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    Coucher de soleil-PorsArVag

     

     

    S’éteignent l’une après l’autre les étoiles…
    Ne reste qu’une coquille vide,
    Là même où je voyais glisser
    Tant d’ombres fugitives.



    Ôterai-je doucement ce manteau de vapeurs
    Qui dessine sans fin des courbes sur le Vide,
    Ou soufflerai-je ainsi qu’une bougie
    La poussière assoupie de mes larmes ?



    Oui j’aime ta statue, ô Dieu,
    Forme parfaite et transparente
    Dont le corps sanctifié
    S’est effacé…



    Mais dans la coque ouverte,
    Au cœur de la mandorle,



     - L’Amande -


    - L’Amante -


    - L’Âme entre -




    C’est ce Trésor que Tu m’avais donné

     

     

     

     


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  •  

        Me voici de retour, et en furetant sur le net retrouvé, voici que je suis tombée sur cette citation : 

     « Vous savez que vous êtes amoureux lorsque vous ne parvenez pas à vous endormir, parce que la réalité est enfin plus belle que vos rêves. »

    Dr Seuss

         La personne qui l'avait mentionnée (sur facebook, le fameux "fourre-tout") avait ajouté : "C'est clair, je ne suis pas amoureuse !


            Comme c'est triste...

     

     

    Amour

     

     
          N'avait-elle pas remarqué les mots "Rêve" et "Réalité" ? Préférait-elle le Rêve ?

       

        Mais tant qu'on ne L'a pas rencontré, l'Amour, on aime dormir... On aime le rêve qui berce et qui soulage de tous les maux. On aime parler pour ne rien dire et se vanter d'être celui qui sait.

     

            Quand l'Amour t'a saisi, tu ne peux t'endormir, car à peine fermes-tu les yeux que ton Cœur s'emballe et se met à battre la chamade ; car il Le voit, il L'entend, tout explose de Beauté et de Splendeur.


           Disparaissent les formes comme le château de sable de Carole.


           Monte comme la mer la chanson du Silence.

     
         Et tous les sons Le contiennent, même cette musique que je m'obstine à écouter, en souvenir - et qui fond tel le château absorbé par la vague...

     

     

    Raphaël-Intimacy, fin de la plage 5.

     

     


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  • Rajneesh-57-L'intelligence

     

     

          À  cette carte issue du Tarot de la Transformation d'Osho Rajneesh s'associe une petite histoire que j'ai plaisir aujourd'hui à vous raconter.

        Elle est précédée du message délivré par la carte, que je vous livre également en introduction et en italique comme sur le livret offert avec le Tarot.

     

    «  Utilisez votre intelligence pour trouver les choses là où elles se trouvent, même s'il fait noir. Ne perdez plus votre temps à chercher là où il n'y a rien. Regardez en vous-même.  »


    «    Un soir, Rabiya examinait le sol devant sa cabane.

        - Que cherches-tu, Rabiya ? demandèrent les voisins.

        - J'ai perdu mon aiguille, répondit la vieille femme.

    Les voisins se mirent à chercher avec elle. Quelqu'un dit :

       - Rabiya, il va faire nuit, nous n'aurons pas le temps de ratisser toute la rue. Essaie de te souvenir où tu as laissé tomber cette aiguille.

          - Je l'ai perdue chez moi, dans ma maison, fut la réponse.

         - Mais alors, s'étonnèrent les voisins, pourquoi chercher dans la rue ?

          - Parce qu'ici il y a de la lumière, expliqua Rabiya, tandis que chez moi il fait noir.

           - Voyons, Rabiya, protesta quelqu'un, même avec de la lumière tu ne trouveras pas une aiguille qui n'est pas là. Rentre plutôt chez toi et allume la lampe !

     Rabiya se mit à rire :

           - Vous êtes bien malins lorsqu'il s'agit de choses triviales ! Quand donc utiliserez-vous votre intelligence pour vivre en profondeur ? Je vous vois tous chercher au dehors ce que vous avez perdu au dedans. Croyez-vous pouvoir trouver la félicité dans le monde extérieur ? L'avez-vous donc perdue quelque part hors de vous-même ?

    Rabiya planta là ses voisins penauds et rentra chez elle.  »

    Osho Rajneesh, Tarot éd. le Voyage Intérieur, 1991

     

         Nous aussi, nous savons parfaitement énoncer des vérités apprises sur la nécessité de chercher au-dedans de nous ; nous savons faire toutes sortes de méditations et d'exercices reçus de l'extérieur, ou lire de nombreux livres émanant d'auteurs extérieurs à nous-même.

