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    Un après-midi à la campagne


    Au long de la rivière au flot vert et tranquille

    Nous marchons paresseusement ;
    Les lilas blancs et mauves déclinent peu à peu ;
    Le chien va gambadant,
    puis s'arrête à flairer un parfum entêtant.

    Et ploc ! Une grenouille a sauté dans les eaux.
    J'écarquille les yeux ; rien n'y fait, plus un bruit,
    La coquine est cachée ne laissant apparaître
    Qu'un cercle à la surface.



    Un après-midi à la campagne


    Les canetons rangés en formation parfaite
    Vont suivant leur maman ;
    Stylés, obéissants,
    ils foncent aux abris dès qu'elle crie l'alerte :
    "Cancancancancancan !!! Chien blanc à l'horizon !"
    Pfouit ! Disparus, plus rien...
    Et pourtant ce matin il lui en manquait trois...


    Un après-midi à la campagne

     
    Comme un îlot perché sur un champ labouré,
    La cabane s'effondre avec quelques carcasses...
    Sur ce beau tronc de bois, que j'aimerais m'asseoir !
    Mais il dort sous les saules entre les joncs dressés,
    Cible de deux enfants s'amusant à pêcher.


    Un après-midi à la campagne


    C'est un après-midi de mai à la campagne ;
    Et pourtant les corbeaux croassent sur les cimes
    De ces hauts peupliers : à croire qu'eux aussi
    Nourrissent leurs petits et aiment leurs compagnes...


    En accompagnement, cette charmante musique de Jean-Michel Damase,
    compositeur et pianiste français né en 1928.

     

     
     

    Sonate pour 2 pianos ; 1er mouvement : allegro,
    avec Jean-Michel Damase et Michèle-Elise Quérard aux pianos
    (enregistrement Erato ; éditions Salabert)
     

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    Fêtes
    (1ère partie : à Amaradougou)

    (petit rappel : nous sommes ici, en pleine brousse
    et ce voyage a été effectué en août 1975)


        Hé hé ! Avant les "fichus quarts d'heures", nous avons encore les "fêtes" à mentionner... Donc il faut bien le dire, avec quatre chapitres de "bons moments" et un seul de "fichus quarts d'heures", le résultat sera quand même très positif, n'est-ce pas ?

        À Amaradougou, village pauvre et musulman, peuplé de gens originaires du Mali qui avaient fui le Sahel, il n'y avait pas d'électricité, pas de transistors, encore moins de téléviseurs. Mais le samedi soir, il était de tradition qu'un musicien passe pour offrir à ceux qui le souhaitaient un petit concert. Par chance, nous fûmes invités, très cordialement, à y assister.
        Ce premier samedi, dès le matin, le musicien avait commencé à installer son instrument, et chacun put l'admirer, voire l'essayer... C'était un balafon ! Merveille de douceur aux sonorités mélodieuses et feutrées... Moi qui tombais de ma planète, je croyais que les "gamelangs" n'existaient qu'à Bali, et j'écarquillai les yeux devant ce petit bijou de percussion artisanale.


    Mon Voyage en Afrique noire - 8
    N'ayant pas moi-même pris de photos à Amaradougou, j'insère ici des photos issues
    d'autres sites ; sur cette image il s'agit plutôt d'une boutique de vente d'instruments,
    et les personnages photographiés avec sont plus européanisés que nos hôtes,
    qui portaient la robe malienne et le bonnet traditionnel sur la tête. 


        Le second samedi cependant, nous fûmes encore plus surpris. Appelés tard, alors que la nuit était tombée, aux cris de "concert ! concert !" (approximativement), nous découvrîmes un individu seul avec une  drôle de petite cithare à la main. Nous pensions presque qu'il l'avait inventée lui-même tant cette calebasse surmontée d'une tige de bois sur laquelle étaient tendues seulement trois cordes nous paraissait sommaire.
        Chacun l'écoutait religieusement tandis qu'il psalmodiait en s'accompagnant de notes répétées sur une gamme quasiment toujours identique. À nos questions, à l'aide de gestes et de monosyllabes, il nous dit que son instrument s'appelait "
    Koni" (c'est du moins ce que nous avons noté, pensant que cela signifiait "instrument") ; et qu'il racontait des scènes de guerre, ou de chasse. Stupéfaite, je découvrais le descendant d'Homère, l'aède qui de cité en cité va portant les hauts faits des héros ! Je n'en conçus que plus d'admiration pour ce peuple qui avait su garder pour nous la fraîcheur originelle d'une culture naissante, et qui possédait ses musiciens errants, comme Orphée.
        En fait, je découvre aujourd'hui, grâce à vous et à l'internet, que c'est un instrument connu du Mali, qui s'appelle précisément
    N'goni, et dont les interprètes, porteurs de la culture traditionnelle, sont appelés "griots".  En voici une représentation :

    Mon Voyage en Afrique noire - 8
    Mais vous trouverez plus de renseignements,
    dans une formule plus sophistiquée ici,
    ou d'autres représentations .


