• Khalil Gibran : l'Amour

         
           Aujourd'hui, c'est Khalil Gibran que je citerai, car le moment est venu pour moi de lire enfin le Prophète, que je gardais dans ma bibliothèque depuis de si longues années.
     

     

    Un Cormoran sur la statue de Sainte-Geneviève-Paris

     

     

         Et je citerai d'abord son premier propos ; celui qui concerne l'Amour.

     

    Alors al-Mitra dit : Parle-nous de l'Amour.

    Il leva la tête et regarda la foule sur laquelle un grand silence s'était abattu. D'une voix assurée, il dit :
    Quand l'amour vous fait signe, suivez le,
    Bien que ses chemins soient raides et ardus.
    Et quand  il vous enveloppe de ses ailes, cédez-lui,
    Même si l'épée cachée dans ses pennes vous blesse.
    Et quand il vous parle, croyez en lui,
    Même si sa voix brise vos rêves comme le vent du nord dévastant un jardin.

    Car si l'amour vous couronne, il vous crucifie aussi. Et s'il est pour votre croissance, il est aussi pour votre élagage.
    De même qu'il s'élève à votre hauteur pour caresser vos plus tendres branches frémissant dans le soleil,
    Il descend jusqu'à vos racines et les secoue de leur adhérence à la terre.
    Telles des gerbes de blé, il vous ramasse et vous serre contre lui.
    Il vous vanne pour vous dénuder.
    Il vous tamise pour vous libérer de votre enveloppe.
    Il vous pile jusqu'à la blancheur.
    Il vous pétrit jusqu'à vous rendre malléables ;
    Puis il vous assigne à son feu sacré, afin que vous deveniez pain sacré au festin sacré de Dieu.
    Tout cela, l'amour vous le fait subir afin que vous connaissiez les secrets de votre cœur et, au travers de cette connaissance, deveniez fragment du cœur de la Vie.

    Mais si, pusillanimes, vous ne recherchiez que la paix de l'amour et sa volupté,
    Mieux vaudrait pour vous couvrir votre nudité et sortir de l'aire de l'amour,
    Pour pénétrer dans le monde sans saisons en lequel vous rirez, mais pas de tout votre rire, et pleurerez, mais pas de toutes vos larmes.

    L'amour ne donne que de lui-même et ne prend que de lui-même.
    L'amour ne possède pas et ne saurait être possédé.
    Car l'amour suffit à l'amour.

    Lorsque vous aimez, vous ne devriez pas dire : « Dieu est dans mon cœur », mais plutôt : « Je suis dans le cœur de Dieu ».
    Et ne croyez pas qu'il vous appartienne de diriger le cours de l'amour car c'est l'amour, s'il vous en juge dignes, qui dirigera le vôtre.

    L'amour n'a d'autre désir que de s'accomplir.
    Mais si vous aimez et ne pouvez échapper aux désirs, qu'ils soient ceux-ci :
    Vous dissoudre et être comme l'eau vive d'un ruisseau chantant sa mélopée à la nuit,
    Connaître la douleur d'une tendresse excessive,
    Recevoir la blessure de votre conception de l'amour, 
    Perdre votre sang volontiers et avec joie,
    Vous réveiller aux aurores, le cœur ailé, et rendre grâce pour une nouvelle journée d'amour, 
    Vous reposer à l'heure du méridien et méditer l'extase de l'amour,
    Revenir à votre foyer le soir avec gratitude, 
    Puis vous endormir avec au cœur une prière pour l'être aimé et sur vos lèvres un chant de louange.

     

    Gallimard, Traduction d'Anne Wade Minkowski

      Parsifal-Syberberg-Scène du Graal

     


    Parsifal, scène du Graal, extrait

     

     

    « L'intelligenceParsifal et le mirage de l'ego »

  • Commentaires

    1
    thierry
    Lundi 21 Septembre 2015 à 19:48

    1/ L’amour, toujours l’amour, encore l’amour     

    « All you need is love » c’est un beau refrain qui donne un certain sens à la vie, c’est du moins ce refrain là que je chantais cet après midi là pour me donner du cœur  à l’ouvrage, me convaincre de croire en quelque chose qui me raccroche à un espoir même lointain.

    Les phases post rupture sont souvent le moment de faire le point et d’essayer d’y voir clair dans une période triste et qui remet beaucoup de choses en question.

    Il n’était pas simple de continuer d’avancer depuis que hier au soir j’avais compris que tout était fini et que la rupture était consommée, par trop de facilité, de paresse, de mollesse sans doute.