          Tout ce que nous savons, nous nous empressons de l'appliquer. 

           Mais quand nous observons-nous nous-même ?

          Quand réussirons-nous à oublier tout ce que nous avons appris, tout ce que nous voulons et désirons, pour simplement nous observer, avec l'attention requise c'est-à-dire sans rien brimer ni retrancher - sans commettre le déni qui consisterait à détourner le regard de la cible - , jusqu'à faire la lumière dans ce qui est noir ?

           Bien sûr, nous ne savons pas vraiment ce que nous cherchons. Nous voulons simplement faire la lumière. Mais n'est-ce pas le principal ? Avec la lumière apparaîtra ce que nous avions oublié d'avoir perdu...

     

     


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           Aujourd'hui, c'est Khalil Gibran que je citerai, car le moment est venu pour moi de lire enfin le Prophète, que je gardais dans ma bibliothèque depuis de si longues années.
     

     

    Un Cormoran sur la statue de Sainte-Geneviève-Paris

     

     

         Et je citerai d'abord son premier propos ; celui qui concerne l'Amour.

     

    Alors al-Mitra dit : Parle-nous de l'Amour.

    Il leva la tête et regarda la foule sur laquelle un grand silence s'était abattu. D'une voix assurée, il dit :
    Quand l'amour vous fait signe, suivez le,
    Bien que ses chemins soient raides et ardus.
    Et quand  il vous enveloppe de ses ailes, cédez-lui,
    Même si l'épée cachée dans ses pennes vous blesse.
    Et quand il vous parle, croyez en lui,
    Même si sa voix brise vos rêves comme le vent du nord dévastant un jardin.

    Car si l'amour vous couronne, il vous crucifie aussi. Et s'il est pour votre croissance, il est aussi pour votre élagage.
    De même qu'il s'élève à votre hauteur pour caresser vos plus tendres branches frémissant dans le soleil,
    Il descend jusqu'à vos racines et les secoue de leur adhérence à la terre.
    Telles des gerbes de blé, il vous ramasse et vous serre contre lui.
    Il vous vanne pour vous dénuder.
    Il vous tamise pour vous libérer de votre enveloppe.
    Il vous pile jusqu'à la blancheur.
    Il vous pétrit jusqu'à vous rendre malléables ;
    Puis il vous assigne à son feu sacré, afin que vous deveniez pain sacré au festin sacré de Dieu.
    Tout cela, l'amour vous le fait subir afin que vous connaissiez les secrets de votre cœur et, au travers de cette connaissance, deveniez fragment du cœur de la Vie.

    Mais si, pusillanimes, vous ne recherchiez que la paix de l'amour et sa volupté,
    Mieux vaudrait pour vous couvrir votre nudité et sortir de l'aire de l'amour,
    Pour pénétrer dans le monde sans saisons en lequel vous rirez, mais pas de tout votre rire, et pleurerez, mais pas de toutes vos larmes.

    L'amour ne donne que de lui-même et ne prend que de lui-même.
    L'amour ne possède pas et ne saurait être possédé.
    Car l'amour suffit à l'amour.

    Lorsque vous aimez, vous ne devriez pas dire : « Dieu est dans mon cœur », mais plutôt : « Je suis dans le cœur de Dieu ».
    Et ne croyez pas qu'il vous appartienne de diriger le cours de l'amour car c'est l'amour, s'il vous en juge dignes, qui dirigera le vôtre.

    L'amour n'a d'autre désir que de s'accomplir.
    Mais si vous aimez et ne pouvez échapper aux désirs, qu'ils soient ceux-ci :
    Vous dissoudre et être comme l'eau vive d'un ruisseau chantant sa mélopée à la nuit,
    Connaître la douleur d'une tendresse excessive,
    Recevoir la blessure de votre conception de l'amour, 
    Perdre votre sang volontiers et avec joie,
    Vous réveiller aux aurores, le cœur ailé, et rendre grâce pour une nouvelle journée d'amour, 
    Vous reposer à l'heure du méridien et méditer l'extase de l'amour,
    Revenir à votre foyer le soir avec gratitude, 
    Puis vous endormir avec au cœur une prière pour l'être aimé et sur vos lèvres un chant de louange.

