• (Suite de cet article)


            Je pratique le Pardon depuis si longtemps, qu'il m'était difficile hier de trouver une personne avec laquelle recommencer la procédure... encore que cela n'est pas interdit. Mais je savais qu'à la dernière minute le travail à faire me serait soufflé.

             Lorsque j'ai eu trouvé l'endroit idéal où m'asseoir au cœur des bois, j'ai entendu cette injonction :

    - « Ma vie ».

      Une autre voix s'est élevée en moi, moqueuse :

    - Non mais ça ne va pas ? C'est complètement idiot !!

       Alors je me suis dit aussitôt :

    - Bon, j'ai compris : si ça rouspète à ce point, c'est que je dois le faire... 


     *

        Et de fait, j'avais bien des griefs contre "ma vie", et mes larmes ont coulé. Elle ne m'avait pas faite comme il fallait, elle ne m'avait jamais donné ce que je lui demandais ; elle m'avait jetée dans des situations que je n'avais pas su gérer, m'avait rendue totalement ridicule, avait constamment détruit mes espoirs... D'ailleurs n'avais-je pas écrit à l'âge de 30 ans un roman commençant par ce vers d'Aragon :

    Dites ces mots Ma Vie et retenez vos larmes ?

       Il était urgent de le lui pardonner et de comprendre quels étaient mes torts, à moi.

       D'abord on ne juge pas d'une œuvre d'art avant que Son Artiste ne l'ait achevée... Ensuite, je La sentais autour de moi, immense et frémissante, d'une Beauté dépassant toute possibilité d'expression... Elle me nourrissait, elle me caressait, elle m'éclairait... Comment lui en vouloir ? Je compris peu à peu que j'avais eu tort de chercher à la posséder comme un objet qui s'acquiert ; de la poursuivre en permanence alors qu'elle était imprévisible.

         Et c'est seulement dans la nuit que j'ai fini par comprendre qu'elle ne m'appartenait pas ! Que le simple possessif à lui seul marquait toute mon immense présomption ! Comment réclamer, quand seule s'impose la Gratitude ! La Vie ne m'a pas été donnée, ni même prêtée : elle m'a créée, elle m'inonde, je baigne en elle...

            Et voici que sur le matin j'ai rêvé d'une fillette qu'un éléphant attrapait avec sa trompe pour la placer, non pas sur son dos où il avait déjà des charges, mais dans sa bouche ; et tandis que tout le monde autour hurlait d'effroi, la fillette n'avait pas peur. Délicatement il la déposait sous sa langue et de sa langue il la couvrait comme d'un immense pagne rouge ; et c'était BEAU !! Et la fillette souriait de bonheur et demeurait ainsi promenée par l'éléphant comme une reine.

      

    L'Eléphant

     

           Ainsi étais-je portée par la Vie... disparaissant si elle fermait la bouche, mais quelle importance ? Son Souffle me traversait tout entière.

            Or c'est hier soir, avant tout cela que j'ai écrit ce poème, pour "ancrer" mon travail avant que l'heure de la Pleine Lune ne soit dépassée.

           Voici.

     

     
    La Vie

     

    La Vie est venue à moi,
    Comme une fée sautant, dansant
    Dans ses voiles...

    La Vie m’a inondée de couleurs chatoyantes,
    Dansantes et chantantes.

    Mais en rêve
    Elle a changé d’aspect.
    Parsemée de piquants, elle m’a déchirée,
    Et son regard de braise a dévasté mon cœur.

    Alors je l’ai cherchée de l’aube au crépuscule,
    Au labyrinthe obscur
    Où j’avais cru saisir un pan de sa tunique.

    Je l’ai cherchée sans trêve,
    Mais n’obtenais jamais qu’un rayon orphelin
    - Parfois vert, parfois bleu,
    Parfois rouge ou doré -
    De son bel Arc-en-Ciel …

    Et j’entendais son Rire se perdre dans la nuit.