    Dans ces instants là le doute est plus fort, une pointe d’angoisse sur un avenir incertain, moins assuré du moins, mais y a-t-il une assurance contre l’amour, ce sentiment fort et exigeant qui s’empare de vous et parfois vous consume.

    Alors on ressasse, on passe en revue des souvenirs, un courant de nostalgie sur ce qui a été et ne sera plus et il faut se dire que ce n’est pas en allant voir le marabout du coin que le retour d’affection sera rendu possible.                                                                                                   

    Bref, tourner la page, mettre une sourdine et essayer d’endormir un tant soit peu ces souvenirs qui vous titillent, ces occasions ratées, ces rencontres manquées, pour imaginer à défaut d’un avenir radieux, une lumière au bout d’un tunnel qui ne fait que commencer.

    Pourtant ce n’était pas la première fois que je vivais ces sensations de dérobement, de vide et finalement le vertige de la solitude, comme si je ne pouvais concevoir une minute d’être seul ou du moins de faire une pause dans mon existence pour  mettre tout à plat.

    A plat je l’étais assurément un peu, mais les amis ne manquaient pas qui d’une parole ou d’un sourire passeraient ce baume magique qui n’efface pas tout mais accélère la cicatrisation.

    Mais enfin quel est le sens de ma vie me disais-je, rencontrer indéfiniment de nouvelles conquêtes d’un soir, d’une semaine ou d’une courte durée, ou bien construire, investir et du même coup accepter les contraintes et contingences inhérentes à une relation suivie ?

    Bon je vous l’accorde ça faisait un peu existentialiste sur le retour et en plus, en terme de perspective, ça ouvrait grand le champ du questionnement mais les réponses tardaient à arriver.

    Inconstance de l’amour, inconsistance du lien, fugacité des sentiments ; dans la tornade médiatique du quarantième anniversaire presque rugissant de Mai 68, il y avait un synchronisme pas affligeant, juste un clin d’œil.

    Clairement, était- il temps de se caser ou de continuer l’exploration des champs de la connaissance humaine ceux qui recèlent tant de surprises et de découvertes et vous ouvrent au monde ? Défilé de corps, catalogue d’émotions, odeurs, senteurs charnelles, décidément je n’étais que pulsions, émotions, tourbillons et pourtant à ma montre il y avait un sacré retard.

    La tendresse, sentiment familier chez moi qui avait beaucoup d’amies féminines, ne pouvait se substituer à ce désir pas uniquement animal mais qui parfois me faisait monter des bouffées hormonales. Entre Adret et Ubac l’adrénaline me permettait de ne pas verser dans un fossé de désespérance, dans une vallée de larme, de trouver de la ressource pour me projeter.

    L’étreinte des corps, une libido encombrante comme compagne de vie ; voilà bien une partie du problème, harmoniser les aspirations et laisser une respiration à une existence qui ne peut être entièrement tournée vers le plaisir et la jouissance, physique du moins.

    Décidément la remise en question allait loin déjà et je me demandais bien où allaient m’entraîner mes pensées divagantes entre fiction et affliction, bien près hélas de la déréliction ?

    L’homme est il est un loup pour l’homme, un chasseur, un collectionneur, ou peut il décemment n’être autrement que polygame dans la durée ? Et la fidélité et la beauté d’un sentiment durable, qu’est ce que vous en faites !

    Je commençais à fatiguer avec ces tenaillantes et répétitives incursions dans un univers pas feutré du tout et qui à vrai dire me heurtait par certains côté.

    Le poids de l’éducation, les exemples et situations vécues, la pseudo normalité, tout m’incitait à croire que non, il n’était pas possible d’être autre chose que ce voyageur errant, à la recherche de bras accueillants pour une étreinte furtive et  sans lendemain.

    Ah les mythes de l’enfance sont tenaces, la croyance dans le grand amour idéal vous suit comme votre ombre tandis que dans la lumière se découpent des silhouettes autrement plus tranchantes.

    J’avais beau m’avouer, dans une mise en perspective qui ressemblait de plus en plus à une mise en abîme, que le célibat était pesant et triste, que les soirées entre copains tournaient trop à la démonstration de testostérone entre virilité et machisme, bravades et fierté, ma part de féminin comme une intuition me disait pourtant que la terra incognita, la terre promise, se méritait et, dans le même temps, s’éloignait encore plus.

    A trop guigner un paradis impossible on ne risque que la désillusion, la frustration mais repousser ses exigences et s’adapter au contexte n’exclue assurément pas une part de réalisme.

    Ainsi allait le fil de mes pensées ; sur la corde raide, entre inconfort et recherche de vérité, de sincérité, alors que la situation dont j’avais hérité était sinon banale du moins courante.

