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    Toulouse - Basilique Saint-Sernin

           Il y a quelques années, j'eus le bonheur de côtoyer à Toulouse une religieuse remarquable qui était très âgée (elle est aujourd'hui décédée) mais continuait de s'occuper activement de la "banque alimentaire" dans une cité défavorisée.

         Elle nous reçut à son domicile et nous bavardâmes quelque temps avec elle. Energique, elle était vêtue comme tout un chacun (ou plutôt : chacune)1. Au fil de la conversation, nous eûmes la curiosité de lui demander si elle avait jamais été tentée dans sa vie par l'amour d'un homme. Et sa réponse, d'une profonde sagesse, nous sidéra.

        - Bien sûr, disait-elle, il m'est arrivé de trouver une homme "beau"... Mais je n'ai pas eu besoin de réfléchir longtemps pour me rendre compte que jamais il ne pourrait satisfaire ma soif d'amour ! Vous savez, l'amour humain est bien médiocre et on en a bien vite fait le tour... Toujours, la déception finit par surgir. Que voulez-vous trouver sur cette terre qui ne soit imparfait, décevant ? Nous sommes faits pour l'amour de Dieu, et lui seul peut nous satisfaire. Alors, pourquoi entrer dans une histoire qui de toutes façons aurait mal fini ? Cela ne m'a jamais vraiment tentée... Voyez-vous, le Ciel est notre  véritable patrie, et lorsque nous croyons aimer, en réalité c'est le souvenir de l'amour de Dieu qui nous anime. L'amour humain portera toujours un parfum d'incomplétude... Alors moi qui suis une grande passionnée, une adepte du "tout ou rien", cela ne m'a pas du tout intéressée !

        Ces paroles ne me quittent plus désormais. Je songe aux passions qui ont bouleversé ma vie, aux aspirations si puissantes qui me soulevaient le coeur, alors qu'elles étaient toutes vouées à l'échec, s'achevant systématiquement par une claque monumentale ; à cette amie qui m'avait confié : "Que veux-tu, la vie est ainsi faite : j'aime qui ne m'aime pas, et qui en aime une autre qui ne l'aime pas, et ainsi de suite, comme dans l'Andromaque de Racine !" Révoltée, je n'avais pas voulu la croire, et pourtant,  d'échec en échec j'avais été obligée d'en chercher la raison, d'abord dans un travail sur soi d'inspiration psychanalytique, puis de fil en aiguille dans les voies spirituelles.

     

    guerin_andromaque-et-pyrrhus_1810.jpgGuérin - Andromaque et Pyrrhus (1810)


        En effet, l'Amour est le moteur le plus puissant de notre retour à Dieu. Il est l'unique énergie qui nous vienne en droite ligne de Lui, et dans ce monde limité où règnent misère et chaos, il porte nos aspirations les plus puissantes à retrouver l'état de béatitude connu initialement en son sein.

       C'est du moins la première remarque qui m'ait vraiment frappée dans le livre de Gary Renard, lorsque l'accent fut porté sur la Parabole du Fils prodigue, parabole extrêmement riche de sens en séduisante il est vrai. A elle seule elle traduirait toute notre destinée. Ce "fils prodigue" serait en fait le symbole de tous les esprits qui un jour, lassés peut-être du simple échange d'amour qui circulait au sein de Dieu, se seraient différenciés et de ce fait auraient endossé l'ego, les jetant dans une spirale infernale de divisions successives qui au bout du compte aurait créé tout notre Univers... Tombés dans ce monde "étranger" (qui serait donc, non la création de Dieu mais celle de l'Ego !), ils auraient d'abord "joué" avec délices de leur "liberté", puis auraient ressenti un MANQUE profond, dû à la nature duelle de leur univers, qui fait que tout bonheur engendre souffrance, que toute vie est suivie de mort... et auraient aspiré à revenir "à la maison". Et à ce moment, affirme Jésus, le Père leur ouvre les bras et les accueille avec un amour indescriptible, comme si jamais ils n'avaient cherché à le quitter. Remarque importante si l'on sait que l'arme principale de l'ego est de nous inspirer la culpabilité, qui engendre la peur du châtiment. Or Dieu, qui est tout amour et uniquement cela, ne peut châtier ; seul l'Univers séparé le peut.

