•   Comme vous avez pu le constater peut-être, le second recueil issu de la scission en deux parties de celui intitulé "Regards" (voir ici où j'évoquais des poèmes "mystiques" et d'une     inspiration "différente" et ici où je laisse deviner que finalement de "un" j'ai fait "deux" ouvrages) vient de paraître.

       Tandis que dans le recueil déjà mentionné je n'ai conservé que les poèmes évoquant des "Regards" sur le monde, donc plutôt contemplatifs malgré la partie centrale qui est plus méditative (mais contient des textes récents), j'ai gardé pour celui-ci les poèmes plus sentimentaux et émotionnels qui expriment l'amour charnel, puis l'expérience mystique née de tout moment de profonde communion avec l'Univers (poèmes souvent plus anciens, que je gardais en réserve depuis quelque temps).    

       En cliquant sur l'image ci-dessous, vous atteignez le site de l'éditeur et pouvez en feuilleter les premières pages. Je l'ai orné, comme l'autre, de dessins en couleurs de mon cru. 

    Aimer à l'infini-couverture

     

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    Rose-mai14.jpgUne rose de mon jardin


          Bonjour à tous !

        Vous devez vous dire que je ne suis plus très présente sur les blogs. Fatigue, bien sûr (depuis mai 2005 ... Mon blog a 9 ans ! C'est le temps nécessaire à l'inversion de l'axe du dragon en astrologie, de même que c'est tout un cycle en numérologie) ; mais aussi  déception devant les nombreux changements exigés par la plate-forme, qui après m'avoir fait migrer vers la "V2" (ce qui a déjà tout chamboulé) demande à nouveau d'adapter mon blog à une nouvelle version (qu'ils n'appellent pas la V3... Pourquoi ?). Pour le moment, c'est niet. J'espère qu'ils ne m'obligeront pas à le faire, car je devrais fermer ce blog (il est vrai que je l'avais envisagé il y a quelque temps). 
        Et puis en cette saison, je suis beaucoup dans mon jardin, et diverses activités ou péripéties font que je ne puis plus profiter des randonnées que je vous ai parfois fait partager ici ! Dommage...  
     

    Iris-mai14.jpgIris de mon jardin


         Cependant mes iris ont refleuri, alors que je ne m'y attendais pas du tout.

    Iris-blanc-mai14.jpgIris de mon jardin


          Il y en a des bleus, des blancs... Stupéfaction ! Ainsi, entre les ventes-dédicaces et un prochain congrès, je n'ai plus grand temps à consacrer au blog et à l'écriture.

       Parlons donc des livres : je les ai dédicacés samedi dernier en grande surface, et réitérerai l'aventure le 24 mai prochain (veille de fête des mères, veille de vote et jour de marché en centre ville : s'il fait beau cela devrait être une belle aventure !). C'est toujours un moment émouvant, car il permet de donner "vie" à nos créations, en les exposant aux yeux d'autrui.

    Dedicace-05.jpg


       Cependant comme vous le voyez samedi dernier on ne m'a pas sauté dessus... (Je suis là avec ma fille aînée et une amie de longue date qui est à la fois latiniste, helléniste, amoureuse de livres et de poésie, et femme de théâtre ! Vous la trouvez en pleine action à cette page : elle lisait des textes de Nicole Gdalia).

       Je remercie d'autant plus le journaliste qui m'a consacré un bel article (malgré les coquilles du typographe sur mon nom) : Jean-Jacques Desormiers

     

    Martine-Malliard---tout-en-poe-sie---10-05-2014--Issoudun-.jpg

     

     
     ainsi que les auteurs des éditions Stellamaris qui m'ont consacré une présentation, appelée "critique" mais ô combien sympathique !

    Critique-Regards.jpg

     

         Celle de "Regards", par Nathalie Gayou (voir ci-dessus) ainsi que par Antoine Gosztola (voir ici), et celle d'"Aimer à l'infini" par Guy Rambault (voir ici et ci-dessous).