        Un jour, notre joie fut à son comble. On vint nous annoncer qu'une femme venait d'accoucher, et que pour fêter l'heureux évènement, il était de tradition que toutes les femmes du village viennent danser devant sa porte. Pouvions-nous y assister ? Bien sûr ! Le vieux Sékou Traoré était déjà assis sur un tronc aux premiers rangs de l'assistance, sa fillette près des genoux, et faisait signe à Robert de filmer sans se soucier de rien. Seules les femmes avaient le droit de danser, mais en même temps elles chantaient, elles psalmodiaient un air sans doute habituel pour la circonstance, au son du seul instrument possédé par le village, un tambour djembé, sur lequel tapait admirablement un garçon au visage radieux.
     

    Mon Voyage en Afrique noire - 8

    Bien sûr, cette photo rend très mal compte de ce que nous avons vécu,
    puisque d'abord c'était en plein jour, qu'ensuite il n'y avait qu'un
    percussionniste, avec un tambour plutôt coloré comme celui du premier plan,
    et qu'enfin personne n'avait de chaise ni de vêtements à l'européenne comme ici
    (le percussionniste était à genoux sur son tambour).     



        Les femmes entraient dans la danse plus ou moins à tour de rôle, au centre d'un cercle serré d'assistants généralement debout, qui tapaient dans leurs mains pour les accompagner, se balançant en avant avec les mains levées, et une joie évidente qui pour une fois nous les montraient sous un autre jour que épuisées par le travail.
        Enfin, le moment le plus réussi fut l'entrée en scène d'une femme devant laquelle toutes s'effacèrent (est-ce pour sa personne, ou pour ce qu'elle voulait exprimer ?) : elle s'était affublée d'un oreiller plaqué sur le ventre par-dessus lequel elle avait refermé sa robe et sa ceinture et, sautant lourdement sur les deux pieds avec les fesses en arrière, faisant des mimiques concentrées, elle me semblait mimer l'accouchement d'une femme... Elle fut abondamment applaudie et clôtura le spectacle...

    Mon Voyage en Afrique noire - 8
    Voici la seule photo que j'aie trouvée de danses de femmes en Afrique.
    Elle est petite, mais se rapproche cependant assez bien de ce que nous avons connu.
    Elles dansaient à plusieurs, mais s'effaçaient parfois pour admirer
    une plus douée que les autres.

     

        Je ne vis ni le bébé, ni la jeune accouchée, mais quel moment intense pour tous, et notamment pour moi qui commençais à me vanter alentours - malgré mon extraordinaire sveltesse due au régime ultra léger qui nous était appliqué - de l'heureux évènement dont je portais la promesse !...


     Anecdotes ajoutées au récit ici.
     
    Suite du voyage ici.
     
     

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        Voici quelques anecdotes de mon séjour à Amaradougou, que je n'ai su classer dans les différents chapitres rédigés jusqu'ici.

     

    Quelques souvenirs d'Afrique

     
        Un jour que nous nous promenions vers l'autre extrémité du village, loin du quartier que nous habitions, j'ai rencontré un enfant extrêmement maigre, si maigre que je ne sus déceler si c'était un garçon ou une fille ; si maigre que ses bras ressemblaient à de minces branches d'arbre - tandis que son corps disparaissait sous une petite robe noire (une fille, donc ?).
        Elle se cachait derrière sa case et me regardait tristement ; et moi, cherchant dans mon sac, je n'avais pas grand-chose à lui donner... juste un biscuit "Lu" ou deux... Quelle tristesse ! Au dispensaire de Soubré, on nous dit qu'il y avait beaucoup d'enfants rachitiques dans cette contrée, qu'il fallait soigner par des apports importants de céréales envoyés par l'aide humanitaire.

