• Bruit

     

             Allons, j'ai parlé pour ne rien dire l'autre jour (voir ici) : un blog est par définition une sorte de journal, un éphéméride, donc tout ce que l'on y consigne est destiné à disparaître et il est normal qu'à peine publiés les articles semblent déjà désuets...

          C'est du moins ce que je voulais suggérer en parlant d'odeur "fétide" : je sous-entendais une décomposition quasi immédiate. Mais je ne suis pas raisonnable avec mon blog de 12 ans d'âge ! Si encore c'était un whisky, on pourrait s'y intéresser... 

            Bref ! Aujourd'hui je voulais vous raconter une petite histoire vécue, une promenade avec ma chienne comme j'en fais chaque jour.

     

    Scully

     

     

          Et à chaque fois cette promenade m'est un merveilleux moment de ressourcement, de méditation. C'est ainsi, pourrait-on dire, que Scully m'enseigne... 

            Hier nous avons marché dans un secteur de jardinets étonnamment remplis de chiens, sans doute en vacances ou en pension chez des parents ou amis car habituellement il n'y en a pas tant et ça ne cessait d'aboyer, de japper, de grogner, de gronder, de courir, de sauter... ! Tandis que ma coquine s'obstinait à longer tout de même les murs et à braver ses agresseurs, je l'ai tirée à grande force vers un champ en friches pour m'éloigner au plus vite de tout ce tapage, gagnant une campagne plus paisible et accueillante.

                C'est alors qu'il me revint une phrase en tête.

             Une phrase que vous connaissez sans doute, car il s'agit d'un célèbre Koan du bouddhisme zen, une de ces phrases dont l'effet sur le méditant qui la considère avec attention est aussi puissant que celui d'un mantra....

    « Quel est le bruit d'une seule main qui applaudit ? »


        Au premier abord, cette phrase déconcerte : on ne peut pas applaudir d'une seule main. Après réflexion, l'on se dit qu'il est donc question de silence. Puis on se demande pourquoi l'on a retiré une main, et s'il est important d'enlever cette dualité qui nous constitue...

            Mais toutes ces pensées ne sont que des réflexions, et n'ont rien à voir avec l'expérience, l'expérience que j'étais en train de vivre.

             Brusquement j'avais l'image d'un tambour, avec la peau qui le recouvre et sur laquelle on frappe pour obtenir un bruit. Nos oreilles sont ainsi constituées : ce que l'on appelle "le tympan" est cette membrane, qui fait que nos oreilles réceptionnent et restituent des sons. 

               Pour qu'un son soit perçu, me disais-je, il faut qu'il cogne contre quelque chose. Il faut qu'il rencontre une résistance. Si donc je perçois, c'est que les choses ricochent contre moi comme sur un mur. Ma rétine stoppe l'image et la renvoie à mon cerveau ; mes tympans stoppent le son et le renvoient à mon cerveau ; ma peau stoppe la sensation de l'air et la renvoie à mon cerveau, etc... Et cela est vrai, non seulement pour toutes nos perceptions et sensations, mais aussi pour toutes les pensées et émotions : une pensée passe, elle cogne contre le sentiment d'être "moi" et est renvoyée comme une pensée personnelle ; une émotion passe, et hop ! elle est bloquée et identifiée de la même façon.

           Mais je m'éloigne ; restons-en à la perception, c'est bien suffisant pour le moment.

           Soudain, je me suis vue comme un mur. Un bloc de béton qui arrête tout. La main qui applaudit a besoin de frapper sur quelque chose pour produire un son ; de même je crée moi-même mes perceptions et sensations en bloquant le passage de la vie qui, si elle était seule, passerait librement comme le vent !

           S'il n'y avait pas de rétine, pas de tympan, pas de peau, toutes ces vibrations ne seraient qu'un vaste élan qui court librement, telle cette main qui ne s'arrête sur rien !

           Marcher, promener son chien sans rien ressentir...

           Non seulement c'est un exercice fascinant, mais en plus c'est ce dont rêvent toutes les personnes qui souffrent dans leur corps. J'ai entendu parler de telles expériences vécues par des personnes atteintes de grandes douleurs ; qu'elles soient aidées par de puissants anesthésiques ou qu'elles y parviennent seules, tôt ou tard elles arrivent à cette découverte : obligées de fuir la sensation insupportable elles basculent dans une sensation de liberté, d'expansion incroyable.