    Critique-Aimer.jpg


        Alors puisque le mois de mai fleurit (malgré ses giboulées de mars !), écoutons une musique de saison...

    Rose-jaune-mai14.jpg

     

     

     
     
     

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         Ce recueil composé conjointement par deux femmes, Mylène Catel et Anne-Catherine Aubert, vient de paraître aux éditions Stellamaris et, comme il m'a beaucoup plu, je me suis proposée pour en rédiger la critique. En fait de "critique", je rédige plutôt des présentations, car je ne vois pas quel mal je pourrais dire d'un auteur, surtout s'il me plaît ! Je vous propose donc de lire celle-ci, en avant-goût de l'ouvrage lui-même qui, je l'espère, vous tentera - et dont vous pouvez dores et déjà lire les premières pages sur le site de l'éditeur, ici.

    MisCellanées, Poèmes du Bouillon Blanc

     

         Mystérieux ouvrage que ce livre qui s’ouvre comme la surface d’un téléphone mobile… Miscellanées ? Le mot n’est pas courant, il signifie « mélanges »… mais pourquoi ce « C » majuscule au milieu du mot ?

         En ouvrant la première page on a une sorte de réponse. Deux dédicaces de même qu’il y a deux « auteures », adressées de l’une à l’autre sous cette forme : « À AC » et « À MC » ; ce qui montre l’importance de cette lettre C, soulignée d’ailleurs par la citation du haut de page (un poème de Louis Aragon dont les dix-huit vers présentent tous la même sonorité à la rime) :

     

    « J’ai traversé les Ponts-de-Cé
    C’est là que tout a commencé… » 

     

         D’ailleurs, ces lettres ne sont-elles pas disséminées ici et là à plusieurs pages du livre ? Soit c’est le « C » qui apparaît dans un poème, parfois dans son titre, parfois comme symbole à traduire dans la prononciation (ex : « « re-trou C » pour « retroussée »), parfois encore dans une terminaison homophone qui est en italique (voir le poème p.59, « J’ai fait une touche A C »), soit ce sont les lettres A C M C qui se promènent en bas de page dans un apparent désordre (p.25, p.32) pour finalement à elles seules éclairer le sens du titre « miscellanées » : « mélanges ». Car ces mélanges, ce bouillon blanc (y a-t-il là une allusion à la fleur de même nom ? Je n’en suis pas certaine), il apparaît sans cesse et sous toutes formes : par exemple le début du mot, « Mis », évoque à la fois une demoiselle en anglais (or ces jeunes femmes enseignent toutes les deux le français en Amérique) et le début du prénom de Mylène ; et surtout, le recueil tout entier est un mélange des textes écrits par l’une et par l’autre, sans que l’on puisse déterminer avec précision laquelle est l’auteur de celui-ci ou de celui-là…

     

         Vous l’avez bien compris : derrière cet emmêlé de formes et de lettres se cache un emmêlé de corps et d’âmes ; c’est une histoire d’amour. L’histoire d’une relation entre deux femmes qui, par l’effet miroir qu’accentue le jeu des consonnes identiques devient une relation inextricable où, comme le disait Éluard à l’instar du Virgile de l’Énéide :

     

    « Et je ne sais plus tant je t’aime
    Lequel de nous deux est absent »

     

         D’où ce téléphone mobile de la couverture, sorte de cordon ombilical qui relie les deux moitiés d’une même âme écartelée par des lieux de travail éloignés.

     

         Mais voyons le contenu.

         Mylène Catel n’en est pas à ses débuts en poésie. Elle a déjà beaucoup publié et notamment chez « Caractères », à Paris, qui est une maison d’édition remarquable rassemblant des auteurs du monde entier, en particulier des pays de l’Est jusqu’à l’Asie (un auteur chinois de son catalogue a été couronné du Prix Nobel de littérature en 2012 : Mo Yan). Fondée en 1950 par le poète d’origine polonaise Bruno Durocher, elle joint à une esthétique poétique de pointe le goût du graphisme et des arts plastiques, ainsi qu’un certain penchant pour le multilinguisme. C’est ainsi que dans les recueils de Mylène (c’était déjà perceptible dans « Silencieux Manèges », sa première publication chez Stellamaris, qui de plus est bilingue) on trouve à la fois un style exigeant basé sur le jeu de mots, le jeu des sonorités, l’association d’idées, la recherche verbale, et la présence d’illustrations en forme de volutes, de signes.

