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    Prions la bonne étoile...

     

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        Dans ma ville, les gens se décarcassent... Je suis surprise de ce que je vois. Ainsi le cafetier du coin a organisé sur sa terrasse une "crèche vivante" (ou presque, parce qu'on a évité de laisser des gens se geler et on les a remplacés par des mannequins) : des animaux sont amenés chaque matin dans un enclos de paille (un âne, deux brebis et leurs agneaux) ; ils y restent toute la journée jusqu'au soir, et ce jusqu'au 24 inclus ! Inutile de vous dire que cela attire du monde...  
     
     
    Noël, ça se prépare...

     

    Noël, ça se prépare...

     
     
          En centre ville j'ai assisté au défilé des "Pères Noël à Cheval" : encore une idée du centre équestre local !
     
     
    Noël, ça se prépare...
     
     

    Noël, ça se prépare...

    Je pense que chez vous aussi il se passe des choses ?...
     
     
     
     

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  •         Cependant, nous n'avons pas mangé de la journée, et nous sentons un peu inquiets : c'est bien ce soir, Noël ?...Comme si ce village avait un air de Noël ! Nous sommes arrivés là en plein paradis estival. Les palmiers s'élèvent, enivrés, vers un ciel d'azur soutenu et un soleil éclatant. L'absence totale de vent crée un microclimat délicieux. Nos bras restent nus et les lunettes de soleil s'avèrent indispensables.

        On paresse, on n'a pas envie de quitter le village... Nous préférons nous intéresser aux curiosités locales : une mosquée miniature toute en glaise rouge, et des toilettes publiques sidérantes édifiées en vue d'une récolte d'engrais. Nous en reverrons par la suite, de ces trônes élevés à un mètre cinquante de hauteur auxquels on accède par une petite échelle dressée entre des palissades de forme pyramidale, et sous lesquels régulièrement les autochtones viennent récupérer la fiente nécessaire à leurs cultures ! En ce qui nous concerne, le siège exposé aux regards ne nous inspire guère, et nous rions de l'emplacement choisi pour une telle construction, en plein carrefour, non loin de la ravissante mosquée dont la porte très basse est encadrée par deux vieillards en large robe qui devisent.
     

    Noël au Sahara : coucher de soleil sur les sables


        La palmeraie nous retient quelque temps, pour une sieste ombragée aux côtés d'un ânon intrigué. Mais hélas notre appétit est vite déçu par les dattes, dont ce n'est décidément pas la saison. Autant manger des racines... Le lavoir nous amuse, avec l'étonnant monument qui se dresse devant : nous n'en connaîtrons pas la signification, en forme de bouclier renversé, et tout d'argile rouge lui aussi.
        Il me prend l'envie d'aller me dégourdir les jambes à l'extérieur : après tout, quitterons-nous le désert sans y avoir marché à pied ? La tentation est trop forte. Je m'esquive, grisée par un sentiment d'aventure qui ne me pénètre vraiment que dans la solitude : c'est le moment où jamais !
        Je redescends du village par la voie sableuse et reprends la piste par laquelle nous sommes arrivés. Les falaises alentour sont superbes.
    Bientôt, mes regards sont de nouveau attirés par les pierres qui jonchent le sol. Leur bizarrerie m'est si irrésistible que je me prends à les ramasser, comme les gamins sur les plages. Je suis persuadée de rencontrer de grosses bûches qui baignaient ici autrefois dans les eaux d'un grand lac, vers l'ère secondaire... Je trouve même des coquillages ; ou qui sait, des restes de coraux ?
        Eh bien non, ce n'est pas vraiment la solitude ! Mahmoud se balade en tous sens avec sa voiture, jouant au cascadeur sur les pentes dangereuses. Le voici bientôt qui me rejoint pour me proposer un tour de promenade ! Je décline poliment : franchement, la matinée m'a suffi, et je marche trop peu à l'ordinaire pour ne pas profiter à plein de l'occasion qui m'est offerte. D'autres semblent moins difficiles, et s'amusent comme des fous dans la voiture transformée momentanément en nacelle de fête foraine. Grand bien leur fasse ! me dis-je, prenant mon parti des bruits intempestifs et de la compagnie peu décorative qui m'est imposée : j'aurais dû partir plus tôt afin de m'en aller plus loin, voilà tout...