           Dans toute situation de tension, d'inconfort, la clé consiste à comprendre notre résistance, à comprendre que nous sommes le mur qui empêche le vent de passer, et que si on enlève le mur, il n'y a plus aucun souci, plus aucun problème pour la Vie qui s'écoule librement.

           Et c'est quoi "le mur" ? Pas notre corps, le pauvre... il fait partie de l'ensemble, il vibre avec le reste, il n'y est pour rien. Non, le mur c'est notre mental, c'est ce mécanisme qui nous fait arrêter une vibration pour l'interpréter comme un son, comme une image, comme une sensation tactile ou interne ; d'ailleurs sous anesthésie totale c'est bien le mental qui est stoppé, le corps lui reste vivant.

          Et ce mental qui stoppe, c'est aussi ce qu'on appelle "ego"...

           

     

     

    « AvadhûtaChristiane Singer »

  • Commentaires

    1
    Dimanche 30 Juillet 2017 à 20:32

    Chaque soir j'entends un chien aboyer et j'avoue que parfois cela m'agace fortement 

    Comment son , sa propriétaire peut être aussi indélicat(e) , car ce n'est pas une fois en passant c'est chaque soir 

    Si seulement elle ne se murait pas derrière son manque de savoir vivre qui chez elle est pire qu'une forteresse 

    Quand on est incapable d'éduquer un animal , et bien on en prend pas 

    J'ai lu sur le net une citation écrite par un internaute belge je crois

    Ne fais de ton égo un démon à encloîtrer , mais un compagnon à apprivoiser 

    Je te souhaite une bonne semaine à venir wink2

     

     

     

     

      • Dimanche 30 Juillet 2017 à 23:57

        Tu as tout à fait raison ; d'autant plus que son animal est peut-être malheureux : souvent les chiens aboient quand on les laisse seuls.

        Comme tu le vois l'ego dont je parle n'est pas  cloîtré puisqu'il est question de l'ouvrir à l'univers entier !

    2
    Dimanche 30 Juillet 2017 à 21:12
    durgalola

    Scully est bien sympathique. Ma chienne, si elle entend aboyer, commence sa ritournelle... et rien ne fait pour l'arrêter (ni caresse, ni ordre impérieux, ni petite tape). Le matin je la promène et cette demi heure est un bonheur pour toutes les deux. 

    Je connaissais ce koan. Si l'on a une seule main, on ne peut pas applaudir. Et si elle s'essaie à applaudir, c'est le vent qu'elle rencontre. Cela devient une gifle. Alors pour applaudir, faut deux mains ; être seul n'est pas notre destinée.

    Ce koan m'interpelle toujours.

    Et j'espère que l'ordinateur se laisse dompter. J'ai du changer celui-ci car il avait mal démarré. Heureusement, il a été échangé.

    Bises et bonne soirée

      • Dimanche 30 Juillet 2017 à 23:55

        Chacun voit ce qu'il doit voir, ou ce qu'il veut voir... 

        Oui, ma chienne est mignonne ; quant à l'ordi il va petit à petit se laisser dompter...

    3
    Dimanche 30 Juillet 2017 à 23:40

       Je ne sais si c'est ce dont tu parles mais j'arrive a dépasser mes douleurs seule ,en sortant de mon corps .J'ai appris apres mon EMI.

    Bise

      • Dimanche 30 Juillet 2017 à 23:54

        C'est bien ce dont je parlais...J'ai lu à ce sujet un texte magnifique de Christiane Singer que j'hésitais à publier.

    4
    Lundi 31 Juillet 2017 à 00:57

    J'aimerais que tu le publies!

     

      • Lundi 31 Juillet 2017 à 10:00

        Je le fais ce jour.

    5
    Lundi 31 Juillet 2017 à 11:40

    Très mignonne Scully, je sais combien tu as de bonheur dans vos promenades . Bises et courage pour l'ordi. Une seule main suffit pour cliquer !!! 

      • Lundi 31 Juillet 2017 à 13:46

        yes   ouah !!! Oui, Scully n'a pas non pus besoin de deux museaux pour aboyer !!

    6
    Mardi 1er Août 2017 à 17:42

    Mignonne ta Scully...

    Promener ton chien avec tous ces bruits environnants t'a donné un bon sujet de réflexion...

    Bises

      • Mardi 1er Août 2017 à 20:33

        Merci Béa... Mais hélas tout passe et rien ne permet de préciser cette profonde stabilité tant vantée par ceux qui l'atteignent.



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