     

    Gallimard, Traduction d'Anne Wade Minkowski

      Parsifal-Syberberg-Scène du Graal

     


    Parsifal, scène du Graal, extrait

     

     


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  • Cygne


          Le Parsifal de Richard Wagner m'accompagne depuis ma tendre jeunesse plongée en milieu musical, autant que le Perceval de Chrétien de Troyes transmis par mon père médiéviste.

         Jeté loin de moi à certaines périodes car parfois il faut souffler un peu, prendre du recul, vivre enfin, il a à tous les âges de ma vie fait résonner en moi des échos profonds, éveillant des compréhensions toujours nouvelles et toujours utiles à ces instants précis.

     

    *  *  *


         Toute jeune il me fit prendre conscience de la blessure cachée qui m'habitait.

          Cette blessure est présente en chacun des personnages du drame wagnérien si l'on y regarde d'un peu près : 

    • Le Roi-Pécheur, Amfortas, en est le premier représentant visible, se consumant dans le remords d'avoir cédé au plaisir de la chair alors que, prêtre, il avait fait vœu de chasteté.
    • Ensuite apparaît le cygne, blessé à mort en plein vol par le jeune Parsifal, ignorant et fougueux.
    • Puis vient Parsifal, qui à son tour est profondément blessé d'apprendre que sa fuite de la maison maternelle a entraîné la mort de sa mère ; puis qui se fait sévèrement réprimander par le chevalier Gurnemanz le traitant de parfait imbécile.
    • Enfin apparaît Kundry, la femme tentatrice que l'on présente comme une réincarnation de Salomé, mais qui en réalité se bat contre une malédiction terrifiante, condamnée qu'elle est à séduire les chevaliers du Graal alors que son désir n'est que de les servir. Elle aussi s'effondre aux pieds de Parsifal en évoquant son atroce blessure.
    • Mais derrière elle on peut encore signaler Klingsor, le diabolique sorcier qui la tient sous son contrôle, car celui-ci doit son pouvoir au fait de s'être lui-même châtré.


         Que représente donc cette blessure ?

        J'ai passé ma vie à le chercher ; mais surtout, je dois l'avouer, à chercher à la colmater, sinon à la guérir ! 

    *  *  *


          Parsifal a toujours marqué les esprits de ceux qui ont rencontré cet Opéra. On a écrit dessus des fleuves - de même que sur Perceval ou le Roman du Graal, dont il s'inspire. 

          On en a fait des études "initiatiques" ; j'ai essayé de les lire, mais ai vite été dépassée. Il y a toujours là-dedans des références à des traditions, à des écrits... Cela entraîne un puits de savoir, autant dire que c'est é-puisant.

         Il y a ceux qui rapprochent l'oeuvre de Wagner de la Flûte Enchantée de Mozart et vont lui chercher des allusions franc-maçonnes ; il y a ceux qui évoquent l'initiation Rose-Croix, et en effet Parsifal fait partie des œuvres de référence que le Rosicrucien Max Heindel fait étudier à ses aspirants. Il y a ceux qui découvrent que ce n'est ni un opéra chrétien (malgré des signes très nets : la Sainte Cène, la Lance, le Vendredi Saint, le Baptême...), ni un opéra schopenhauerien (ce qui correspondrait pourtant à l'état d'esprit de Wagner à cette époque), ni un opéra "bouddhiste" (alors que l'on trouve dans l'analyse des noms attribués aux protagonistes des origines orientales - le mot "Parsifal" lui-même serait hérité du persan "Fal Parsi" qui signifie "fou pur" - , et que le Perceval de Chrétien de Troyes aurait du moins des accointances avec le shi'isme iranien).

          Pour ma part, suivant les flots tempétueux de la musique, je me rangeai d'abord aux interprétations psychanalytiques, qui me convainquirent durant de nombreuses années. Il y a à l'écouter un processus cathartique qui s'opère, mettant en relief une problématique œdipienne d'abord (souvent largement récupérée par les metteurs en scène, qui ensuite ont hélas tendance à obliquer vers des allusions historico-politiques) ; puis si l'on suit attentivement les rôles attribués aux différents personnages dans leur aspiration vers l'idéal, un exposé d'archétypes qui appelle une interprétation jungienne et conduit au seuil de l'alchimie. D'ailleurs selon Wagner Parsifal, adolescent presque nu au premier acte, apparaît dans sa quête revêtu d'une armure noire au second acte, puis couvert d'un vêtement blanc au troisième acte alors qu'il a conquis sa place de prêtre du Graal : passé par le feu de la tentation, il a donc atteint la blancheur de l'initié.