    Des souvenirs d’enfance affleuraient aussi dans ce lien charnel qui nous unit à la mère, entre protection, tranquillité et calme, procurés par une présence et des attentions, des soins et des sourires.

    Mais affronter l’âge adulte et ses périls, des fausses pistes où l’on se fourvoie si facilement, ces attentes non formulées qui font qu’on hésite et qu’on oscille entre plusieurs pôles d’attraction et de stabilité, ça s’était une aventure à nulle autre pareille.

    Grandir aussi et se déprendre de ce zeste de puérilité qui colle à la peau, assumer sa destinée d’homme libre de ses choix, qui se détermine plus concrètement sur la base de la connaissance du pourquoi de ses envies.

    Je sentais bien qu’on allait me resservir la pyramide de Maslow pour théoriser mes besoins vitaux et fondamentaux, hiérarchiser ceux-ci et me montrer comment atteindre le bonheur, pourtant à vouloir trop vite en gravir les degrés je ne risquais qu’une glissade folle.

    Mais cette joie de vivre, cette capacité à être pleinement soi-même tout en pouvant accorder plus que de l’attention à une autre personne sans en être obnubilé pour autant, voilà ce à quoi j’aspirais sincèrement.

    Ne pas changer, ne pas me forcer dans ma nature profonde et véridique, ontologique, et juste accepter le partage des instants dans leur magie, leur beauté et leur plaisir.

    Tout cela était vite dit mais une fois de plus je venais d’essuyer un refus devant l’obstacle enfin un échec pour être plus précis, et sans m’être pris les pieds dans les chandeliers ni mouillé dans la rivière je n’en finissais pas de refaire ce parcours du combattant.

    Ce n’était pas l’heure de culpabiliser et de retourner trop dans sa tête les raisons, objectives ou pas, de la présente situation.

    Il fallait résolument repartir à la recherche de quelqu’un ; oh pas n’importe qui, qui puisse combler mes attentes mais surtout à qui je puisse apporter un maximum de ce qu’elle serait en droit d’espérer.

    Espérance, attente, comment conjuguer cela avec détente et sérénité plutôt que de se tendre vers un but imprécis, une cible floue, une destination inconnue ?

    Et d’ailleurs cette attente était elle une bonne chose, qui stérilise parfois et empêche les prises d’initiative ?

    Décidément je bouclais toujours sur des questions et si je continuais comme cela je n’allais pas m’en sortir, et le refrain qui continue en arrière plan de ces pensées batailleuses et sourcilleuses.

    Notre vie n’est donc que cela, cet entrelacs, cet entre - deux  qui nous fait rebondir d’une histoire à l’autre, entre enthousiasme et dépression, entre passion et miasmes.

    Non je ne crois pas en fait, mais le sens de la quête ne nous apparaît pas dans son évidente simplicité qui est de nous frotter, de nous confronter, de nous révéler à nous même quelques vérités cachées qui sans cela ne pourraient nous frapper.

    Les expériences d’hier et les échecs qui vont avec sont les réussites de demain et la conscience plus éclairée des conditions de l’harmonie, de l’espoir et de la confiance en soi.

    On ne peut que devenir ce que l’on est selon les mots même de Nietzsche, ce moi le plus intime, le plus secret qui entre patine et vernis donnera à voir le pur galet, qui va rouler et s’entrechoquer pour faire surgir le noyau dense moins balloté et apprêté.

    Enfin un peu de quiétude venait et c’était bien et c’était bon, c’était surtout nécessaire pour retrouver assez d’assise pour relancer la mise dans un jeu où les atouts ne manquaient pas mais où les occasions manquées ne repassent pas non plus sans oublier de remiser quelques sentiments vieillis et sans utilité.

    Je doutais plus que je ne redoutais, je fredonnais plus que je ne frissonnais, mais dans cette ombre sans sombrer je me maintenais à flot entre deux eaux, entre deux idées, entre deux femmes, dans la physique de l’attraction, dans l’architecture de la symétrie, dans l’encombrement des sentiments.

    Ma décision était prise, plutôt que de faire grise mine il fallait sourire à la vie et hardiment continuer sans craintes et sans plus retarder le moment d’affronter quelques vérités anciennes.

    A la rencontre de soi même, dans la mise en perspective de sa vie, il fallait consacrer cet ouvrage, le couronner, le nimber, l’auréoler de tout le don de soit même et surtout transmettre.

