•    En réfléchissant à la nature des pensées, je ne puis m'empêcher de songer à l'interprétation qu'en donne Mme Rowling dans la Saga Harry Potter, avec cet objet magique qu'elle appelle "pensieve" (de l'anglais "pensive", pensif, et "sieve", passoire) et que l'on traduit par "la pensine". 

     

    Les pensées selon J.K. Rowling

        

           Ce qui est intéressant, c'est qu'elle considère chaque pensée comme une larme - ou comme une goutte de sueur que l'on peut détacher de sa tempe à l'aide d'une baguette et déposer dans la vasque qui lui est destinée. Ainsi les pensées s'ajoutant forment un liquide dans lequel sont conservés souvenirs et images de toutes sortes.

          En extrayant une seule goutte on peut plonger dans un univers complet, un film formé de toute une chaîne de pensées liées.

         Ainsi par le seul prélèvement d'une larme au coin de l'oeil de Severus Rogue mourant, Harry peut connaître tous les secrets douloureux qu'il lui avait jusque là cachés.

          Cette vision est très enrichissante : elle permet d'une part de discerner le peu d'épaisseur d'une pensée qui est égale à une simple goutte, soit de larmes, soit de sueur.

            Elle permet ensuite de découvrir que les pensées sont distinctes du penseur, puisque l'on peut les pénétrer en dehors de sa présence.

            Enfin, elle précise qu'à partir d'une simple pensée, un film complet peut se dérouler, comme si la goutte était soudain devenue une véritable mer...


    Les pensées selon J.K. Rowling

     

     

     


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  •       Ce soir, tandis que mon corps harassé n'aspire qu'au repos, mon cœur gambade de joie comme un jeune faon saluant l'aurore.

     

     Jeune faon

     

             Personne mieux que Kabîr ne saurait exprimer cette joie. 

     

    Ô mon frère, mon coeur soupire après
    ce Guru véritable ;

    il emplit la coupe du véritable
    amour ; il s'y abreuve puis me l'offre.
    Il écarte le voile de mes yeux et me
    permet la véritable vision de Brahma :
    Il me révèle en lui les mondes,
    Il ouvre mon oreille à la musique inexprimée.
    Je vois où la douleur et la joie se confondent :
    Chaque parole, Il l'emplit d'amour.
    Kabîr dit : En vérité celui-là ne connaît
    plus la crainte, qu'un tel Guru conduit
    au havre de sécurité.

     

    Kabîr, La flûte de l'infini, XXII
    traduit par André Gide d'après le texte anglais de R. Tagore

     

    Un poème de Kabîr

     

     


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  •     Il me vient à l'esprit un article publié sur le blog que j'ai supprimé. Comme je l'avais conservé dans mes archives ce m'est l'occasion de le republier ici, en référence à ce que je vais ajouter aujourd'hui sur le sujet.

          Ce m'est l'occasion de créer une rubrique dans laquelle ces anciens articles pourront  réapparaître.

     

         J'y évoquais en effet une lame de l'ancien tarot de Rajneesh, aujourd'hui difficilement trouvable car évincé par son tarot ZEN, plus élaboré certes mais moins orienté vers la réflexion sur les textes des Maîtres.

     

    Tarot de Rajneesh- La Quête

     

          Elle s'intitule La Quête, et comme toutes les autres cartes de ce tarot, illustre un texte d'un maître de sagesse, ici de Tagore (voir le détail sur mon article précédent).

          Le récit de Tagore, qui évoque comme vous le voyez sur l'image une personne en fuite devant la porte d'or où il est écrit "Dieu", est destiné à faire réagir le lecteur. Quelque chose ne va pas ! Pourquoi celui-ci (le personnage représenté dans l'histoire, mais aussi le quêteur qui a tiré cette lame du tarot) a-t-il toujours cherché si ardemment, et au moment où il trouve, repart-il en courant ?  Est-ce vraiment parce qu'il ne veut pas cesser de faire des pèlerinages, de chanter des chants religieux, de pleurer et de méditer ?

         Bien sûr, on peut le penser... La nostalgie des années d'étude... 

        Mais alors pourquoi cette quête ? Qui nous y a poussé ? Que cherchions-nous ? Étions-nous aveugles, fous, au point de désirer la quête pour la quête ?

         Non, forcément il y a autre chose. Et les rêves que j'évoquais dans le même article et qui sont relatés dans mon récit "Béatrice ou l'art du chant" (en effet un travail sur le souffle à l'occasion de cours de chant avait déclenché en moi de grands rêves très impressionnants) indiquent bien une peur terrible, viscérale, de ce que l'on appelle Dieu et qui est la Transcendance.

        En fait, ce récit est une révélation ; l'aveu de celui qui a compris...

    " Cela fait des milliers d'années que je fuis. "

         Voici ce qu'il constate avec terreur.