    *  *  *


         Et voici qu'aujourd'hui, au fil de ma quête qui s'inspire de l'Advaïta vedanta, je le vois encore sous un jour nouveau !

         Parsifal devient le disciple se posant la fameuse question : " Qui suis-je ? "

         En effet au premier acte nous avons l'image d'un enfant qui ignore absolument tout de lui-même et répond par "je ne sais pas" à toutes les questions qu'on lui pose. 

         Et comme dans les histoires une quête commence souvent par la poursuite d'un animal - un cerf que l'on chasse dans certains contes, un lapin blanc qui détale dans d'autres - ici c'est ce cygne atteint d'une flèche qui en marque le démarrage. Il faut je crois voir dans ce processus un symbole plus qu'un véritable assassinat : la flèche est l'image de la pensée que projette soudain le héros vers sa propre nature parfaite, immaculée, évoluant librement dans l'espace.

         Cette pensée en déclenche une seconde : celle de la prise de conscience de sa blessure intérieure.

            Et dans ce sens, oui, le cygne a réellement été tué car notre ami découvre qu'il s'est mutilé lui-même en se privant de sa nature parfaite immortelle et en se rabattant jusqu'au sol. La blessure, que clament TOUS les personnages du drame (à l'exception seulement de Gurnemanz qui fait figure d'initiateur), est celle d'être séparé de sa véritable nature, et d'évoluer dans un monde sensible alors que nous ne sommes pas de ce monde-là. Les allusions au Christ sont essentielles puisque c'est exactement son message ; mais il  importe évidemment d'établir la distinction (comme c'est le cas également avec Perceval) entre l'enseignement de Jésus et le christianisme ultérieur qui détruisit toute la part initiatique de la Parole originelle.

     

             Parsifal, assistant à la scène du Graal, découvre donc sa propre blessure. Il entend de la bouche d'Amfortas les plaintes de son être intérieur bafoué, voit à travers l'exposition du Saint Graal la vérité de la Vie qui l'anime à l'origine, et découvre le mort-vivant  qu'est ce personnage de Titurel... Présenté comme le "père" d'Amfortas qui est l'actuel prêtre du Graal, Titurel est sensé être mort et à ce titre est perçu comme un gisant sur son tombeau ; et pourtant, à chaque apparition du Graal, il reprend vie ! Il y a là une représentation effrayante du détournement de la Force Vitale qu'est à l'origine Esprit Saint, en sang abreuvant et faisant fonctionner un corps matériel... Une vision vampirique évoquant le culte de l'apparence physique chez les peuplades adeptes de la momification.

          Qu'est-ce donc que cet attachement au corps ? N'est-ce pas lui qui entraîne le détournement de l'utilisation du Graal et donc la souffrance ?

           On comprend que Parsifal, assommé par ces brusques révélations, n'ait pas réussi à exprimer un avis sur la scène rencontrée.

             Mais Gurnemanz, impitoyable dans son rôle d'initiateur, le renvoie "garder les oies", le traitant comme je l'ai dit plus haut de parfait imbécile.

     *

            C'est une "claque" bien connue dans le bouddhisme zen, et qui peut évidemment servir à éveiller (voir ici). Quoi qu'il en soit, Parsifal est maintenant en quête de sa vérité : et c'est ce travail qu'il effectue sur lui-même au second acte.

           Là encore, je dirais que les différents protagonistes appartiennent tous à son propre psychisme et qu'il ne s'est nullement déplacé dans l'espace pour parvenir jusqu'au château du maléfique sorcier Klingsor.

         Pour moi, Klingsor est l'autre face de Titurel ; s'abreuvant indûment à la source du Soi, il fait apparaître l'univers matériel : tout un monde basé sur la sensation, sur le désir, sur le plaisir. Un monde qui répond à des lois : le temps, savamment orchestré par Klingsor avec des jours et des nuits, soit des naissances et des morts infligées à Kundry ; l'espace avec des fleurs qui apparaissent et disparaissent, qui poursuivent Parsifal et l'essoufflent ; une série d'illusions qu'il orchestre à sa guise car lui-même vit d'une vie imaginaire, s'étant castré pour ne pas avoir à désirer le retour à la Source, comme ceux qu'il tourmente. Ne s'est-il pas mutilé avec la Lance même qui perça le flanc de Jésus en croix ? Or que pointait cette lance, sinon le Cœur même du Fils de Dieu ?