    Noël au Sahara : coucher de soleil sur les sables


     
        Je presse le pas pour sortir du cirque de falaises figuré par le site de Tinjillet, suivant le chemin juste délimité par les traces de véhicules : au-delà, la vaste étendue me tend les bras, vers le large où les palmiers se font plus rares.
        Me perdrai-je dans cette étrange mer asséchée où les débris de végétaux fossilisés semblent surnager sur le sol même ?... Non, ce n'est pas possible : partout des repères se présentent, depuis la permanence des hauts monticules là-bas qui indiquent le sud-ouest, jusqu'au paysage rassurant derrière moi de la petite anse presque identique aux criques bretonnes de mon enfance.
        Après deux kilomètres de marche rêveuse où je m'imagine à mille milles de toute région habitée, j'atteins une sorte de palmeraie miniature enclose dans des palissades de joncs.
        Ne serait-il pas temps de rentrer ? Allons, l'étendue devant moi ne présente plus rien de bien séduisant, et le soleil qui descend est d'une permanence qui fatigue à la longue. Je reviens sur mes pas, sans grande hâte.
        Déjà l'air fraîchit, le soir tombe. En retrouvant le couvert de la maison qui nous est prêtée, je remets avec plaisir un lainage mais remarque avec désappointement que, de dîner, il n'est toujours pas question.
        Sur les hauteurs qui dominent le village, mes camarades se promènent toujours. Après tout, c'est joli aussi par là... Pourquoi n'ai-je pas songé à y monter ? A l'extrême droite, resplendit le ksar que nous avions ce matin découvert par le haut. Vivement, je m'efforce de gravir la colline mi-rocheuse mi-sableuse, aux reflets mauves, qui s'offre à moi. Soudain, m'élevant au-dessus des masses d'ombres, je rencontre l'éclat majestueux du soleil qui s'apprête à se coucher…


       
     
        Le moment est solennel. Il descend derrière les hauts pitons rocheux qui se découpent à l'horizon, noirs comme des squelettes de géants préhistoriques. Un instant la boule de feu semble se poser sur l'horizon. Puis sa disparition se fait avec une grande rapidité. Devenu écarlate sur le ciel aux larges pans orangés, je vois l'astre du jour s'engloutir en quelques minutes, dans une lente immersion qui évoque un navire perdu dont les étranges mâts surnageraient encore… Ou ne serait-ce pas plutôt la Terre qui, telle un navire affrontant la vague, aurait brusquement relevé sa poupe pour nous en dérober la vison ? J'en demeure tout éblouie.

       Ce sera mon premier cadeau de Noël.

    *

        Peu à peu la nuit tombe. La faim me tenaille de plus en plus. Je rejoins le groupe dans la maison. Un arabe agenouillé en robe brune et coiffé d'un grand chèche vert a disposé le nécessaire pour nous servir le thé en guise d'apéritif. Il n'en finit pas d'oxygéner le breuvage à grands renforts de transvasements successifs et de bulles éliminées dans un « verre à déchets »... Dîner n'est pas possible pour le moment : il faut aux villageois qui ne l'ont pas prévu le temps de réunir le nécessaire ; et puis il faudra encore attendre que soit passée la prière du soir.
        Après la collation, nous sortons donc de nouveau. Et c'est pour découvrir avec stupéfaction l'immensité du ciel qui revêt à présent une apparence extraordinaire…
        Il nous semble être sous une toile de tente. Sur l'infini d'un noir d'encre, un tapis de petites étincelles blanches moutonne autour de nous comme une pluie de paillettes d'or sous une cloche refermée. Comme nous sommes petits ! Comme notre horizon est petit ! Je songe à la coupole d'un planétarium. Mais non, cette voûte-ci paraît tellement plus vivante, plus souple, vaporeuse au souffle de l'atmosphère, et satinée, veloutée, avec sa couleur violine profond qui soulève l'âme en effrayant le cœur ! Je frémis, comme si l'immensité menaçait de m'engloutir. J'ai l'impression d'être sur un vaisseau spatial, en plein cœur du cosmos, tant l'Univers semble présent... Le mince caillou qui me porte me semble susceptible de m'abandonner à tout moment, et même la notion d'une atmosphère qui m'enveloppe et me nourrit m'apparaît ici d'une fragilité extrême... Celui qui a dressé cette tente, n'est-ce pas Dieu lui-même ? Et pour nous Il l'a dressée, aussi fragile que magnifique, avec ces millions d'étoiles qui miroitent comme des clous rivés sur nos têtes. Nous sommes ses hôtes pour ce soir. Que la gratitude nous étreigne…

        Ce sera mon second cadeau de Noël.