        Un abîme s'ouvre soudain, celui de mon néant. Quelle est donc cette misérable petite chose rampante qui ne cesse de se "carapater" , de détaler comme un lapin ?

        Celle qui "cherche", pardi. Celle qui réfléchit. Celle qui est sérieuse, et qui fait bien son travail, comme le "gros monsieur rouge" du Petit Prince qui fait sans cesse des additions.

        

         Mais Tagore évoque aussi l'idée que l'adresse lui est connue.

    " La maison de Dieu m'obsède, elle est gravée dans ma mémoire. "

       Ainsi en vérité il n'y aurait pas de quête : le lieu recherché est déjà connu !!  Le seul problème viendrait du colmatage effectué par la conscience sur ce souvenir terrorisant !

          " Je sais mais ne veux pas savoir": voici donc le discours de l'ego conscient, du je qui affirme cependant chercher... et qui tourne dans l'illusion comme un rat dans une cage, ajoutant des mots aux mots, des péripéties aux péripéties, des images aux images, des allégories aux allégories, et des voyages, et des souffrances, et des maladies, et des morts, et des naissances, et des guerres, et des attentats, et des miracles, et des guérisons, et des saluts imaginaires, et  des mondes, et des découvertes, et..., et... à l'infini.  

         En fait, il n'y a pas de porte ; elle n'est pas en or ; et il n'y a rien d'écrit dessus.

          C'est juste l'ego du chercheur, qui l'a mise entre lui-même et sa propre Réalité transcendante pour ne plus La voir et pouvoir courir partout, partout, partout où Elle n'est pas... c'est-à-dire nulle part puisque seule existe la Réalité et qu'il la refuse.

         Il s'est donc condamné lui-même à ne pas exister ; et il est donc naturel qu'il en souffre. Cela peut donc durer infiniment longtemps... mais dans un "temps" irréel ! Car seul existe l’Éternel.

         Pour rentrer chez soi, c'est à dire EN SOI, il faut abandonner le chercheur.

         L'abandonner à sa triste quête qui n'existe pas et n'a jamais existé.

          Même s'il croit mourir. Même s'il dit qu'il meurt. Même s'il proteste véhémentement ! Même s'il oppose de beaux et clairs arguments, très très convaincants ! Il ne sait faire que des additions ! Il ne sait que comparer, mesurer, chercher ! Il ne sait qu'affirmer, conclure ! Mais qu'est-ce donc que cela ?? Qu'est-ce donc que cela ??

     


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  •      Mon grand-père était un homme de théâtre amateur ; mais il s'était énormément investi dans cet art et nous offrait souvent des démonstrations de diction de grande qualité, tantôt sur des textes classiques tels la tirade de Cyrano, tantôt sur des passages de vaudevilles qui déclenchaient notre hilarité.

          Il évoquait aussi les cours qu'il avait suivis, et nous relata un jour les questionnements auxquels il avait été confronté par rapport à l'expression à apporter à certains  vers classiques.

    Réflexions d'acteur

     

            Le vers le plus difficile à  déclamer, selon lui, était le premier vers de la tragédie de Racine "Athalie", prononcé par l'officier Abner à l'entrée du Temple de Jérusalem.

    « Oui, je viens dans son temple adorer l’Éternel. »

            Étant le premier vers de la pièce, il importait de lui donner une valeur, mais sur quel mot faire porter l'accent ?

       -   Selon certains de ses conseillers, le plus important était ce : " Oui !" On devait le mettre en valeur pour souligner l'affirmation de tout l'être qui est entièrement impliqué dans son acte. Acceptation parfaite, don de soi.

         -  Pour d'autres cependant, c'est ce : " Je viens ... " qu'il fallait accentuer. En effet, le "je" traduit davantage l'implication de soi, et accompagné du verbe "viens" la démarche proprement dite est soulignée et c'est elle qui est essentielle.

          - D'autres alors s'interposaient en lui disant : « Mais non ! ce sur quoi il faut mettre l'accent, sur le fragment suivant "dans son temple" ! Le personnage se déplace pour trouver son Dieu là où Il est, et c'est cela le principal !

          -  Mais enfin, s'exclamaient les suivants, c'est le verbe qu'il faut souligner, c'est "adorer"... Que vient faire Abner ? Se prosterner devant le Divin, c'est bien le point culminant du vers.

            - Pas du tout, objectaient les derniers ! Le mot final du vers est le principal, c'est connu ; c'est lui qu'il faut mettre en valeur ! Un mot qui résonne et que tout le vers a préparé : "l’Éternel !"  C'est bien lui le personnage central du vers !

