•       La lecture du Tao-tö king me ravit. Particulièrement ce distique qui pique ma curiosité... Pour la clarté, j'ajoute le verset précédent entre crochets et en italique :

    « [Non-Être et Être sortant d'un fond unique
    ne se différencient que par leurs noms.
    Ce fond unique s'appelle Obscurité.]

    Obscurcir cette obscurité,
    voilà la porte de toute merveille. »

    Tao-tö king, chap. I, trad. de Liou Kia-hway, éd. Folio

     


    Lao-tseu
    Lao-tseu



          "La porte de toute merveille", quel éblouissement ! Mais que peut bien signifier le vers : "obscurcir cette obscurité" ?

         Je vous avertis ici que je ne suis pas allée lire d'exégèses de ce texte et n'ai guère envie de le faire, puisque d'une part il me parle intuitivement, et que d'autre part la poursuite plus avant de sa lecture éclaire les passages initiaux, comme nous le verrons. Cependant pour ceux que cela intéresse je vous signale à cette page un commentaire du texte que j'utilise.

         Par ailleurs, en parcourant les différents sites consacrés au taoïsme je remarque qu'il y a un écart incroyable entre les différentes traductions de ce texte fondateur, ce qui me conduit à me réjouir d'avoir choisi l'adaptation de Liou Kia-hway, ceux du moins trouvés sur le net me paraissant en appauvrir le message... Mais y a-t-il un hasard ? Et qui suis-je, pour en juger ? Ceci rejoint précisément le propos de ce billet.

           En effet, ce qui est sous-jacent à ce discours, c'est que la Vérité se situe au-delà de tout concept mental. L'Être étant ce qui est manifesté, et le Non-Être lui étant intimement lié puisqu'il ne peut y avoir de manifestation sans qu'elle soit issue d'un néant préalable, nous pénétrons d'emblée dans un domaine qui échappe à la compréhension humaine : cette perception de l'Être en tant que face éclairée et du Néant en tant que face cachée du même Principe nous est déjà parfaitement obscure... Cependant, pourquoi l'obscurcir encore ? Et pourquoi est-ce la porte d'une merveille ?

         Passons au chapitre XX.

    « Abandonner l'étude c'est se délivrer des soucis.
    Car en quoi diffèrent
    oui et non ?
    En quoi diffèrent
    bien et mal ?
    On doit redouter cette étude que les hommes redoutent,
    car toute étude est interminable.

    Tout le monde s'échauffe et s'exalte
    comme s'il festoyait au cours d'un grand sacrifice,
    ou qu'il montât sur les terrasses du Printemps.
    Moi seul je reste imperturbable
    comme un nouveau-né qui n'a pas encore ri.
    Moi seul j'erre sans but précis
    comme un sans-logis.

    Tout le monde a sa richesse,
    moi seul parais démuni.
    Mon esprit est celui d'un ignorant
    parce qu'il est très lent.
    Tout le monde est clairvoyant,
    moi seul suis dans l'obscurité.
    Tout le monde a l'esprit perspicace,
    moi seul ai l'esprit confus
    qui flotte comme la mer, souffle comme le vent.
    Tout le monde a son but précis,
    moi seul ai l'esprit obtus comme un paysan.

    Moi seul, je diffère des autres hommes
    parce que je tiens à téter ma Mère. »

    Tao-tö king, chap. XX, trad. de Liou Kia-hway, éd. Folio

     

           Je n'ai pu me résoudre à couper ce texte, qui est si riche ! Vous avez vu revenir le terme "d'obscurité" que j'ai moi-même distingué par l'italique. On y rencontre aussi le mot "Mère", qui était déjà présent au chapitre I dans un passage que je n'ai pas cité ; je vous en proposerai l'explication ici. 

          Voyons donc le premier paragraphe .

       Il exhorte à l'arrêt de toute recherche d'ordre mental : dans la quête de la Vérité, vouloir trouver des réponses par la philosophie, la science ou toute sorte d'autre étude est peine perdue. Cette quête, nous avertit-on, est sans fin ! Non seulement elle n'aboutit pas, mais en plus elle se nourrit d'elle-même, s'enflant à l'infini sans jamais pouvoir trouver de terme. C'est un tonneau des Danaïdes ; une illusion, en somme. 