     

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    Le Retour du Fils Prodigue (1670-74)  - Bartolomé Esteban Murillo.

        Je me suis alors souvenue de toutes les incomplétudes de cette vie : il manque toujours quelque chose ! Il manque de l'argent ; il manque de la santé ; il manque de l'amour ;  il manque de l'intelligence, des connaissances ; il manque des moyens, de la force ; il manque un enfant ; il manque des objets, des possibilités ; ou on a oublié quelque chose, il y a quelque chose que l'on ne sait pas, que l'on ne connaît pas... Le manque est partout ! "Un seul être vous manque, et tout est dépeuplé ", pourrait-on dire ici pour rappeler le grand poète mystique qu'était Lamartine ! (voir ici, l'Isolement). Oui, dans son cas et dans certains autres (celui de l'amour "courtois" des troubadours, ou de l'amour dit "platonique" à l'image des thèses du philosophe Platon), l'on peut projeter sur un être profondément idéalisé tout l'amour que l'on ressent, et alors la personne représente Dieu en quelque sorte, mais un Dieu lointain, inaccessible... ce qui entretient forcément dans le coeur le sentiment de séparation dont tôt ou tard on peut souffrir.    

         C'est par cette faille cependant et seulement par elle que peut s'immiscer le désir profond et sincère de sortir de la "roue" des illusions pour revenir à la demeure initiale.

         La vue des malheurs, des désastres consterne ; la constatation des misères, de la mort, effraie. Ces maux ont pourtant décidé le Bouddha Gautama à cesser d'investir son énergie en ce monde et à la tourner vers l'intérieur. On dit qu'il s'est ainsi réalisé, qu'il a trouvé la Paix puis l'Eveil. Il y a bien des voies pour revenir à Dieu.

       Mais je pense que la voie de l'Amour est plus puissante encore, à condition que celui-ci soit complètement désillusionné par rapport à ce monde et n'en attende rien : à condition qu'il soit donc parfaitement "désintéressé". En effet, comme Jésus le rappelle sans cesse, l'autre est aussi moi-même. La voie du retour, pour casser l'ego et ses murailles, passe par la fusion des esprits qui à l'origine et au bout du compte sont tous UN.

       Mais l'amour est aussi ce que l'on ressent fugitivement devant ce qui nous paraît "parfait", et qui n'est qu'une étincelle de souvenir de notre état antérieur : un paysage superbe, aujourd'hui la lumière et les couleurs du printemps, une musique magnifique, un bonheur intense, la contemplation d'un mystère indicible (comme la structure cachée de l'Univers)... En effet, en tant qu'enfants de Dieu nous avons hérité de ses qualités et en avons imprégné le monde que nous nous sommes construit. Mais ces beautés restent marquées, comme le soulignent les bouddhistes, par "l'impermanence ". Elles n'interviennent que fugitivement car notre état de séparation nous impose d'en connaître aussi l'opposé : c'est-à-dire la laideur, la perte, la confusion, la discorde...

     

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    Méphistophélès offrant ses services à Faust - lithographie d'Eugène Delacroix.


        Ce n'est pas un hasard si, dans son "Faust", Goethe indiqua que son héros ne pourrait tomber dans les griffes du diable tant qu'il demeurerait insatisfait (voir ici, à la toute fin). C'est ainsi que le rusé docteur, que les recherches intellectuelles avaient lassé et qui avait décidé d'utiliser ses pouvoirs pour s'asservir un diablotin apte à lui offrir tous les plaisirs du monde, pensait échapper à la damnation promise : en n'étant jamais content de rien ! Le "manque" à lui seul assure, non seulement l'échec du démon (gouverneur du monde manifesté et peut-être aussi visage de l'ego), mais aussi le lien indéfectible à Dieu en tant que "Père", ou plutôt même le cordon ombilical reliant l'esprit humain à la matrice originelle qui pourquoi pas pourrait nous aspirer pour retourner en elle (sens de l'image représentée en couverture de "Et l'Univers disparaîtra...") ? 


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     1 Allusion en passant au fait que porter la burka en ville n'a pas de sens, nos religieuses voilées ayant fait vœu de silence et de retraite totale mais ôtant leur voile si elles viennent à quitter cette retraite et ce silence.