     

              Devant l'hésitation de notre grand-père et la grandeur remarquable qu'acquérait soudain ce vers extraordinaire, nous ne savions plus le déclamer qu'en en détachant chaque fragment et en les chargeant tous d'une intention appuyée :

    Oui  !
    Je viens  

    Dans son temple 
    Adorer 
    L’Éternel.  

     

          Eh bien vous me croirez si vous voulez, mais aujourd'hui cette formulation me paraît d'une force exceptionnelle, et chaque fois qu'il s'agit de prier, je me la répète en en détachant chaque partie avec la solennité qu'elle réclame. En effet TOUT est important. Rien n'est inutile. Rien n'est redondant.

         Et c'est là le génie exceptionnel de Racine qui, comme on le sait, avait été élevé à Port-Royal des Champs parmi des religieux.

          Mais encore faut-il avoir compris que le "temple" dont il s'agit est intérieur.
          C'est aussi ce qu'indique le nom de l'auteur du vers : Racine.

          Comme celui de Jérusalem dans la tradition mystique judéo-chrétienne, ce lieu est le point unique et sacré de la rencontre entre l'Homme et son Dieu, le point à la racine du "Je".

           Il s'agit donc de l'Âme qui s'est retirée jusqu'en son point intime le plus secret, où elle perçoit enfin l'immensité de ce qui Est.

     

    Temple intérieur

        

     


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  •    Le fait de reprendre d'anciens articles de mon ancien blog pour les rééditer sur celui-ci me permet de prendre conscience de certaines choses. Rien dans la vie n'est inutile ou gratuit dès lors que l'on s'est posé la question de ce qui se cache derrière cette existence ; tout devient signe ou message intelligible.
     

       Ainsi, occupé dans l'angoisse à comprendre "pourquoi suis-je ici ?" ou "qu'est-ce que je fais là ?" on s'aperçoit peu à peu que l'on est pris dans une sorte d'imbroglio de carton-pâte qui semble très solide, impossible à ébranler malgré tous les efforts fournis ; et qui cependant, lorsque l'on cesse tout effort (comme le lion pris dans un filet et qui dut arrêter de se débattre pour qu'un rat puisse le libérer), présente des failles d'où surgissent de furtives lumières, comme des clins d'yeux disparus hélas avant que l'on ait pu les saisir ; mais laissant une trace indélébile, comme une promesse intérieure à laquelle l'assentiment profond de l'être offre la possibilité de se reproduire ultérieurement, en plus fort.

         Finalement, c'est comme les lueurs annonciatrices de l'aurore. D'une aurore qui tôt ou tard, doit impérativement se produire. Et qu'on appelle aussi le "Réveil".
          Mais pour revenir à une citation entendue récemment, j'aurais une autre remarque à faire : 

    C'est quand la nuit est la plus noire que le jour est le plus proche

          C'est sous le désespoir le plus profond que se cache la joie la plus grande. En effet, plus on plonge profond en soi, et plus on approche de sa propre vérité. Or l'illusion nous a si bien emmaillotés dans sa toile que nous ne cherchons qu'à l'extérieur, ligotés que nous sommes à étouffer notre cœur. Seul le Cri, le désespoir absolu, (repris dans le Psaume "De profundis, de profundis ad te clamavi, Domine" - "des profondeurs, des profondeurs j'ai crié vers Toi, Seigneur") est capable de nous faire ressentir le point extrême où est caché notre Être.

         C'est ce que j'exprimais dans ce poème, très ancien... mais quelle distance imaginaire peut-on mettre, mon Dieu, entre soi et Soi ?! 

          Il s'intitule "Le Silence" et m'a été inspiré par une expérience de psychothérapie psychanalytique. C'était en effet une excellente méthode pour faire "remonter" ce qui est caché dans les profondeurs, et je me demande pourquoi à l'époque je n'ai pas pu aller au bout de  ma démarche vers une véritable psychanalyse... Sans doute cette formule-là suffisait-elle ? Elle m'a en effet tiré tout le désespoir possible, un désespoir qui est la découverte subite de s'être perdu... mais où ? Comment ? Pourquoi ?

           Reprenons-en les termes :

    Ne dites pas
    Le silence
    Dites
    La nuit la mort l’espace
    La bouche d’ombre entre les deux abîmes
    La coupure de respiration
    L’instant qui n’existe pas
    L’unique universelle absence
    Le point infini du néant

      

         C'est bizarre : depuis que j'étudie l'advaïta vedanta je cherche L'instant qui n'existe pas, car il n'y a ni passé, ni futur, ni également "présent" ; je cherche le point entre les deux abîmes, c'est à dire ce qui se cache entre deux pensées ; qui est aussi la coupure de respiration, puisque chaque respiration équivaut à une pensée. Il est dit que la Présence se cache dans le Silence.