        S'ensuit l'observation du comportement des hommes qui "croient savoir" : ils discutent et s'échauffent à l'envi, n'en finissent plus de polémiquer. La simple observation des discussions sur les réseaux sociaux peut nous en rendre compte ; ou de débats télévisés... On ne s'en sort pas. Qui a tort, qui a raison ? Celui qui a tort aujourd'hui aura raison demain. Comme disait Pascal : "Vérité en-deçà des Pyrénées, erreur au-delà".

         Le principe pour le sage consiste donc à s'en désintéresser. Mais bien plus que cela, il revient à la psychologie d'un "nouveau-né qui n'a pas encore ri", c'est-à-dire avant l'apparition du sentiment. Non seulement il s'abstrait du domaine de la pensée, mais il s'abstrait également du domaine émotionnel. Et à ce titre, il devient "errant", n'ayant d'attache ni intellectuelle ni relationnelle.

       Le 3e paragraphe développe cette idée en évoquant le fameux terme d'obscurité

         On y retrouve l'opposition entre "tout le monde" et "moi seul" : façon claire de montrer que le but est de se détacher totalement du monde ; d'entrer dans une solitude intérieure.

        Les deux premiers vers sont une allusion nette au détachement matériel, par cet emploi du possessif dans l'expression "tout le monde a sa richesse" qui s'oppose à l'apparente absence de richesse du sage (je "parais démuni" ; mais l'est-il vraiment ?). On passe immédiatement à l'absence de recherche mentale : le sage est "ignorant" et a l'esprit "lent" ; il abandonne même systématiquement l'usage de l'intellect : il est "dans l'obscurité", il a "l'esprit confus" puis "obtus". En fait il n'a en ce monde aucun objectif, puisque contrairement aux autres son esprit "flotte comme la mer, souffle comme le vent", ce qui rappelle le terme précédemment employé de "errer"... Il se trouve donc à nouveau dans la situation du nouveau-né qui se laisse porter, et même nourrir.

         Quoi de plus obscur que l'esprit d'un nouveau-né ? Il ne sait rien, ne cherche rien, ne voit pratiquement pas, et n'a aucun but si ce n'est de "téter sa mère"... Or ici, la majuscule ajoutée rappelle que ce qui est désigné par "Mère" est la Pure Conscience à l'origine de l'Univers (sens évoqué au chapitre I).

           C'est pourquoi l'obscurité la plus obscure - l'absence totale de pensées, le vide, le silence, l'abandon de soi poussé à l'extrême  - est la porte de toute merveille... 

           

    Mandala

           

     


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  •         Est-ce d'avoir lu le rêve de Daniel ? Toujours est-il que j'ai fait cette nuit un rêve qui me poursuit. 

             Alors que la vie en ce monde n'est qu'un vaste rêve selon la philosophie que je professe, aller me pencher sur un rêve effectué durant ce rêve semble pure folie ! J'apporte ainsi de l'eau au moulin des folles aventures multiples et variées du "je" triomphant.

         Cependant il y a cette "petite voix" (coquine ?) qui prétend que puisque les rêves traduisent un état intérieur mal compris, nous l'amenant en pleine conscience, on peut bien tenter de les utiliser pour faire la lumière en soi, de la même manière que l'on utilise un tirage de tarots ou la lecture d'un transit astrologique pour s'orienter dans une période difficile.

         C'était bien la peine, me direz-vous, de chanter les louanges de l'obscurité dans le chapitre précédent. Mais au moins cette fois-ci ne serai-je plus dans la citation, en m'exposant personnellement. 

     

          Voici donc le rêve dans lequel je me suis promenée vers la fin de la nuit dernière.

        Je marchais dans une ville inconnue. Les rues étaient très claires et désertes, les façades hautes et lumineusement blanches. 

         Je savais que j'avais rendez-vous avec quelqu'un qui m'était très proche (probablement le père de mes enfants), mais nous ne pouvions communiquer que par notre téléphone portable et je ne savais ni où j'étais, ni où il était. En fait dans cette ville lumineuse il n'y avait aucune indication de rue, rien d'écrit, personne. Je lui signalais donc que j'avançais, simplement, certaine que je le rencontrerais bientôt ; car il me semblait tout de même "connaître" un peu cette ville silencieuse.