     

     

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          J'évoquais le "manque ", qui crée une béance dans le coeur et lui permet d'attendre autre chose... Où il se transforme en "absence ", comme dans le magnifique essai de Simone Weil "Attente de Dieu" ("Celui qu'il faut aimer est absent")...

     

    sweil.jpgSimone Weil

        Bien sûr il ne peut y avoir de bénéfice à cela qu'après un travail d'ouverture du coeur excluant la rancune et le désespoir... Et ce "manque" peut aussi être appelé "imperfection " et se rapprocher du concept bouddhiste de "l'impermanence " (ce qui nous ramène à Faust qui voulait retenir l'instant : "Verweile doch ! Du bist so schön !" "Ne t'enfuis pas ! Tu es si beau !")

         C'est pourquoi les instructeurs du Nouvel Âge ou, disons, du nord de l'Amérique à notre époque, après avoir réalisé une sorte d'amalgame entre le christianisme et le bouddhisme, insistent sur la notion de "Pardon".

        Pourquoi le christianisme et le bouddhisme ? Parce qu'ils présentent certainement les voies les plus proches de notre façon de sentir, à nous humains des XXe et XXIe siècle. Je trouvais l'autre jour par hasard sur le net cette réaction d'un musulman à l'égard des chrétiens : il prétend que lorsque Jésus nous annonçait "un autre protecteur" - le Paraclet -, il voulait parler de Mahomet. Cette remarque me stupéfie, car je ne vois aucune relation entre ce qu'a apporté Jésus et ce qu'a apporté Mahomet. Comme je le disais dans un précédent article, je considère chaque religion et chaque voie spirituelle comme excellente dans la mesure où elle fait mouche vis-à-vis des personnes auxquelles elle s'adresse : or l'Islam présente, avec ses cinq piliers, des principes excellents, et j'ai une estime particulière pour certains mystiques soufis qui ont certainement été très loin dans la voie de la réalisation. Cependant pour moi cette religion est plutôt en "recul" par rapport au message de Jésus - du moins tel qu'il nous a été rapporté par Rome - et me semble revenir (au risque de faire hurler certains !) au style du judaïsme... Ce sont  pour moi des religions adaptées à l'ère du Bélier, qui a précédé l'ère des Poissons (marquée par Jésus que l'on n'a pas surnommé "Poisson "1 pour rien) ; des religions adaptées à une vie nomade et "à l'antique", et non à notre société contemporaine... Il est impossible que l'Islam présente une avancée par rapport au Christianisme, puisque Jésus n'apporte plus un enseignement, mais un comportement, une façon d'être, une identité presque. Il ne nous apprend pas à faire (des prières...), mais à être (le Fils de Dieu)...

     

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        Bien sûr, je ne fais plus de la philosophie ici, j'exprime des opinions et j'espère que vous ne m'en voudrez pas. Au contraire, la tribune est ouverte pour vos réponses et réactions.

        Mais je reviens au livre qui est à l'origine de mes réflexions : "Et l'Univers disparaîtra" de Gary Renard.

         Ce livre, à côté de la Parabole du Fils Prodigue dont je vous parlais au départ, évoque l'allégorie de la Caverne qu'écrivit Platon dans sa République. Aujourd'hui il me semble qu'à la place de cette caverne, pour "moderniser" un peu, l'on pourrait évoquer une maison dans laquelle nous serions enfermés (= l'univers) et des rayons qui passeraient de façon inattendue et épisodique par les carreaux d'une fenêtre. Ces rayons sont des intuitions, ou des signaux, et chacun peut en avoir de différents suivant sa constitution, son caractère. Et c'est à force de rencontrer ces lueurs subites que peu à peu nous nous tournons vers la lumière, découvrant que la vraie vie est ailleurs.

     

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    Carte du Tarot Zen d'Osho Rajneesh intitulée "l'ajournement"

     

         Alors je sors de ma philosophie du manque, pour tomber dans une métaphysique de la présence... Mon grand-père, qui était issu d'une famille déchirée par les guerres de religion (protestants contre catholiques) et ne voulait plus entendre parler d'aucune d'entre elles, croyait dans le Dieu de Jean-Sébastien Bach : sa musique l'élevait à une forme de béatitude... d'autant plus grande si l'on comprend les propos du Christ inclus dans les Passions composées par le Kantor.