    Pas que des gènes, des valeurs mais pas faciales, s’éloigner du matériel pour renaître à la lumière du cœur, dans un échange vrai et profond dont la raison, la motivation explicite ne pouvait être que la perpétuation de l’espèce et du nom, du sang et de l’histoire, dans une transcendance qui reléguerai bien loin les vieux souvenirs ou seul l’abolissement du temps comptait dans d’éperdues étreintes.

    Je crois bien que j’avais enfin non pas fait le tour de la question mais fait le point et choisit un cap contre vents et marées et maintenant affermissant la barre dans ma main j’allais le suivre vers ma destinée, la terre promise et l’idée d’un enfant comme salvateur et rédempteur de tous mes errements.

    Je savais que l’amour avait plus d’un fondement, mais j’avais trouvé ce point d’ancrage cardinal qui me ferait résister aux vents mauvais et tendre le regard vers l’horizon, par delà les mirages.

    Je n’avais besoin que d’amour, un manque à combler, j’allais m’y atteler…

    2
    Lundi 21 Septembre 2015 à 20:02

    La meilleurs douceur de l'être humain c'est qu'il sache s'aimer 

    Ce sentiment ne doit pas être sectaire mais ouvert sur la liberté et non sur la souffrance 

    Toute âme saine peut partager de l'amour 

    Pour vivre un amour il faut une harmonie mutuelle , un échange équitable 

    Et pour finir le fond de ma pensée si toutes les religions du monde avaient le même langage sur le respect et l'amour de son prochain, le monde ne serait plus en folie , je suis athée et je suis dans l'espoir ..........d'une vie paisible pour tous car on a le droit de se tromper mais pas d'obéir à des stupidités 

    Bonne soirée

    Bise et @ bientôt  

    3
    Lundi 21 Septembre 2015 à 21:10

    Oui, Thierry, l'amour est une école toujours recommencée, c'est un fil conducteur dans la vie pour nous élever, et savoir comme tu le fais tirer les leçons d'une expérience ratée est le signe de notre humanité, prête à toutes les remises en question pour que s'épanouisse en elle cette fleur magnifique qu'est l'Amour.

    Tu as raison, Rose !

    4
    thierry
    Lundi 21 Septembre 2015 à 21:21

    Aloysia c'était une fiction, peut être un peu auto fiction, mais c'était prévu dans la catégorie nouvelle et là ça faisait un peu trop soliloque, je me regarde le nombril.

    Après, l'amour j'y crois mais je ne l'ai connu que très rarement .

     

    et je souscris complétement à ce qu'à dit Rose; où est l'esprit d’Assise sur le dialogue inter religieux ? et je ne parle pas là d’œcuménisme!

    5
    Lundi 21 Septembre 2015 à 21:29

    Tiens, comme te voilà sérieux soudain mon Thierry ! En attendant j'ai bien compris que tu nous avais fait un super article à ton tour. C'est bien ; ainsi on joue au ping pong. Un coup moi, un coup toi. Et pardonne l'emphase de ma réponse...

    6
    Mardi 22 Septembre 2015 à 21:06

    merci pour ce texte fort. Pour le baptème de notre fille, nous avions lu un texte du Prophète. Il serait peut être temps que je le relise. Bises

    7
    Mercredi 23 Septembre 2015 à 16:53
    Daniel

    Un beau texte. J'aime son langage imagé et poétique.

    • Nom / Pseudo :

      E-mail (facultatif) :

      Site Web (facultatif) :

      Commentaire :


    8
    Mercredi 23 Septembre 2015 à 17:12

    Oui, le Prophète est un texte merveilleux, à la fois pour sa beauté formelle et pour la beauté de son message.

    9
    Jeudi 24 Septembre 2015 à 14:49

    Bonjour Aloysia, 

    Si chaque personne dans son coin envoyait une pensée d'amour vers les autres, le monde deviendrait plus humain. On peut rêver d'un AMOUR UNIVERSEL !

    Bises

    10
    Jeudi 24 Septembre 2015 à 15:16

    Mais c'est ce qui se passe je pense chez beaucoup de gens maintenant, Danaé.

    Seulement le monde est ainsi fait que tout existe, l'amour comme la haine et tout doit s'exprimer et se libérer de la même manière.

    En tous cas, toi tu es une adorable manifestation de l'amour divin et à ce titre je te remercie et t'envoie mille bisous !

    11
    Mardi 20 Octobre 2015 à 14:34

    "   ...nous avons pour seul monde celui que nous faisons émerger avec d'autres, et que seul l'amour nous y aide." Dans L'Arbre de :a connaissance de Maturana et Varela. Amitiés.



    Ajouter un commentaire

    Nom / Pseudo :

    E-mail (facultatif) :

    Site Web (facultatif) :

    Commentaire :