         « Les illustrations sont des auteurs » est-il mentionné en fin d’ouvrage : sont-elles également expertes en graphisme ?

         C’est là que s’éclaire l’image d’en-tête du livre, p.4. J’y avais d’abord vu une jolie vague aux couleurs douces qui me semblait être une lithographie. Mais au-delà de la lithographie, c’est aussi un C aux couleurs du drapeau arc-en-ciel  ! Sur les autres pages, il semble qu’il s’agisse plutôt de photographies travaillées sur ordinateur, quoique certaines soient présentées comme des œuvres à part entière, telle « Croissées » p. 11, qui dans une vue de circuits imprimés laisse imaginer la silhouette d’une femme tissant.

         Mylène Catel donc, en pleine possession de son style poétique, entraîne avec elle Anne-Catherine, qui lui a déjà composé une préface à Silencieux Manèges. Pour s’être laissé passionner par cette exploration folle de la langue française, cette dernière était sans doute déjà poète dans l’âme… Est-elle davantage à l’origine des textes écrits en prose, comme semble l’indiquer sa citation de Stéphane Mallarmé en exergue au recueil ? On ne sait, mais quelle qu’en soit la forme ou l’auteur, chaque page d’écriture est toujours aussi magique, inspirante, jubilatoire.

     

         Il est donc temps de me taire et de vous laisser voguer sur les flots jaillissants de ces phrases, de ces vers, de ces signes (orthographiés souvent « sygnes » par allusion), de ces jeux de langage aux résonances multiples qui vous entraînent dans un foisonnement d’images, parfois drôles (eh oui ! J’ai ri plusieurs fois…), parfois ardentes et toujours harmonieuses. Le sens, un peu récalcitrant au démarrage, s’éclaire au fil de la lecture. C’est dire la richesse de ce livre-Janus que je considère pour ma part comme un petit joyau.

      

     

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            J'ai modifié l'aspect de mon blog. D'abord parce qu'il faut le faire de temps à autre. Et ensuite depuis que j'ai lu, sur l'instigation de mon amie Danaé, la merveilleuse histoire d'Alexandra David-Néel tout récemment parue en BD et particulièrement dans la version des éditions Glénat, dans leur collection "Explora" dirigée par Christian Clot.

     

    Illustration de Boro Pavlovic
    Image tirée de la couverture du livre, visible en entier ici

     

          Rédigée par Christian Perrissin, cette bande dessinée est assortie d'un dossier conséquent montrant le sérieux de l'étude réalisée par cet auteur. Cependant le scénario lui-même se concentre essentiellement sur la traversée du Tibet effectuée par la célèbre exploratrice jusqu'à Lhassa.

          On y découvre d'abord une femme dévorée par le besoin de s'évader du monde occidental, de quitter le connu, pour chercher dans la difficulté la plus intense la Vérité de sa vie. Cette anglaise fortunée, mariée à un homme un peu volage et sans enfant, passionnée par le bouddhisme, s'embarque donc pour l'Inde, où elle rencontre d'abord des Vishnouites, ascètes comparables à ceux auxquels s'était initialement associé le jeune Siddharta. Mais elle réussit à obtenir une audience de Thubten Gyatso, le XIIIe Dalaï-Lama qui était alors en visite dans le monastère de Kalimpong dans le Sikkim, petit état situé entre le Népal et le Bhoutan dépendant de l'Inde et donc encore sous protectorat anglais. Sensible à sa requête de mieux comprendre les enseignements bouddhistes du Tibet, qui étaient alors fort mal adaptés en langue anglaise, celui-ci lui promet de l'éclairer en lui envoyant quelques textes. Alexandra (qui vit de l'argent que son mari lui adresse, celui-ci ayant adopté en Angleterre une nouvelle vie mais ne rechignant pas à lui envoyer le nécessaire, pris d'ailleurs sur sa fortune à elle) se met alors d'arrache-pied à l'étude du tibétain, et prend à son service pour l'aider et la guider un jeune orphelin du village qu'elle habite. Celui-ci s'avère d'une aide d'autant plus précieuse qu'il va s'attacher à elle, et cette affection devenant réciproque, il deviendra son fils adoptif.