        Il y a tant de mysticisme dans certaines musiques du passé, que l'on comprend que même nous paraissant aujourd'hui insipide, la religion de nos pères a su elle aussi toucher son but. Et si aujourd'hui nous avons besoin d'autres méthodes, d'autres musiques, d'autres instructeurs, ce n'est pas parce que les anciens étaient mauvais ; c'est seulement parce que tout doit être renouvelé !

     

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    Jésus devant Pilate - Duccio di Buoninsegna - Sienne

         J'ai pourtant l'intention de vous faire entendre un extrait des "Béatitudes " de César Franck, une oeuvre extrêmement émouvante et qui me touche énormément. Une oeuvre "kitsch" certes, et qui a longtemps donné à sourire à cause surtout du livret de Mme Colomb (dont le prénom n'est jamais mentionné, mais qui répondait à celui de Joséphine2) considéré comme "de la mauvaise poésie" : cet oratorio inspiré de l'évangile et composé entre 1869 et 1879 comporte en effet des passages parfois risibles, comme celui où le choeur scande "Poursuivons la richesse avec ardeur ! ", puis "Jouir sans cesse, c'est la sagesse et le bonheur "; et d'ailleurs le musicien n'y semble pas mieux inspiré que la librettiste... Cependant, comme l'argument s'articule à chaque fois en deux parties, avec dans la première l'étalage agité du défaut à combattre (ici le désir de s'enrichir) et dans la seconde la parole apaisante de Jésus ("Heureux les pauvres"), la discorde apparente qui anime chaque début donne plus de relief à la sérénité majestueuse de la conclusion, ce qui au final est bénéfique à l'effet recherché.

        Ces "Béatitudes" sont ramenées à huit, les deux dernières étant fondues en une seule ("Heureux les persécutés pour la justice"). 

        Je vous ai réservé un extrait de la 5e, qui date de 1876, et qui justement a trait au Pardon. Comme par hasard, c'est à partir de ce moment que le ton s'élève, tandis que dans le livret lui-même s'ajoutent des partenaires de plus en plus éminents. Ce sera  d'abord "l'Ange du Pardon" qui, juste après l'énoncé de la Béatitude par le Christ, exhortera le choeur à évoluer positivement ; puis dans les dernières Béatitudes, nous verrons  l'Esprit du Mal, "le Prince de ce monde" (qui à la lueur du livre de Gary Renard ressemblerait finalement beaucoup à l'ego !) se heurter à la magnanimité de Marie, Mère de Jésus, et être finalement anéanti sous la puissance d'amour qui se dégage de cette femme extraordinaire. Aussi ridicule que cela paraisse il s'en dégage une émotion, qui vaut ce qu'elle vaut...

    Beatitudes.jpg

     

       Mais voyons notre 5e béatitude. Je vous en donne le texte ci-dessous, en espérant que vous ne vous contenterez pas de le lire ! En effet, il doit être réinterprété : Dieu n'est pas un juge, c'est nous-même qui nous jugeons. Mais au bout du compte le résultat est le même, puisque lorsque nous parvenons à nous pardonner à nous-même autant qu'à autrui la Paix revient en nous...

     

     Enregistrement de 1990, Orchestre Radio-symphonique de Stuttgard
    et la Gächinger Kantorei de Stuttgart sous la direction d'Helmuth Rilling,
    avec Diana Montague et Ingeborg Danz, mezzo-sopranos (l'une des deux ici):
    voir à cette page. Je ne dis pas que cet enregistrement soit le meilleur,
    mais c'est celui que j'ai sous la main...
     

    L'Ange du Pardon

    Abjurez (bis) la haine
    Et l'inimitié !
    Que votre âme apprenne
    La sainte pitié !

    Et quand le Tout-Puissant
    Viendra,
    juge sévère,
    Punir les crimes de la Terre,
    Humbles mais confiants
    Vous lui direz : "Seigneur,
    Grâce pour le pécheur !
    (bis)
    Par ma vie entière
    Je suis condamné ;
    Mais pourtant j'espère
    Car j'ai pardonné."

    Et Dieu, désarmant sa colère
    Exaucera votre prière.
    (bis)

    Le Choeur

    Heureux à jamais
    Les miséricordieux... (etc.)