    *

        Enfin l'heure du repas semble sonnée. Nous nous précipitons : n'est-ce pas le réveillon ? Hélas ! Il n'y a presque rien à manger...
        Faisant contre mauvaise fortune bon cœur, nous partageons en plaisantant le maigre plat de semoule aux légumes qui nous est présenté. Marie et Joseph furent-ils mieux servis, à Bethléem ? En notre honneur cependant, le maître de maison a étendu des tapis sur le sol de la pièce principale, afin d'en améliorer le confort pour notre sommeil. Puis il ajoute :
        - Si vous le désirez, vous pouvez dormir dans ma cave.
        Qu'est-ce donc que cette « cave » ? Cédant à la curiosité, je découvre un vaste tunnel en U qui prolonge l'habitation vers le cœur de la falaise ; très fruste, avec un plafond plutôt bas, elle présente des recoins tapissés de sable où l'on peut s'allonger confortablement. Rejetant une pointe d'angoisse devant son atmosphère saturée d'humidité et de poussière je jette mon dévolu sur une petite loggia taillée en pleine roche dont la finalité évoque autant la réserve à nourriture que l'alcôve de la courtisane. Des couvertures sont d'ailleurs déjà disposées sur l'épaisse couche sableuse et, n'était cette âcre odeur qui en écarte plus d'un, on imaginerait aisément ce coin comme un petit paradis d'amour... Je m'y sens bien. Au moins, je sais que je n'y aurai pas froid.
        Lorsque je m'y suis allongée, bien enveloppée dans mon duvet, c'est réellement un nid très douillet... Et je m'abandonne aux songeries les plus merveilleuses. Oui, je suis dans la matrice même de la terre ! Oui, c'est de cette façon qu'est né le Christ : des entrailles d'une grotte au désert, ouvrant sur la féerie du ciel nocturne ! Et les ailes des anges, c'étaient ces étoiles ! Et l'âne et le bœuf, ces êtres aimants qui nous protègent !... Il me semble vivre une initiation.

        Ce sera mon troisième cadeau de Noël.


       À suivre ici
     
     

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        Mais le plus beau, c'est pour la nuit : voici qu'un rêve extraordinaire vient me visiter. Un rêve incroyable !
        A l'issue d'un long voyage, je me vois entrer dans un bâtiment futuriste où l'on m'annonce que je dois me confronter à une énorme puissance. J'ai peur, mais je ne puis m'y opposer. Je suis appelée à comparaître en espace clos devant ce que l'on nomme « le rayon bleu de Neptune ».
        Dans la vaste pièce où je pénètre, un écran gigantesque me fait face, formé d'un large cadre blanc rectangulaire à l'intérieur duquel, sur la toile de fond bleu ciel, s'inscrit tel un as de carreau un carré bleu foncé portant en son centre un superbe cœur vermillon représentant Neptune, la planète de la foi.


    Rêve

     
     
       Je demeure en extase devant la magnificence de cette vision, qui m'évoque une puissance surhumaine.
        Une invitation m'est formulée, à laquelle je suis libre de répondre si je le souhaite : je dois m'avancer vers le tableau dont émane un rayonnement spécial et y poser ma main droite, paume au centre du cœur éclatant, afin d'y recevoir l'énergie neptunienne qui sera alors infusée jusqu'à mon propre cœur.
        Une terreur me saisit. Il me semble tout à coup que, même s'il est vrai que cette consécration est mon plus cher désir, je tremble comme devant l'annonce de ma propre mort ! Obéir, c'est me laisser envahir par une force qui me dépasse, et peut-être perdre le contrôle de moi-même. Qui sait si mon corps y résistera ? Puis soudain je comprends : c'est une affaire de confiance… Qui me parle ? Est-ce que je crois en cela ? Est-ce que je préfère les repères de mon passé, les méandres bien connus d'une existence dont j'ai déjà exploré les limites, ou suis-je aujourd'hui prête à tenter une aventure dont, je le sens bien, mon être profond a le plus grand besoin ? Résolument, je me mets en marche en direction de l'écran tandis que la voix reprend, calme et virile :
            - Maintenant, prends bien garde au message qui va t'être adressé.
        Quelques pas encore, et j'ai posé ma main au cœur du panneau miroitant, qui diffuse en moi une légère vibration très nette au long de mon bras droit, et jusqu'en mon propre cœur. Effectivement, je ne meurs pas... Au contraire c'est très doux ! Et si je me sens défaillir, ce n'est pas d'un poison quelconque, mais plutôt de cette extrême douceur, qui semble me déchirer l'âme.
        Cependant un message est très clairement et très distinctement articulé au-dessus de ma tête, tandis que les mots défilent sous mes yeux à l'écran, écrits en lettres capitales :

