beurre et le goût du beurre par-dessus le marché ! Nous voulons être sauvés ; nous voulons connaître Jésus et l'amour du Ciel ; mais nous voulons que ce soit dans le contexte de nos rêves de séparation et de particularité. Nous ne nous rendons pas compte que suivre Un Cours en Miracles, c'est faire un pas hors du rêve vers Jésus, pour enfin nous réveiller entièrement du rêve.

     

    Qui-suis-je.jpgDessin réalisé après une méditation sur le thème : "Qui suis-je ?"

     

        Ce que le monde a fait de Jésus à travers les siècles et ce que nous essayons encore de faire par le biais de ce Cours, c'est de l'amener lui et son message à l'intérieur du rêve afin de nous montrer comment garder notre soi - mais un soi qui serait heureux, paisible et comblé. Quand nous comprenons enfin que Jésus nous enseigne que ce soi est aussi une illusion et que le but ultime de son enseignement est de nous amener à quitter le monde entièrement, alors la peur et l'anxiété commencent à augmenter. Voilà notre peur de la rédemption. Nous préférerions de beaucoup vivre avec un Dieu de crucifixion, exactement comme le christianisme l'a fait - que ce soit un Dieu théologique, une Dieu personnel ou un Dieu de souffrance - plutôt que d'en lâcher prise et d'être simplement avec le Dieu Qui nous rédime véritablement par Sa Voix nous rappelant que rien n'est arrivé. Voilà la peur, et voilà où s'est logée notre résistance - le dernier voile du manque de pardon, pour utiliser l'image de la sublime section finale des Obstacles à la paix. Quand nous passons à travers ce voile, notre soi disparaît, comme Jésus le décrit joyeusement :

     « Ensemble nous disparaîtrons dans la Présence au-delà du voile, non pour nous perdre mais nous trouver ; non pour être vus mais connus. »

        Être connu, ce qui dans Un Cours en Miracles est le Ciel, signifie qu'il n'y a pas de soi. Ainsi quand nous traversons le dernier voile avec Jésus, nous disparaissons dans la Présence de Dieu et dans la Présence du Christ, notre véritable Soi. Nous ne sommes plus vus en tant que soi individuels, car voir, ou percevoir, fait partie du monde illusoire dans lequel vit ce soi individuel, séparé et particulier. La perspective de disparaître nous glace de terreur. »

     

        Un peu plus et je vous assénais toute la causerie du monsieur. Mais je la trouve tellement fantastique ! C'est tellement fort, de réussir à nous montrer les mécanismes de l'ego et comment il nous conduit à préférer souffrir plutôt que de lâcher prise ! Tout le développement de Kenneth Wapnick dans cette conférence est basé sur le concept freudien de "résistance" ; et finalement, vive Papa Freud et les découvertes réalisées autour de l'inconscient, car c'est à partir des méthodes psychanalytiques qu'apparaît le moyen de dépasser la résistance de l'ego : en en prenant conscience et en en restant le simple observateur... L'observation de l'illusion conduit peu à peu à sa dissolution. Ce qui est un long, très long travail ! Mais n'est-ce pas après tout le but de toutes les voies monastiques ? Quand on "entre dans les ordres", on accepte de perdre son ego et d'avoir pour seul but ultime l'amour de Dieu. Il n'y a sans doute pas d'autre voie...

      Retour-Source-Mmaillard-copie-1.jpgDessin réalisé après méditation sur le thème "Rentrer chez soi"

     

     

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  •     J'ai trouvé par hasard sur youtube cette vidéo (énoncée avec un fort accent canadien, ce qui n'est pas pour me déplaire...) que je vous invite à prendre votre temps pour visionner (18'51). Le texte est passionnant, les images et la musique qui s'en font les interprètes sont superbes - enfin l'idée correspond totalement à ma vision du monde.

     

     

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