     


    1 Les premiers chrétiens représentaient Jésus comme un "poisson" à cause de la signification cachée de ce mot en grec ("ictus", j'omets le "h" que l'on associe généralement au "c" pour simplifier les choses) : en effet chaque lettre est l'initiale d'un autre mot grec, le tout formant la formule "Jésus Christ Fils (de) Dieu Sauveur".

    2 Selon Joël-Marie Fauquet, auteur d'un "César Franck" paru chez Fayard en 1999, elle se nommait Joséphine-Blanche Bouchet et serait l'épouse de Casimir Colomb, enseignant au lycée de Versailles et ami du compositeur. Née en 1833 elle aurait donc composé ce livret à la demande de Franck à l'âge de 35 ans environ. On y sent très vivement la sensibilité féminine, qui ne s'embarrasse pas de subtilités sophistiques  et se cantonne dans l'émotion immédiate et l'imagerie enfantine - ce que décriait vivement Debussy, affirmant que Franck avait gâché toute sa partition en acceptant d'un tel texte.

     

     

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  •       Après un radieux week-end des Rameaux à Fontainebleau, je veux vous faire partager ma "montée au Calvaire"... d'un genre particulier (et plutôt souriant).

        En effet, la "Croix du Calvaire" est un édifice érigé sur une hauteur juste au-dessus de la ville, et où l'on accède par des chemins qui traversent de superbes zones rocheuses ; c'est une de mes destinations de promenade préférées, aussi vais-je accompagner cette évocation d'une musique qui me paraît assez appropriée à cette intention, le larghetto de la 4e symphonie "Deliciae Basilienses" ("les délices de Bâle") d'Arthur Honegger. Composée dans l'esprit d'une marche lente et pesante, de plus en plus agrémentée par des chants d'oiseaux, cette page s'accorde à merveille avec l'ascension à la fois pénible et merveilleuse de cette colline altière.

     

    Orchestre du Capitole de Toulouse sous la direction de Michel Plasson (enregistrement EMI)

      
    Lancez la musique et suivez le guide...

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       Quittons tout d'abord la ville aux riches villas, telle celle-ci qui se nomme l'Orée. Vous noterez au passage la hauteur des arbres (sapin, cèdre...) : une bonne trentaine de mètres, ce qui nous change de l'habituelle petite taille des feuillus de la région centre.

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       Parmi les roches et les bruyères éparses, notre chemin commence à monter, souriant dans la lumière qui filtre par les feuillages tout neufs, et de plus en plus sableux entre les pins toujours abondants.

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        Au sol les fougères déjà bien épanouies déploient leurs petites crosses.

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      Là, je pense à Stellamaris... En effet, un géant de l'île de Pâques est allongé sur le sol et dort comme un bienheureux.

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         Mais aux flancs capricieux de la colline sableuse, un étrange enchevêtrement attire mes regards. Que s'est-il donc passé ici ? Une bagarre ? Les morceaux de bois jonchent le sol... Eh non ! C'est probablement un arbre vétuste qui s'est effondré tout seul.

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       Et pourtant, regardez bien comme ils s'entraident, ces arbres : le chêne au premier plan soutient de son bras droit son camarade qui est tombé, et dont la nuque repose dans les branches du chêne d'en face...

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        Mais poursuivons notre ascension : l'atmosphère se fait de plus en plus "méridionale" au fur et à mesure que l'on s'élève : sables, buissons, roches qui affleurent... Il faut dire que j'ai choisi la voie "directe", laissant les chaos de rochers pour le retour.

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        Ces deux arbustes semblent danser ensemble, l'un en arrière les bras écartés, l'autre devant, penché sur le côté.

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       Celui-ci me frappe par la puissance de ses racines et ses "V" successifs.

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      Mais celui-là est franchement génial ! Si étrange que je le photographie deux fois et ne sais quel cliché préférer.

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        Là, c'est de plus près mais sans zoom et avec une pointe de flash à cause du contre-jour. Regardez comme il s'incruste dans le rocher... et comme il ferme devant lui de drôles de petites pattes !! À sa droite, la roche semble s'être taillée en angle creux rien que pour protéger un tronc plus frêle... incroyable !

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      Mais ça y est, nous sommes arrivés à la Croix du Calvaire, par le côté.