           Qu'en conclure, sinon que Klingsor est la représentation de l'ego, grand maître des fantasmagories et créateur de l'univers dans lequel nous croyons évoluer ? D'ailleurs il se cache ; il met en place son piège avant que Parsifal n'apparaisse, et ne se dévoile qu'à la toute fin, quand le jeune homme l'y oblige pour avoir mis totalement en échec sa principale représentante, Kundry.


            C'est contre Kundry que Parsifal aura le plus à se battre. On dit qu'il doit vaincre la tentation de la chair. Oui, si l'on veut. Mais ce n'est pas de chasteté au sens pur qu'il s'agit. C'est de détournement du monde sensible. Les "filles-fleurs" qui attisent la convoitise charnelle du héros à son arrivée ne sont que les multiples tentations perpétuellement proposées à l'extérieur par notre mental : des pensées, des émotions, des sensations, tout ce qui "attire" l'esprit hors de lui-même, tout ce qui captive l'attention et l'empêche de se maintenir centrée en soi-même. 

          Le garçon y ayant résisté Klingsor, en habile tentateur, joue son va-tout en la personne de cette séductrice elle aussi à double visage, qui à la fois rêve de salut et se démène, use de tous ses charmes pour corrompre chaque chevalier.

           Mais qu'y voir, sinon la personnification même du mental ?

         En effet le combat que mène le jeune héros contre la tentatrice évoque constamment le travail de l'adepte pour maîtriser celui-ci.

           Tout d'abord, elle lui enseigne son nom : être un nom est le concept préalable à tout ressenti d'individualité ; c'est donc le premier piège du mental. Puis elle lui parle de sa naissance, de sa mère, le précipitant dans la présence au corps avec ses définitions et son histoire - autre piège du mental, qui si l'on en croit les maîtres, a pour principal support la conscience du corps et pour outils le temps et l'espace.

        Le voici donc face à la fameuse question : "Qui suis-je ?" au cœur de la démarche védantiste.

         Le jeune homme, troublé, manque de tomber dans le panneau... c'est-à-dire dans "les bras" de l'enjôleuse qui prétend lui apprendre qui il est ; mais il se souvient alors de sa blessure ! La brûlure ressentie dans son corps à ce moment, qu'il est facile d'associer au désir charnel, mais qui est en réalité le souvenir de sa véritable nature, qu'il a lui-même PROFANÉE.

         La vision terrible qu'il décrit alors est réellement celle d'un sanctuaire éventré, et le cri qu'il lance pour en obtenir le pardon est si puissant que l'on ne peut imaginer qu'il s'agisse seulement d'une histoire de sexe. Il s'agit en fait de la perte de la souveraineté sur soi-même ; de l'oubli de son origine céleste, puisqu'il évoque la voix "terriblement puissante du Dieu" (il veut dire Jésus au Mont des Oliviers) s'élevant dans son âme pour crier : "Pitié ! Sauve-moi de la souillure du Péché !"

        S'ensuit un débat haletant entre lui-même et la "pauvre malheureuse" - que j'identifierai maintenant comme "le mental" - celle-ci mettant tout en oeuvre pour le fléchir dans son refus de lui céder.

           Elle lui parle d'abord de la malédiction qui l'oblige à renaître et renaître sans cesse : on voit bien qu'il s'agit du mental, qui va sans cesse d'une pensée à une autre sans jamais réussir à se poser.

             Elle évoque ensuite son incapacité à s'assagir dans la douceur des larmes, et la folie qui la pousse sans cesse aux cris, à la rage, ou encore au rire insolent : ne voit-on pas là le côté théâtral du mental, qui se crée des rôles dans lesquels il collectionne sensations et émotions, et sa propension à faire l'étalage de ses douleurs, son goût pour jouer les victimes afin d'attirer l'attention, l'intérêt ?

           Enfin elle lui propose un ignoble marché... Marché dans lequel hélas tombent quantité d'adeptes de la voie spirituelle :

        - "Puisque c'est à travers moi que tu as pressenti le Divin, cède-moi complètement et tu seras complètement Divin ! Et tant pis si je reste à jamais l'immonde séductrice maudite."

          Ce marché n'est pas sans rappeler celui proposé à Ève par le serpent d'Eden...