        Soudain je débouchais vers une place en contrebas avec des arbres verts, au centre de laquelle s'élevait un bâtiment sombre qui paraissait significatif et portait une plaque définissant l'endroit : square Victor Hugo ! Ravie d'avoir trouvé quelque chose qui puisse être identifié, j'avisais qu'un couple qui me précédait et qui me semblait être celui de mes enfants était entré dans ce bâtiment : il me fallait donc y entrer aussi ; ce devait être la voie à suivre.

         Hélas, la porte apparente semblait sans serrure et inutilisable, tandis que sur la gauche une avancée de mur laissait apparaître une ouverture carrée plongeant vers le bas par laquelle il me semblait avoir vu mes enfants s'engouffrer. Je m'échinais un moment à tenter de m'y introduire mais n'y passais guère que le bras, me désolant d'être ainsi à la traîne et beaucoup trop grosse ! J'avais annoncé au téléphone "je suis square Victor Hugo"; pour être trouvée je devais donc absolument pénétrer à l'intérieur.

         Une idée me vint : et si je jetais un objet dans ce sas, peut-être déclencherait-il l'ouverture de la porte ? Aussitôt, je m'emparai de mon portefeuille et de ma carte d'identité (!) et les laissai tomber dans le trou. La suite ne se fit pas attendre : la porte s'ouvrit, laissant apparaître une sorte de local administratif sombre et bourré de monde. À peine descendu les deux marches la porte se referma derrière moi, et fouillant désespérément sur ma gauche je me découvris incapable de repérer l'arrivée du sas auquel j'avais confié mes précieux papiers.

        J'en fus très surprise : j'étais pourtant certaine de les retrouver aisément à l'intérieur du local ! D'autre part, pour interroger les dames assises derrière les bureaux il fallait faire la queue : il y avait du monde et j'ignorais totalement pourquoi, ni de quoi il pouvait s'agir. Cependant j'eus beau regarder, le guichet extérieur ne donnait pas dans cette pièce ; je pris donc mon mal en patience et attendis mon tour. Plus question ni de mes enfants, ni de mon rendez-vous ! Je ne savais plus où étaient les miens et rongeais mon frein.

         Quand enfin je fus devant la préposée, une gentille dame blonde et que je lui exposai la perte de mes papiers, elle s'exclama : "Vous les avez mis dans le sas !! Mais il est hors de question que j'aille vous les chercher ! C'est au sous-sol et moi pour le moment je dois terminer mon service. Vous attendrez !"

         Quand enfin sonna l'heure de la fermeture des bureaux, je la vis avec soulagement se rendre au sous-sol et me pris à espérer. Les gens commencèrent à sortir, le public d'abord ; puis les employés... Mais quand je la vis réapparaître, elle me lança :

        - Vous voulez que je vous rende vos papiers et votre portefeuille ? Mais vous les avez jetés dans un guichet qui portait la mention "à rendre" ! Cela veut dire qu'en fait c'est vous qui nous les deviez. Vous prétendez vouloir les récupérer alors que c'était à vous de nous les rendre !

          Abasourdie, je cherchai à me défendre, prétendant que je n'en savais rien et que j'avais déposé ces pièces au hasard, sans qu'elles me soient nullement réclamées.

         - Mais qu'est-ce qui me le prouve ? répondit-elle.

          Je croisai le regard rassurant d'une de ses collègues, qui en s'éloignant semblait me dire : "Elle vous les rendra, ne vous en faites pas..." Mais là-dessus je m'éveillai. 

         Bien sûr, on est toujours passionné par l'écho qu'un rêve éveille en soi, parce qu'il appuie juste sur la corde sensible, sur la question qu'on est en train de se poser.

          Et cette question, c'est : "Qui suis-je ? Suis-je une identité séparée, ai-je besoin d'une définition pour être ?"