       Datée de 1699, celle-ci aurait été posée par une personne pieuse en 1697 sur le sommet des rochers du Fort des Moulins, qui prit alors le nom de "calvaire". Un pèlerinage y eut lieu à partir de 1825, mais considérée comme nuisible au maintien de l'ordre public elle fut détruite en 1830. On la réédifia cependant en 1837.

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      Son altitude exacte n'est pas notée, mais elle semble dominer la ville  (de Fontainebleau sur la droite et d'Avon sur la gauche) ainsi que la forêt qui l'entoure de plus de cent mètres.

       Je vous invite à y faire une petite pause avant d'envisager la descente encore plus passionnante.

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        Vue vers Fontainebleau, avec à droite la "Tour Varnery" qui domine la route de Paris, sur le devant l'église du Carmel, ancien couvent, et au fond à gauche les tours du château. (Vous pouvez agrandir l'image).

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       Vue vers Avon - beaucoup moins nette je l'avoue -, où l'on devine (là encore vous pouvez agrandir) le viaduc qui porte la voie de chemin de fer en provenance de Moret, et tout à fait à gauche la courbe de la Seine.

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       Enfin la Croix vue de face c'est-à-dire en tournant le dos au paysage (cette photo peut aussi être agrandie !), avec derrière elle une route de forêt étalée en deux voies distinctes pour bien marquer l'aspect "éperon" de cette falaise ; malheureusement depuis plusieurs années elle est coupée à la circulation, et seuls les piétons ou les cyclistes peuvent l'emprunter, pour le grand bonheur de la nature qui respire, mais pour le désespoir des personnes âgées ou handicapées qui n'ont plus la possibilité de venir jusque là, comme vers de nombreux points de la forêt autrefois  desservis par des petites routes goudronnées qui sont toutes aujourd'hui fermées hermétiquement.

     

     

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         Voici que nous vivons la période la plus importante du christianisme : hier, Jésus est mort ; et aujourd'hui nous ne savons pas encore que demain, il renaîtra... Nous sommes donc en pleines "ténèbres", période que François Couperin a si bien illustré avec ses "Leçons de Ténèbres". En effet le Christ ne symbolise-t-il pas la Lumière, en même temps que la Vie ?

        Aussi cette période n'est-elle pas choisie au hasard : des fêtes païennes l'ont précédée, saluant le retour du Soleil après les Ténèbres de l'hiver, et du Renouveau après les grands froids. Osiris, Perséphone, Dionysos-Zagreus, Adonis ont incarné précédemment cette évocation à l'occasion de leurs mystères.

     

    Jonas-cathedrale-d-Amiens.jpgJonas recraché par la baleine (cathédrale d'Amiens)

       Jésus lui-même annonçait son "passage" à l'occasion d'une conversation relatée par Matthieu (12, 38-40) :

        Alors quelques-uns des scribes et des Pharisiens prirent la parole et lui dirent : « Maître, nous désirons que tu nous fasses voir un signe. » Il leur répondit : « Génération mauvaise et adultère ! Elle réclame un signe, et de signe, il ne lui sera donné que le signe du prophète Jonas. De même, en effet, que Jonas fut dans le ventre du monstre marin durant trois jours et trois nuits, de même le Fils de l'homme sera dans le sein de la terre durant trois jours et trois nuits. »

         On peut lire en effet cette tribulation du prophète Jonas (revécue plus tard par notre cher Pinocchio qui à travers cette épreuve passe du stade de pantin à celui de "vrai petit garçon", ce qui n'est pas anodin) dans l'Ancien Testament, au Livre des Prophètes.

     

          En ce qui nous concerne, en fait, nous vivons donc aujourd'hui ce que Osho Rajneesh illustrait ainsi dans son tarot zen :

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         ... "La Vacuité", carte très importante puisque située dans les atouts (violets et en chiffres romains). Voici le commentaire qu'il en donne :

        « Le passage à vide peut être déroutant et même effrayant. Il n'y a plus rien à quoi se raccrocher, le sens de l'orientation est perdu et pas la moindre indication n'est disponible quant aux options et possibilités à venir. C'est exactement l'état de potentialité pure qui a précédé la manifestation de l'univers. La seule chose à faire est de se détendre, de s'abandonner à cette vacuité, de se laisser happer par ce silence entre deux sons, d'observer l'intervalle entre l'expiration et l'inspiration, et de chérir chaque moment de cette expérience du vide. Quelque chose de sacré va naître. »


       En effet, Dimanche il se produit quelque chose d'incroyable ... ou du moins c'est ce que symbolise le message de la fête de Pâques. Dimanche, la mort est vaincue ! Quelqu'un qui était déclaré mort est de nouveau vivant ! (De même que Jonas, englouti par la baleine, en est ressorti vivant).

