Dans ton sommeil de marbre obscur,
Des mers, des temples, des montagnes,
Des géants aux fronts multiples ;
Et la nuit qui parcourt ses cercles inlassables,
Jambes ailées, bras éclatés,
A pourchasser des sphères indistinctes...
Souriante au milieu des fleurs,
Je suis posée en cœur de lotus,
Trop petite pour être aimée,
Trop frêle pour être aperçue,
Pétale fermement accroché à sa tige
Pour demeurer en toi…
Et j’entends sans relâche ton cœur comme un tambour,
Ta vie qui bat puissante,
Et ton souffle grandit,
Gonfle les siècles à venir,
Bénit les longues hyménées blanches !
Vois-le, ce ridicule petit monstre rampant
Qu’un seul souffle de tes lèvres
Aurait pu ranimer !
Le serpent de l’Apocalypse,
C’est lui, ce mutilé du cœur,
Ce mutilé sans membres, sans pattes,
Sans voix,
Cet enfant avorté !
Et la bouche de l’esclave que l’on traîne à genoux
Par le lourd coller de fer
Sur les pavés mouillés
Hurle à la mort, hurle sans fin :
« La mort est en moi !
Qui comblera le gouffre où fut ravi mon cœur,
Qui me rendra le souffle
De cette vie battante au grand espace !
Autrefois j’ai rêvé de mondes infinis,
Où l’ombre était égale au soleil, où dormir
Était le plus haut vol …
Jamais on ne m’apprit que je serais vaincu ! »
Mais vous,
Jardins-vapeurs de la montagne bleue,
Temples-clameurs de vagues et d’étoffes,
Si de nouveau s’ouvraient vos ombres bienfaisantes,
Nous aurions peut-être une chance
De ne pas mourir tout à fait !…
Et si renaissait l’Océan,
Toi, mon bateau gracile,
Plus léger qu’une fleur de mai,
Tu te nommerais Tempête,
Tu te nommerais Beauté,
Tu te nommerais Je Veux,
Tu te nommerais JE T’AIME…
1977