    Où étais-je, pleurant au Palais des Mirages ?

    Environnée de sa dentelle vaporeuse,
    Noyée dans son parfum,
    Je m’éveillai enfin dans des cristaux de larmes.

    Et Elle me portait,
    Splendide et transparente,
    Irradiant le bonheur jusqu’à l’Infinitude !

    Elle était mon coussin, ma livrée, ma couronne,
    Lumineuse et limpide,
    Elle était mon support, mon souffle et ma Merveille… !

    Je n’étais faite que d’Elle ;
    Sans Elle je n’étais rien.

    Et je la sentais bruire et caresser mes sens,
    Vibrante et plus intense
    Qu’un Océan d’Amour.

      

    La Vie

     

     


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  • Lui


    Lui
    Une représentation du dieu Shiva

     

          Le dieu rit et de ses yeux mi-clos glissent des rayons d’amour. Sa bouche entrouverte exprime un ravissement sans fin, une béatitude émerveillée… 

          Nous sommes sa soupe. Flottant devant lui dans un grand mélange chaleureux et odorant, nous l’enivrons de bonheur. Il nous goûte et nous avale avec délices.

         Bientôt nous sommes en lui, nous faisons  partie de son être, de son corps. Nous nous diffusons partout en lui, nous dansons en lui, nous nous entrechoquons comme des cellules vivantes, comme des galaxies dans l’univers.

         Nous sommes digérés par son immense lumière et diffusés comme des électrons prodigieux à travers l’espace. Multicolores !! Nous sommes multicolores, une soupe formée de toute la diversité du monde et qui se pulvérise dans l’énorme puissance de son Être grandiose… !

            Il éclate, il se dissout ; il est « Tout » explosé de splendeur à l’infini.

     

     


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            Ce récit initiatique est en relation avec celui du "Petit Poisson d'Or".

          Tandis que le premier conte évoquait la traversée du domaine émotionnel, symbolisé par l'eau, celui-ci s'attache à la traversée du domaine de la pensée, symbolisé par l'air.

         Le "pays des rêves" est au bout, mais peut-être y a-t-il encore un autre élément à traverser (l'éther-feu).

     

    Le ravin

     

          J’étais assise au bord d’un profond précipice et regardais avec délices les paysages merveilleux qui ondoyaient sur la montagne d’en face.

          Depuis longtemps c’était ma place préférée et il me semblait même avoir une chance extraordinaire, de pouvoir distinguer tant de beautés inaccessibles.

          Parfois je changeais légèrement de place et me posais bien en sécurité sur un surplomb rocheux, pour mieux admirer ces forêts de rêve, ces palais resplendissants où pas une âme n’apparaissait. Pourtant j'y percevais des voies bien claires, des chemins… Je m’y promenais donc par la pensée, j’en humais le parfum par supposition. C’était mon cinéma à moi. Mon pays imaginaire. C’était comme si j’y étais, sans y être.

           Je ne me rendais pas toujours compte que je souffrais ; mais parfois cela me faisait mal, tout de même, de savoir que le versant opposé me demeurerait à jamais hors d’atteinte. J’étais ici, c’était déjà bien, mais comment serait-ce là-bas ? Il suffisait de ne pas l’envisager, tout simplement… Et cependant je priais dans mon cœur pour que quelque chose vînt changer la donne.

         Un soir je m’endormis. Et voici qu’à mon réveil un être était là devant moi, le visage rayonnant de joie et de douceur, suspendu dans le vide et me tendant la main.

          Ma main était déjà dans la sienne quand précipitamment je la retirai, saisie d’effroi.

          -  Je ne peux pas marcher dans le vide, fis-je remarquer d'une petite voix.

         -   Si, tu le peux, affirma le personnage au regard lumineux.

         Avait-il des ailes comme les elfes pour se tenir ainsi dans l’air sans difficulté ?

          Secouant la tête je me recroquevillai plus triste que jamais.