    Alexandra David-Néel-Les chemins de Lhassa-p.16

     

         S'étant pliée sans mot dire pendant des mois à la discipline de fer imposée par le supérieur du monastère local, le Gomchen Rinpoché, elle décide bientôt de repartir  vers Lhassa pour revoir le Dalaï-Lama. Seulement la frontière était à cette époque totalement hermétique, le Tibet étant sous domination chinoise, et toute présence anglaise y était formellement interdite. Elle doit donc se travestir en vieille tibétaine et feindre d'être la mère de son jeune compagnon, renoncer à utiliser ouvertement l'argent dont elle dispose, et surtout prendre des chemins de traverse extrêmement périlleux et désertiques.

         Il s'ensuivra un voyage à pied à travers les montagnes enneigées, à des hauteurs vertigineuses, qui lui vaudra l'admiration même des autochtones, persuadés qu'eux-mêmes n'y auraient pas survécu ! La BD relate ce passage d'une manière si émouvante qu'on en comprend toute la portée initiatique. Demeurés tous deux seuls durant 6 jours sans vivres à 5000m d'altitude à chercher leur chemin enseveli sous une tempête de neige, avec une cheville foulée et une botte à la semelle cassée, comment ont-ils pu atteindre les huttes des premiers bergers Popa ? Ceux-ci les pensent favorisés des dieux, et l'héroïne reconnaît avoir dû utiliser toutes les ressources de domination du corps physique enseignées par son maître le Gomchen Rinpoché.

         Non seulement cette lecture m'a conduite à rechercher des images identiques pour en orner mon blog, mais en plus elle m'a rappelé que ma chère Danaé a vécu la même chose... Eh oui, lors de son Tour d'Asie, relaté sur son blog mais aussi dans un livre dont vous avez le lien ici, elle a non seulement rencontré elle aussi un Rinpoché dont elle a suivi l'enseignement (voir ici et ) mais en plus elle a gravi partiellement un flanc de l'Everest, la colline Kala Patthar (5600m) que l'on voit sur la gauche de mon bandeau et que vous pouvez détailler mieux sur la page de wikipedia donnée en lien. 

        La preuve en est dans le récit saisissant qu'elle fait à cette page (récit présent également dans son livre et qui débute ici), accompagné d'une photographie rougie par le temps que je vous restitue en noir et blanc ci-dessous. Elle représente les sommets (l'Everest et les pics environnants) tels qu'on les aperçoit depuis le sommet de la colline Kala Patthar qu'elle vient de gravir au péril de sa vie.

     

    Kala Patthar-photo Michèle BEC
    Photo prise par Michèle Bec (Danaé) en 1977

     

          Atteindre de tels sommets et retrouver la plaine de l'autre côté, c'est comme une renaissance... Et découvrir cela pour la Pentecôte n'est pas anodin.

          Justement, ce matin, me sont revenus en tête ces mots que je chantai à Rome lors d'un pèlerinage ancien :

    « Envoie ton Esprit, et tout sera créé !
    Et Tu renouvelleras la face de la Terre. »

        N'est-il pas extraordinaire de découvrir qu'à chaque Souffle, à chaque respiration, tout est constamment recréé... ? Et que si à gravir ce qui vous dépasse totalement vous laissez votre dernier souffle, le Souffle qui vous ravive ensuite est le premier qui ait jamais été émis : l'Unique Souffle Créateur ?

