• Joyau

          
          Vous connaissez tous l'histoire de cet homme qui était parti à travers le monde à la recherche d'un trésor et qui à la fin de sa vie, après avoir parcouru en vain tous les continents, le découvrit dans sa maison, caché juste sous son lit !

           C'est ainsi que cela se passe pour chacun d'entre nous lorsqu'il se met véritablement en quête de lui-même. Après avoir cherché partout, et avoir vu que partout il n'y a rien, il s'aperçoit qu'il n'avait jamais correctement vu ce qu'il avait depuis toujours sous les yeux : le Joyau de son existence, enfoui sous des tonnes de crasse et d'indifférence.

     

             Je viens d'ouvrir un tout petit livre ; un petit fascicule tout fin (et rouge !) que l'on m'avait fait acheter lorsque j'étais toute jeune, à Paris, et que j'ai commencé le yoga : 

      « Bhagavad Guîtâ, "le Chant du Seigneur", traduit du sanscrit par Swami Ritajananda de l'ordre de Râmakrichna », édité par le Centre Védantique Ramakrichna en 1976 à Gretz en Seine et Marne.

    Bhagavad-Guîtâ

     
          J'étais à l'époque pleine de bonne volonté, mais tout de même l'hindouisme m'était un monde totalement étranger ; de plus la mauvaise impression que nous causaient les adeptes de Krichna qui défilaient dans les rues en robes orangées en dansant au son de clochettes me rendait cette lecture un peu suspecte.

           Après quelques efforts, je conclus vite que ce n'était qu'un texte épique du même genre que l'Iliade ou l'Odyssée et j'arrêtai cette lecture où je ne comprenais strictement rien.

              Cependant j'ai conservé le fascicule, en souvenir de mes quelques stages au centre Sivananda de yoga védanta, trop vite abandonnés puisque je partais élever une famille à 200 km de là. Je l'ai conservé parce que ces stages m'avaient marquée (surtout par l'expérience de la méditation) mais avec une forme d'aversion cependant, le mot "Krichna" m'évoquant toujours les tumultes d'une secte infantilisant les gens, et le texte me paraissant rébarbatif et sans intérêt (une sorte de catéchisme pour une culture lointaine et d'un autre âge...).

           
                C'est presque 40 ans après que le ressors... Et c'est comme un diamant qui serait tombé sous des ronces !! Après m'être bien égratignée et déchirée dans ces ronces, parce qu'un appel profond m'y renvoyait, que vois-je apparaître ? Il m'attendait là, bien patiemment, bien tranquillement, ce lumineux Joyau... Mais bien sûr il ne pouvait s'adresser qu'à des lecteurs avertis : que de préparation il m'a fallu pour en être digne ! Autrefois, je ne pouvais accepter qu'un "Krichna" puisse s'exprimer comme Jésus - et même aller plus loin. Aujourd'hui je sais que "Krichna", "Jésus", ne sont que des noms, des prétextes pour nous instruire, mais que ce qu'ils pointent est strictement identique.

           De plus, j'aime beaucoup le fait que cette édition ait été écrite spécialement pour des français, avec une translation du sanscrit dans la prononciation française, alors qu'aujourd'hui nous baignons systématiquement dans une anglicisation de tout ce qui est d'origine indienne et que l'étude du védanta passe presque obligatoirement par la nécessité de parler anglais.

           En voici un extrait particulièrement éloquent :

    « Bien que je sois non-né, de nature impérissable et le Seigneur de tous les êtres, enchaînant Ma propre nature Je Me manifeste par Ma puissance divine, Mâyâ.

    Chaque fois qu'il y a déclin du dharma et que le vice grandit, alors Je Me Manifeste, Moi.

    Pour la protection des bons et la destruction des méchants, pour l'établissement du dharma, Je viens dans le monde de siècle en siècle.

    Celui qui connaît Ma naissance divine et Mon action divine dans leur vraie lumière, celui-là, quand il quitte son corps, ne renaît plus. Il vient à Moi, ô Ardjouna !

    Libérés de toute passion, de la peur et de la colère, en entière dépendance de Moi, purifiés par l'austérité de la sagesse, nombreux sont ceux qui sont parvenus à Moi.