    Il faut que tout ton orgueil soit transmué en amour
     
        Il me semble s'imprimer dans mon cœur tellement fort que j'en suis bouleversée ; et je me sens si effrayée par l'énergie reçue que je commence à m'éveiller peu à peu, en me débattant contre des images confuses. Devant mes yeux des ombres fuient, noires et fantomatiques, dans des rues grises et désertes, évoquant une solitude glacée.
     
    *

        Toute surprise, j'émerge de ma torpeur. Autour de moi, la nuit est profonde et je suis incapable de trouver une lampe pour regarder l'heure. Je me dis qu'il ne peut être de toutes façons que minuit. Et comme mon bras droit vibre encore du contact reçu ! C'est une certitude de la réalité de ce que j'ai vécu.

       L'âcre odeur de poussière de la cave me rappelle le décor qui m'environne, rendu invisible par les ténèbres épaisses. Quelle incroyable et merveilleuse aventure ! Quelle rencontre inouïe avec le mystère de Noël ! Ne serait-ce pas le Christ lui-même, que l'on dit représenté par un Poisson (donc en analogie avec la planète Neptune qui régit le signe des Poissons) qui ce soir naît en moi par cet humble miracle, où ma liberté a été respectée, où mon libre arbitre a été sollicité ?
        Je baigne dans des flots de joie. Oh ! Comme ce cadeau-là surpasse tous les autres ! Je comprends le danger qu'il y a à reproduire chaque année nos fêtes religieuses, destinées manifestement à toucher le but inverse de celui qu'elles affichent : à maintenir dans une oublieuse léthargie le cœur figé des humains ! Je me rendors peu à peu.
     
     
    Neptune

     

        Remarque astrologique : en ce 24 décembre 1984, Neptune, planète directrice de mon "but de vie" (j'ai le nœud nord en Poissons), passait à conjonction du Soleil, à 1° Capricorne ; c'était non loin de mon fond du Ciel et j'avais 33 ans.


    À  suivre  ici
     
     

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           La voix de Daniel résonne dans mon sommeil, et m'en tire brutalement:
        - Debout ! c'est l'heure !
        Quoi, déjà ? A six heures et demie du matin, alors que la nuit règne encore au-dehors ? Quel régime spartiate ! Surtout pour un matin de 25 décembre où, décidément je n'ai en tête que mes souvenirs d'enfance: cheminées garnies, repas enrubannés, grasses matinées...
        Le remue-ménage général témoigne du réveil de mes compagnons. J'inspire une forte odeur de poussière et ressens soudain une grande hâte d'aller respirer l'air pur. Rapidement, je m'extrais de mon duvet, rajuste mes vêtements, replie mon matériel et le refixe au sac à dos, qui craque à nouveau sous le volume des pierres qu'il renferme. Déjà chacun convoie le sien vers les voitures, au petit jour gris qui s'étend fraîchement sur le village.
        Lorsque j'atteins l'enclos où elles sont parquées, le ciel est si rouge par-dessus la montagne à ma gauche que je me sens appelée vers lui... Voir le soleil se lever a toujours été mon vœu le plus cher. Certes des couchers de soleil, j'en ai vu, même si celui de la veille me semble les surpasser de beaucoup ; mais des levers, comme ça sur l'horizon, jamais! Je m'écrie à l'intention de mes camarades :
        - Je suis sûre que le soleil est levé, là-bas, derrière la falaise!
        Cependant la voix de Daniel retentit de nouveau à mes oreilles :
        - Nous retournons à la maison où nous avons couché pour boire le thé.
        Il ne m'en faut pas plus pour prendre la poudre d'escampette. Si les autres prennent le thé, cela me laisse du temps pour réaliser mon désir : pour concrétiser, me semble-t-il, la promesse même de la nuit ! Pour moi, en ce matin de Noël, le soleil va se lever pour la première fois.
     


     
     
        J'escalade le plus vite possible les flancs de la falaise. Pleine d'ardeur, fixant avec ferveur la clarté rougeoyante qui couronne le sommet, je fredonne l’air rythmé qui clôt l’opéra-rock Tommy, si merveilleusement mis en scène par le cinéaste Ken Russell avec l’image grandiose d’un lever de soleil :


    Listening to you, I get the music,
    Gazing at you, I get the heat,
    Following you, I climb the mountain,
    I get excitement at your feet !