          Tentons donc l'ultime dépassement.

     


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  •          Je vous ai parlé récemment d'une bande dessinée qui retrace l'épopée tibétaine d'Alexandra David-Néel. Cette découverte m'a conduite à me replonger dans les écrits de cette femme merveilleuse qu'à l'origine je considérais plutôt comme une passionnée de voyages, pour me tourner cette fois vers ses essais sur les philosophies orientales.     

     

    Prajna Paramita
    Extraits de la Prâjna Pâramitâ (le Sutra du Coeur)

     

           En effet elle n'a pas seulement étudié le bouddhisme, elle s'est également penchée sur l'hindouisme ; et grâce à sa connaissance parfaite du sanskrit comme du tibétain, puis à ses relations excellentes et poussées avec des religieux aptes à l'éclairer sur les diverses voies, elle a pu traduire et expliquer pour le lecteur français des ouvrages aussi pointus que la Prâjna Pâramitâ bouddhiste (ou Perfection de la Sagesse paru sous le titre de "La Connaissance Transcendante"), sensée offrir les derniers enseignements du Bouddha à l'un de ses meilleurs disciples, puis l'Astavakra Gîtâ et l'Avadhuta Gîtâ qui sont des chants composés par des ascètes ayant atteint l'illumination pour présenter la voie de  l'Advaïta Vedanta (chants réunis tous deux dans ce livre). Elle voit entre ces deux écoles, prétendument opposées dans leurs méthodes et dans leur vision de l'Éveil, des points de correspondance indéniables.

          Et comment l'éviter, si la Réalité est Une et la Vérité identique pour tous ?

           C'est de ce dernier livre que j'aimerais vous citer un passage, sans me lancer dans des distinctions entre bouddhistes et advaïtistes que je n'ai pas encore bien cernées. La traduction d'Alexandra David-Néel, dite "libre", est particulièrement agréable et claire. Elle apporte commentaires et précisions en notes : je ne les ai pas conservés mais ai modifié ou éclairci en italique quelques termes, comme "Soi" que j'emploierai à chaque fois pour "Atman" ; par ailleurs certaines phrases semblent mieux comprises dans la traduction de Innerquest (le site dédié à l'Advaïta Vedanta) : je les ajoute donc entre crochets.

     

    Maître et disciples

     

    Janaka demanda :
        Comment peut-on atteindre la libération, comment le renoncement est-il affermi, dis-le-moi, ô Maître.

    Astavakra répondit :
          Mon fils, si tu désires la Libération fuis comme poison les objets des sens et recherche comme une eau vivifiante la charité, la droiture, la pitié, le contentement et la vérité.

        Tu n'es ni eau, ni terre, ni air, ni éther. Afin de te libérer, sache que tu es le Soi qui voit ceux-ci et dont la nature est Intelligence.

        Si tu peux demeurer dans cette Intelligence, ayant rompu ton association avec le corps, tu deviendras instantanément heureux, jouissant de la paix et libre de liens.

         Tu n'appartiens ni à la caste des brahmines, ni à aucune autre caste ou catégorie sociale, tu n'es pas un objet de perception pour les sens. Éternellement libre, sans forme, celui qui voit toutes choses c'est cela que tu es. Sois heureux.

         Vertu, vice, plaisir, souffrance appartiennent à l'esprit (sont des opérations mentales) et non point à Toi. Tu n'es ni l'auteur des actes, ni celui qui en supporte les conséquences. En vérité, tu es éternellement libre.

         Unique témoin voyant toutes choses, tu es véritablement libre. Ce qui constitue ta servitude, c'est que tu vois ce témoin comme étant autre que toi-même.

         "Je suis celui qui agit" : cette pensée vaniteuse, pareille au grand serpent noir, t'a mordu. Bois maintenant l'antidote de la croyance en "Je ne suis pas celui qui agit", et sois heureux.