         Le rêve au départ était éloquent : pas de repères, mais beaucoup de lumière ; c'était parfait. Manque de chance : je cherchais quelqu'un, je cherchais des repères. Si je n'avais pas "cherché", peut-être tout serait-il resté parfait ? Mais bon, je me savais une famille, des enfants, j'avais donc une histoire, un bagage, un but... ce qui entraîna fatalement la concrétisation d'un univers clos dont l'entrée ressemblait fort à une naissance. Naissance qui entraîna l'apparition d'une identité précise est séparée, avec un système de société, des gens...

        À ce niveau tout était clair. Où cela l'était moins, c'était sur cette question : Pourquoi avais-je perdu mes papiers ? Pourquoi ne pouvais-je pas les récupérer ? Pourquoi me disait-on que je faisais erreur, et que c'était en fait à moi de les restituer ? 


           Sur cette question restée en suspens, voici que ce matin, en ville, je rencontre une personne connue qui me dit :

    - Je vais te demander un service.

    - Dis-moi.

    - Peux-tu me ramener chez moi dans ta voiture ? Je suis à pied et je ne me sens pas bien.

    - Mais bien sûr !

        Après quelques échanges de civilités, la personne précise :

    - Depuis ce matin j'ai la nausée ; mais je ne peux pas vomir.

        J'évoque quelques bonnes tisanes, qu'elle approuve avant de s'empresser d'aller se mettre au chaud. 


        À peine suis-je repartie, que j'explose de rire à mon volant : "Elle ne peut pas rendre ! C'est comme moi !! Je ne parviens pas à me décider à rendre mon identité !"

         Il est possible que cela soit aussi pénible que de souffrir de gastro-entérite... 

         Un bel effet "miroir" ! Ainsi s'éclairent les rêves.

        Celui-ci tout de même, continue à m'apparaître ambigu : en effet, lâcher une identité incarnée est une explication plausible ; mais si  l'on suit bien le cheminement de l'histoire, on a une situation "avant" l'incarnation où je savais qui j'étais, et une situation "à l'intérieur de la boîte" où je ne peux plus le savoir parce que c'est "caché au sous-sol" ...

         Il semble donc que la question de l'identité soit à double-sens

         D'où évidemment tout le poids du rêve.

          ... Que je vous confie après tout, tel quel. Et vous me direz ce que vous en pensez à votre tour !

     

     

    Le rêve - Vladimir Kush

     


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          Je connais des gens qui s'amusent à entrer et sortir de leur corps, comme ça, pour se prouver qu'ils en sont capables, et aussi qu'ils ne mourront pas si celui-ci vient à disparaître... D'ailleurs, ne s'en vantent-ils pas hautement, particulièrement sur les réseaux sociaux ? Officiellement ils font cette démarche par compassion envers leurs semblables, pour les délivrer de toute peur de la mort...

     

        Mais pour commencer, rien ne prouve qu'acculés au moment crucial ils ne seront pas brusquement, comme la première Prieure des Dialogues des Carmélites, plongés dans l'enfer du Doute ! Et ensuite : quel avantage que de se balader dans l'astral ? Un autre univers, d'autres illusions, tout un programme pour passionner un ego friand d'aventures - notamment quand il y trouve ses pouvoirs décuplés ! Il voit à 360°, se projette instantanément où il veut, réalise tous ses désirs... du moins lorsqu'il a un bon "karma", c'est-à-dire une bonne confiance en lui. C'est presque la même chose que sur la terre : mieux parce qu'instantané, moins bien parce qu'il y a les sensations concrètes en moins ; et cela, cela va vite l'embêter. Si bien qu'il va... eh bien : se réincarner. Et hop ! C'est reparti pour un tour !

          Les vrais mystiques ne cherchent pas les "pouvoirs spéciaux", encore moins la publicité sur eux-mêmes. Leur amour pour Dieu est si violent qu'il ne peuvent respirer sans aspirer à Lui. Et chaque mouvement de leur être les en rapproche, tant que... leur aveuglement s'accroît : la Lumière brûle les yeux, tout le monde le sait ! Et y voyant de moins en moins, ils savent de moins en moins qui ils sont, où ils sont... C'est la fameuse "obscurité" qu'évoquait le Tao.

        Ne dit-on pas dans la Bible qu'il faut se voiler la face lorsque Dieu paraît, sous peine d'être anéanti ?