           Et c'est ce qui arrive à ceux qui se fabriquent un "ego spirituel", c'est-à-dire qui à force de se projeter mentalement vers l'Illumination de leurs rêves, de se "muscler l'esprit" en travaillant à développer certaines qualités,  atteignent un état de puissance surhumaine trompeuse. En fait ils restent soumis à leur mental, un mental magnifié.

          Mais Parsifal affirme vouloir "la sauver elle aussi". Ce qu'il veut dire par là, c'est que le mental ne peut disparaître, mais qu'il doit être soumis, devenir obéissant ; ce qu'elle voulait à l'origine et fera à la fin : servir.

          Alors, explosant de rage, Kundry invoque contre lui le magicien dont elle dépend, Klingsor porteur de la Lance sacrée (l'Aspiration parfaite pointant vers la Source, qu'en profanant le sanctuaire il avait transformée en Désir pointé vers le monde extérieur).

          Usant de tout ce qui lui reste de force, elle lance contre le jeune homme une série d'imprécations redoutables, lui interdisant à jamais de retrouver le château du Graal dont il lui demandait le chemin.

            Ce passage évoque particulièrement la Maya, qui enveloppe l'adepte de sa toile invisible afin de le maintenir "soumis à son pouvoir". Mais si l'on revient à la signification de Kundry en tant que "mental", l'explication est plus simple : quel chemin mental pourrait-on bien emprunter pour atteindre le Soi ? Aucun ! Le Soi est hors du mental, au-delà de tout chemin. Donc ces imprécations apparaissent totalement vaines...

           Aussi Parsifal ne se démonte-t-il pas ; avec la Vision qui s'est imposée à lui, il a reçu la Force, la Force d'une Foi inébranlable en Soi-même.

            Et c'est à ce moment que Klingsor - l'ego - apparaît ; pensant terrasser à jamais l'impertinent il lui envoie la Lance ravie à Amfortas mais Parsifal la récupère sans en être touché, et l'utilisant pour dessiner un grand signe de Croix, anéantit l'univers entier dans lequel il était plongé... sauf Kundry à qui il donne rendez-vous "là où elle sait".

     

          Tout est devenu simple, évident. L'ego démasqué, l'univers extérieur factice s'écroule. Amfortas prêtre du Graal est la vraie nature de Parsifal en tant que disciple. Son mental une fois purifié (libéré de l'emprise malsaine de l'ego) doit l'y retrouver.

     *

             Au troisième acte, nous en voyons la réalisation.

         Il semble qu'il se soit passé un temps énorme entre les deux actes. En fait nous sommes simplement sur un autre "plan de conscience". Kundry (le mental) s'éveille d'un profond sommeil ; mais elle ne sait plus parler : elle est devenue silence.

        Parsifal apparaît, portant la Lance de l'Aspiration parfaite. Il a mûri.

        Alors se produit ce que l'on appelle communément l'Enchantement du Vendredi Saint : la prairie se met à briller, à produire de délicieux effluves, la vie semble renaître et Gurnemanz, l'initiateur, proclame que la mort de Jésus sur la croix (c'est-à-dire la disparition de l'ego et de ses fantasmagories) a rendu la Nature à son Innocence première. C'est l'Éveil !

         Désigné alors pour remplacer Amfortas, Parsifal pénètre dans le château du Graal avec Kundry qui lui reste soumise et découvre que Titurel est enfin définitivement mort (ne vous disais-je pas qu'il était l'autre face de Klingsor, l'ego ?). Il tend la Lance à Amfortas avec ces mots lumineux :

          "La blessure ne peut être guérie que par l'arme qui l'a créée", ce qui semble indiquer que chacun est responsable de sa propre guérison et que personne ne peut rien pour un autre.

          Mais en fait Parsifal et Amfortas sont une seule et même personne et la Lance qui les réunit souligne cette guérison, faisant du deux UN.

    *

            Alors survient l'apothéose flamboyante de l'oeuvre...

         Parsifal évoque à nouveau le retournement de l'énergie spirituelle qui de l'extérieur, se ramasse vers l'intérieur - le Graal - , puis proclame que celui-ci ne doit plus JAMAIS être voilé. Il ordonne donc qu'on le découvre et que l'on ouvre la châsse. 

            Jésus n'a-t-il pas dit : "Ne laissez pas votre lumière sous le boisseau" ?

           
          Le Disciple illuminé devient alors Flamme éternelle, laissant couler sa lumière à l'infini...

      

    Coupe

     


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