          -   Ce pays t’appartient, reprit mon interlocuteur avec insistance. Si tu le souhaites, je t’y conduis.

          -  Bien sûr que je le voudrais ! m’écriai-je d’un ton plaintif, mais il faudrait alors que tu me portes, toi qui marches dans l’air !

          Le personnage sourit mystérieusement et disparut.

          Je me mis à pleurer et la nuit tomba.

          Au matin j’avais séché mes pleurs et me mis debout.

        Un grand brouillard avait remplacé mon paysage habituel. Je ne pouvais plus voir, ni les images que j’avais tant chéries, ni même le précipice et ses profondeurs rocheuses. Tout était pailleté de lumières vivaces et virevoltantes qui semblaient m’inviter dans leur danse. Elles voltigeaient et m’environnaient comme pour me rassurer sur la certitude d’un possible. Ma peur avait disparu et la curiosité avait succédé en moi à l’inertie. Le moment était venu pour moi d’essayer.

          Je fis un pas en avant et aussitôt retrouvai la main qui m’avait été tendue. Seulement elle ne me touchait plus... J’avançai donc pour la saisir, mais elle était toujours plus loin. J’avançai encore, me penchant en avant vers l’ami retrouvé… mais dans le brouillard, pas de main, pas de pieds, rien…

         Et soudain, dans une flaque de clarté, une ouverture dans la nue, je vis… que j’étais en suspension au beau milieu du ravin ! C’était donc vrai, le visiteur ne m’avait pas menti ! Je pouvais marcher dans le vide !!

         Un instant de ravissement indescriptible me fit trembler de tout mon être, mais déjà le brouillard m’avait reprise dans son cocon.

         Il ne me restait plus qu’à continuer droit devant moi, sans faillir ; et je toucherais tôt ou tard à « mon domaine »... Le pays de mes rêves !

     


     


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           Les 5 et 6 novembre prochains aura lieu à Paris un grand forum sur l'Éveil. On en trouve ici tous les détails.

           C'est la mode. Et pour moi qui ai cherché Dieu toute ma vie jusqu'à être poussée dans cette mouvance, le terme semble amusant : ne dit-on pas d'un bébé attentif au monde extérieur qu'il est "éveillé" ?

     

        De plus la réunion aura lieu dans un cirque !!

          Non, non, il est interdit de rire ; on sait bien que "circus" signifie "cercle", ce qui est la forme parfaite pour une telle réunion, et de plus il est rouge comme un cœur (voyez ici, où vous constaterez par la même occasion que l'on n'oublie pas qu'avant d'avoir un cœur nous sommes d'abord des estomacs...).

         Bien sûr c'est attirant. Comme tout ce qui s'achète. C'est de l'éveil servi sur un plateau, avec la sauce et le champagne. Et malgré le titre accrocheur ("L'éveil, une expérience individuelle et collective"), plusieurs intervenants (comme Sahaj Neel) rappellent cette vérité irréfutable :

     Il n'y a pas d'éveil "individuel", vu que si éveil il y a, il n'y a plus d'individu.

        Alors peut-on parler d' "éveil collectif" ? Il me semble pourtant que le terme "collectif" suppose une collection d'individus !... Enfin, évoquer une "expérience" ramène encore à cet individu qui est sensé disparaître ainsi qu'à un évènement inscrit dans le temps et donc périssable.

           Un proverbe bien connu déclare qu'il vaut mieux s'adresser à Dieu qu'à ses Saints... Pourtant, et j'en témoigne, atteindre Dieu demande parfois l'aide d'intermédiaires ; d'où l'utilité de rencontrer peut-être, au moins une fois dans sa vie, un Saint. Mais de le rencontrer vraiment, de l'écouter vraiment, et non de venir à un "forum" qui irrésistiblement me rappelle une basse-cour où chacun va picorer ici et là pour trouver sa petite pitance sans être réellement nourri !