         [11] (...) L'Éternel passa. Et devant l’Éternel, il y eut un vent fort et violent qui déchirait les montagnes et brisait les rochers : l’Éternel n’était pas dans le vent. Et après le vent, ce fut un tremblement de terre : l’Éternel n’était pas dans le tremblement de terre. [12] Et après le tremblement de terre, un feu : l’Éternel n’était pas dans le feu. Et après le feu, un murmure doux et léger. [13] Quand Élie l’entendit, il s’enveloppa le visage de son manteau, il sortit et se tint à l’entrée de la caverne.

    Ancien Testament, Rois 19 11-13
    (trad. Société biblique de Genève)


        Élie se cache le visage pour ne pas voir Dieu. Il connaît cependant les affres de Son approche : vent violent (peur terrible), tremblement de terre (panique physique et émotionnelle), feu (angoisse mortelle, équivalente à la sueur de sang de Jésus la veille de sa Passion). Mais il ne peut en affronter davantage : il protège son ego (qui d'ailleurs va pleurnicher contre les rigueurs de l'adversité qui l'accable...) et se cache sous son manteau.

        Mais Dieu est bon et compatissant : non seulement Il s'approche dans la douceur, mais en plus Il lui répond maternellement. Élie se présente  devant Lui comme un enfant et Dieu n'exige pas de lui plus qu'il ne peut supporter.

         Rappelons-nous maintenant le Cantique des Oiseaux de Farîd od-dîn Attâr.  

          Dans un passage que Leili Anvar intitule "les Papillons" (distiques 4014 à 4027) il évoque l'amour fou éprouvé par des lucioles pour une chandelle, et affirme que seul celui qui s'est jeté dans la flamme pour s'y consumer tout entier a vraiment rencontré l'objet de son amour. L'anéantissement est la seule conséquence possible d'une telle passion.

         Il en explique plus loin le fait :

    Un jour, tous les oiseaux stupéfaits d'observer
    Le papillon de nuit, posèrent cette question :

    « Dis-nous, ô papillon délicat et fragile,
    Jusqu'à quand joueras-tu ta vie, ce bien suprême ?

    Jamais tu ne pourras t'unir à la chandelle !
    Pourquoi alors donner ta vie en pure perte ? »

    Ces paroles enivrèrent le papillon de nuit,
    Qui fit cette réponse à ces simples d'esprit :

    « Ravi par cet amour, il me suffit d'étreindre,
    Si je ne peux l'atteindre, en elle, mon néant ! »

    Cantique des Oiseaux, distiques 4219 à 4223

     

          Voir Dieu, c'est être totalement consumé par Sa Présence.
          C'est alors seulement que l'ego disparaît, retourné à son propre néant. Il ne reste personne pour témoigner de la moindre rencontre, d'une éventuelle union.

          Seul demeure le Divin. 

     

     


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  •       Aujourd'hui, juste une citation, pour faire court.

     

    Temple intérieur
    Image de Totem

     

    L'Enseigneur disait : « Mon Père demeure dans le secret.»

    Il a dit : « Entre dans ta chambre, ferme la porte
    et prie ton Père qui est là dans le secret »,
    c'est-à-dire à l'intérieur de ton être.

    Ce qui est à l'intérieur dans le secret de tout,
    c'est la plénitude.

    Au-delà il n'y a rien, elle contient tout.

     

    Évangile de Philippe, planche 116
    traduit par Jean-Yves Leloup

     


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  •  
         Le 25 novembre dernier avait lieu la Pleine Lune du Sagittaire. En effet, le Soleil dans le signe astrologique du Sagittaire s'opposait à la Lune dans celui des Gémeaux.

         Symbolisant la dispersion mentale par le signe des Gémeaux, la Lune était visée par la flèche du Sagittaire, que l'on représente comme un centaure muni d'un arc pointé vers la plus haute cible, dans le but de réunir ce qui est dispersé en parfait symbole de concentration.

     

    Sagittaire avec cible- d'après Johfra

     


        Je me permets ici d'utiliser le célèbre tableau de Johfra et de lui faire subir quelques modifications... Je rappelle que ce tableau, destiné à illustrer le message astrologique du signe, montre dans le ciel l'image du dieu Jupiter lançant la foudre car on le dit gouverné par la planète du même nom, qui symbolise l'expansion et l'affirmation généreuse de soi. Le Sagittaire est par ailleurs un signe de feu, donc énergique et ardent. Vous trouverez ici l'original ainsi qu'une description du signe.