         Or qu'est-ce que le Silence dans ce poème ? La nuit, la mort, l'espace : il est tout, sauf quelque chose d'audible, il n'a rien à voir avec l'oreille donc avec les sens. Mais par contre il a une relation avec l'arrêt des fonctions vitales communes ("nuit" : on ne voit rien ; "mort" : le corps est ôté ; "espace" : il est infiniment étendu).

          Et surtout, il est L'Unique Universelle Absence ! C'est quand même très fort : pourquoi cette Absence (qui est donc le souvenir d'une Présence...) est-elle Unique, Universelle ?! Sans doute parce que seul existe l'UN ?

            Le point infini du néant :  et par conséquent, s'il n'existe que l'UN et que l'on prend son reflet pour la Réalité, la Réalité devient égale au néant. C'est le sens du mot "péché" dans le monde chrétien. L'homme en s'incarnant a commis le péché absolu, il a tué Dieu, tout simplement en prenant le Reflet pour vrai, ce qui a anéanti le Vrai.

         D'où le terme sacré de "Conversion". Dans les Offices de Ténèbres, répétés au XVIIe siècle dans les couvents lors des trois derniers jours de la semaine sainte et dont je chéris particulièrement la traduction qu'en a faite François Couperin, les Lamentations de Jérémie qui sont psalmodiées s'achèvent toujours par cette exhortation : 

    Jerusalem ! Convertere ad Dominum Deum Tuum. 

      Ce qui veut dire : "Jérusalem ! Retourne-toi (convertere = impératif du verbe signifiant "se retourner") vers le Seigneur Ton Dieu !"

     

             Voyons la fin du poème : 

    L’éternité sans bords
    Avec ces mille échos qui se répercutent
    De monde en monde
    De galaxie en galaxie
    Mon cri dévoré par le silence
    Mon cri engouffré englouti
    Perdu dans sa trajectoire folle
    Après avoir troué l’abîme
    Le silence repu

      

          Étant plongée dans une forme tout de même de "psychanalyse", j'écrivais sous la dictée de l'inconscient. Et ce que j'écrivais m'épouvantait moi-même car je n'y comprenais rien ! ... Ou plutôt si : comme c'est toujours le cas, je ne comprenais que ce sur quoi on attirait mon attention c'est-à-dire, plongée en plein freudisme, je n'y percevais qu'une mystérieuse relation au "sein maternel"... Relation que je considère à présent comme "mystérieuse", car tout de même il y a là quelque chose d'étrange :  Freud prétend que le sein maternel attire et que l'on souhaite y retourner, or là c'est plutôt l'inverse ! On dirait qu'il est perçu comme un monstre dévorant. Bizarre...

         Mais voyons le texte : "l'éternité sans bords". Encore une image où espace et temps n'ont plus de sens, sont mélangés, mais où intervient l'idée (niée) d'une limite, dans laquelle se précisent par la suite des contenus explicites : "avec ces mille échos qui se répercutent de monde en monde, de galaxie en galaxie". Voici l'image même du Reflet qui est révélée !! Là on découvre que ce Silence, soi-disant vide (parce que contenant une absence), envoie des échos, et que ces échos, dessinent... le monde !! L'univers, le cosmos, oui, bien sûr, ne sont que les "échos" de ce Silence magnifique ! 

         Alors voilà, nous arrivons à la fin, et comme de juste, le "meilleur" est pour la fin... Le summum de l'horreur. Mais qu'est-ce que l'HORREUR sinon le paroxysme de l'insoutenable ?   "Mon cri dévoré - le silence repu." Énorme !! 

          Comme les "trous noirs" devinés dans l'espace connu, ce Silence n'est pas un vide ; il se nourrit de quelque chose. Et de quoi ? De ce que j'ai en moi de plus profond, et qui n'est pas formulable en langage humain, mon cri !
           Et ... Je l'emplis complètement... !

          Eh oui, si le Silence est repu, cela signifie  qu'il a ce qu'il lui faut, c'est-à-dire Moi. Qu'il ne lui fallait rien d'autre. Et si je l'ai empli complètement, c'est que je suis devenue Lui...

          Conclusion : "Ne dites pas - le Silence"... 
         Ah ! oui : le sens sacré du verbe dire. Dire, c'est faire exister, ou faire apparaître. Il s'agit là du Verbe, qui est Créateur. Je n'en savais absolument rien quand j'ai écrit cela.
       Donc conclusion : "Il vous tuerait aussi."
        Tout est dit, c'est très simple : comme il n'existe que l'UN, si "je" existe, Dieu n'existe pas, il est absent, il est silence, il est tué par moi.

             Mais si je donne vie au Silence, à l'Absence, c'est-à-dire à Dieu, en Le faisant Présence, ou si plus exactement je Lui donne Ma vie car c'est Moi qui Vis, alors le "je" connu est tué.

           C'est l'un, ou l'autre ; pas les deux. 

     

    (La phrase citée débute à 10'25)

     


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