•  

     Le Plomb du Cantal, 11 novembre 2005 (photo Martine Maillard)
     

    J’ai tant vu de visages…

    Autrefois ils avaient l’austérité des ombres,
    Ils passaient sans éclat sur un écran d’images
    Dans mon décor morose…

    Un jour ils ont pris vie ;
    Et j’ai vu s’allumer le fond d’un regard clair
    Dans un brillant sourire :
    Mon âme épouvantée s’en crut ensorcelée.

    Aujourd’hui je vous vois, visages différents,
    Animés d’un halo de lumière intérieure
    Plus ou moins rayonnant
    En fonction des effluves émanés de votre âme…

    Oh ! Que j’aime surtout ces lumières paisibles
    Des visages sereins,
    Dont on sent la chaleur doucement attentive
    Et l’éclat généreux !

    O combien je m’attriste
    De rencontrer encore tant de regards éteints
    De visages sans vie comme nuits sans étoiles !

    Mais ton visage à toi, bel ange vénitien,
    Répand un feu trop vif à mon regard tout neuf…
    On dirait qu’il pétille, et que mille flammèches
    En jaillissent sans cesse en flèches crépitantes.

    Reflète-t-il la vie ardente et enthousiaste,
    Une gaieté qui fuse irrésistiblement ?
    Ou est-ce qu’il attire et se veut fascinant,
    Ce feu tourbillonnant, ce brillant papillon ?

    Si j’approche trop près, je suis éclaboussée
    De brûlures subtiles…
    Avoir les yeux ouverts est vraiment s’exposer
    A d’étranges blessures !

    Et pourtant, dans le ciel,
    Le grand soleil mousseux ressurgi d’un cratère
    Dans l’éclat métallique d’un château de nuées,
    Me renvoie un reflet de splendeur argentée,

    Comme pour m’indiquer majestueusement
    De me vêtir d’acier clair et doux comme lui,
    Afin que ton pétillement doré
    Puisse atteindre sans meurtrissure
    La source vive de mon cœur !…

    1983
     

    Le Puy Griou, 11 novembre 2005 (Photo Martine Maillard)
     
     
     
     

    1 commentaire
  •  
         Je ne saurai en ces jours de fin novembre 2005 passer sous silence un musicien français du 20e siècle que j'affectionne particulièrement, et ce pour plusieurs raisons :
         
          - La première, c'est que j'ai eu l'honneur de connaître longuement sa fille Gaud, et donc d'avoir toutes sortes d'échos sur lui, presque comme si je l'avais rencontré...
           - La seconde, c'est que je connais parfaitement sa région, en Bretagne (voir "souvenirs de Bretagne"), ce qui renforce ce sentiment de connivence.
        - La troisième,  c'est qu'il s'est éteint le 22 novembre 1955, jour exact de la Sainte Cécile - qui était également le prénom de son épouse - , et que nous fêtons cette année le cinquantenaire d'une si étonnante disparition.


      Je prends donc un peu d'avance pour vous le présenter, et j'ai nommé 

    Joseph-Guy Ropartz

    l'auteur du drame lyrique Le Pays, sur un livret de Charles Le Goffic, mais aussi de cinq symphonies, de messes et d'un requiem, de mélodies et de magnifiques pièces de musique de chambre, comme le ravissant Prélude, Marine et Chansons (à écouter ci-dessous)...



    Guy Ropartz assis sur les rochers de Bréhec... Photo © D.R. - © Abeille Musique, 2001 -
    (avec l'aimable autorisation de l'éditeur...)


         Né à Guingamp le 15 juin 1864, puis ayant fait ses études musicales à Paris en particulier avec César Franck qu'il admirait particulièrement, malgré une longue carrière de directeur de Conservatoire à Nancy, Guy Ropartz (comme il se fit appeler par la suite) ne cessa jamais d'affectionner par-dessus tout sa région de Lanloup. Entre Saint-Quay-Portrieux et Paimpol, il y possédait un manoir où il termina sa vie, après le décès de sa femme, soutenu par sa fille aînée Gaud. Marcheur infatigable, il parcourait les sentiers douaniers des bords de mer qu'il a si bien chantés dans son drame, "Le Pays", tableau déchirant de la nostalgie ressentie par le pêcheur paimpolais exilé en Islande.



    Manoir de Lanloup, habitation de Guy Ropartz, photo Jean Maillard


        Demain, à travers la rubrique "citations", je reviendrai sur la vocation première du jeune "Joseph-Guy", qui était la poésie. En effet, en véritable "Gémeaux" qu'il était, à l'instar de Robert Schumann, il hésita d'abord entre la création littéraire et la création musicale - et comme vous le verrez, ses compositions poétiques sont magnifiques...


      
    Prélude, Marine et Chansons

    pour deux violons, violoncelle, flûte et harpe.
    charmant quintette très debussyste.
     
     
     
     

    1 commentaire
  •  
    (Suite de cet article). 
     
         Pour poursuivre ma petite chronique sur Ropartz, voici maintenant quelques exemples de sa poésie.
      Fils d'un avocat, Joseph-Guy avait par-dessus tout l'âme contemplative, et il ne put résister à la vocation artistique. D'ailleurs son frère Yves, déjà lancé dans l'édition poétique, ne l'y encourageait-il pas ?
         Dans le poème qui suit, vous retrouverez l'inspiration celtique, prioritaire chez notre musicien, ainsi qu'un premier coup de chapeau à celui qui restera toujours son très grand ami - malgré sa mort prématurée : Albéric Magnard.