          
    Il n'y a qu'un Guide,

    et il s'appelle « Maître » parce que :

    « Être » est sa nature

    et « M » (= aime), est le coussin sur lequel Il est assis.

     

            Ce Guide seul nous connaît suffisamment intimement pour nous mener exactement où il faut et quand il faut (même à ce forum s'il le juge utile...), et pour nous DIRE à ce moment ce que nous avons à entendre. Il sait nous parler, et comment ne l'entendrions-nous pas ?

          Si nous nous croyons perdu - comme j'ai cru l'être longtemps - ce n'est que par manque de foi, puisque nous ne le sommes jamais : nous sommes toujours placés par lui exactement là où nous devons être et faisons toujours exactement ce que nous avons à faire, puisque c'est lui qui gouverne tout.

           Quand nous croyons ne pas l'entendre, c'est que nous refusons ce qu'il nous offre : plus nous acceptons pleinement ce que nous sommes et la vie que nous menons, et plus nous entendons son message d'Amour et sentons en nous grandir le Bonheur.

     

              Voici une très belle vidéo d'Arex sur une musique de Karunesh qui véhicule elle aussi ce message. Elle s'intitule Breathing Silence : "La respiration du Silence"...  (à mettre absolument en grand écran !)


          


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  •          Ariaga écrivait hier en commentaire sur mon blog :

    «  Je crois que le véritable éveil  est  très rare, très personnel, un don cosmique... »


               Mais n'arrive-t-il pas à son heure, comme le printemps ?

     
            N'est-il pas la baguette magique qui d'un seul coup colore le paysage terne et lui donne vie ?


             N'est-il pas semblable à ces livres aux dessins en relief de notre enfance, où le seul fait d'ouvrir la page faisait se dresser tout un monde à nos yeux éblouis ?


          L'éveil est pour moi semblable à une prairie où toutes les fleurs s'épanouissent en même temps. Comme lors de cet "Enchantement du Vendredi Saint" décrit par Richard Wagner au 3e acte de Parsifal, où devant le chevalier fourbu et touchant sans le savoir au terme de sa quête, soudain toute la plaine alentour fleurit et se met à rire au soleil ! 


            Comment le héros a-t-il pu parvenir à un tel prodige ?


          C'est en  allant jusqu'au fond de lui-même pour y rencontrer l'obscurité enfouie et l'affronter... Trouver ses peurs, ses regrets, ses colères ; les observer, les comprendre et les apaiser au nom de l'amour divin qu'il a perçu lors de son passage inopiné au Montsalvat. Le "Graal" qui l'a alors fasciné, n'est-ce pas cette force brûlante qui se cache dans la grotte du cœur, au plus profond de nous-même ? Elle lave tout, nettoie tout, permet aux chairs blessées par la lutte intérieure de se réconcilier, de se refermer. Et ces fleurs, les expressions de sa vie qu'il a vues dénaturées par la folie du monde puis en larmes, elles s'ouvrent maintenant, elles s'ouvrent à la Lumière.


    Apollon - Peinture Pompéi
    Peinture murale de Pompéi représentant le dieu Apollon


           Quand la nuit a été totalement vécue et acceptée, que peut-il se produire d'autre que l'Éveil ?


            Bien sûr, le mental peut tout anticiper, tout imaginer, et c'est bien là le drame. Car souvent l'on se ment à soi-même, on croit avoir tout résolu par le seul fait de la pensée alors que dans la Réalité la nuit doit être totalement traversée, totalement assumée. Le désir même d'être libéré fait partie de la nuit ! Il fait partie de la folie. L'éventualité de la mort ne peut alors être écartée comme le fait encore si sagement remarquer Ariaga, sur son blog cette fois : Parsifal a bien cru ne jamais revenir, et il défaille d'épuisement à son arrivée.


            Cependant un jour... un jour... le miracle est là.

     

    Jacques Ibert - extrait très court de "Escales" (20")

     

     


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