    *

    Quelques souvenirs d'Afrique
    (ici : bouillie de mil, maïs, sorgho)


        Une autre fois, nous nous trouvâmes dans le village alors que quelques paysans étaient déjà accroupis autour d'une bassine pour déjeuner. Ils y plongeaient la main et en sortaient une sorte de bouillie verte et gluante, qui excita notre curiosité. C'était tout ce dont ils se nourrissaient ! Avec obligeance, ils nous indiquèrent qu'ils appelaient cela "Tau"(1). Nous insistâmes pour y goûter, malgré leurs signes véhéments de dénégation. C'était infect... Horri
    blement écoeurant ; le genre de plat que, par dérision, on pourrait comparer au plat amérindien décrit par Goscinny dans "Oumpa-pah le Peau-Rouge" : "Ça : pemmican ! Graisse de bison séchée avec moelle d'ours, peau de serpent hachée..." Bref : il s'agissait probablement de débris végétaux accommodés avec une vieille graisse qui soulevait le coeur. C'est pourquoi, lorsque l'on nous donnait du riz, si peu que cela soit, nous pouvions nous dire que l'on nous nourrissait comme des princes...
        Nous en conçûmes une certaine honte. Et que dire alors des touristes que l'on régalait dans les restaurants spécialisés, de plats prétendument "traditionnels" !
        Les gens d'Amaradougou étaient vraiment très pauvres, et c'est pour cela qu'ils avaient fui le Mali, où la sécheresse leur interdisait toute culture.

    (1) Il est possible qu'il s'agisse du "bofroto", bouillie de mil consommée aussi bien au Mali qu'au Burkina Faso et au Niger (voir ici)
    *

        Plusieurs fois, des jeunes gens m'abordèrent timidement, admirant mes cheveux, et me demandèrent de leur en laisser une mèche, en souvenir. Mais toujours Robert me recommanda vivement : "Ne donne jamais tes cheveux ! Ni ta photo ! Ils peuvent l'utiliser pour faire de la magie et pour agir sur toi  distance !!"
        Cela me surprit : je ne voyais pas de malice dans leur requête ; mais les habitants de Niamagui, qui parlaient français, confirmèrent cette affirmation : il ne faut jamais donner ses cheveux, ni rien donner de soi ; par ici, il y avait le vaudou... et le vaudou, c'était très dangereux.

    Quelques souvenirs d'Afrique
    Culte Vaudou au Bénin : la sortie des masques


    *

        Dernier point. Au moment où nous quittâmes la région, nos nouveaux amis nous demandèrent de leur envoyer des cartes postales de Paris (ce que nous fîmes évidemment sitôt rentrés). Et c'est ainsi que nous apprîmes comment ces gens avaient accès à la poste : ils devaient se rendre à Soubré, où chacun avait sa "boîte postale"... Aucun facteur ne venait jamais jusqu'à Amaradougou, et il ne s'y trouvait nulle boîte aux lettres. Nous étions bien "en pleine brousse", sinon "à mille miles de toute région habitée" !...
       
     
    Suite de mon récit ici.
     
     
     

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    Fêtes
    (2ème partie : à Niamagui)
     
     

    Mon Voyage en Afrique noire - 9

       
     
        Un jour Robert, toujours à l'affût, apprit qu'une battue à l'éléphant allait être organisée à Niamagui, pour une raison de force majeure. A cause du défrichement de plus en plus important des forêts, les éléphants se rapprochaient dangereusement des villages et l'un d'entre eux venait chaque nuit dévaster les cultures aux alentours de Niamagui. Ce n'était plus tenable, il fallait intervenir d'urgence. Seulement, si l'on faisait appel aux autorités cela risquait de prendre un moment...! Alors, autant se débrouiller entre soi : les hommes allaient partir avant l'aube et abattre l'animal, purement et simplement. Bien sûr, c'était interdit, mais il ne fallait pas l'ébruiter. Tout le monde faisait comme ça, dans le pays.
        Robert pria et supplia pour accompagner la battue. Non !! C'était trop dangereux ! Il n'en était pas question ! Désolé, Robert dut y renoncer... Pour le consoler, les habitants de Niamagui lui expliquèrent qu'ensuite il faudrait manger l'éléphant, et qu'à cette occasion on organiserait un grand banquet où tout le monde serait invité, nous aussi bien sûr. Nous habitions toujours Amaradougou, mais comme je vous l'ai dit, Niamagui n'en était qu'à 2 km, c'est à dire à 20 mn de marche.