    (Cliquez ici pour ouvrir un lien dans lequel figure la commande « Ropartz vous parle » : alors directeur du Conservatoire de Nancy, ce dernier y faisait l'éloge de son ami et condisciple, compositeur doué d'une vive personnalité et qui succomba en 1914 pour avoir refusé d'abandonner sa propriété à l'envahisseur allemand...  )
     

    CHEVAUCHÉE
    À Albéric Magnard

    A l’heure où le mystère épais des soirs commence,
    A travers les brouillards de la lande bretonne,
    J’ai vu passer, dans l’or fauve d’un ciel d’automne,
    Des guerriers d’autrefois la chevauchée immense.

    Qu’ils étaient grands et beaux, ces preux des temps antiques !
    En leurs yeux rayonnait l’orgueil des fortes races ;
    Casqués de peau, bardés de fer, sous les cuirasses
    Lourdes, il redressaient leurs torses athlétiques.

    Et le scintillement éclatant des épées
    Allumait l’horizon de lueurs triomphales ;
    Les vieux chênes courbaient leurs fronts sous les rafales,
    Saluant ces héros de vastes épopées.

    Les cerfs effarouchés fuyaient par les forières° ;
    L’air vibrait aux appels puissants des cors sonores.
    Et le vent qui gémit dans les hauts sycomores
    Mêlait sa voix énorme aux fanfares guerrières.

    Ils passèrent longtemps en escadrons sans nombre,
    Eblouissant mes yeux à leurs apothéoses ;
    Puis la réalité décevante des choses
    Assaillant leur splendeur les effondra dans l’ombre !
     
     
    Adagiettos, 1888
     
     
     
    ° – De l'ancien français : « lisière de forêt ».

    Cheval

     
    (À suivre ici )
     

    1 commentaire


  •  
     
    Le matin :
    - Il fait froid, partons en promenade...
     


     
       Et le soir :
    - Où étions-nous ??? Hé! hé !

     
         C'était l'anniversaire de Merlin ! La fête entre copains avait eu lieu hier ; aujourd'hui la famille était autorisée, ainsi que ce jeune homme frisé que vous voyez debout et qui se prénomme... Arthur !  
     
     
      

    1 commentaire
  •  
    (Suite de cet article).
     
     Le disciple

     
     
     
            Très vite, le jeune Guy Ropartz opta pour la musique, puisque c'est à l'âge de 21 ans (en 1885), à peine titulaire (déjà !) de sa licence de droit, qu'il s'inscrivit au Conservatoire National Supérieur de Paris, dans les classes de Jules Massenet et de Théodore Dubois.
        Mais l'année suivante, subjugué par la découverte de César Franck à travers l'un de ses brillants élèves, Vincent d'Indy, il décida de devenir son disciple.
          César Franck fut toujours pour lui un maître vénéré, mais étonnamment celui-ci lui rendit le compliment, puisque nous avons deux indices de cette considération du vieux maître envers son jeune élève :
       
       
    1) D'abord cette anecdote, sans doute exacte à 90%, suivant laquelle le si beau thème du second mouvement
    de la symphonie en ré de Franck (joué ici, après l'introduction orchestrale initialement au cor anglais), serait de Guy Ropartz...
     
     
     
     
        Dans le cadre de la classe, ce dernier aurait fourni un beau matin ce thème magnifique à titre d'exercice - un thème très franckiste, certes, entièrement inspiré par les indications du maître en matière de chromatisme... - et Franck, subjugué, aurait demandé à Ropartz l'autorisation de l'utiliser dans sa symphonie. Peut-être l'aura-t-il subtilement modifié, aménagé ? Toujours est-il que, ravi, l'élève s'est senti totalement en phase avec celui qu'il considérait comme son Père Spirituel.  

       
    2) Puis ce poème que Ropartz lui dédia, dont nous ferons notre seconde "citation", et que Franck utilisa tout simplement pour le mettre en musique dans une mélodie pour deux voix égales (de femmes en principe) qu'il composa en 1888.
     


    Soleil *
    À César Franck
     
     Incendiant les horizons
    Au ciel clair le soleil rougeoie :
    Il met aux toits bleus des maisons
    Comme une auréole de joie.

    Les fillettes au teint bruni,
    Dont les farandoles rieuses
    Se déroulent à l’infini
    Dans les grands prés bordés d’yeuses,

    Lancent dans l’air leurs rires frais,
    — Gazouillis d’oiseaux sur la branche,—
    Et le vieil écho des forêts
    Rajeunit à leur gaîté franche.

    Leurs costumes aux tons divers
    Rouge flambant ou jaune orange,
    Sur le sombre des arbres verts,
    Promènent un reflet étrange.

    Dans cet épanouissement,
    Un rayon d’espérance rose
    Sourit délicieusement
    Au cœur fermé du plus morose.

    Incendiant les horizons
    Au ciel clair le soleil rougeoie :
    Et met aux toits bleus des maisons
    Comme une auréole de joie.


    Publié dans Modes mineurs, en 1889


    * Voir dans la liste des oeuvres de Franck à l'année 1888 et sous le label FWV 89, en (5) l'avant-dernier titre des mélodies pour voix et piano : "Soleil : Incendiant les horizons, duo pour voix égales avec piano".
     
     
     (À suivre ici)
     
     

    votre commentaire