        Évidemment, comme dans le conte de Pinocchio, cet événement doit être compris au second degré. "Ressusciter", cela arrive certes même de nos jours, quand une personne est tirée d'un coma profond. Mais le message de Pâques va au-delà (et c'est peut-être pourquoi selon Matthieu Jésus aurait ajouté : "Et il y a ici plus que Jonas !"). Bien sûr, il évoque le renouveau, le fait que la vie renaît toujours de ses cendres ; mais si les religions à mystères ont inclus depuis des siècles cette expérience à leurs initiations, c'est que le symbole est plus puissant que cette seule remarque.

       Osho vient à notre secours avec une autre carte, la 12e (et ce n'est pas un hasard : 12 est un nombre parfait qui résulte de la multiplication du 3 divin avec le 4 matériel) de sa série d'atouts :

     

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       "La Vision Nouvelle", qui traduit la transformation radicale de notre vie. Écoutons-le :

        « La figure de cette lame est en train de renaître, émergeant de ses racines terrestres et acquérant des ailes qui la transporteront vers l'infini. Les formes géométriques qui entourent le corps du personnage montrent les nombreuses dimensions de la vie simultanément disponibles. Le carré représente l'aspect physique de la réalité, la manifestation, ce qui est connu ou connaissable. Le cercle symbolise le non-manifesté, l"esprit, l'espace pur, l'inconnaissable. Le triangle est l'image de la triple nature de l'univers : le manifesté (la réalité accessible aux sens et au mental), le non-manifesté (la réalité inaccessible aux sens et au mental) et l'être humain contenant les deux.

        (...) Quand nous parvenons à savoir par notre propre expérience existentielle que la nuit et les difficultés sont aussi nécessaires que le jour et la facilité, nous commençons à avoir une vision nouvelle du monde. En permettant à toutes les couleurs de la vie de pénétrer en nous, nous devenons des êtres intégrés. »
     

       Ce dimanche, Jésus manifeste pour nous une autre réalité : le fait que ce monde-ci, avec la division, la haine et la mort, est peut-être un rêve, une illusion, et que derrière ce voile mensonger la vie divine et l'amour divin ne peuvent cesser d'être. En ce sens, sa "résurrection" (que je conçois plutôt comme une "réapparition", ou son dévoilement sous une autre forme d'être), est pratiquement identique à ce que l'on appelle son "ascension". En effet il est passé à un stade "supérieur" d'existence et en nous apparaissant, nous en montre simplement la voie.

     

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       C'est un peu la carte "zéro" de la série d'atouts du Tarot Zen d'Osho Rajneesh (Le Fou, ou "le Mat").

        « D'instant en instant, à chaque pas, le Mat renonce au passé. Il n'emmène que sa pureté, son innocence, sa confiance symbolisées par la rose blanche qu'il tient à la main. Le motif de sa veste contient les couleurs des quatre éléments (...) et indique qu'il est en harmonie avec tout ce qui l'entoure. En ce moment précis, le Mat dispose de l'appui de l'univers qui l'aide à bondir dans l'inconnu. »

     

      Ayant dépassé les barrières du monde matériel, Jésus nous montre la voie. Et pour célébrer ce jour de victoire, je vous invite à partager avec moi cet extrait du psaume 47 de Florent Schmitt - encore une musique très exubérante et émotionnelle ! Mais si j'avais choisi Bach, je l'aurais saisi dans la même veine, un chœur triomphal.

     

    Florent Schmitt, Psaume 47, début de la 3e partie
    Orchestre philharmonique et choeurs de Radio-France
    sous la direction de Marek Janowski.

        Texte :

    « Dieu est monté au milieu des chants de joie ! »

     

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    Icône représentant le Christ tirant vers lui les hommes à qui le monde matériel sert de tombeau...

    (Image tirée du site d'Agnès Glichitch)

     

     

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  •     Pour faire suite à cet article, redescendons doucement de la Croix du Calvaire en suivant le plateau rocheux qui, sur un long parcours, découvre à ses flancs un chaos de rochers et surtout de superbes cavernes.