    Right behind you, I see the millions,
    On you, I see the glory,
    From you, I get opinions,
    From you, I get the story ! 

     
        Bientôt la bise glaciale de l'aube m'atteint de plein fouet, et je me gèle sous mon pull-over, regrettant l'anorak laissé dans les bagages. Plus j'avance et plus l'arête de la falaise semble se reculer, d'autant plus qu'il me faut maintenant traverser le vaste repli sableux que surplombe le ksar, pourtant délaissé sur ma gauche. Tel un château médiéval de son sommet rocheux, il domine le village, tout cramoisi avec ses ouvertures béantes... A cette heure, le sable et les cailloux sont gris. Le vent en soufflant y dessine des plis qu'il chasse en envolées vaporeuses. Je m'acharne désespérément, redescendant à chaque pas de la moitié de ce que j'ai monté. Cet exercice a du moins l'avantage de me réchauffer, et j'espère de tout mon cœur gagner de vitesse les camarades occupés à boire leur thé matinal. Je ne puis que faire confiance à ma rapidité, ma présence sur la montagne étant maintenant totalement dérobée à leurs yeux par la dépression dans laquelle je me suis engagée.
        Peu à peu le front rocheux de la falaise se rapproche. Il m'évoque irrésistiblement un bord de mer de nos régions, comme si derrière la dune, j'allais déboucher sur la plage, sur le large ! Il m'apparaît si nimbé d'une éclatante lumière rouge et dorée, que j'hésite presque à en précipiter l'accès, persuadée que le soleil est déjà derrière, et qu'en surgissant sur le sommet je vais le découvrir, simplement présent - manquant en ce cas l'occasion attendue de le voir surgir de la terre, comme la veille il s'y est engouffré, devant moi. Ce bleu, cet or, cette pourpre, sont si diaphanes, si transparents...! C'est une extase perpétuelle que cette vision.
        Juste un bloc rocheux à dépasser, et me faufilant sur des marches sableuses, m'y voici.
        Eh bien non ! Pas de soleil. Est-ce un bien, est-ce un mal ? Juste l'étendue désertique à perte de vue... Ce plateau désolé, ce « billard » mauve sur lequel nous avons roulé hier comme des fous, avec au premier plan la vague piste délimitée par ses petits tas de cailloux.
        Je m'assieds sur l'un d'eux, contemplant le cœur serré la fulgurante clarté étalée devant moi sur l'immensité de l'horizon est. Je ferme les yeux, je me laisse baigner le front par la vivifiante fraîcheur du vent des steppes.
        Le soleil acceptera-t-il de paraître pour moi ? Car je dois redescendre aussi, je dois redescendre ! La peur me saisit... Ah, si j'avais vu en cet instant se lever le soleil, mon voyage entier s'en serait trouvé justifié !
        J'ouvre des yeux suppliants, puis je les referme, me réfugiant dans la prière... N'est-ce pas le meilleur moyen d'apitoyer le divin ? Allons, c'est le matin de Noël : un beau Notre Père...
      
        De nouveau j'ouvre les yeux, pleine d'espoir. Mais non. Toujours rien. Toujours la clarté veuve étalée sur la terre, plus flamboyante que jamais. Et derrière moi, j'entends des voix, des clameurs... Mon Dieu ! Trop tard !
        D'un bond électrique, j'ai sauté sur la pente sableuse, et je dévale en bondissant l'espace qui peu auparavant m'avait vue tant peiner. Je suis sur la lune, il n'y a plus de pesanteur, mes pas sont des sauts de sept lieues. En moins de temps qu'il n'en faut pour le dire, je suis en vue de mes coéquipiers qui d'en bas m'adressent des signaux frénétiques. Je les atteins tout essoufflée, tandis que la Toyota déjà s'ébranle. Et David m'avertit :
        - Tu sais, heureusement que te voilà, car Farid n'avait pas du tout l'intention de t'attendre !

    Noël au Sahara : un matin de Noël très spécial



        Ainsi, ce n'est qu'une heure après notre départ que je pus enfin apercevoir le soleil : lorsqu'il fut déjà bien haut, et qu'il dépassa dans sa course la muraille des falaises sous lesquelles désormais nous roulions.

     
    À suivre ici 
     
     

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