          Par le feu d'une foi ardente en "Je suis l'unique et pure Intelligence", brûle la forêt épaisse de l'ignorance, délivre-toi de l'affliction et sois heureux.

         Cela dans quoi l'univers paraît exister, comme un serpent paraît exister dans une corde, cela est béatitude, suprême béatitude. Tu es cette Intelligence : sois heureux.

         Celui qui imagine qu'il est lié est vraiment lié ; celui qui imagine être libre est vraiment libre. Le dicton populaire disant "comme est la pensée, ainsi est l'action" est vrai. [Ici, cet adage est vrai : "Le penser, c'est l'être".]

         Le Soi est le témoin, l'omniprésent, la libre Intelligence, inactif, sans attachement, sans désir, toujours en paix ; à travers l'illusion Il apparaît comme étant du monde. [C'est par le fait de l'illusion que tu sembles impliqué dans le samsâra.]

          Après avoir rejeté toute erreur concernant que tu es le reflet du Soi aussi bien que toutes les conditions qui lui appartiennent, apprends à reconnaître l'identité de ton Moi avec l'éternelle Intelligence : l'Un sans second. [Médite sur toi-même en tant que conscience immobile, libre de tout dualisme tout en renonçant à l'idée fausse selon laquelle tu serais juste une conscience détournée ou quoi que ce soit d'externe ou d'interne].

         Pendant longtemps, mon fils, tu as été retenu prisonnier par le nœud coulant de "Je suis le corps". Sachant "Je suis la Connaissance elle-même", coupe ce nœud coulant avec le sabre de la Sagesse et sois heureux.

          Tu es libre de liens, inactif, éclairé par toi-même, sans tache. Ce qui est ton véritable lien est que tu cherches par samâdhi (absorption dans la contemplation) à supprimer l'activité de ton esprit.[La cause de ton asservissement vient de ce que tu persistes à essayer de calmer le mental.]

          Le monde est pénétré par toi, en toi il est tissé ; tu es pure Connaissance, n'aie point l'esprit mesquin.

          Tu existes en toi-même, sans tache, toujours plein, toujours placide. Tu es d'une intelligence insondable, calme, imperturbable. Dirige tes pensées vers la seule Intelligence (Conscience pure).

          Sache que tout ce qui a forme est illusoire ; seul le sans-forme est permanent. Possédant cette connaissance, il n'est plus possible de renaître.[Grâce à cette initiation à la vérité, tu échapperas à la rechute dans l'irréalité.]

         De même qu'une image dans un miroir n'est autre chose que l'objet qu'elle reflète, ainsi le Soi, le suprême Seigneur, dans le corps est le même intérieurement et extérieurement.[De même qu'un miroir existe à la fois dans ses propres images reflétées et au-dehors d'elles, le Seigneur Suprême existe partout à l'intérieur et en dehors de ce corps.]

          De même que l'espace qui remplit tout est le même à l'intérieur et à l'extérieur d'une jarre, de même aussi l'éternel et omniprésent Brahman est en tous les êtres.

    Astavakra Gîtâ, chapitre premier
    dans la traduction d'Alexandra David-Néel
    (éditions du Rocher)
    avec entre crochets des passages de la traduction citée par Innerquest.

     

       Ce texte ainsi que le suivant (l'Avadhuta Gîtâ), n'est pas destiné à enseigner, mais à être répété et psalmodié par l'aspirant afin de s'en imprégner ; et sa parenté avec le Sutra du Coeur de la Prâjna Pâramitâ, qui est aussi un texte à répéter et à psalmodier pour les aspirants bouddhistes, m'a beaucoup frappée.

        Par contre ici nous n'avons que le début d'un ensemble relativement long (à l'image de la Gîtâ la plus connue, la Bhagavad Gîtâ), et s'il m'est impossible de tout recopier, je dois dire que la lecture en continu de l’œuvre entière permet de se pénétrer des notions qui sont sans cesse répétées et éclairées et de les comprendre de mieux en mieux.

     


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