    O Partha, quelle que soit la forme sous laquelle on M'adore, Je l'accepte. C'est Ma voie que les hommes suivent de partout. »

    Bhagavad Guîtâ, 4e chapitre, 6 à 11

           Bien sûr pour comprendre il faut tout lire ; voir que "Partha" est comme bien d'autres qualificatifs un des multiples noms donnés à Ardjouna, le guerrier qui demande à être initié ; et voir de même que le "Seigneur Suprême" qui lui répond porte de multiples noms dont "Krichna" n'est qu'un exemple parmi d'autres, et se désigne également de multiples manières, ici par "Moi", plus loin par "Lui", tout comme Jésus parle parfois de "son Père", avec qui cependant Il est "Un".

    « Ayant leur pensée fixée en Lui, leur Moi établi en Lui, dédiés uniquement à Lui, ayant Lui seul comme but, ceux-là ont leurs péchés détruits par la Sagesse. Ils vont à la Demeure éternelle et ne reviennent plus. »

    Bhagavad Guîtâ, 5e chapitre, 17 

          Il faut comprendre aussi que ce que l'on appelle "péché", comme d'ailleurs on devrait le reconnaître aussi dans le christianisme, c'est uniquement l'intérêt ou l'attachement porté aux choses du monde - et non je ne sais quelle mauvaise action. En lisant de près on verra qu'aucun jugement de valeur ne se porte sur les actions des hommes, de sorte que l'expression "les bons" et "les méchants", relevée plus haut, désigne uniquement (comme dans l'Ancien Testament) ceux qui sont tournés vers Dieu ou "le Suprême" (les hommes "de bonne volonté"), et ceux qui s'en détournent.

          De même ce que l'on appelle "dharma" est simplement le fait mettre le culte du Divin au premier plan dans sa vie ; et comme vous le voyez dans le dernier paragraphe cité du chapitre 4, toutes les religions sont considérées comme de même valeur, car toutes provenant de la même Source !

          Enfin, la "Mâyâ" est le support de la manifestation ; on traduit ce mot par "Illusion", mais il faut comprendre ici que c'est ce qui donne une apparence aux formes, qui permet l'apparition d'un monde alors qu'en fait il n'y a que le Divin. C'est la divine imagerie...

          Je m'étonnais aussi autrefois qu'il y ait autant de "yogas" que de chapitres, soit 18, ce qui me semblait d'une suprême complexité ! Mais je vois aujourd'hui que sous le terme de "Yoga" il faut comprendre "aspiration et don de soi au Divin" et que chaque chapitre ne fait que préciser les précédents, en reprenant les mêmes notions et en les approfondissant.

           Aussi, à quelque endroit que nous puisions, nous pouvons toujours avoir une vue générale du message délivré par ce petit Joyau.

     

    Arjuna et son cocher Krishna

     

    « Me dédiant toutes tes actions, le mental fixé sur le Soi, libre de l'attente, de l'égoïsme et de toute fièvre mentale, combats ! »

    Bhagavad Guîtâ, chap. 3, 30
    (dans la traduction trouvée ici, tirée de ce site)


        N'est-ce pas la plus belle manière de montrer comment plonger dans l'océan de l'existence et en relever les défis sans en être touché ?

           La merveilleuse image ci-dessus montre la pureté de l'aspirant qui, lancé dans le monde, est doté d'un véhicule solide tiré par de magnifiques coursiers blancs (son corps) ; et la présence permanente à ses côtés de son Guide et Protecteur divin.

         Cette pureté est aussi la nôtre. Le Guide et Protecteur, nous l'avons tous en nous.

     

            

    « Quelle est ma demeure ?La bataille de l'ego »

  • Commentaires

    1
    Dimanche 12 Novembre 2017 à 13:58

    Tu as retrouvé ce petit livre rouge 40 après !!! Tu l'avais conservé... Il attendait que tu le lises un jour...

    Un joyau pour toi... que tu étais prête à recevoir...

    Je te remercie pour tous tes commentaires qui me font très plaisir.

    Bisous du dimanche Aloysia

      • Dimanche 12 Novembre 2017 à 14:19

        Bon dimanche, Kimcat !

    2
    Dimanche 12 Novembre 2017 à 19:24

    Tout à fait d'accord avec toi sur le fait que nous allons souvent chercher bien loin ce qui est dans notre temple intérieur.