         J'ai dessiné moi-même cette cible dans le ciel et vais maintenant la modifier encore en même temps que notre archer comme vous pouvez le découvrir ci-dessous.

     

    Sagittaire-Soleil face à cible-lune

     

          En pointant sa flèche vers ce visage de Lune, le Centaure habité par le Soleil espérait-il l'atteindre, ou l'éliminer ? Et qui décidait de la chose ? N'était-ce pas encore ce Jupiter, parfaite représentation de l'ego qui se prend pour le décideur ?

          Bien sûr il voyait quelqu'un en face de lui, ce Soleil, qu'il prenait pour "un Autre", meilleur et plus beau sans doute, objet d'Amour absolu, Rêve de toute sa vie... Et l'atteindre était son but le plus éperdu.

         Si de plus il s'imaginait voir se profiler là-bas l'image même de la dispersion, il se concentrerait dessus pour l'éliminer du même geste.

          Aussi l'ego ajoutait-il, impérial :

    - Vas-y ; je te l'ordonne !

        Comme s'il avait quelque chose à dire.

         Et puis voici que la lune a disparu ; s'est mise à tomber ; à redescendre doucement vers lui...  

    - Oh !... L'aurais-je tuée ?!

          Ego - alias Jupiter - s'amuse et se félicite du désarroi perçu dans l'imbécile de petit personnage qu'il gouverne.

          Le Centaure ignore qu'il est le Soleil mais comprend soudain qu'il a visé sa propre image dans un miroir. Et voici que la flèche lui revient... comme un boomerang. Il va mourir ! La flèche revient vers lui ! L'espace est courbe ! 

         Va-t-elle le toucher en plein cœur ? Va-t-il mourir ?... (Ego ricane) 

       De même que sur une horloge la grande aiguille rejoint la petite aiguille pour indiquer l'heure juste, de même aujourd'hui, avec ce qu'on appelle La Nouvelle Lune, tout revient à zéro et se replie sur soi.

    Nouvelle lune

    Nouvelle lune


         L'effort du Centaure pour se "projeter" en avant est vouée à néant. Il se retrouve seul, confondu à l'image visée et ainsi, privé à la fois de l'espace dessiné devant lui, et de son idéal le plus élevé, de son plus grand amour, de son but unique et suprême ...

               Et cependant il est toujours là ! N'en déplaise à ego qui s'amusait de sa peur de mourir.

              Mais que s'est-il passé ?... Qu'est-ce que cette histoire de flèche et de reflet ? Et que signifie ce mouvement d'horloge par rapport à un déplacement d'objets ?


           Comment la lune est-elle visible ?  Reflète-t-elle le Soleil ? Eh bien non !!

            Le Soleil émet des rayons lumineux, mais ce sont bien plus que des flèches car ils touchent instantanément tout ce qui est à leur portée. Il n'y a pas à attendre leur venue, ils se répandent partout de par la seule présence du Soleil.

    Mer de nuages

     

            Ainsi la lune brille, de par cette lumière.  La lumière ricoche sur tout ce qui mérite d'apparaître et fait ainsi apparaître les choses. 

          Comment le Soleil pourrait-il avoir un but ? Il ne fait rien, sa lumière émane de lui à son insu.

         Comment la lune pourrait-elle être un miroir ? Elle ne fait rien, la lumière la touche et la dessine, simplement.

         Ainsi le mouvement prêté au Sagittaire est-il totalement vain. Il n'a rien fait du tout, il fait juste semblant : où viser quand il n'y a pas d'espace ? En effet, tout est déjà rempli par la Lumière ; tout est plein !

        Que la lune apparaisse ou n'apparaisse pas est secondaire, puisqu'elle n'est que le caillou où s'accroche éventuellement le regard, qu'effleure la lumière... Mais ce qui compte, n'est-ce pas cette seule Lumière qui est partout mais qu'on ne devine que lorsqu'elle éclaire quelque chose ?...    

       

                


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