        Nous accompagnerons notre promenade de la première des "Évocations" d'Albert Roussel, oeuvre composée en 1910 et rapportée de son voyage en Inde : en effet, inspirée par la visite des grottes d'Ellora et notamment pas la vision d'une statue de Shiva, cette première partie s'intitule Les Dieux dans l'ombre des Cavernes... 

     

    Orchestre Philharmonique Tchèque sous la direction de Zdenek Kosler. Enregistrement Supraphon de 1978, remasterisé en 1998 (voir ici).

     

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         Une première approche... mais ce n'est que le début.

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       Ah ! là c'est déjà mieux ; et regardez cet arbre qui s'échappe du rocher par la gauche.

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         La même caverne vue plus vers la droite. On pourrait y passer la nuit !! D'ailleurs beaucoup l'ont fait, vous en verrez des traces plus loin ; car ici l'endroit manque d'intimité.

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       J'emprunte un chemin qui serpente entre les rochers aux formes étranges, et je croque au passage cette gargouille à la gueule béante.

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       Mais voici qu'un nouvel antre se profile au fond du goulet.

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       Et regardez si l'on n'est pas bien ici ! Mais juste assis, il faut le dire...

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         Et c'est reparti pour le défilé ! Dans lequel on rencontre cet arbre, sympathique promeneur immobile et silencieux.

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        Mais poursuivons notre chemin vers de nouvelles découvertes...

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        Ce rocher a l'air tout pensif, le regard tourné vers son voisin...

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       Ici, de deux choses l'une : soit l'on voit une énorme gueule béante, soit l'on imagine un petit piédestal où s'asseoir sous un léger auvent. C'est d'ailleurs ce que l'on fait systématiquement lorsque l'on est enfant...

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        Si on lève la tête vers la droite, on découvre ces narines et ces oreilles de monstres,

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         un arbre qui pousse dans une encoignure,

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       et dessous... eh bien, dessous, une caverne ! Mais bien gardée celle-là : comme vous le voyez, devant se tient le dragon, avec ses quelques proies derrière lui.

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        Mais repartons, et admirons au passage cet arbre qui lance devant nous sa branche comme un tentacule aux multiples doigts.

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       Une nouvelle caverne nous attend, plus enfouie celle-là mais assortie d'un pin accroché à sa lèvre comme une limace posée sur le sol.

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        Au passage, découvrons cette inscription gravée sur une roche lisse au siècle dernier :

    « CALVAIRE - MONT USSY

    HIVER 1879-1880

    PINS MARITIMES GELÉS »

      Ce sentier relie en effet la Croix du Calvaire au Mont Ussy ; mais il faut dire qu'aujourd'hui trop de routes goudronnées (et fréquentées) ont été tracées en travers pour permettre d'effectuer ce trajet. Nous sommes donc cependant dans la direction du Mont Ussy, et il faut imaginer combien l'hiver 1879-80 put être froid, pour que tous les pins maritimes aient pu geler complètement !!

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       Un nouvel antre par là...

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         Roches taillées à coup de serpe, en effet. C'est étonnant ce qu'il y en a par là.

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        Une autre caverne ! Elles sont de plus en plus petites, car le plateau rocheux s'amenuise peu à peu au fur et à mesure que la colline s'infléchit.

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       On dirait un gros requin dressé n'est-ce pas ? Ou même une baleine ? Et juste à côté, un tronc en forme de pont...

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       Et là, vous n'êtes pas surpris ? On dirait un écorché, une sorte de planche pour la médecine ; et sur la droite, un museau mécontent.

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       Eh ! oui, encore une caverne ! Incroyable, n'est-ce pas ?

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       D'étranges excavations à nouveau qui font rêver d'une lointaine époque où la mer creusait ces rochers.

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       Mais nous descendons : il est temps de rentrer. Cette colline s'achève brusquement, formant une sorte de canyon avec la colline voisine. Dans le creux, une roche en équilibre et un arbre effondré dans les bras du voisin.

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      Celui-ci n'a pas trouvé d'appui...

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        À l'arrivée, saluons de nouveau la haute maison aux grands cèdres.

       Ce fut une belle promenade, n'est-ce pas ?

     

     

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