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          Voici un poème de Kabîr, tiré du recueil que l'on a intitulé La Flûte de l'Infini en se référant aux thèmes de ses textes qui furent d'abord transcrits en anglais par Rabindranath Tagore puis traduits par André Gide. 

     

    Shiva dansant

     


        On trouve chez ce poète hindi du XVe-XVIe siècle un mélange d'hindouisme (shivaïste sans doute mais pas uniquement, et d'ailleurs quelle différence entre Shiva, Vishnou et Brahma pour le véritable dévot du dieu suprême...?) et de soufisme, ce qui en fait un grand mystique.

           Cependant c'était aussi un enseignant. Et comme nous l'avons compris avec Ramana Maharshi dans le précédent article, il utilisa la poésie non seulement pour s'exprimer, mais aussi pour transmettre à ses disciples un enseignement. En effet, quel langage est plus adapté que la poésie pour traduire ce que le cœur peine à formuler et que la raison ne peut concevoir ? 

     

    « Toutes choses sont créées par Dieu.
     L'Amour est Son corps.
    Il est sans forme, sans qualité, sans décadence.
    Cherche à t'unir à Lui.
    Ce Dieu indéterminé prend des milliers de formes aux yeux de ses créatures :
    Il est pur et indestructible.
    Sa forme est infinie et insondable.

    Il danse extasié et des vagues de formes s'élèvent de Sa danse.
    Le corps et l'esprit débordent de bonheur quand ils sont touchés par Sa joie infinie.
    Il est immergé dans toute conscience, dans toute joie, dans toute douleur.
    Il n'a ni commencement ni fin.
    Il tient tout dans sa Béatitude. »

     

         Ce poème montre de façon bouleversante la Réalité de Dieu en toutes choses, et combien ceci découvert la Vie n'est plus que Joie infinie, danse perpétuelle de formes indifférenciées...

     

     


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  • Silence 

     

     

    «  Qu'est-ce que le Silence ?

        C'est l'éternelle éloquence. »


    Ramana Maharshi.

     

     


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    Feuille sèche

     

     

    Ta main
    m'a broyée
    comme une feuille sèche

     

     

    Feuille écrasée

     

     

     


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  •     Pour faire suite à cette méditation sur la mort qu'illustrait le poème précédent ainsi qu'à la phrase de Ramana Maharshi concernant le Silence, voici quelques éléments glanés ici et là.

     

      Tout d'abord, il faut rappeler que le Maharshi  associe le corps à l'ego : tout ce qui correspond à notre personnalité consciente est rattaché dans notre esprit à notre existence en tant qu'êtres incarnés ; nous disons "je" depuis que nous nous identifions à cet individu qu'ont défini en nous nos parents et il nous semble qu'avec la disparition de ce corps disparaîtra également le "je" qui lui est associé - c'est-à-dire notre ego.

          Pourtant ce grand saint, qui a fait très jeune une étrange expérience de la mort, affirme que celle-ci est un leurre et que l'esprit ne cesse pas de vivre, ce qui lui a donné l'intime certitude qu'en réalité nous ne sommes pas ce corps que nous habitons momentanément. On pourrait donc écrire (ça rime) : 

      Quand le "je" meurt
      Le Soi demeure

           En effet ce n'est plus le même "je" qui est ressenti alors. Il n'est plus limité mais s'étend à l'infini et devient cette entité que l'on a coutume d'appeler "Soi".

          Le Soi dépasse infiniment le corps qui, puisqu'il n'est qu'une sorte de marionnette activée pendant un certain temps, peut être considéré comme une chose inerte que le Soi utilise quand il le souhaite. Cela explique que le Silence soit plus puissant que la parole, puisque parler c'est utiliser les outils de la marionnette afin d'exprimer ce qui lui est supérieur.

           Voici donc une autre phrase du Maharshi qui me plaît beaucoup. Il répondait alors à une question assez prosaïque posée par l'un de ses visiteurs sur l'opportunité de se soumettre aux coutumes rituelles locales : "Est-il nécessaire de prendre un bain après avoir touché un cadavre ?"

    «   Le corps est un cadavre. Tant qu'on est en contact avec lui, on doit se baigner dans les eaux du Soi. »

          Comme il le rappelle souvent, le terme de "Soi" recouvre tous les vocables que nous avons pu inventer pour nommer le Divin, qu'il s'agisse de religion ou de simple transcendance .  

         Mais comment trouver le Soi ?... Chacun le sait bien sûr : en pénétrant en soi-même ; mais si loin qu'il faut dépasser sa propre mort, puisqu'il faut dépasser l'ego, ce qui n'est pas une mince affaire.

          Dépasser sa propre mort, c'est dépasser le mouvement : la vie incarnée est faite de mobilité. Traverser la mort c'est atteindre l'immobilité autant qu'entrer dans le Silence ; c'est trouver le Repos, c'est-à-dire à la Paix.

         Ainsi le Maharshi explique-t-il constamment à ceux qui l'interrogent que chaque jour ils font l'expérience du Soi durant leur sommeil : ils n'ont alors ni conscience du monde, ni conscience d'eux-mêmes ; plus d'ego, seule demeure la suprême Félicité. Le but serait donc de parvenir à un état de sommeil éveillé : ce qu'on appelle l'éveil ! Dormir en restant conscient, peut-être ; ou à l'inverse continuer à vivre sa vie sans avoir la conscience d'agir, le mouvement étant impulsé par un "Pouvoir" qui nous dépasse (ce que le chrétiens ont très bien traduit par l'expression : "être un instrument dans les mains de Dieu").

          Je fis justement ce matin en me promenant dans la campagne une étrange rencontre... Ces grandes éoliennes au bruit si doux, si feutré, fièrement plantées comme des socles immuables dans la terre, et dont les pales imperceptiblement tournaient, lentement, régulièrement, sans qu'aucun mouvement cependant ne paraisse. N'étaient-elles pas l'image même du "mouvement immuable" ? Tout comme la statue du Shiva Natarajah, du Dieu de la Création et de la Destruction immobile et pourtant dansant dans la roue de la Vie, ainsi l'immense pilier montant vers le ciel laissait deviner en bruissant toute la vie qui le traversait, sans pour autant trahir le moindre remous.

     

     

          De plus, quand j'écoutai ma vidéo je découvris que le vent que je sentais simplement à ma joue avait été transformé par l'appareil en un bruit profond surgissant du micro : n'est-ce pas là un indice évident du mélange indistinct des perceptions sensibles ? Quelle différence y a-t-il en  vérité entre voir, entendre, sentir ? Sur la gamme des ondes c'est juste une question de fréquence. Tout ceci n'était encore que la danse immobile du Dieu immanent, une simple traduction momentanée de son Silence resplendissant, de son Rayonnement limpide.

           


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    Coupe

     

      

     

    Il m’a été donné de boire à la Fontaine de l’Amour
    Terrible est la Douleur du Feu qui ravage tout

     

    Sur le corps de chair il brûle comme un Brasier
    Sur le corps de Vie il est Délice et Bienfaisance

     

    Et plus tu pleures de ta Blessure
    Et plus tu ris de son Silence

     

    Car c’est de Joie qu’il est conçu ce Feu qui danse
    Il te libère et rend sauvage tout ce qu’il touche

     

    Passée la vague d’Amertume
    Il est Béatitude

     

     

     


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