        Le jour venu, l'expédition eut lieu, et comme prévu l'éléphant fut abattu - dans la plus grande clandestinité évidemment. Tout se passa fort discrètement et les gens du village dépecèrent l'animal, puis préparèrent le festin. Vu la chaleur, il n'était pas envisageable de conserver quoi que ce soit, or sur un éléphant, il y avait de quoi manger !
        Ainsi lorsque nous arrivâmes à Niamagui ce soir-là, vers 19 heures, alors que la nuit commençait à tomber, l'atmosphère était à la fête. Très différents des gens d'Amaradougou et plus européanisés, nos amis avaient installé de grandes tables faites de portes posées sur des tréteaux le long des cases rectangulaires, et sur les toits de chaume ils avaient disposé des lampes, je ne sais plus par quel système (j'aurais tendance à dire "électriques", mais cela me paraît fort improbable). Nous avions des assiettes et des couverts un peu rudimentaires, posés sur des nappes blanches. Les femmes du village, moins hiérarchisées et moins pauvres que leurs homologues Malinké, nous avaient préparé de vrais plats cuisinés : du ragoût de plusieurs morceaux d'éléphant, avec pour accompagnement des ignames bouillies, qui rappelaient agréablement la pomme de terre. Les sauces pimentées relevaient l'ensemble, et faisaient de ce menu un repas africain tout à fait présentable pour une fois, surtout qu'il s'acheva il me semble par un dessert - mais je ne sais plus lequel, peut-être des bananes en beignets. Nous passâmes une soirée gaie et enthousiaste, dans une ambiance chaleureuse où tout le monde, pour une fois, se comprenait aisément... 
        Les enfants étaient également de la partie, et ce dont je me souviens le mieux, c'est de l'abondance des coléoptères dont nous fûmes subitement entourés, à cause des lampes qui éclairaient dans la nuit. Cela mit Robert et les enfants en effervescence, jusqu'au moment crucial où tout le monde hurla de rire,  car un énorme "Dynastès Centaurus" (espèce très répandue dans le secteur) venait de tomber dans son assiette ! Il s'efforça de le capturer, comme des quantités d'autres dont il fit bientôt sa collection privée, heureux de pouvoir rapporter ces trophées de son voyage en "forêt équatoriale".
      

    Mon Voyage en Afrique noire - 9

    Dynastès centaurus mâle

     
        - "Gobos ! Gobos ! " criaient les enfants, soutenus par les adultes qui s'amusaient aussi beaucoup.
         Les coléoptères
    volaient autour de nous dans un vrombissement d'ailes étourdissant et se heurtaient en aveugles aux parois des cases comme d'énormes hannetons. Ils étaient deux fois plus gros - de la taille d'un oeuf environ -, et aussi cuirassés que des scarabées, avec pour le mâle une corne de rhinocéros - corne très atténuée chez la femelle qui était également plus petite. Leur couleur générale était rouge très foncé, ou marron violacé.
         Nous passâmes une merveilleuse soirée, malgré quelques suites fâcheuses contre lesquelles nos amis nous avaient cependant mis en garde... Mais ce sera le sujet du prochain article.

    Mon Voyage en Afrique noire - 9

    Cet animal n'est pas exactement le même, mais je vous en joins la photo
      pour vous permettre d'en apprécier l'envergure en vol
     
     
     
    Suite de mon récit ici.
     
     
     

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        Après "le Spectre de la Rose", voici "Villanelle", poème de Théophile Gautier, musique d'Hector Berlioz, tirée du recueil "les Nuits d'Eté".


    Quand viendra la saison nouvelle,
    Quand auront disparu les froids,
    Tous les deux nous irons, ma belle,
    Pour cueillir le muguet aux bois.
    Sous nos pieds égrenant les perles,
    Que l'on voit au matin trembler,
    Nous irons écouter les merles
    Siffler.

    Le printemps est venu, ma belle,
    C'est le mois des amants béni ;
    Et l'oiseau, satinant son aile,
    Dit des vers au rebord du nid.
    Oh ! viens donc, sur ce banc de mousse
    Pour parler de nos beaux amours,
    Et dis-moi de ta voix si douce :
    "Toujours !"

    Loin, bien loin, égarant nos courses,
    Faisant fuir le lapin caché,
    Et le daim au miroir des sources
    Admirant son grand bois penché,
    Puis chez nous, tout heureux, tout aises,
    Au panier enlaçant nos doigts,
    Revenons, rapportant des fraises
    Des bois.

        Sans la musique de Berlioz, je n'aurais jamais découvert ce poème : tant il est vrai que la poésie est faite pour être chantée, sinon dite, comme l'a si bien proclamé Ferré, et comme l'ont illustré tant de chanteurs contemporains autres que lui (je n'ose citer de noms, tant je risquerais d'en oublier...).
         Ce qui me plaît le plus dans l'interprétation qu'en a donné Berlioz, c'est la pirouette qui est exprimée à chaque fin de strophe sur le rejet : "Siffler"... "Toujours"... "Des bois"...
     
     

       

     

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