    3
    Dimanche 12 Novembre 2017 à 21:11
    durgalola

    je te remercie pour ce texte qui exprime bien ton expérience. Comme toi j'ai lu la bhagavad vita, il y a longtemps et je n'avais pas accroché. Pour la bible, certains textes aussi d'ailleurs. 

    Je te remercie pour ce texte qui exprime aussi ma recherche yes

    Bises 

      • Dimanche 12 Novembre 2017 à 22:34

        Et merci à toi, Durgalola, de m'être si proche.

    4
    Lundi 13 Novembre 2017 à 14:41

    Tout est en nous mais c'est quand on a voyagé (dans son univers) que l'on s'est heurté aux difficultés du chemin que l'on capable de découvrir que tout est là. N'est-ce pas aussi un chemin indispensable pour nous qui sommes imparfaits.

    Bel après-midi Aloysia

      • Lundi 13 Novembre 2017 à 17:31

        C'est tout à fait cela Océanique. Le chemin était nécessaire même s'il ramène au point de départ.

    5
    Mardi 14 Novembre 2017 à 08:05

    J'ai également lu dans le passé une partie de ces textes, mais j'avoue que le vocabulaire m'a rebuté. Je n'avais pas les connaissances nécessaires. Je ne les ai toujours pas aujourd'hui, mais grâce à ce que tu écris, je constate une convergence avec mon propre cheminement. L'image est très belle et évocatrice.

    Amitiés

    Alain

      • Mardi 14 Novembre 2017 à 09:44

        Oui, dans les années 80 nous n'étions pas préparés, et il  y avait des termes sanskrits dont nous ne saisissions pas bien le sens (comme Atman, Brahman...) Aujourd'hui beaucoup de commentateurs ont aidé à éclairer ces enseignements et je pense que certaines traductions sont meilleures. De toutes façons cette lecture ne pouvait pas précéder une bonne connaissance de l'advaïta vedanta.

    6
    Mardi 14 Novembre 2017 à 11:41
    Daniel

    Tout est en nous puisque nous sommes Dieu ! Rien n'est séparé, tout est connecté .

      • Mardi 14 Novembre 2017 à 15:27

        Joli !  wink2

    7
    danae
    Mardi 14 Novembre 2017 à 15:27

    Coucou chère Aloysia, ton petit livre rouge (pas celui de Mao !) nous rappelle que tout est en nous alors ne cherchons pas ailleurs ! bises

      • Mardi 14 Novembre 2017 à 15:44

        Bisous, chère habitante de mon coeur.

    8
    gazou
    Jeudi 16 Novembre 2017 à 11:26

    Il ne faut jamais désespérer...Ce que nous ne comprenons pas aujourd'hui, nous le comprendrons peut-être demain...

    Bonne journée Aloysia b!

      • Jeudi 16 Novembre 2017 à 17:31

        En effet... Mais c'est encore mieux quand on n'a jamais désespéré et que l'inespéré se produit !! Bises, Gazou.

    9
    Vendredi 17 Novembre 2017 à 11:50

    Il m'a plu de parler du peuple Hunga, surtout pour sa qualité de vie...

    Quant à leur espérance de vie, c'est encore autre chose.

    Vivre mieux et plus longtemps, cela peut être intéressant...

    Bisous Aloysia et bonne fin de semaine.

    10
    Dimanche 19 Novembre 2017 à 00:40

    Retrouver ce livre, c'est comme revenir au point de départ de la quête qui t'a animée. Il faut du temps pour que certaines  compréhensions soient approchées, les blocages intimement  levés, quand on mène une vie bien ancrée dans son époque, avec travail, vie de famille... la connaissance du Soi se fait petit à petit, on ne peut rien forcer, et parfois cela se produit en nous dévastant, apparemment.

    Ce signe du destin, à ce moment de ta vie est fort. J'imagine ta joie !

      • Dimanche 19 Novembre 2017 à 11:05

        Tu parles juste, Carmen. Cela attendait que je sois prête. smile

    11
    Lundi 20 Novembre 2017 à 20:42
    Durgalola
    Je suis contente que tu ais reconnu Georges Sand (j'ai utilisé un de ses prenoms et son nom de jeune fille). Pour ce poeme il est partiel. Bises. Je répondrai demain à ton article. Bises


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